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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMar 8 Juil - 16:17

DOCUMENT hors-texte

Eugène REGNAULT en habit d'Ambassadeur de France


HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 Baasca45




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMar 8 Juil - 16:24

314  LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Ce télégramme laissait donc au général Moinier le droit de proclamer l'état de siège, sous la ré­serve expresse, il est vrai, que sitôt rentré en contact avec M. Regnault il se mettrait d'accord avec lui pour l'application de cette mesure.

Le même jour, confirmant cette interprétation, les Affaires étrangères télégraphiaient à M. Re­gnault :

Affaires étrangères à Regnault.

N° 15.
20 avril 1912.

Veuillez vous concerter avec le général Moinier, dès son arrivée à Fez, pour tout ce qu'il y a à prendre sous votre autorité et me faire connaître toutes les disposi­tions adoptées.


Mais, se ravisant saris doute, et les bureaux du quai d'Orsay s'étant mis en mouvement, les Affaires étrangères adressaient le lendemain le télégramme suivant à M. Regnault :

Affaires étrangères à Regnault.

21 avril 1912.


Il vous appartient à vous seul, après vous être con­certé avec le général Moinier, de proposer au Sultan les mesures que vous jugerez nécessaires pour assurer le rétablissement et le maintien de l'ordre. Le minis­tre de la Guerre a autorisé le général Moinier à pro­clamer l'état de siège, si tel est votre sentiment.




315  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE

Ainsi qu'on le voit, la situation a changé. C'est à M. Regnault seul qu'appartient le droit de pren­dre des mesures.

Quant au général Moinier, il est autorisé à proclamer l'état de siège si tel est le sentiment du ministre de France.
Gomme on trouve bien là les préoccupations des bureaux. Le sang de la France coule, des pillages ont lieu, il faudrait agir, agir vite.... Ce serait trop simple. Ce qui importe, c'est que M. Regnault soit le chef suprême, c'est que le ministère des Affaires étrangères domine la Guerre !

Mais on peu! être tranquille ! Fort de ce télé­gramme, M. Regnault s'opposera à toutes les me­sures proposées par le général Moinier et, notam­ment, à la proclamation de l'état de siège.

Le 21 avril, le général Moinier arrive à FezI II a un long entretien avec M. Regnault et réclame instamment l'état de siège.
La journée du 21 se passe sans que cette mesure soit prise.

Depuis cinq jours, la ville était au pillage, le Mellah en feu et en ruines, on massacrait les officiers français dans les rues, on assiégeait les Européens dans leurs maisons, on se battait sur les terrasses, le Maghzen ne faisait rien pour ré­tablir l'ordre, allant même jusqu'à pactiser avec les émeutiers, et M. Regnault refusait toujours de proclamer l'état de siège !!!


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMar 8 Juil - 16:41

316
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Le 22, il écrit au général Moinier pour lui demander quelles sont les mesures qu'il préconise !

Et la journée du 22 se passe encore sans que l'état de siège soit proclamé !

Le 28, le général Moinier, qui est allé camper avec les troupes au camp de Dar-Debibagh, adresse au ministre de France la lettre suivante :

Moinier à Regnault.
N° 345 O.P.
Dar-Debibagh, 28 avril 1912.
En réponse à votre lettre n° 5 du 22, j'ai l'honneur de vous faire connaître que je crois indispensable de proclamer l'état de siège à Fez.

Cette proclamation est nécessaire pour rendre légale l'existence des conseils de guerre qui doivent fonction­ner dans la place. Les pouvoirs dont elle arme l'auto­rité militaire, mettront fin à toutes les complications auxquels les Etrangers et Protégés peuvent donner lieu, en les soumettant à une règle imposée à titre exceptionnel pour la sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publiques.

Je vous serais obligé de vouloir bien me faire con­naître si vous donnez votre adhésion à cette mesure.

Signé : MOINIER.


317
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Devant l'insistance énergique du général Moi­nier à demander la proclamation de l'état de siège, M. Regnault, se refusant toujours à pren­dre cette mesure, cherche à gagner du temps pour pouvoir finir par dire :

« II est trop tard maintenant, le calme est revenu, l'état de siège est inutile. »

Et il répond au général Moinier :

Regnault à Moinier.
N° 8.
Fez, le 28 avril 1912.
J'ai reçu votre lettre n° 3345, en date de ce jour, par laquelle vous me faites connaître que vous jugez indispensable de proclamer l'état de siège à Fez.

Je considère que cette mesure soulève des difficultés d'ordre politique et juridique sur lesquelles je dois consulter le Gouvernement. Je le fais aussitôt par télégramme.

Rien ne s'oppose, suivant moi, sans attendre cette décision, et ainsi que je vous en ai informé hier, par ma lettre n° 6, à ce que les conseils de guerre soient institués et commencent à fonctionner a Fez, comme il a été fait dans diverses circonstances, sur plusieurs points du territoire marocain, et, notamment, à Casa­blanca.

Signé : REGNAULT.

M. Regnault n'avait pas à consulter le Gouver­nement, surtout pour une question aussi urgente et aussi indispensable, puisque le Gouvernement lui avait télégraphié de prendre toutes les mesures nécessitées par la situation.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMar 8 Juil - 17:23

Document hors-texte

FEZ.- 1912. BAB ZIAF


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 9 Juil - 7:53

318  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Mais les communications radiographiques étaient très lentes; son télégramme pouvait avoir la chance de mettre une journée ou deux avant d'arriver à Paris; les Affaires étrangères pren­draient naturellement parti pour lui ; avant de
ré­pondre, elles auraient à consulter de hautes per­sonnalités sur « les difficultés d'ordre politique et juridique » que M. Regnault signalait. Les choses pourraient ainsi traîner en longueur autant de temps qu'il le faudrait.

M. Regnault, toutefois, veut bien, dans la ré­ponse au général Moinier, ne pas s'opposer, « sans attendre la décision du Gouvernement », a ce que les conseils de guerre soient institués.

