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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 8:51


48
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Le lieutenant Lapart fut également assiégé dans sa maison et pris vivant. Son corps fut torturé et carbonisé.
Le lieutenant Renahy, de service à la Kechla, fut massacré et brûlé vif, ainsi que le sergent Posuelos et le maréchal des logis Macaigne, par les soldats de leurs tabors.

Le lieutenant Rossini fut tué par les rebelles du tabor du Bastion, pendant qu'il se rendait de Tamdert (1) à ce point.
Le lieutenant Avril fut égorgé par les soldats du tabor d'artillerie, pendant qu'il se rendait à la Kechla.
Le caporal Bonnet et le soldat Lasserre, de l'in­fanterie coloniale, en corvée d'ordinaire, furent rencontrés par les émeutiers et mis à mort près de Bou-Djeloud.

Le maréchal des logis Guéraz fut éventré de­vant la porte de sa maison.
Le sergent Cocard fut fusillé, le 18, par des ca­valiers, au moment où il cherchait à quitter la Kechla dans laquelle il était réfugié depuis la veille.


_____

(1) Marabout situé à l'est de la ville.


49
LES MASSACRES


Le maréchal des logis Kern fut criblé de coups de baïonnette par des soldats, près de la porte de Bab-Smaouine.
Un tirailleur indigène fut également massacré en ville.

M. Moutet fut surpris à Fez-Djedid et aussitôt mis à mort.

Mme Imberdis, propriétaire de l'hôtel de France, fut tuée d'un coup de feu tiré à travers la porte, au moment où elle maintenait celle-ci fermée pour permettre aux autres Français de se mettre en état de défense.
Le père Fabre, missionnaire français de l'ordre des Franciscains, fut abattu à coups de fusil dans l'intérieur même de l'hôtel de France.

Enfin, les télégraphistes Miougat, Ricard et Decanis, de l'administration des télégraphes chérifiens, succombèrent après un siège de plus de six heures, dont nous pouvons relater les détails, grâce au récit d'un survivant, M. Rebout, qui n'échappa que par miracle à la mort la plus affreuse.
Qui saura jamais les actes d'héroïsme accomplis par toutes ces malheureuses victimes, avant de succomber écrasées par le nombre ?... Qui dira los conditions horribles dans lesquelles elles sont tombées, odieusement trahies par ceux en qui elles avaient mis une si belle et si généreuse con­fiance !




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 8:52


Document hors texte

Le Palais du Sultan.

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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 9:15


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LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Il fallait les entendre, quelques jours encore avant cette époque tragique, les Cuny, les Maré­chal, les Rouchette, les de Lesparda et toute cette pléiade de vaillants officiers, affirmer leur foi dans la fidélité des tabors confiés à leur instruc­tion. Ils avaient marché au feu avec eux, ils avaient vécu leur vie dans le bled, ils avaient appris à les aimer et croyaient en être aimés....

Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé ?
Ils n'étaient pourtant pas des « nouveaux dé­barqués » tous ces officiers parlant leur langue et connaissant leur mentalité. Comment avaient-ils pu se laisser surprendre par un tel mouve­ment ?

C'est qu'il y avait des dessous qu'ils ignoraient, il y avait des influences agissantes que d'autres auraient dû connaître ; il y avait des avertisse­ments qui venaient de bien plus haut et que les véritables responsables avaient toujours négligés ou refusé d'admettre, par fatuité, par entêtement, par tactique ou par sottise.

Et ils tombaient, victimes de cette politique criminelle d'optimisme stupide et grossier, d'opti­misme aveugle allant jusqu'à nier l'évidence et jusqu'à mentir, pour la seule satisfaction de paraître et d'en imposer....

51
LES MASSACRES

Les preuves de cet entêtement monstrueux, nous ne les rencontrerons que trop, hélas ! dans quelques instants....

Les rescapés.

Mais si nous ne pouvons pas savoir les derniers instants de ces malheureuses victimes, nous avons, par contre, les récits de quelques « rescapés » qui sont d'un dramatique poignant.

Nous ne connaissons pas, dans les romans d'aventures les plus tragiques, de situations plus critiques et plus invraisemblables que celles dans lesquelles se sont trouvés, par exemple, les qua­tre officiers - les lieutenants Beaujard et Oddou et les vétérinaires militaires Germa et Carpentier - qui, après des péripéties sans nombre, ont réussi, pendant trois jours, à échapper aux pour-suites acharnées des Marocains.

