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| HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. | |
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Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Jeu 19 Juin - 17:52 | |
| 148 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Tous les officiers marocains du 7° bataillon jurent fidélité et assurent qu'ils espèrent garder les fantassins dans le devoir. Les coups de feu continuent dans le camp. Les instructeurs organisent défensivement le bureau (construction en briques) où se trouvent quelques armes et des munitions. M. Lucien Bruzeaud, correspondant du Matin, de passage à Arbaoua, est avec eux. Les assiégés réussissent à s'abriter en se barricadant dans le bureau du capitaine Vary. Les bailles sifflent autour d'eux. Quelques gradés restés fidèles viennent leur dire de ne pas sortir et qu'ils vont demander du secours. Un premier rekkas envoyé à Souk-el-Arba de Sidi-Aissa au commandant Michelangeli est arrêté. Un second subit le même sort. Pour plus de sûreté et n'étant pas certain de la fidélité de ses porteurs, le capitaine Vary envoie plusieurs rekkas par différentes directions, à El-Ksar et Lalla-Minouma. De plus, le feu ayant presque Cessé, il donne l'ordre au maréchal des logis Hamida, vers 9 h. 45, de monter à cheval et, en faisant un grand détour à la sortie du camp, de chercher à atteindre le plus vite possible le commandant Michelangeli, à Souk-el-Arba de Sidi-Aissa. 149 RÉCITS MILITAIRES Le maréchal des logis, dit le capitaine Vary dans son rapport, reçoit avec joie la mission périlleuse qui lui est confiée et part sans hésitation. Tous les instructeurs sous mes ordres ainsi que M. Lucien Bruzeaud font d'ailleurs preuve du plus grand sang-froid et attendent avec calme kes événements. Seul le kébir de rnehalla est complètement anéanti et pleure au début comme un enfant.
Une pièce de canon, amenée près du lieu de refuge est braquée sur le camp de l'escadron Le capitaine Vary fait enlever la culasse pour parer à l'éventualité d'une trahison possible dans le cours de la nuit. Vers 10 h. 30, 15 fantassins quittaient le camp avec armes et munitions pour aller se joindre aux 175 cavaliers révoltés et massés dans le ravin de l'oued au pied du camp. Ces cavaliers étaient partis peu de temps après le commencement de la rébellion emportant leurs armes, leurs munitions et leurs chevaux scellés. Vers 11 heures, les officiers marocains garantissent la fidélité de leurs hommes. Cinq nafars d'une compagnie qui voulaient déserter sont ramenés de force par leurs camarades. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Jeu 19 Juin - 18:05 | |
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Le lieutenant Le Boëtté va parlementer avec ses hommes, qui étaient avec lui depuis plus d'un an à Boudjenan et à Souk-al-Arba. Le lieutenant Coustillière et les autres instructeurs d'infanterie se montrent également à leurs unités. Le capitaine Vary fait une ronde dans le camp des fantassins en parcourant les tranchées. Tout paraît calme; les hommes semblent à peu près sûrs. Beaucoup d'entre eux protestent de leur dévouement. Le lieutenant Le Boëtté reste avec eux pour continuer à se rendre compte de leur état d'esprit. Le camp des cavaliers est cependant toujours interdit ; les chefs marocains supplient les instructeurs de ne pas y aller. Une patrouille envoyée dans l'oued apprend que les révoltés sont partis dans la direction d'Ouezzan. Au jour, le capitaine Vary réunit les fantassins en carré et les harangue superbement, (puis il fait battre et sonner les tambours et clairons. Tout est fini ! Grâce à l'attitude énergique de tous les instructeurs et particulièrement du capitaine Vary, aucune perte n'est à déplorer. Vers 6 h. 30 le maréchal des logis Hamida revient de Souk-el-Arba ayant réussi à accomplir, sa dangereuse mission. 151 RÉCITS MILITAIRES Le commandant Michelangeli arrive vers 7 heures, avec une compagnie et demie d'infanterie et une section de mitrailleuses précédé par M. Boisset, agent consulaire de France à El-Ksar, et le fils du caïd Taieb-Cherkaoui accompagnés de plusieurs cavaliers. Inquiet de ce qui pouvait se passer à Mechra-el-Hadar dans le détachement du lieutenant Thiriet, le capitaine Vary demande au commandant Michelangeli d'envoyer à cet officier un détachement de 30 coloniaux. M. Boisset, qui s'était déjà signalé par son courage, en 1911, en allant ravitailler la colonne Brémont, s'offre 'aussitôt pour les guider et les conduire. Grâce à sa connaissance parfaite de la région, il accomplit heureusement la mission périlleuse dont il s'était chargé. Tout resta calme à Mechra-el-Hadar. Opérations militaires aux environs de Fez.