Il ne sait même pas la différence qu'il peut y avoir entre un conseil de guerre ordinaire, comme celui de Casablanca qu'il cite, ou même celui de Paris ou d'Oran, et un conseil de guerre fonctionnant sous le régime de la proclamation de l'état de siège !

Avec assez de dureté, le général Moinier lui ré­pond le même jour, en débutant par une petite leçon élémentaire de Droit :



319  
LES CAUSES REELLES DE L' EMEUTE


Moinier à Regnault.

N° 355 O.P.
Dar-Debibagh, 23 avril 1912.

En réponse à votre lettre n° 8 du 23 avril, j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'aux termes des articles 8 et 9 de la loi du 9 avril 1848, sur l'état de siège, ce n'est qu'après déclaration de l'état de siège que les tribunaux militaires peuvent être saisis de la connaissance des crimes et délits contre l'ordre et la paix publiques et que l'autorité militaire a, entre autres droits, celui de perquisitionner dans les habitations et d'ordonner la remise des armes et munitions.

C'est pour donner à ces diverses mesures, le carac­tère légal indispensable que je crois nécessaire de pro­clamer l'état de siège à Fez.

Je télégraphie d'ailleurs au ministre de la Guerre pour que le retard apporté par votre décision à l'ap­plication de cette mesure soit réduit au minimum.

Signé : MOINIER.


Malgré son calme bien connu, le général Moi­nier ne peut s'empêcher, devant toutes les en­traves apportées par M. Regnault a l'application des mesures urgentes que réclame la situation, de laisser percer son impatience, et « il télégra­phie directement au ministère de la Guerre » pour lui signaler l'attitude très grave de consé­quences qu'a adoptée M. Regnault, de façon que le retard qu'il apporte à l'application de toutes les mesures « soit réduit au minimum ».



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 9 Juil - 8:05

320  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


La situation intenable que lui fait le ministre de France, le général Moinier ne peut encore s'empêcher de la signaler au cours de son rapport dans les termes suivants :

" II ressort que les délais nécessités par de trop fré­quentes consultations du Gouvernement, paraissent mal cadrer avec le caractère de sanction immédiate que devrait revêtir la répression, sous toutes ses formes."

Voici le télégramme adressé par le général Moi­nier au ministre de la Guerre :


Moinier à Guerre.

N° 356 O.P.

Fez, 23 avril, 17 heures.

J'ai demandé au Ministre de France d'approuver la déclaration de l'état de siège à Fez et l'imposition d'une contribution de guerre à la population, complice des attentats récents.

Première mesure indispensable d'après la loi du 9 avril 1848 pour rendre légale compétence conseils de guerre dans crimes et délits contre ordre et paix publiques, ainsi que perquisitions et désarmement population.

La seconde a pour but en même temps punition faits passés, en prévenir retour.

Ministre répond qu'il consulte Gouvernement.

J'estime nécessaire, dans situation présente, agir et non Délibérer.

Vous  demande donc approuver  urgence demande ci-dessus  et décline toute responsabilité dans  consé­quences retards.

Signé : MOINIER.



321
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Le général Moinier finit par être excédé de l'attitude inqualifiable de M. Regnault.
Il estime nécessaire d'agir et non de délibérer; il décline toute responsabilité dans le cas où le Gouvernement continuerait à se faire le complice des atermoiements de M. Regnault.

Le Gouvernement s'émeut enfin de cette dé­pêche, et M. Regnault reçoit de lui l'ordre de se conformer à l'avis du général Moinier et de pro­clamer l'état de siège. Il télégraphie en même temps au général Moinier :

Guerre à Moinier.

N° 2051-9/11

24 avril 1912.

En réponse à vos télégrammes 356 et suivants du 28, j'approuve proposition déclaration état de siège. Pré­sident du Conseil avec qui en ai conféré auparavant télégraphie instructions à Ministre France. Prière me télégraphier si contribution guerre vous paraît mesure également indispensable.


Enfin, l'état de siège est proclamé, à la date du 25 avril seulement, c'est-à-dire huit jours après la révolte, à un moment où il ne permet plus l'application d'une répression sévère.


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MessageSujet: Re: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyJeu 10 Juil - 15:16

Document hors-texte

FEZ. - Evénements d'Avril 1912. Rue principale du Mellah, ruines ( partiel )

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 Bascan88


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 10:35

322
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


En vertu de l'autorisation gouvernementale reçue directement, par-dessus la tête de M. Regnault, le général Moinier invite le général Brulard, commandant de la place de Fez, à porter à la connaissance des troupes et des services de la place l'ordre suivant :

ORDRE

Fez, 25 avril.
Conformément à la loi du 9 avril 1848, l'état de siège est proclamé dans la ville de Fez.

Jusqu'à nouvel ordre, les conséquences de cette mesure seront limitées :

1° A l'attribution aux tribunaux militaires de la connaissance des crimes et délits contre l'ordre et la paix publiques ;
2° Au droit de perquisition de jour et de nuit au domicile des suspects ;
3° Au droit d'ordonner la remise des armes et mu­nitions et de procéder à leur recherche et à leur enlè­vement ;
4° Au droit d'interdire les publications et les réu­nions de nature à exciter ou à entretenir le désordre.

Ces diverses mesures seront exécutées par l'autorité militaire, assistée du Gouvernement, de la Ville et de ses Agents.

Signé : MOINIER.



323
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


 Le lecteur naïf pourra peut-être se demander la raison pour laquelle M. Regnault s'est si longtemps opposé, avec l'acharnement que l'on vient de voir, à l'application d'une mesure aussi na­turelle dans un moment aussi critique.
La réponse est bien simple, elle tient en quel­ques lignes.

M. Regnault, comme ministre de France, en vertu des attributions complémentaires qui lui avaient été conférées le 1er avril 1912, était le chef suprême des autorités civiles et militaires au Maroc. C'était lui qui commandait tout ; c'était lui qui trônait au-dessus de tous les généraux.

Que l'état de siège vint à être proclamé et c'était l'autorité militaire qui commandait dans Fez.