Ils habitaient tous quatre une petite maison au centre de la ville. Ils étaient à table lorsque, vers midi et demi, un ordonnance vint les prévenir que les hommes des tabors se révoltaient.
Ils entendent, au même moment, une grande effervescence dans la rue. Ils barricadent leurs portes et arrêtent aussitôt leurs dispositions de combat. Ils montent au premier étage pour prendre leurs armes, pendant que leurs ordonnances essayent vainement de parlementer.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 9:24


52
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Ils tentent de monter au-dessus de la maison pour s'échapper par les terrasses voisines, mais ils sont accueillis par une vive fusillade.
Ils décident alors de se réfugier dans une des chambres du premier étage, car la porte de la rue vient d'être enfoncée et les émeutiers se ré­pandent déjà dans la cour intérieure.
Avant de s'enfermer dans la pièce qu'ils ont choisie pour y soutenir le siège, ils poursuivent la résistance par le balcon intérieur, d'où ils ouvrent le feu sur les assaillants qui se trouvent devant la porte d'entrée et dans la cour. Ceux-ci reculent dans un corridor, d'où ils continuent à tirer.

Beaujard et Oddou avaient chacun une cara­bine Mauser; Germa, une Manchester et Carpentier son simple revolver d'ordonnance.

Ils continuent à faire feu chaque fois qu'une tête se montre.

Pendant ce temps, d'autres Marocains pillent la maison. Bientôt, une faible porte les sépare des assaillants, qui les prennent en enfilade. Ils en­trent alors dans la chambre d'Oddou. Les trois qui ont des carabines tirent par les deux fenêtres et la porte, tandis que le quatrième garnit les chargeurs et les passe à ses camarades.

53
LES MASSACRES


Mais le nombre des Marocains augmentant sans cesse, ils songent à la retraite, voyant qu'ils ne peuvent plus résister longtemps, pris de plusieurs côtés à la fois par les feux croisés des assaillants.

Ils explorent alors les cabinets attenant à la pièce où ils se trouvent, et essaient de s'échapper par une petite lucarne donnant à l'extérieur. Elle est trop exiguë pour livrer passage à un homme. Ils décident de l'agrandir.

Germa se met à l'œuvre, tandis que Carpentier et Oddou empêchent la marche en avant des révoltés, déchargeant leurs armes sans discontinuer par les deux fenêtres. Comme instrument, il n'a qu'un fourreau de sabre ! Il gratte entre deux briques et tente d'enlever le mortier : rien ne vient ! Il se décourage et dit à ses camarades d'essayer de passer par le trou tel qu'il est, au risque de s'écorcher et de se meurtrir, puisqu'il n'y a pas d'autre moyen de salut.

Beaujard donne alors à Germa l'idée de frapper avec la crosse de sa carabine. Avec regret, et en prenant mille précautions pour ne pas détériorer la seule arme qui lui reste, il frappe progressive­ment sur le coin d'une brique, qui finit par s'ébranler. Il reprend son fourreau, fait levier avec force et enfin une première brique cède.

En dix minutes, il agrandit l'ouverture, enlève le cadre de bois de la lucarne; il ne leur reste plus qu'à s'élancer au dehors par cette ouverture.



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Document hors-texte

Entrée du palais du Sultan.


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54
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Mais la lucarne donne près d'un égout, grossi par un bras dérivé de l'oued Fez, qui se trouve en contre-bas d'une dizaine de mètres. C'est trop haut pour pouvoir sauter.

Suivant la méthode classique usitée dans toutes les évasions romantiques, ils roulent en corde deux draps, qu'ils nouent ensemble. Mais com­ment en fixer l'extrémité ? Leurs regards errent dans la chambre ... Un tire-bottes ? Les voilà sauvés !... Bientôt, le crochet de l'instrument mord entre deux briques et le drap libérateur pend au dehors.

Mais, pendant tout le temps employé à ces pré­paratifs, l'assaut des Marocains a redoublé de violence. Carpentier et Beaujard sont littérale­ment aveuglés par les débris de plâtre et de bois que font voler les balles qui s'abattent comme la grêle autour d'eux. Ils entendent, en même temps, des coups violents frappés au plafond. Ce sont les assaillants qui cherchent à percer la ter­rasse, comme ils l'ont fait dans d'autres maisons, pour jeter du pétrole par cette ouverture et incen­dier les assiégés.