Du 23 au 28 avril le lieutenant-colonel Mazillier, à la tête d'une colonne de trois bataillons, poussait une reconnaissance au nord et à l'est de Fez, dans le but de disperser les rassemblements signalés. Il avait un engagement peu important. Le 24, le capitaine d'Ivry, qui se trouvait à Sefrou, rendait compte qu'étant en butte aux attaques continuelles des tribus et craignant une défection complète de ses tabors, ainsi que le pillage de la ville, il demandait des renforts. | |
| | | Paul CASIMIR
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Jeu 19 Juin - 18:18 | |
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Le 26 on lui envoyait un bataillon sous les ordres du commandant Giralt, du 2° étranger, comprenant deux compagnies sénégalaises, une compagnie du 2° étranger et une compagnie du 4° tirailleurs, une section de montagne de 65 et deux pelotons de cavalerie. Le 27, le fort Prioux était occupé par deux compagnies sénégalaises. L'arrivée de ces renforts contribua à améliorer la situation. Du 5 au 7 mai, une deuxième colonne sous les ordres du lieutenant-colonel Girodon était lancée à Khermis-es-Sour, pour disperser les rassemblements assez forts qui venaient d'être signalés. Cette colonne se composait de trois bataillons. Elle eut, le 6 mai, un petit engagement et réussissait à mettre l'ennemi en fuite. Les attaques de Fez.
Jusqu'au 25 mai, la situation extérieure va sans cesse en s'aggravant. De partout arrivent des informations alarmistes signalant de gros rassemblements hostiles en marche sur Fez. 153 RÉCITS MILITAIRES Des groupements nombreux, des signaux, des feux d'appel, sont reconnus un peu partout. Les Zaianes menacent de descendre dans la plaine pour se joindre aux Zemmours qui sont en pleine révolte. Les Beni-Ouaraïn s'apprêtent à nous attaquer sur la Moulouya et sur Fez. Toutes les tribus des environs de la capitale sont en armes aux portes de la ville. Jamais la situation ne s'est montrée aussi menaçante sur une étendue aussi considérable. L'heure est grave. D'un côté 4.000 hommes de troupes françaises et indigènes, enfermés dans une ville dont la population de 100.000 âmes continuait à nous être sourdement hostile et n'attendait qu'une occasion pour reprendre les massacres, en présence d'un nombre d'assaillants — qui pouvait devenir bien supérieur encore — décidés à jouer leur va-tout I L'attaque eut lieu dans la nuit du 25 au 26, avec une violence inouïe. Avant d'exposer, au point de vue militaire, ce que fut cette attaque, nous tenons à reproduire les notes de reportage que nous écrivions quelques heures après l'action, à la date du 26 mai, sous l'impression même des événements de cette nuit tragique. Depuis une huitaine de jours on annonçait que les tribus des environs de Fez formaient des harkas, pour venir attaquer la ville. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Jeu 19 Juin - 18:27 | |
| 154 LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ
Plusieurs fois la menace devint si pressante que des dispositions étaient prises pour repousser un assaut qui cependant ne se produisait pas encore. Le Service des renseignements continuait à signaler les progrès de la harka qui, enhardie de jour en jour par notre inaction, était venue, avec son avant-garde, tirailler la veille dans les jardins environnant la ville. Le 25, pour mettre fin à cette situation, le général Moinier, d'après les ordres du général Lyautey (1), décidait de mettre en marche une colonne de trois bataillons, pour se porter au devant des rebelles. Elle n'en eut pas le temps ! Le 25 au soir, vers 10 heures, les premiers coups de feu commençaient à retentir dans la partie basse de la ville, du côté de Bab-Fetouh, à l'est. La fusillade ne tardait pas à augmenter d'intensité et d'étendue, laissant comprendre que l'attaque allait être poussée à fond. Bientôt en entendait des feux de salves crépiter dans la direction du bataillon du 4° tirailleurs du commandant Fellert campé depuis plusieurs jours en dehors de la ville, à 4 kilomètres environ à l'est, sur le monticule de Dar-ben-Amar. _____ (1) Le général Lyautey était arrivé à Fez la veille, 24 mai.