Il conservait bien encore tout le reste du Maroc, sur lequel il pouvait faire peser son pouvoir de vice-roi, mais Fez lui échappait !
Ce n'était qu'une parcelle de son autorité su­prême qui se trouvait amoindrie; mais son orgueil ne lui permettait pas de le supporter.

Quoiqu'il fut entré dans la carrière diploma­tique par les consulats, M. Regnault avait, dans son âme, toutes ces passions dominatrices qui règnent au quai d'Orsay. Tout plutôt que l'amoin­drissement de son autorité. Les intérêts des Fran­çais à Fez? leur vie menacée ? les châtiment légitimes des crimes commis ? la sécurité rétablie ? Que pesait tout cela devant ce qu'il considérait comme l'abaissement du ministère des Affaires étrangères devant l'armée !


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 10:43

324  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

Et voilà uniquement la raison pour laquelle M. Regnault s'est toujours opposé à la proclama­tion de l'état de siège à Fez.
Rien entendu, il ne pouvait avouer de pareils motifs ; il chercha à donner quelques autres expli­cations : elles furent lamentables.

Comme tout le monde s'étonnait, à Fez, de son incompréhensible résistance, il faisait expli­quer par les gens de sa maison :
« Vous ne comprenez donc pas pourquoi M. Regnault s'oppose à la proclamation de l'état de siège?
« C'est pourtant bien simple : c'est parce que la répression ne serait pas assez sévère (sic). En effet, avec l'état de siège, les émeutiers ne peuvent être condamnés que par un conseil de guerre régulier, fonctionnant suivant toutes les règles de la procédure; c'est long et compliqué.
« Tandis que sans état de siège, on peut fusiller furtivement autant de Marocains que l'on veut. Vous voyez donc que M. Regnault est bien plus sévère et rude que le général Moinier. »

Nous affirmons que cette explication nous fut donnée, à plusieurs reprises, par des personnes de l'entourage immédiat de M. Regnault cher­chant à excuser le ministre de France !




325  
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE


On juge de sa valeur; car, en admettant même qu'un fonctionnaire de la République se prêtât à des exécutions clandestines, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne continuât pas à agir ainsi, même sous le régime de l'état de siège.

Mais nous le répétons, c'est tout ce qu'on avait pu trouver, dans les milieux amis, pour expli­quer l'attitude de M. Regnault !

Le coup porté n'en fut pas moins très vivement ressenti par M. Regnault. C'était la première fois que son omnipotence était atteinte et que la di­plomatie avait à s'incliner devant le bon sens.

Il lui fallait une revanche.

Nous allons voir, encore documents en mains, comment il essaya de la prendre.

Il recevait, le 22, la lettre suivante du général Moinier :


Moinier à Regnault.

Fez, le 22 avril 1912.
Comme suite à la communication que je vous ai faite du télégramme 1911 9/11 du ministère de la Guerre relatif aux mesures à prendre pour étouffer la rébellion de Fez, j'ai l'honneur de vous faire connaître que l'occupation militaire de la ville va être complétée aujourd'hui et que le désarmement des troupes chérifiennes sera opéré sitôt après.

Ces deux mesures faciliteront la recherche des indi­vidus, soldats et civils, compromis dans les massacres et les pillages des jours derniers.
J'ai,  de plus,  l'intention de constituer à Fez plusieurs conseils de guerre qui auront à connaître tous les faits de meurtre, rébellion et pillage qui se sont produits, ainsi que tous les faits connexes dont je ne croirai pas pouvoir laisser la répression aux autorités locales.




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 11:34

Document hors-texte

La repression à Fez : une "chaîne" de prisonniers conduits au Conseil de guerre.

Cliché L'ILLUSTRATION" du 8 Juin 1912

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 A_000_10

Photo HUBERT-JACQUES


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326  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Conformément à la faculté qui m'en est donnée par la loi, je suspendrai le droit d'appel en révision et les jugement du conseil de guerre seront exécutés dans les vingt-quatre heures.

Le désarmement de la population de la ville paraît s'imposer. Il y serait procédé sitôt après le désarme­ment des troupes.

Je crois enfin indispensable de frapper d'une forte contribution de guerre cette ville dont la population, hommes, femmes et enfants, s'est jointe aux soldats révoltés, pour massacrer et torturer 68 de nos officiers, soldats et concitoyens et dont les habitants des classes plus élevées se sont rendus complices des désordres par leur lâche attitude, sinon même par des excitations francophobes qui en ont été la première cause.

Une somme de 1.600.000 francs semble devoir être demandée à la ville, tant pour indemniser toutes les familles des victimes, que pour payer les frais supplé­mentaires d'occupation militaire nécessaires pour évi­ter le retour des mêmes faits.
Il ne vous échappera pas que de longtemps le bud­get marocain ne sera pas en mesure de subvenir à cette double dépense.

Je vous serais reconnaissant de vouloir bien me faire connaître si vous voyez des inconvénients à ce que les mesures ci-dessus soient mises immédiatement à exé­cution.

Signé : MOINIER.



327  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


M. Regnault répondait le même jour :

Regnault à Moinier.

Fez, 22 avril 1912.

Je n'ai aucune objection à ce que vous fassiez pro­céder, comme le propose votre lettre de ce jour, au désarmement des Askris et de la population, ainsi qu'à la constitution des conseils de guerre chargés d'assurer la répression des massacres, des pillages commis pen­dant les troubles de Fez.

J'approuve entièrement ces mesures.

Il importe que ces horribles et lâches attentats dont ont été victimes tant de braves officiers, de soldats et de compatriotes, dont nous déplorons la perte, soient punis (1).

Quant à la contribution de guerre que vous croyez nécessaire d'infliger à la ville, cette mesure qui, pour se conformer aux instructions que j'ai reçues du Gou­vernement et dont je vous ai donné communication, doit être proposée au Sultan, me paraît au préalable devoir être soumise à l'approbation du Gouvernement. Sans rechercher ici les causes qui ont provoqué les désordres de Fez, il semble qu'il y aurait de graves inconvénients à ce que cette contribution ne soit pas étendue à tous, à l'exception cependant de ceux qui se sont particulièrement signalés par leur dévouement à l'égard de quelques-uns de nos compatriotes en danger.