Une dernière fois, les courageux défenseurs déchargent leurs armes. Puis ils se précipitent dans le petit réduit, au moment même où la porte de la pièce qu'ils viennent de quitter vole en éclats, tandis que la chambre est envahie.

55
LES MASSACRES

Ils ferment au verrou la mince porte du-réduit et barricadent avec des matelas pour amortir la pénétration des balles.
Pendant ce temps, Germa et Oddou ont eu le temps de préparer les moyens d'escalade.

Il était temps....

Germa passe le premier, Oddou le suit, puis Carpentier.
Beaujard allait s'élancer lorsque la dernière porte matelassée tombe sous les coups de hache.
II essaye de s'introduire dans le trou, mais n'y parvient pas. Il perd l'équilibre et tombe, tout en continuant à tirer à bout portant sur les Ma­rocains. Il se couche alors sur le ventre, et, à re­culons, il introduit ses jambes dans le trou. Mais il ne peut se redresser et il est obligé de prendre un point d'appui de la main gauche sur sa cara­bine, tandis qu'il braque son revolver de la main droite.

Enfin, il passe et, tout en se laissant glisser d'une main le long des draps, il tire en l'air, de l'autre, avec sa carabine.... Il tombe avant d'avoir touché le sol et peut heureusement se relever sans mal, au milieu de ses camarades qui l'attendent.

Ils sont au bord de l'égout, dans une ruelle étroite donnant dans la grande rue centrale du Tala. Craignant d'être aperçus, ils sautent résolument tous quatre dans l'égout et se sentent enfin momentanément en sécurité.




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 9:43

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LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ
Ils s'aperçoivent alors que Carpentier a été blessé au front par un ricochet. Qu'importe ! Ils remontent l'égout et arrivent sous une partie voûtée qui semble se prolonger au loin. Ils pen­sent alors gagner l'extérieur de la ville en remon­tant la canalisation. Mais, au bout d'une centaine de mètres, l'eau atteint la voûte, et des pointes verticales barrent le passage.

En plongeant, ils réussissent à franchir cet obstacle; mais ils sont bientôt arrêtés par une seconde barrière de bois, dont les montants s'en­foncent dans le liquide.
En renouvelant sa manœuvre à plusieurs re­prises, Germa réussit à arracher un de ces mon­tants, mais ses efforts s'épuisent contre le second.

— " Nous pourrions, dit-il, en forçant un peu sur les deux montants de bois, traverser quand même ! "
Et il passe de l'autre côté de la barrière. Mais lorsque Carpentier, affaibli par le sang qu'il a perdu de sa blessure, veut suivre à son tour, il est près de se noyer. Oddou plonge aussitôt et réussit à le retirer en le prenant par une jambe. Il aide ensuite Germa à revenir en arrière.

Ils n'ont plus qu'à attendre, dans l'eau fétide, chargée d'immondices et de matières de toutes sortes, qui leur monte jusqu'au visage.

57
LES MASSACRES


Vers 10 heures du soir, ils reviennent quand même jusqu'à l'entrée de l'égout pour voir ce qui se passe.

Arrivés au point où ils sont entrés, ils aperçoi­vent deux hommes, dont l'un explore avec une lanterne attachée au bout d'une corde l'intérieur de l'égout, cherchant à apercevoir les fugitifs.

Ils se retirent précipitamment, en se collant contre les parois et en disparaissant dans le li­quide immonde....
Ils remontent un peu plus haut quelques instants après et passent la nuit près d'un moulin mugissant, entendant des gens qui vont et vien­nent en les cherchant.

Ils passent ainsi la nuit dans des transes conti­nuelles, au milieu de rats énormes qui tournoient autour d'eux, la figure voilée par de gigantesques toiles d'araignées, blottis les uns contre les autres, paralysés par le froid, menacés d'être entraînés par une eau empestée roulant des cail­loux et des tessons de bouteilles.
Ayant été surpris chez eux, pendant leur dé­jeuner, ils étaient simplement chaussés de ba­bouches arabes qui ne tardèrent pas à être em­portées par le courant ;



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Document hors-texte

Fès - Fenêtres donnant sur l'oued


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 20:20

58  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

aussi marchaient-ils maintenant pieds nus sur des débris de verre et de poteries cassées qui les ensanglantaient.