155 RÉCITS MILITAIRES En même temps les assaillants se portaient en très grand nombre, au nord, du côté de la porte de Bab-Ghissa. A 11 heures, la fusillade faisait rage dans trois directions à la fois, et la lourde voix des canons ne tardait pas à dominer le fracas des lebels auxquels répondaient les fusils Gras des anciens déserteurs et les " pétoirs " des fantassins marocains. L'artillerie des deux bordj Sud et Nord dominant la ville à l'extérieur venait d'entrer en action, tandis qu'au loin les 75 du commandant Fellert tonnaient plus sourdement. A minuit nous montons sur une petite terrasse, occupée par le commandant Philipot et une section de tirailleurs. Cette terrasse de la maison dite " Dar-el-Hamoumi " est connue dans tout Fez sous le nom de « la dernière terrasse où l'on tire » parce que ce fut d'elle que partirent les derniers coups de feu dirigés sur la ville pendant les journées d'avril. Le spectacle est impressionnant et le charme le dispute au tragique. Par une nuit superbe et calme, toute la ville basse s'étage à nos pieds avec ses innombrables minarets et ses terrasses superposées, immobile et comme endormie, tandis que la lune, à son premier quartier, verse, lentement, sa plus caressante lumière. Il n'est pas de décor de théâtre plus séduisant, plus enchanteur.... | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Jeu 19 Juin - 18:37 | |
| 156 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Tout autour de cette immense tache bleutée, silencieuse et pure, un cercle profond et sombre, continuellement troué par les sinistres lueurs des coups de feu, forme, au milieu du fracas de la mitraille, des hurlements sauvages des assaillants et des éclairs fulgurants des obus, un contraste prenant et grandiose. Les assaillants, qui se pressent sur un front de 6 ou 7 kilomètres, obligent les défenseurs à disperser leurs efforts. Par suite de l'escarpement du terrain, les abords de la partie basse de la ville, comprise entre Bab-Fetouh et Bab-Sidi-bou-Jida, est particulièrement difficile à défendre. Les rebelles profitent de cet avantage pour s'approcher des remparts, qu'ils attaquent avec des pelles et des pioches. Ils entament la muraille dans laquelle ils ne tardent pas à pratiquer des trous, puis une assez large brèche par laquelle ils s'engouffrent en grand nombre dans la ville. Une lutte violente, poussée à l'arme blanche, s'engage entre eux et les postes qui ne tardent pas à être débordés. Les assaillants se répandent dans le bas de la ville, tandis que d'autres, retranchés dans le marabout de Tamdert où ils sont bien abrités, ouvrent un feu violent sur nos troupes. 157 RÉCITS MILITAIRES A 4 h. 45 on envoie, de Dar-Debibagh, par l'extérieur de la ville, un bataillon de légionnaires du 2° étranger, avec ordre de les déloger. Mais l'ennemi est trop bien abrité. L'infanterie ne suffît pas, il faut de l'artillerie. A 5 heures et demie arrive un second bataillon mixte, composé de deux compagnies de troupes coloniales et de deux compagnies de tirailleurs sénégalais, appuyé par une batterie de 65 qui ouvre aussitôt un feu percutant sur le réduit. Le 65 ne suffit encore pas, et il faut faire venir une section de 75 pour éventrer le marabout et faire fuir enfin ses défenseurs. Le marabout est occupé par nos troupes à 6 heures.... Il est bon maintenant de se rendre compte, en détail, de la défense héroïque de nos troupes. La ville était bien entourée de murailles mais loin d'être, comme on pourrait le croire, un avantage, ces remparts présentaient au contraire un gros inconvénient pour la défense. Ces murailles délabrées, remplies de trous propices à l'escalade, s'étendant sur un périmètre de onze kilomètres et demi, étaient à peine un obstacle. Cette enceinte était encore d'autant plus précaire qu'elle était ouverte de nombreuses brèches et qu'elle était bordée, sur une grande partie de son périmètre, par des jardins touffus, limitant le champ de tir et permettant aux assaillants de se glisser, sans être vus, jusqu'aux défenseurs.
Dernière édition par Paul Casimir le Jeu 19 Juin - 18:40, édité 1 fois | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Jeu 19 Juin - 18:39 | |
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De plus, toute la nuit, il était impossible à l'artillerie occupant les hauteurs dominantes d'intervenir. Cette situation faisait dire au général Lyautey : " La ville de Fez est une véritable et immense souricière ". La difficulté de la défense s'aggravait, car il n'y avait plus à faire face seulement à l'ennemi du dehors, le péril intérieur étant également imminent, A certain moment, le commandement put même se demander, au cas où les barrages eussent cédé, si l'on n'allait pas avoir à se défendre chacun dans son îlot, isolés les uns des autres et par conséquent exposés à des anéantissements partiels. Il fallait en outre surveiller les prisons renfermant plus de 500 anciens soldats révoltés et la casbah des Chérarda, où se trouvaient 1.400 autres Chérifiens, désarmés il est vrai, mais qui subissaient encore la dangereuse influence du milieu et de l'excitation que quelques meneurs pouvaient faire renaître. Ils eussent pu fournir un appoint sérieux à l'assaillant, dans le cas où celui-ci se serait rendu maître d'une partie de la place. 