_____

(1) II faut savoir — comme le lecteur l'apprendra dans un instant — tout ce qu'a fait M. Regnault, pour se rendre compte combien cette phrase, pourtant si naturelle, sonne faux prononcée par lui !



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328
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Or, il y a lieu d'examiner si les traités nous per­mettent de l'imposer aux protégés étrangers qui cons­tituent à Fez, la classe aisée, la plus hostile et qui, jus­qu'ici a échappé à notre action.

Je considère donc comme nécessaire de prendre l'avis du Gouvernement avant toute détermination à cet égard.

Signé : REGNAULT.

M. Regnault, une fois de plus, « consulte le Gouvernement » sur la question de la contribu­tion de guerre proposée par le général Moinier. La discussion s'éternise, et l'amende, finalement, fut imposée dans de telles conditions que, dès son arrivée, le général Lyautey dut en faire la remise (1).

Mais cette lettre contenait, en termes formels, l'adhésion du ministre de France aux propositions du général Moinier concernant le désarmement des Askris et celui de la population de Fez. Le commandant en chef des troupes prit aussitôt les dispositions nécessaires pour l'exécution de cette mesure indispensable de sécurité.


_____

(1) Une dépêche du Gouvernement du 26 faisait savoir qu'il convenait de frapper la population d'une somme totale modérée; mais, dans une dépêche du 30, il spécifie que les protégés seraient exemptés du paiement de toute amende. 0 beauté de la Diplomatie ! On pouvait condamner à mort et exécuter dans les vingt-quatre heures un protégé étran­ger, mais on ne pouvait pas le condamner à 1 franc d'amende !



329
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE


II adressa, en conséquence, l'ordre suivant au général Brulard, commandant la place de Fez :

Par ordre du général commandant les troupes dé­barquées au Maroc (Moinier) et par les soins du Gou­verneur de Fez (Brulard), il sera procédé immédiatement au désarmement de la population indigène de la ville.

Cette opération sera faite par les Mokkadems de quartier qui seront responsables de son exécution.

Toutes armes de guerre, de luxe, de chasse, toutes munitions détenues par les habitants indigènes de la ville, devront être remises entre leurs mains et apportées par leurs soins à une date qui sera indiquée ultérieurement, devant la « Makina » pour être versées à l'artillerie.

Il sera procédé aussitôt après à des perquisitions en vue de trouver les armes et cartouches qui n'au­raient pas été déposées,
Les détenteurs de ces armes seront aussitôt arrêtés pour être traduits devant les conseils de guerre.

Lés Mokkadems de quartier, dont la négligence aurait été cause de ces dissimulations, seront passibles d'amendes ou d'emprisonnement.

Pendant toute la durée de l'opération, l'artillerie sera en position, face à Fez. Tout incident auquel le désarmement donnerait lieu aurait pour conséquence l'ouverture du feu sur la ville.

Le commandant d'armes (Brulard) prendra des me­sures très sévères pour qu'aucun militaire ne détourne de sa destination aucune arme de luxe ou autre et pour que le lot puisse être remis au complet à l'artil­lerie quand l'ordre en sera donné.




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Document hors-texte.

La répression à Fez

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 A_000_13

Les condamnés sont conduits, par six, chacun entre deux légionnaires, sur le lieu d'exécution
Cliché L'ILLUSTRATION du 8 Juin 1912.


Photographie HUBERT-JACQUES.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 16:35

330  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Le général Brulard arrêtera les mesures de détail avec le pacha de la ville pour assurer l'exécution de cet ordre.

Signé : MOINIER.

Le général Brulard arrête aussitôt avec le pacha de la ville les mesures de détail pour assurer l'exécution de cet ordre, pris, ne l'oublions pas, en conformité des instructions de l'Ambassade de France.

Le chef du service des renseignements, le com­mandant de Lamothe, fut chargé de prévenir le consul de France.

Après entente avec ce dernier, le commandant de Lamothe lui adresse la lettre suivante :

Le chef du Service des renseignements au Consul
de France à Fez.

Fez, le 28 avril 1912.

J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint un ordre du général commandant les troupes du Maroc, prescri­vant le désarmement immédiat de la population indi­gène de Fez. Cette mesure, dont la nécessité n'a été que trop démontrée par les tragiques événements aux­quels nous venons d'assister, paraît indispensable pour rétablir définitivement la tranquillité dans la ville et assurer la sécurité des Européens qui y ré­sident.



331  
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE


Pour  être  efficace,   elle  doit  s'étendre  à  tous  les indigènes y compris les protégés et censaux. Le général vous serait reconnaissant de bien vouloir le notifier à MM. les Consuls étrangers en attirant leur attention sur le caractère d'urgence qu'elle présente et sur l'in­térêt général qui s'attache à son exécution intégrale. Je vous prie également de faire appel à leurs senti­ments de solidarité européenne et de leur demander de vouloir bien nous prêter le concours de leur haute influence pour engager leurs ressortissants à faciliter notre tâche, par une application franche et loyale de la mesure que les circonstances nous imposent.

Signé : Commandant de Lamothe.

On se demande peut-être pourquoi nous pu­blions ces documents, qui ne semblent pas parti­culièrement intéressants, étant simplement le dé­veloppement naturel que comporte l'exécution d'un ordre.

On ne va pas tarder à se rendre compte, tout au contraire, de leur importance.

En effet, le 23 au soir, le général Moinier recevait, non sans surprise, la lettre suivante du gé­néral Brulard :

Brulard à Moinier.

28 avril 1912.

A la suite de la réunion des notables, les Consuls d'Espagne et d'Angleterre se sont rendus auprès du Ministre de France pour s'opposer à ce que les mesures ordonnées soient appliquées à leurs ressortissants.