Pour comble de malheur, un orage épouvan­table, accompagné d'une pluie diluvienne, éclata dans la nuit sur la ville. L'égout dans lequel ils se trouvaient, alimenté par les eaux de l'oued Fez, montait, montait.
                       
Ils en arrivèrent à se demander si, tout comme dans le bon roman classique, ils n'allaient pas être submergés.
Ils furent obligés de chercher un endroit où la voûte était un peu plus élevée pour réussir à maintenir leur tête hors de l'eau....

« De temps en temps, dit un de ces officiers dans son rapport, on s'assoupissait, puis on se réveillait, et alors on se cherchait les mains, que l'on pressait fiévreusement pour s'assurer que nous étions bien là. Que de projets nous avons faits pendant cette nuit. »

Ils attendent ainsi toute la journée du lende­main, envisageant mille hypothèses impossibles à réaliser, sans tenter quoi que ce soit.
Ils entendent des feux de salve répétés et pensent que ce sont les indigènes révoltés qui tirent en l'air, à la mode arabe, pour célébrer leur vic­toire et manifester leur joie. Ils tiennent conseil — on se représente ce conseil! — et décident d'attendre.


59  
LES  MASSACRES


II faut lire le rapport officiel du lieutenant Beaujard, le plus ancien de ses camarades, qui écrit simplement cette phrase :
" La journée se passa sans incidents, ainsi que la nuit. "

Ils étaient là depuis trente-six heures sans nourriture, dans l'eau glacée leur montant par instants jusqu'au cou, plongés dans un égout infect, au milieu des rats, les pieds ensanglantés par des débris de verre, s'attendant d'un moment à l'autre à être surpris et massacrés, et ils écri­vent avec calme : « La journée se passa sans incidents, ainsi que la nuit.... »

La deuxième nuit « sans incidents » arrive. Carpentier, engourdi, qui n'a qu'un pantalon et une chemise, affaibli par sa blessure, souffre horriblement du froid. « A plusieurs reprises, disent ses camarades, nous sommes obligés de le prendre dans nos bras pour le réchauffer. »
On se représente le tableau de ces malheureux, en proie à toutes les souffrances de la faim, de la soif, du froid et du sommeil, meurtris, ankylosés, plongés dans des ténèbres pestilentielles, prenant à tour de rôle, comme une mère son enfant, un de leurs camarades plus souffrant « pour le réchauffer ».

Quels liens indestructibles d'affection doivent unir de tels hommes après de telles épreuves !



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 20:27

60
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Toute la nuit du 18 au 19 se passe encore ainsi !

Le 19 au matin, ils sont à bout de forces, et comprennent qu'ils ne pourront rester un jour de plus dans une telle situation.
Ils essayent de revenir sur leurs pas et de sortir avec précaution, par l'endroit même où ils sont entrés trente-six heures auparavant. La rue est déserte; ils se hissent les uns après les autres hors de l'égout. Mais leurs membres ankylosés et meurtris refusent de les porter. Ils sont obligés, pendant un grand moment, de se livrer à des frictions, des massages et des exercices de gym­nastique, pour essayer de pouvoir marcher.

Quel spectacle devaient encore offrir ces quatre hommes, à moitié nus, ensanglantés, dégoûtants d'eau sale, se livrant au petit jour, dans une rue déserte de Fez, à des exercices de gymnastique suédoise !

Carpentier s'avance avec prudence jusqu'à la porte qui barre la ruelle. Il aperçoit un Marocain en armes qui vient précisément pour ouvrir cette porte.
Il se plaque contre le mur et, dès que la serrure a cédé, il trouve encore assez de force pour sauter à la gorge du Marocain, le terrasser et lui enlever son fusil !
On s'explique : le Marocain est précisément un ami qui vient les chercher de la part du caïd Demnati.

61  
LES   MASSACRES

C'est un ami de la France qui les engage à le suivre.

Beaujard et Germa se décident, après avoir re­vêtu des burnous apportés par ce Marocain, à tenter l'aventure. Coûte que coûte, ils en ont assez ....

Oddou et Carpentier, flairant un piège, ne veulent pas se joindre à eux et retournent se plonger dans l'égout, attendant, pour sortir, qu'on leur montre un papier signé du général Brulard.