159 RÉCITS MILITAIRES L'arsenal du Maghzen — situé près du Méchouar — contenant des approvisionnements considérables en fusils et en cartouches devait être gardé, ainsi que le palais, avec ses jardins immenses et le Sultan lui-même, dont la nervosité extrême pouvait faire craindre une abdication immédiate qui eût créé les plus graves embarras. Il y avait, de plus, à assurer la sauvegarde absolue de l'hôpital, du Consulat, de la Résidence générale, de l'Ambassade, de la T. S, F, etc.... Tous ces établissements étaient éloignés les uns des autres, séparés par des rues tortueuses et étroites, et nécessitaient chacun une garde spéciale. Il y avait, enfin, à assurer la garde de Dar-Debibagh où se trouvaient une ambulance, tous nos approvisionnements en vivres et munitions, notre matériel, les animaux des convois et un poste de T. S. F. militaire. Il restait juste deux bataillons pour défendre la ville et assurer tous les services intérieurs de garde ! Telle était la situation de Fez au 25 avril, c'est-à-dire au lendemain même de l'arrivée du général Lyautey. Et l'on s'est peut-être étonné en France, qu'il ait dit, devant une telle situation : " Je campe en plein pays ennemi ". | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 20 Juin - 8:47 | |
| 160 LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ Il serait vraiment curieux de savoir maintenant ce que M. Regnault peut penser — si toutefois il pense —du télégramme qu'il adressait au général Lyautey au moment de sa nomination à la Résidence générale, c'est-à-dire un mois auparavant, pour lui dire : " Vous arrivez maintenant dans un pays désormais pacifié où le calme est rétabli "!... Le général Moinier prenait donc le commandement de toutes les troupes et organisait la défense dans des conditions que le général Lyautey, connaisseur en la matière, appréciait dans les termes que nous citons plus loin. Dans la soirée du 26 les troupes présentes à Fez étaient ainsi réparties : A Fez : Deux bataillons du 4° tirailleurs algériens (commandants Philipot et Laborderie) gardant la ville avec des postes à chaque porte et disposant, chacun, d'une réserve de secteur ; Le bordj Nord et le bordj Sud, tenus chacun par deux sections d'infanterie et une section d'artillerie de montagne de 75 (canons chérifiens) ; 161 RECITS MILITAIRES
Les hauteurs de Dar-ben-Amar, à 4 kilomètres de la ville, occupées par un bataillon du 4° tirailleurs (commandant Fellert) renforcé par la 5° compagnie du 1er tirailleurs (capitaine Malandrin), une section d'artillerie montée et un peloton de spahis ; A Dar-Debïbagh se trouvaient : 1° La colonne mobile du lieutenant-colonel Mazillier, prête à partir au matin en vue d'une reconnaissance sur la rive droite du Sebou qui devait, en passant, prendre près de Dar-ben-Amar le détachement Fellert. Cette colonne comprenait : Le bataillon mixte Giralt, formé de deux compagnies du 2° étranger et de deux compagnies du 7° bataillon du 4° tirailleurs ; Le bataillon mixte Duhalde, formé de deux compagnies coloniales du 4° bataillon, deux cornpagnies du 3° bataillon sénégalais, une section de mitrailleuses du 1er zouaves ; Un demi-escadron du 1er spahis (commandant Durand) ; Deux sections d'artillerie de montagne de 65 ; Une section d'artillerie de 75 chérifiens, sous les ordres du commandant Le Rond ; Ambulance mobile (Duchêne et Marullaz) ; | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 20 Juin - 8:56 | |
| 162 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
2° La garde du camp de Dar-Debibagh, sous les ordres du colonel Taupin, comprenait : Deux compagnies du 2° étranger ; Une compagnie du 1er tirailleurs ; Une compagnie sénégalaise ; Un escadron de spahis; Deux sections d'artillerie de 75. Le général Brulard, 'commandant d'armes, coopérait à la défense en faisant prendre, en ville, les mesures prévues avec le pacha, pour la fermeture des portes et la surveillance des quartiers. Ce n'était plus, heureusement, le fils El-Mokri qui était pacha, mais le vaillant Bouchta-Baghdadi. Des postes de Mokhraznis et de partisans étaient placés en certains points de la muraille signalés comme pouvant être facilement abordés, et que les troupes régulières ne pouvaient tenir, sans risquer un dangereux éparpillement. L'attaque se généralise progressivement sur tout le front est et nord, et sur les hauteurs de Dar-ben-Amar occupées par le détachement Fellert. Vers 10 heures le feu commence à s'étendre dans la direction générale de l'est. Vers minuit la fusillade devient encore plus violente et se fait entendre sur tout le pourtour de la ville de Bab-Ghissa à Bab-Sidi-bou-Jida et de Tamdert à Bab-Fetouh, dont le poste est aussitôt renforcé. 163 RÉCITS MILITAIRES Le lieutenant Chardonnet du 4° tirailleurs rend compte que des groupes ennemis occupent les hauteurs du cimetière des Mérénides et que, sur sa droite, les assaillants essayent de franchir la muraille de la ville en perçant des brèches. A minuit et demi on entend des cris de guerre, des coups de feu et des coups de canon dans la direction de Dar-ben-Amar où le commandant Fellert est très violemment attaqué. Un instant plus tard, des renseignements confirment que l'ennemi a réussi à pénétrer à l'intérieur des murs d'enceinte et occupe l'ancienne caserne de Tamdert d'où avaient été chassés les partisans fidèles. La compagnie Peret, à Bab-Sidi-bou-Jida, fait savoir qu'elle a complètement épuisé ses munitions. On la ravitaille par une fraction prise sur la réserve. Mais, en raison de l'envoi des renforts successifs aux diverses portes, la réserve du secteur était épuisée et il fallait faire appel à la seconde réserve. La fusillade eut son maximum d'intensité vers 2 heures du matin, au coucher de la lune, se ralentissant progressivement jusqu'au jour, les assaillants cherchant à profiter de l'obscurité pour progresser dans les ténèbres. | |