M.  Regnault a fait demander au commandant de Lamothe (chef du Service des renseignements de la région de Fez) par le capitaine Pettelat (officier d'or­donnance de M. Regnault), des renseignements au sujet de la décision dont il n'avait, paraît-il, pas eu connaissance.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 16:46

332
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Il me semble cependant, que vous avez bien voulu me communiquer ce matin, une lettre de lui, par laquelle il l'approuvait.

Il a été répondu au capitaine Pettelat que nous agissions d'après vos ordres qui avaient, d'ailleurs, été communiqués au Consul de France.
Sauf ordre contraire de votre part, je fais continuer, demain, l'opération commencée.

Signé : BRULARD.
On comprend la stupéfaction du général Moinier. Comment M. Regnault prétendait qu'il n'était pas au courant du projet de désarmement de la population de Fez ? Il envoyait même le ca­pitaine Pettelat, son officier d'ordonnance, auprès de M. de Lamothe pour « demander des rensei­gnements au sujet de la décision dont il n'avait, paraît-il, pas connaissance ? »

Quelle était cette nouvelle... ironie de M. Re­gnault ?

Ce n'était pas une ironie, car le général Moinier recevait, quelques instants plus tard, la lettre suivante :


333
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Regnault à Moinier.
N° 9. Fez, 28 avril 1912.

J'ai reçu ce soir, à 6 heures, la visite des consuls d'Angleterre et d'Espagne qui m'ont fait connaître qu'un ordre de la Division avait été notifié vers 4 heu­res, au sujet du désarmement de la population.

Ils ajoutaient que leurs protégés étaient venus pro­tester auprès d'eux, dans la plus vive agitation, décla­rant qu'aux termes de l'ordre lu au bureau du Pacha, les perquisitions seraient faites aux domiciles des habitants pour s'assurer qu'aucune arme, ni munitions ne s'y trouveraient cachées ; qu'en cas d'incident la ville serait bombardée par les batteries déjà en po­sition .

MM. Mac Leod et Cortès ont exposé que s'ils n'a­vaient aucune objection à présenter, au sujet du prin­cipe même du désarmement, ils considéraient comme une imprudence de menacer la ville, aujourd'hui tran­quille, d'un bombardement, avant qu'aucune résis­tance ne se soit manifestée. Ils pensaient qu'un délai suffisant devait tout d'abord être donné aux habitants pour remettre leurs armes, et que des mesures de rigueur, telles qu'un bombardement, ne devaient être envisagées qu'après l'expiration de ce délai, et si une résistance, ayant un caractère collectif, se manifestait. Ils ajoutaient que des menaces préalables, ainsi noti­fiées à la population, étaient de nature à l'affoler, à entraîner des désordres et à exaspérer ceux-là même qu'on aurait trouvés prêts à obtempérer aux injonc­tions de l'autorité.

Ils se refusaient d'ailleurs à croire que vous aviez résolu de mettre à exécution une menace aussi grave, s'il se produisait de simples incidents que les perqui­sitions aux domiciles des Musulmans peuvent aisément faire naître.

Il restait, leur semblait-il, d'autres moyens d'avoir raison des résistances qui peuvent n'être qu'indivi­duelles, avant de recourir au bombardement d'une ville où l'ordre est actuellement rétabli.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 16:51

Document hors-texte

La répression à Fez

Exécution de 48 rebelles condamnés par le Conseil de guerre. Cliché l'ILLUSTRATION du 8 Juin 1912.

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 A_000_14

Photographie HUBERT-JACQUES.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 20:48

334
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Je n'ai pu qu'apprécier toute la valeur de ces obser­vations et je me suis chargé de vous les transmettre.

J'ai enfin prié MM. Mac Leod et Cortès d'intervenir auprès de leurs ressortissants pour les calmer.

J'ajoute que, pour ma part, bien qu'entièrement d'accord avec vous sur la nécessité de désarmer les populations, question qui a fait l'objet de notre entre­tien du 21 avril et de ma lettre du 22 avril n° 6, je n'ai pas été consulté sur l'élaboration de la décision notifiée aux habitants de la ville, et j'estime qu'un accord précis devait s'établir entre nous à ce sujet, conformément aux instructions du gouvernement que je vous ai communiquées par ma lettre n° 5, en date d'hier.

En présence de la démarche des consuls d'Angle­terre et d'Espagne, qui sera portée à la connaissance de leurs gouvernements, je suis dans l'obligation d'en informer de mon côté le département des Affaires étrangères et de décliner toute responsabilité pour le cas où il serait donné suite à la menace faite à la population de Fez.

J'ajoute que M. Gaillard, doyen du corps consulaire, n'a reçu qu'à 6 h. 1/2 l'ordre que le Service des renseignements le priait de communiquer à ses collègues, et je l'ai invité à surseoir à cette démarche, afin d'éviter de donner une base officielle à des réclamations que ne manqueraient pas de formuler à leur tour les con­suls des autres puissances.

Signé : REGNAULT.




335
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE



Cette lettre n'est-elle pas vraiment un monu­ment d'inconscience ? Et ne reconnaîtra-t-on pas avec nous que l'habitude de la diplomatie avait déformé l'intelligence de M. Regnault ?

Comment ! Voilà un ministre de France auquel viennent s'adresser deux consuls étrangers pour protester — simplement, d'ailleurs, pour la forme — contre la mesure qu'un général français avait prise afin de permettre à une petite poignée de soldats de désarmer une ville de 100.000 âmes et assurer la sécurité de tous, et ce même ministre do France, qui avait approuvé celle mesure, com­mence par feindre de l'ignorer et envoie son ca­pitaine d'ordonnance demander des explications au service des renseignements ?

Au lieu do répondre ensuite à ces consuls, comme toute personne de bon sens l'eût fait, que les mesures prises par le général Moinier répon­daient à une nécessité inéluctable, dictée d'ail­leurs par le souci de leur intérêt commun connue de l'intérêt même de leurs ressortissants, M. Re­gnault prend texte de ces vagues protestations de pure forme (1) pour en faire autant de griefs agressifs à l'égard du général Moinier ?