Une demi-heure après, arrive un autre Maro­cain qui montre le papier demandé, et Oddou et Carpentier se décident alors à suivre l'émissaire, qui les conduit enfin auprès de leurs camarades, déjà confortablement installés sur des matelas, enroulés dans des couvertures chaudes, devant des tasses de thé brûlant.

Il est 10 heures du matin lorsque, un peu res­taurés, ils tombent de fatigue et de sommeil pour s'endormir jusqu'à 5 heures du soir. Ils sont réveillés, à ce moment, par le bruit du canon, dont les obus passent en ronflant au-dessus de leurs têtes pour venir éclater tout près d'eux !

N'ont-ils donc échappé au péril marocain que pour succomber sous les obus français ?
C'est ce qu'ils se demandent, lorsqu'on vient heureusement les chercher pour les conduire à l'hôpital militaire, où prendront fin seulement leurs effroyables tribulations....



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 20:33

Document hors-texte

Evénements de Fez - 17-19 Avril 1912

FEZ - Vue du fortin nord, dit Bordj de Bab el-Ftouh, occupé par les soldats du Tabor
qui en furent délogés par les troupes françaises.

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 Bascan35



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62
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Le siège de la maison des télégraphistes fut plus effroyable encore, car trois Français sur quatre succombèrent.
Prévenus eux aussi, vers 1 heure, que l'émeute venait d'éclater, ils se barricadèrent dans leur maison. N'ayant pas tardé à être attaqués par un grand nombre de Marocains, ils se réfugièrent dans une petite chambre du premier étage don­nant sur une cour intérieure. Ils n'avaient pour soutenir le siège qu'une carabine Winchester, avec une trentaine de cartouches, et un revolver, avec une vingtaine de cartouches seulement.

Aussi furent-ils obligés d'économiser les muni­tions, de ne tirer qu'à coup sûr, de façon à abattre un assaillant à chaque coup.

Ils furent bientôt pris entre deux feux par les émeutiers, qui avaient réussi à enfoncer la porte d'entrée. Mais comme ils commandaient cette issue, les Marocains percèrent un des murs de la rue pour pouvoir pénétrer à couvert dans la maison.

Les quatre Français : Decanis, Miagat, Ricard et Rebout abattaient successivement tous ceux qui se montraient; mais leurs munitions commen­çant à manquer vers 3 heures de l'après-midi, ils se réfugièrent dans le fond de la pièce qu'ils occupaient, après avoir entassé devant eux plusieurs tonnelets et divers objets pour en faire iune barricade.

63
LES MASSACRES

A deux reprises, des détachements de volon­taires, conduits par M. Biarnay, directeur des télégraphes chérifiens, tentèrent de les délivrer. A deux reprises, les sauveteurs durent rebrousser chemin devant la violence du feu des émeutiers.

Livrés à eux-mêmes, les quatre assiégés ten­tent un dernier effort. Ils enlèvent en partie les barricades qu'ils avaient édifiées pour pouvoir, à travers la porte fermée, tirer leurs dernières cartouches sur les révoltés, qui cherchent à enfoncer cet obstacle.

Mais les Marocains ripostent dans les mêmes conditions. Rebout est atteint, le premier, d'une bulle dans l'épaule. Il se couche, avec ses cama­rades, pour offrir moins de prise aux balles. Les assiégés continuent un tir très lent, répondant par un coup sur vingt ou trente, au feu de l'adversaire.

Voyant qu'ils ne peuvent enfoncer la porte, les émeutiers montent à l'étage supérieur et font un trou au plafond, par lequel ils laissent tomber des bois et des chiffons enflammés. Leur tir ne cesse pas et Decanis est atteint d'une balle en pleine poitrine, puis d'une seconde dans la tête ;



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64
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ
Rebout reçoit une deuxième balle dans la cuisse, tandis que Ricard est atteint au bas ventre.

Miagat, seul valide, prend la carabine et le revolver pour décharger les derniers coups. Mais il reçoit à son tour une balle dans la tête et tombe pour ne plus se relever.

La chambre est maintenant envahie par la fumée et toute la boiserie commence à prendre feu.
Seuls, Ricard et Rebout, encore en vie, essayent de respirer dans un coin de la pièce. Ricard reçoit un nouveau coup de feu en pleine poitrine et ne tarde pas à ne plus donner signe de vie.

Comprenant qu'il est perdu, Rebout songe à se suicider pour éviter de tomber vivant dans les mains des Marocains.