| | | Paul CASIMIR
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 20 Juin - 9:09 | |
| 164 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Les postes de Bab-Fetouh et de Bab-Sidi-bou-Jida soutiennent plusieurs assauts d'une extrême violence, tant de l'extérieur que de l'intérieur de la ville. Tous ces assauts sont vigoureusement repoussés. Dès minuit et demi le général Moinier donne l'ordre à la colonne Mazillier, campée à Dar-Debibagh, de venir renforcer les éléments de la ville. Tandis que l'assaut de la ville se poursuivait avec un acharnement inouï, le commandant Fellert avait à subir une attaque des plus violentes qui faillit enlever son camp. De 10 heures à minuit, il avait entendu la fusillade et, croyant à une démonstration sur Fez, dans le genre de celle de la nuit précédente, il laissait, sauf les postes de garde, ses troupes endormies. Soudain, vers minuit et quart, des clameurs assourdissantes s'élevaient dans la plaine et des hordes nombreuses de Marocains montaient à l'assaut de sa position, escaladant des fossés à pic, pour venir tomber sur les tranchées mêmes que les tirailleurs avaient eu à peine le temps de garnir. Les cris qui retentissaient dans la vallée donnaient l'impression qu'elle était occupée par une multitude d'assaillants. Malgré un feu des plus violents, les Marocains revenaient sans cesse à la charge avec une vigueur et une audace vraiment extraordinaires. 165 RECITS MILITAIRES Deux sections de la 2° compagnie du 4° tirailleurs et la 4° section de la 5° compagnie du 1er tirailleurs durent, à plusieurs reprises, charger à la baïonnette pour dégager la position, dans des corps à corps meurtriers. Vers 3 heures du matin, l'attaque se faisait plus violente encore, et la position était menacée sur tous ses fronts. A 5 h. 30, une pièce de 75 ouvre le feu, de Dar-Debibagh, sur les crêtes environnantes pour balayer les assaillants qui les garnissent. L'escadron du 1er spahis, du capitaine Devanlay, venant de Bab-Fetouh, se porte sur la crête nord des hauteurs dominant Dar-ben-Amar, soutenu par la 23° compagnie du 4° tirailleurs. C'est seulement vers 9 heures, sous la protection de l'artillerie de Dar-Debibagh, que le capitaine Devanlay pouvait lui-même atteindre la hauteur et s'y maintenir jusqu'à 11 heures. Le commandant Fellert avait lutté, sans céder un pouce de terrain, pendant dix heures consécutives, empêchant, par une résistance héroïque, l'ennemi de 'progresser sur le front sud de la ville pour venir grossir le nombre des assaillants. Mais l'attaque de Fez se poursuivait. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 20 Juin - 9:16 | |
| 166 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Le général Moinier donnait l'ordre au bataillon mixte Giralt de dégager le front de Bab-Fetouh, Tamdert, Bab-Sidi-bou-Jida et Dar-beni-Amar. A 2 h. 15 ce bataillon quittait Dar-Debibagh. A 4h. 50 il rendait compte que, fusillé devant Tamdert par un ennemi abrité à l'intérieur du marabout, il ne pouvait progresser. A gauche il était menacé par Tamdert ; devant, de nombreux groupes le tenaient en respect et sur la droite il était séparé du bataillon Fellert qu'il ne pouvait rejoindre, par un terrain coupé et boisé où s'infiltraient de nombreux Marocains qui le tournaient pour lui tirer dans le dos. Le commandant Giralt, complètement arrêté, demandait du canon pour faire évacuer Tamdert et pouvoir progresser. Le bataillon Duhalde, comprenant deux sections de montagne auxquelles on ajoutait une section de 75, quittait à son tour Dar-Debibagh à 4 heures du matin. Ce détachement laissait en passant à Dar-Méharès une demi-compagnie et la section de 75, pour arriver à Bab-Fetouh, par l'extérieur de la ville à 5 h. 45. Toute la 'cavalerie est lancée sur la droite vers Beni-Amar, afin de rétablir les communications avec le commandant Fellert, éclairer et couvrir le flanc droit de la colonne. 167 RÉCITS MILITAIRES Deux compagnies du bataillon Duhalde viennent prolonger la droite du bataillon Giralt, toujours immobilisé. Les deux sections de 65 se mettent en batterie sur une crête située à l'est du bordj Sud et ouvrent le feu, à 6 h. 15, sur les dissidents de Tamdert, qui dessinent un mouvement de recul immédiat, mais reviennent à l'attaque, avec un acharnement extraordinaire, malgré le feu de l'artillerie, chaque fois que la fusillade reprend à l'intérieur de la ville. Afin de chasser définitivement les Marocains retranchés dans Tamdert, la 9° compagnie sénégalaise franchit la porte de Bab-Fetouh, appuyée par l'artillerie du bordj Sud. Cette compagnie est aussitôt accueillie par un feu nourri sur son front et sur son flanc droit. Elle est arrêtée et ne peut à nouveau progresser que grâce à une pièce de 65 qui parvient, après mille difficultés, à se glisser le long du mur, à l'intérieur de l'enceinte, et à s'établir derrière un ressaut de terrain, ouvrant le feu et faisant taire celui des assaillants. Brillamment enlevée par le lieutenant Juge, la 9° compagnie sénégalaise reprend sa marche, niais elle est bientôt obligée de se replier près du mur d'enceinte après avoir eu son lieutenant tué ainsi que plusieurs tirailleurs, et une quinzaine de blessés. | |