_____


(1) Le général Moinier dit, en effet, dans son rapport : « Le général commandant en chef, pensant bien que MM. les consuls d'Angleterre et d'Espagne n'avaient formulé leurs observations que par devoir professionnel, et ayant d'ailleurs confiance dans le tact des autorités militaires de Fez » chargées de présider au désarmement, ne crut pas devoir modifier les ordres qu'il avait donnés le 23 et le 24 au matin sous le n° 35g. La menace du bombardement ne constituait-elle pas, d'ailleurs, le meilleur moyen de l'évi­ter ? »

C'est évidemment ce que tout le monde aurait compris, II appartenait au seul M. Regnault d'avoir besoin d'éclair­cissements !...
Et, de fait, le général passa outre aux observations dé­placées du ministre... et il n'y eut aucun incident.-




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyLun 14 Juil - 20:57

336
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

II les étale avec complaisance ; il les développe avec raffinement; il les invente au besoin et s'en sert, grâce à un exposé perfide et haineux, pour essayer de diminuer celui qui va obtenir, malgré lui, le commandement militaire de la ville.

Il faut relire les termes de cette lettre pour bien saisir toutes les insinuations perfides qu'elle ren­ferme à chaque ligne, à chaque mot....

« Ils considéraient comme une imprudence.... Ils pensaient qu'un délai suffisant devait tout d'abord être donné.... Ils ajoutaient que des me­naces préalables ainsi notifiées.... Ils se refusaient d'ailleurs à croire.... Il restait, leur semblait-il, d'autres moyens »

Et, comme si le général Moinier pouvait peut-être ne pas suffisamment comprendre que c'était M. Regnault lui-même qui parlait, sous le cou­vert des consuls étrangers, il pousse l'aberration jusqu'à ajouter :




337
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE



" Je n'ai pu qu'apprécier toute la valeur de ces observations. "

II a peur de n'avoir pas été assez explicite et, lourdement, il écrase les points sur les i. Il n'a pu qu'apprécier toute la valeur de ces observa­tions ...

Certes, cette phrase était plus qu'inutile.

Quel autre que M. Regnault aurait pu écrire : « Ils considèrent comme une imprudence de me­nacer la ville, aujourd'hui tranquille...; une ville où l'ordre est actuellement rétabli ! »

Qui donc aurait osé, le 23 avril, parce qu'il était resté une journée sans entendre de coups de fusil, dire que la ville était tranquille et l'ordre rétabli, sinon celui qui, d'ailleurs avec un tact parfait, télégraphiait au général Lyautey, au mo­ment de sa nomination comme résident général :

" Vous arrivez dans un pays où le calme, mainte­nant, est rétabli (1).... "

Et puis cette formule : « Ils se refusaient, d'ailleurs, à croire.... » Ne semble-t-il pas enten­dre encore M. Regnault répondre au colonel Mangin, selon sa formule de prédilection : « Je me refuse à croire ce que vous dites. Son Excellence El-Mokri m'ayant affirmé que.... »




_____

(1) Phrase à laquelle le général Lyautey répondait, de façon charmante, le lendemain même de son arrivée à Fez, en s'écriant : « Je campe en plein territoire ennemi ! »



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 10:33

Document hors-texte

Cliché l'Illustration du 8 Juin 1912.

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 Fez_0010

Le lieutenant MASCARA a été mortellement blessé le 2 Mai au combat de Maaziz, au sud de Tiflet.

Le lieutenant BISGAMBIGLIA a été mortellement blessé au combat entre la colonne Féraud et les Béni-Ouaraïn de Maharidja le 9 Avril.

Le lieutenant Juge est décédé lors de l'attaque des Tribus contre Fez le 26 Mai en défendant Bab Fetouh.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 10:46

338  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

On voit aussi avec quelle subtilité... puérile, sinon diplomatique, M. Regnault, étant obligé de reconnaître qu'il a donné son adhésion à la ques­tion du désarmement de la population, ajoute « qu'il n'a pas été consulté sur l'élaboration de la décision notifiée aux habitants de la ville ».

Son cas n'est-il pas comparable à celui d'un chef qui, ayant ordonné le bombardement d'une ville, viendrait ensuite protester contre l'exécu­tion de cet ordre, prétendant qu'il n'a pas été consulté sur l'emplacement occupé par les batte­ries... ou sur la question du couvre-nuque que portaient les artilleurs !

M. Regnault déclare qu'il informe le ministre des Affaires étrangères « qu'il décline toute res­ponsabilité pour le cas où il serait donné suite à la menace faite à la population de Fez ».

Il avait vu le général Moinier employer cette formule au sujet de l'obstination qu'il mettait à s'opposer à la proclamation de l'état de siège, et il voulait, lui aussi, niaisement, en faire autant à l'encontre du général Moinier !
Il ne se rendait-pas compte que ce dernier « dé­gageait sa responsabilité » pour protester contre l'inaction du ministre, en demandant précisément l'action, donc la responsabilité. Tandis que lui, Regnault, « dégageait sa responsabilité » pour protester contre l'activité du général, en demandant par conséquent l'inaction, donc l'irresponsa­bilité.



339  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE

L'attitude du premier était courageuse; celle du second était... le contraire. D'ailleurs, M. Re­gnault avait-il besoin de tant insister pour mon­trer qu'il était « irresponsable ? »

On voit enfin M. Regnault s'opposer à ce que M. Gaillard, en sa qualité de doyen du corps con­sulaire, notifie à ses collègues les dispositions arrêtées par le général Moinier !

N'avons-nous pas raison de penser que M. Re­gnault, affolé d'orgueil, ne discernait plus les véritables intérêts de la France, qu'il était chargé de servir ? Et, dans ces lamentables journées, ne peut-on pas dire que ses seules préoccupations étaient tournées contre l'armée et ses représen­tants, au lieu d'être tendues constamment vers les assassins et leurs complices à démasquer (1)?