II arme sa carabine, mais casse, dans l'aveugle­ment de la fumée, le mécanisme de culasse, qui ne fonctionne plus. Il prend alors son revolver à cinq coups. Il regarde, il reste encore une balle.

— Je suis sauvé, dit-il en appuyant l'arme sur sa tempe et en faisant jouer la gâchette....
Mais le coup n'est pas parti. Plusieurs fois, il renouvelle la même tentative, sans réussir davan­tage. Il ouvre alors son revolver pour voir ce qui l'empêche de fonctionner, mais, crispé par la douleur de ses deux blessures, à moitié asphyxié par la fumée, qui devient de plus en plus épaisse, il ne peut le refermer....


65
LES MASSACRES

Il abandonne à regret cette arme, qui présen­tait sa dernière chance de « salut », et se décide à s'asphyxier au plus tôt.
Il bouche avec de la paille une petite ouverture, grâce à laquelle il a pu respirer jusqu'à présent, et se jette en avant pour avaler le plus de fumée possible.
Mais la souffrance qu'il éprouve est tellement atroce qu'il revient à l'ouverture et enlève le tampon de paille pour respirer longuement l'air pur du dehors....

A deux reprises, il essaie à nouveau de se jeter dans la fournaise; mais, deux fois encore, la souffrance est plus forte que sa volonté. Il tombe, épuisé par la perte de son sang, et s'évanouit...o Quand il revient à lui, le feu s'est éteint et il lui semble qu'un Marocain est là, tout près, qui le guette. II n'ose faire un mouvement et attend d'être pris.
N'entendant rien, il soulève doucement, douce­ment une paupière, et regarde..., la chambre est vide. Il a sans doute été victime d'une hallucina­tion.... Il essaie de se lever sur les genoux, mais sa faiblesse est telle qu'il retombe, épuisé de nou­veau.
Et, jusqu'à 9 heures du soir, jusqu'au moment où un détachement de tirailleurs, sous les ordres du capitaine Henry, vient pour l'enlever et le conduire à l'hôpital, il passe par les transes les plus affreuses chaque fois qu'il entend un mouve­ment.



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FEZ - Casbah Dar-Debibagh

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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 21:50

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LES  JOURNÉES   SANGLANTES  DE   FEZ
Il avait même, à un moment donné, essayé de sortir, mais il dut rentrer précipitamment, poursuivi par les balles des tirailleurs, qui, dans l'obscurité, croyaient se trouver en présence d'un pillard.

A l'hôtel de France également, où se trou­vaient de nombreux Français, un siège en règle fut livré.

Tandis que quelques-uns, parmi lesquels M. et Mme Capdepont, le capitaine Fabry, MM. Chavreau, Thiébaut, de Rougemont, Bugette, L'Hermitte, Bernard et le sergent Bochet, réussissaient, en s'échappant par les terrasses, à se réfugier chez un chérif voisin et passaient une nuit d'an­goisse serrés les uns contre les autres, sans oser faire un mouvement, un second groupe, com­prenant les sergents Filion, Aubert et Gouault, le brigadier maréchal Goiton, le R. P. Fabre, MM. Bôhner et Molard, s'enfermait dans une chambre et soutenait jusqu'au soir un siège en règle, ayant également à se défendre contre le feu du dehors et les matières enflammées que les émeutiers essayaient de projeter par des ouvertures  faites au plafond.


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LES  MASSACRES

Le R.P. Fabre, qui se trouvait avec ces derniers ayant voulu aller parlementer avec les émeutiers, persuadé que sa qualité de « marabout » serait une sauvegarde pour lui, fut lâchement assassiné dans la cour de l'hôtel.

Ce fut le lendemain 18, à midi, que les survivants furent délivrés par les tirailleurs du capitaine Joué, qui les ramenèrent dans le quartier de l'Hôpital, en emportant les deux cadavres du R.P. Fabre et de Mme Imberdis, la courageuse Française qui s'était fait tuer en voulant défendre l'accès de la porte de l'hôtel, tandis que les hommes allaient chercher leurs armes, en leur donnant ainsi, au sacrifice de sa vie, le temps d'organiser leur défense.


Le pillage du Mellah.


Tandis qu'une partie des révoltés et de la po­pulation civile se livrait aux atrocités que nous venous d'exposer, le reste des émeutiers, trans­formés en pillards, se ruait sur le quartier du Mellah....