| | | Paul CASIMIR
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 20 Juin - 19:00 | |
| 168 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Les Marocains résistent toujours dans Tamdert et l'artillerie de 65 est elle-même impuissante à les déloger l On fait alors appel à une section de 75 de Dar-Méharès qui vient prendre position près du bordj Sud, d'où elle ouvre un feu d'une violence extrême sur Tamdert, puis sur le groupe des maisons voisines d'où la compagnie sénégalaise a été fusillée. Enlin Tamdert se dégarnit peu à peu, ainsi que les terrasses des maisons environnantes et le vieux marabout finit par être évacué. Les dissidents, s'infiltrant à travers les jardins extérieurs, longent l'oued Fez fuyant rapidement sous la poursuite meurtrière de nos obus. A ce moment, toute l'artillerie, deux sections do mitrailleuses et l'infanterie, exécutant des feux de salve, tirent sur les Marocains qui sont maintenant en pleine déroute. Il est 10 heures du matin. Pendant ce temps une lutte héroïque, plus violente et plus meurtrière encore, se passait à Bab-Ghissa. Dans la nuit le poste, composé de deux sections du 4° tirailleurs, sous les ordres du lieutenant Chardonnet, signalait sa situation comme très critique. 169 RÉCITS MILITAIRES Attaqués à l'extérieur, des hauteurs des Mérinides, assaillis à l'intérieur par les Marocains qui avaient réussi à ouvrir des brèches dans le mur d'enceinte et dominés par une mosquée dont le minaret se trouvait juste en face du poste, nos vaillants tirailleurs étaient décimés par la fusillade. Vainement, nos soldats se précipitent à plusieurs reprises sur la porte de la mosquée d'où les Marocains dirigeaient sur eux un feu meurtrier, pour l'enfoncer et essayer de pénétrer à l'intérieur. Mais leurs efforts sont vains et à chaque tentative, les tués et les blessés s'entassent devant la porte. Les assaillants apportent bientôt du bois et de la paille et y mettent le feu pour brûler la porte au-dessus de laquelle se trouve le poste de tirailleurs. Nos soldats blottis contre les rares abris qu'offrent les parois verticales des murs et les rentrants de la porte, luttent avec une énergie farouche, tirant sur les insurgés postés sur le minaret de la mosquée. Dès qu'il eut connaissance de cette situation lr général Moinier prescrivait à un détachement placé sous les ordres du commandant Bernier, comprenant une compagnie du 1er tirailleurs, une compagnie de la Légion, une section de 65 et un peloton de spahis, de quitter aussitôt Dar-Debibagh, de contourner l'Aguedal et la casbah des Cherarda, de façon à venir occuper les hauteurs des tombeaux des Mérénides, pour chasser les assaillants extérieurs de Bâb-Ghissa. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 21 Juin - 17:20 | |
| 170 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
D'autre part il envoyait comme secours, à l'intérieur de la ville, deux sections du 4° tirailleurs sous les ordres du lieutenant Schwartz. Tandis que le commandant Bernier peut exécuter son mouvement, à l'extérieur, sous la protection des canons du bordj Nord, les sections du lieutenant Schwartz sont accrochées en route, dans les rues de la ville, et ne peuvent poursuivre leur chemin. Un nouveau détachement du 4° tirailleurs immédiatement prélevé sur le secteur de Fez-Djedid est dirigé vers Bab-Ghissa. Enfin tous les hommes disponibles de la réserve et quelques autres unités, fournies par le Service des renseignements, sont envoyés sur le même point. L'action convergente des deux détachements extérieurs et intérieurs permettait enfin de dégager les héroïques défenseurs de Bab-Ghissa, qui avaient, sur deux sections seulement, 17 tués et 25 blessés, dont le lieutenant Chardonnet, mortellement atteint. Les survivants se ruent alors sur la porte de la mosquée qu'ils parviennent à enfoncer et font à l'intérieur une terrible hécatombe de tous les Marocains qui s'y trouvaient encore, les armes à la main. 171 RÉCITS MILITAIRES Un autre poste situé un peu plus bas, entre Sidi-bou-Jida et Bab-Fetouh, fut également cerné et complètement isolé. On dut lui envoyer des renforts pour le dégager. Pendant tout ce temps, l'accès de la ville était libre sur plusieurs points, un grand nombre de rebelles purent entrer dans Fez et se rendre maîtres de certains quartiers de la ville basse qu'ils commencèrent à piller. L'ennemi avait poussé, au cœur même de la ville, jusque dans la mosquée centrale de Moulay Idriss enlevant comme trophées les vêtements sacrés qui recouvraient le tombeau vénéré de Moulay Idriss, patron de Fez. Ils emportèrent ces vêtements qu'ils montrèrent comme preuve de leurs exploits aux gens des tribus non encore ralliés à eux, afin de bien prouver que l'on pouvait entrer dans Fez malgré les Français. Ils jurèrent de se servir de ces reliques comme étendard, pour marcher à nouveau sur Fez et en chasser tous les Français. Vers 10 heures du matin, la colonne Mazillier se porte en avant pour poursuivre l'ennemi dans sa retraite. Entre temps, un détachement de sapeurs mineurs, munis d'explosifs, fait sauter le marabout de Tamdert. | |