_____

(1) II est, dans la protestation des deux consuls d'Angle­terre et d'Espagne, un fait assez surprenant.
Que M. Cortès ait protesté, rien de plus naturel. Il était un de ces consuls espagnols qui incitaient ouvertement les Marocains à résister aux Français et ne déparait pas la collec­tion des agents espagnols de Mogador et Mazagan, contre lesquels dut s'exercer toute l'énergie du général Lyautey, au moment des incidents de El-Hiba, afin que nos diplo­mates du quai d'Orsay daignassent enfin intervenir pour obtenir leur déplacement immédiat. Il était donc parfaite­ment dans son rôle en faisant une démarche peu arnicale, à laquelle le consul d'Allemagne lui-même ne s'était pas associé. On sait depuis longtemps, en effet, que nous n'avons jamais eu, au Maroc, de pires, plus sournois et plus mesquins adversaires que les Espagnols.

Mais comment se fait-il que l'honorable M. Mac Leod, dont la correction vis-à-vis de la France a toujours été par­faite et qui — on l'a vu au moment de l'affaire du caïd Lhassen — s'est même montré plus correctement « Fran­çais » que M. Regnault, comment se fait-il, disons-nous, que cet honorable consul se soit joint à son collègue espa­gnol pour faire une démarche que M. Regnault a pu pré­senter sous un jour si discourtois ?

Cette intervention hostile est d'autant moins explicable que, au moment de la notification de l'ordre du général Moinier concernant le désarmement de la population aux consuls étrangers résidant à Fez, les consuls d'Allemagne, d'Autriche et d'Espagne formulèrent des réserves expresses contre toute atteinte à leur droit exclusif de juridiction sur leurs ressortissants, et que seul M. Mac Leod, consul d'An­gleterre, visait la notification sans commentaires.

Aussi est-on en droit de se demander si M. Mac Leod, qui était en excellents termes avec M. Regnault, n'a pas cru « faire plaisir » à ce dernier — et par conséquent à la France, pouvait-il supposer — en formulant la protestation dont M. Regnault sut si bien se servir contre le général Moinier ?...


Ce n'est évidemment là qu'une supposition... mais com­bien vraisemblable !




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 11:23

Note hors-texte


Ce livre d'Hubert-Jacques, que je possède et scanne, a appartenu à la famille DOUGLAS, dont l'un des membres, le capitaine DOUGLAS était en activité au Maroc au moment des faits. Il est parfois annoté au crayon de remarques pertinentes acquiesçant les plus souvent les écrits de l'auteur, deux fois les contredisant ! Je ne me suis pas cru autorisé à insérer ces textes au fur et à mesure mais je donne ici le scan photo du commentaire de la note de la page 339 ( la note, dans le livre, est publiée sur 2 pages ):


HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 Fez_0011
 " Mais non  , Mac Load croyait que
la menace préventive
était une gaffe, il l' a dit plus d'une fois "



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 11:50

340  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Quoi qu'il en soit, le général Moinier est bien obligé de répondre encore à M. Regnault. Il le fait dans une lettre sèche, dont chaque phrase claque comme un démenti.


Moinier à Regnault.

Dar-Debibagh, 24 avril 1912.

" En  réponse  à votre lettre n°  9  du  28  avril,  j'ai l'honneur de vous faire connaître que les ordres que j'ai donnés pour le désarmement de la population de Fez, sont la conséquence de l'adhésion que votre lettre n° 6 du 22 avril, a donnée à cette mesure.




341  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Quant à la menace d'exécution militaire que contient la note lue au bureau du pacha, elle a été dictée par le désir de prévenir des incidents plutôt que d'avoir à les punir et d'assurer la sécurité du personnel chargé du désarmement, en inspirant une crainte salutaire à ceux qui seraient tentés de s'opposer à leur action. Il n'est nullement dans rnon  intention d'ouvrir le feu sur la ville, si la vie de nos soldats y est respectée; vous pouvez en donner l'assurance formelle à MM. les Consuls.

L'opération du désarmement est déjà commencée et se terminera ce soir à 7 heures. Elle n'a donné lieu, jusqu'à présent, à aucune émotion, et les quel­ques observations qui se sont produites au sujet de la brièveté du délai accordé, ne peuvent avoir d'autre cause que le désir chez quelques-uns d'avoir le loisir de dissimuler ou de faire sortir de la ville les armes et les munitions dont ils sont détenteurs "

signé : MOINIER.


Le général Moinier ne tient donc aucun compte des récriminations de M. Regnault; il maintient courageusement ses ordres et en poursuit la ri­goureuse exécution. Et tout se passe sans le moindre incident, grâce aux énergiques disposi­tions qu'il avait su prendre et que M. Regnaull n'avait su que critiquer.

Ce dernier gardait pour lui la seule gloire d'avoir... « décliné toute responsabilité » !


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 12:05

342  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Malgré les télégrammes de M. Regnault on commençait à se rendre compte, en France, de la situation, et l'on apprenait enfin, à Fez, que le général Lyautey venait d'être nommé Commis­saire résident général au Maroc.

Justice était faite !

Que M. Regnault n'essaie pas, d'une autre fa­çon, de déplacer les responsabilités en voulant les faire retomber sur d'autres têtes.

Indépendamment du rôle personnel qu'il a joué, il était « le chef » et, par conséquent, le seul responsable.

Il fallut la catastrophe du 17 avril pour ren­verser les rêves insensés de cet homme médiocre. D'un esprit étroit et fermé, incapable de se faire une opinion par ses propres observations, obligé, par conséquent, d'écouter les avis intéressés de son entourage, qui l'avait habitué à recevoir un perpétuel encens, il a disparu de la terre maro­caine, éclaboussé par le sang des Français vic­times de son incapacité.

Combien d'autres cadavres auraient été amon­celés par sa politique sectaire et brutale si le mal­heur avait voulu qu'il fût nommé résident gé­néral (1) ?



_____


(1) On prête à l'un des chefs les plus autorisés du parti  colonial au Parlement le mot suivant : « La politique de M. Regnault portait des œillères. »




343
LES CAUSES REELLES DE L 'MEUTE


L'effondrement de M. Regnault, en apprenant la nomination du général Lyautey comme rési­dent général au Maroc, fut complet.