| | | Paul CASIMIR
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 21 Juin - 17:33 | |
| 172 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Le colonel Mazillier s'avance dans la direction de Mechra-Dar-Dara, poursuivant des contingents marocains jusqu'au Sebou, qui coule à cinq kilomètres environ au Sud de Fez. A 2 h. 30 l'artillerie de 65 ouvre le feu sur des groupes ennemis franchissant le fleuve, leur causant de grosses pertes. Une batterie de 75, postée sur les hauteurs sud qui dominent la ville, poursuit également de ses obus pendant plusieurs kilomètres les fuyards que nos troupes, maintenant entièrement maîtresses de la ville, chassent en dehors des remparts. Mais la marche de la colonne Mazillier est arrêtée, la poursuite devenant inutile. Les pertes de la colonne Mazillier sont de 14 tués, dont 1 officier, le lieutenant Juge, et 43 blessés, dont 4 officiers, les capitaines du Guiny, du 2° étranger, et Malandrin, du 1er tirailleurs, les lieutenants Nœgelin, du 2° étranger, et Lagarde, de l'artillerie. Cette attaque nous coûtait en tout 38 tués, dont 2 officiers, et 85 blessés, dont 6 officiers. C'était donc une des affaires les plus sanglantes que nous ayons subies au Maroc. Le chiffre élevé de nos pertes ne surprendra pas, si l'on considère que nous avons eu à soutenir douze heures de combat, dont la moitié de nuit, contre un adversaire qui fit preuve d'un courage, d'un acharnement et d'un mépris de la mort presque sans précédent. 173 RÉCITS MILITAIRES Les assaillants arrivaient, à la faveur de la nuit, jusque sur nos tranchées dont les abords se montrèrent, au jour, couverts de cadavres ennemis. Presque toutes les blessures de nos soldais étaient marquées d'incrustations de grains de poudre, prouvant que l'on avait tiré sur eux à moins de deux mètres. Au camp Fellert, la position était presque inexpugnable, les tranchées surplombant de plusieurs mètres, à pic, du côté de l'extérieur. Malgré cela, les Marocains montèrent à l'assaut de ces tranchées, sous un feu terrible, arrivant presque sur nos lignes. Voici, du reste, en quels termes le général Lyautey s'exprime dans son rapport sur cette action : " L'affaire du 25 au 26 a donné lieu à des faits d'armes, tels que la défense du poste de Bab-Ghissa où la moitié des défenseurs s'est fait tuer sur place dans un corps à corps de plusieurs heures; la défense des hauteurs de Dar-ben-Amar où le bataillon Fellert a tenu toute la nuit en rejetant les assaillants à la baïonnette; la contre-attaque de la casbah de Tamdert où le lieutenant Juge a trouvé la mort, qui compteront parmi les épisodes les plus glorieux de nos annales africaines ". | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 21 Juin - 17:40 | |
| 174 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Quant au général Moinier, voici en quels termes le général Lyautey appréciait la façon dont il avait organisé et conduit la défense : " Quant au commandement, il fut assuré avec un calme et un coup d'œil remarquables. Je ne crois pas qu'il pût s'exécuter dans des conditions plus difficiles. Les conditions locales n'offraient pas un seul point d'où l'on pût voir à quelque distance. C'est à coups de téléphone et d'agents de liaison que le général Moinier dirigeait l'ensemble, sans se départir un instant d'un sang-froid et d'une sérénité qui étaient pour tous le meilleur stimulant ".
L'assaut avait donc été repoussé, mais l'ennemi n'était pas découragé. Il se retirait à une dizaine de kilomètres seulement de la ville et annonçait une nouvelle attaque. Son assurance de vaincre était telle qu'il avait adressé une lettre au général Lyautey, disant que les Marocains des tribus voulaient bien consentir à ne plus entrer en ville., à la condition qu'on leur donnât une très importante somme d'argent. Ils affirmaient que sans cela ils pénétreraient de nouveau dans Fez en nombre considérable pour enlever le quartier européen et massacrer tous les Français qui se trouvaient à la Résidence générale, à l'hôpital, au Consulat et à l'ex-ambassade. 175 RÉCITS MILITAIRES Les assaillants étaient certains de pouvoir compter sur le concours des gens de l'intérieur de la ville. Ces derniers le leur avaient du reste prouvé en facilitant leur assaut du 25, en les aidant à ouvrir des brèches et en les accueillant sympathiquement. Le commandement comprenait que la seule défense vraiment efficace était de prendre une vigoureuse offensive. Ce fut la préoccupation dominante du général Moinier qui se ménagea une réserve disponible pour une contre-attaque devant être suivie d'une offensive immédiate. C'est dans ce but qu'il avait conservé le bataillon Fellert à Dar-ben-Amar, assurant un débouché vers l'Est et formé la colonne Mazillier prête à se porter en avant. Malheureusement la pénurie de nos effectifs, presque entièrement absorbés par la défense de la ville, ne permit pas une poursuite assez vigoureuse. Les deux bataillons du commandant Mazillier, très faiblement appuyés en artillerie, durent s'arrêter à une dizaine de kilomètres, laissant l'ennemi se reformer aux portes de la ville. On voit à quelles énormes difficultés se heurtait le général Lyautey, dès son arrivée à Fez, et la situation dans laquelle l'imprévoyance de son prédécesseur avait laissé le Maroc, ce Maroc qu'il se plaisait, dans son ignorance effrayante, à représenter comme absolument calme et où tout allait pour le mieux, dans la meilleure des diplomaties. | |
| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 21 Juin - 17:56 | |
| 176 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Les événements ne montraient que trop combien était dangereuse, et même criminelle, la politique d'optimisme, faite d'aveuglement, pratiquée jusqu'à ce jour par M. Regnault. Toutefois, trois jours seulement après l'arrivée du général Lyautey à Fez, on sentait qu'il y avait enfin une tête, un chef. Partout, chez tous, nous remarquons le même sentiment de confiance et d'entrain. Tous les visages que l'on rencontrait maintenant étaient ouverts et expansifs. Une foi communicative avait fait place au malaise général qui pesait sur chacun. On s'abordait avec franchise, on parlait haut, en un mot : on avait confiance. C'était la fin d'un long cauchemar. Les journées du 26 au 28 sont employées à tâcher de rendre la ville inviolable et la mettre à l'abri d'une nouvelle insulte de l'ennemi. Le 27 arrivait un bataillon de renfort, sous les ordres du commandant Rivière, composé de coloniaux et de Sénégalais. Le 29 devait arriver un bataillon du 3° tirailleurs, commandant Dresch. 177 RÉCITS MILITAIRES La ville continuait à être divisée en deux secteurs : 1° Fez-Djedid, tenu par le 4° bataillon du 4° tirailleurs, commandant Laborderie ; 2° Fez-Bali, occupé par le 8° bataillon du 4° tirailleurs, commandant Philipot. Les renforts comprenaient un peloton de la 2° compagnie du 4° bataillon colonial, laissé à Bab-Fetouh et Tamdert par la colonne Mazillier. Une réserve était constituée sous les ordres du commandant Dernier du 1er tirailleurs, comprenant la 6° compagnie du 1er tirailleurs, la 2° compagnie du 2° étranger, une section de 65 et un peloton de spahis, qui après avoir coopéré à la défense de Bab-Ghissa, restait à la disposition du général Brulard. Le 26, le général Lyautey, accompagné du général Moinier, allait visiter les hauteurs de Dar-1ben-Amar, pour se rendre compte de la situation, sur le terrain. Pendant toute la journée du 28, des renseignements concordants signalaient la présence de très nombreux groupes de Marocains dans la vallée du Sebou, sur les pentes de Djebel-Zalag et sur les hauteurs boisées s'étendant au nord de la ville. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 21 Juin - 18:05 | |
| 178 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Depuis plusieurs jours toutes les tribus n'ayant pas pris part à la première attaque étaient l'objet de sollicitations pressantes de la part des rebelles. Voici le texte d'une lettre « circulaire » adressée à la plupart d'entre elles : Aux kébir de la méhalla campée à Bou-Merched-aux-Cheraga. — La meilleure des œuvres, après la foi en Dieu, est la Guerre Sainte (suivent des extraits du Coran sur l'obligation de combattre l'infidèle). Nous avons chargé les caïds El-Fodid et El-Homar-el-Heri de vous diriger. Obéissez-leur; préparez-vous à la Guerre Sainte et joignez-vous aux tribus. Nous vous avons écrit deux fois sans que vous vous soyez conformés à nos instructions. C'est la dernière! lettre que nous vous adressons. La Guerre Sainte est un devoir, même pour les femmes et les enfants. Salut.
Les révoltés avaient institué un véritable service d'état-major adressant des appels de mobilisation à toutes les tribus encore soumises, les menaçant de les razzier si elles ne se joignaient pas à eux. Quelques-unes de ces tribus venaient à nous pour nous dire que, puisque nous étions impuissants à les protéger contre les menaces dont elles étaient l'objet, elles étaient obligées de se joindre aux rebelles pour éviter d'être pillées et massacrées. 179 RÉCITS MILITAIRES Les Cherarda notamment reçurent un appel des plus violents se terminant ainsi : Comment ne suivez-vous pas l'exemple de vos ancêtres, alors que les Chrétiens sont à Fez et y tuent tous les jours de nombreux musulmans.
Ces appels furent entendus par les Cherarda, les Ouled-Djema et les Ouled-el-Hadj, qui étaient restés pacifiques jusqu'à ce jour. La guerre sainte était prêchée partout, avec le drapeau de la Zaouia, de Moulay Idriss, pris par les émeutiers, dans la nuit du 25 au 26, sur le tombeau même du grand marabout. Une attaque violente était donc annoncée pour le 28 au soir. Afin de dégager les abords immédiats de la ville, le général Moinier donnait l'ordre à une colonne placée sous le commandement du lieutenant-colonel Mazillier de partir de Dar-Debibagh et de contourner la ville en passant par le bordj Nord, les Mérénides, Bab-Sidi-bou-Jida et Bab-Fetouh, avec mission de nettoyer les parties nord et est de la ville des dissidents qui auraient pu se masser dans ce périmètre et de détruire les moyens de passage déjà construits par eux ipour attaquer la ville. | |
| | | Paul CASIMIR
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