Après le 17 avril, il avait su réagir rapidement et mettre tout en œuvre pour essayer de démon­trer que les causes de la révolte étaient indépen­dantes de sa volonté. Il avait accumulé les erreurs et les mensonges avec tant de bonheur que le gouvernement, trompé, lui adressait des félicita­tions officielles !

Après la nomination du général Lyautey, ce fut la torpeur accablée.

Le 17 avril, 80 victimes succombaient, mais ses facultés intellectuelles, orientées vers la dupli­cité, restaient intactes.
Le 27 avril, il était atteint dans ses ambitions et ses facultés sombraient !

Quand le sang de la France coulait par le fait de son imprévoyance, il demeurait hautain; mais quand son orgueil était frappé, il tombait dans l'hébétement.

Quel réveil ! Quelle fin de rêve ! Tout cepen­dant avait été si bien combiné, si bien machiné...

Il ne songea plus alors qu'à quitter au plus tôt cette ville, cause de l'ingratitude du gouverne­ment à son égard.
Il fixa son départ au mercredi 8 mai, sans re­noncer toutefois à son projet de faire partir le Sultan avant lui.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 12:11

Note hors-texte

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 Fez_0012

Une rencontre émouvante sur la route de Fez : le général Lyautey salue la veuve d'un officier tué pendant l'émeute, Mme Bourdonneau qui descend vers Casablanca.
Mme Bourdonneau porte encore le costume marocain, le général est tête nue.
Photographie G. VEYRE


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 11 EmptyMer 16 Juil - 15:36

344  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

Cette idée était tellement arrêtée dans son esprit qu'elle avait gagné certaines per­sonnalités de son entourage et que l'une d'elles, adjointe en qualité de soi-disant arabisant, et qui ne manquait jamais de faire publiquement éta­lage de ses sentiments antimilitaristes unifiés (1), répétait partout : « Nous voulons emmener le Sul­tan avec nous, et dussions-nous rester encore un an ici, nous l'emmènerons ! »

On comprenait le désir légitimement égoïste de M. Regnault, dont la situation était des plus fausses, de quitter au plus vite Fez, où le séjour n'était pas des plus agréables. Puis il espérait ainsi dégager sa responsabilité des événements ulté­rieurs, laissant son successeur aux prises à de très graves difficultés.

Mais il convenait cependant de ne pas songer uniquement à soi et d'envisager encore l'avenir de notre protectorat au Maroc.



_____


(1) Ce fut cette même personne qui, le 18 avril au matin, à la table de M. Regnault, alors que l'on se battait encore dans les rues, disait, en présence de deux officiers, dont les camarades étaient en train de se faire tuer pour protéger sa précieuse personne : « Oh ! tout le monde sait bien que les militaires sont des gens de mentalité tout à fait inférieure. » C'est ce personnage dont M. Regnault devait faire son secrétaire général, au cas où il eût été, lui-même, nommé résident.
Quant à M. Gaillard, M. Regnault esti­mant que sa place n'était plus au Maroc, il avait demandé un poste de consul en Europe.




345
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


C'est pourquoi deux notes parues presque si­multanément dans le Matin et dans le Temps télégraphiées de Fez par les envoyés spéciaux de ces journaux, incitèrent le gouvernement à pres­crire à M. Regnault d'attendre l'arrivée du géné­ral Lyautey.

C'est ce qu'il fut obligé de faire, la mort dans l'âme.

Le général Lyautey n'arrivait à Fez que le 24 mai, et M. Regnault partait le 6 juin (1).

A la réception qui fut offerte le 24 au soir, à l'ambassade de France, en l'honneur de l'arrivée du résident général et de son état-major, le général Lyautey, avec un charme exquis, étouffa M. Regnault sous les fleurs :



_____


(1) M. Regnault a toujours dit qu'il s'était beurré à la volonté inflexible du Sultan de quitter Fez,
Ceci est exact et nous savons nous-même que le désir du Sultan était réel.
Maïs le ministre de France est-il bien sûr d'avoir fait tout ce qu'il fallait pour dissuader le Sultan d'un projet qui souriait tant à M, Regnault ? Ne s'est-il pas servi du désir — certain — du Sultan pour couvrir une décision dange­reuse, fixement arrêtée dans son esprit depuis longtemps ?

On serait tenté de le croire en voyant le général Lyautey obtenir assez facilement, dès son arrivée à Fez, l'engage­ment écrit du Sultan de ne pas abdiquer avant trois mois. Or, la volonté d'abdiquer était aussi forte chez Moulay-IIafid que celle de quitter la capitale.

S'il en était autrement, il faudrait en conclure que l'in­fluence de M. Regnault sur le Sultan, influence dont il fai­sait si ostensiblement étalage, était plutôt précaire !

Il appartenait, en effet, à  ceux qui se flattaient d'avoir une si grande autorité sur Moulay-Hafid de le dissuader de se mettre en route à un tel moment. Nous estimons que la chose pouvait être, sinon facile, du moins parfaitement fai­sable. On avait des arguments d'intérêts de nature à le toucher infailliblement. Et il restait même encore d'autres moyens qu'un homme d'action aurait dû savoir prendre, sans en arriver cependant à aucune extrémité violente qui eut également présenté des dangers.

Que l'on veuille bien remarquer qu'il s'agissait simple­ment d'un ajournement de deux mois au plus, pendant lesquels on aurait eu le temps d'être parfaitement fixés sur les dispositions des tribus. Ce délai permettait, d'ailleurs, d'attendre la saison des moissons, pendant laquelle les Ma­rocains restent chez eux pour vaquer aux occupations agri­coles. En juillet et août, un apaisement certain devait se produire. C'est ce moment que l'on aurait dû choisir pour éloigner le Sultan.

Mais non ! M. Regnault voulait quitter Fez au plus tôt et emmener le Sultan avec lui. Il fallait donc que ce dernier se mit en route de suite !



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