En traversant, quelques jours après, les rues dévastées de ce Mellah, nous avons eu une vision d'horreur, rappelant celle que nous avions déjà éprouvée au moment du bombardement de Ca­sablanca.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 21:57


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LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Pendant plusieurs heures, nous avons erré au milieu d'une ville déserte, silencieuse, pillée de fond en comble, à moitié en ruines. La grande rue centrale qui traverse tout le Mellah n'est plus qu'un monceau de décombres fumants d'où émergent des poutres calcinées et des débris humains.

Tout le Mellah de Fez-Djedid, comprenant 12.000 habitants environ, a été totalement pillé, incendié en partie. Il ne reste plus le moindre objet dans la plus petite des boutiques, le moin­dre meuble dans la plus grande des maisons. Tout ce qui, par son poids ou son volume, n'a pu être emporté, a été brisé sur place.

Il ne reste plus un seul habitant de ce quartier naguère grouillant d'une vie intense. Tout est morne, lugubre, désolé dans ce milieu jadis éclatant de couleur et de lumière. Deux mille askris et on ne saura jamais combien de cita­dins de Fez ont passé trois journées entières à piller, à massacrer.
Une cinquantaine de cadavres juifs ont été re­trouvés, plus du double gît encore sous quatre mètres de décombres. Ces décombres, dans des rues entières, s'élèvent à la hauteur d'un pre­mier étage !



69
LES MASSACRES


Des maisons, dont toute la façade est tombée, laissent apercevoir les murailles opposées et toutes les cloisons éventrées des appartements, ainsi que les séparations des étages, comme dans la coupe verticale d'un plan d'architecte. Quelques saillies marquent seules, dans d'autres maisons en ruines, les emplacements naguère occupés par les chambres et les étages.

Une fumée acre, mêlée de vapeurs chaudes, monte de cet amas de débris.

Le plus violent des tremblements de terre n'eût pas composé un tableau d'horreur plus effrayant et plus lugubre.
C'est vers midi et demi que l'alarme fut donnée au Mellah. Aussitôt toutes les portes fu­rent fermées et les Juifs n'eurent plus qu'un seul espoir : celui que leurs portes pourraient résister aux assauts qu'elles allaient sûrement avoir à subir.

Par suite de faits de contrebande de cartouches récemment signalés dans le Mellah, l'autorité mi­litaire avait fait rendre toutes les armes de ce quartier. Les malheureux, sans moyens de dé­fense, se trouvaient donc sans aucun secours possible, exposés à la fureur bien connue des émeutiers.




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 22:01

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Rescapés de la communauté du Mellah réfugiés dans le Palais du Sultan.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 22:09

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LES  JOURNÉES   SANGLANTES   DE   FEZ

De tout temps, en effet, et dans toutes les villes du Maroc, les Mellah ont excité la convoitise des Musulmans fanatiques. Cette fois, un Mellah de 12.000 habitants sans défense était à leur libre disposition. Ils ne tardaient pas à en profiter co­pieusement !

Vers 2 heures, les portes, criblées de balles et attaquées au pic et à la hache, tombaient en livrant passage à un torrent de pillards.

Les Juifs, terrorisés, tendentes ad sidéra palma,  leur dirent prendre leurs biens et leurs ri­chesses, mais  de leur laisser la vie sauve.

— Nous allons commencer par vous dépouiller, leur  fut-il  répondu,   demain   nous  reviendrons pour vous tuer.

Et ils firent comme ils dirent. Par bonheur, une porte nouvelle avait été ré­cemment ouverte dans le mur d'enceinte,  per­mettant  de communiquer  directement  avec  la route de Bar-Debibagh. C'est par cette issue que presque tous réussirent à fuir pendant que les envahisseurs s'attardaient à piller.

Dès que le Sultan fut prévenu de cette situa­tion, il fît ouvrir une des portes du palais don­nant près du Mellah et offrit asile à tous les rescapés.


71  
LES   MASSACRES

Le Sultan eut ensuite à subvenir à la nourriture de ces 12.000 personnes, qui n'avaient pas mangé depuis la veille, ayant, comme tout le monde, été surprises au moment de leur déjeuner.
Moulay-Hafid fit mettre immédiatement à leur disposition tout ce qu'il avait, ordonnant d'ouvrir et de distribuer les caisses de vivres qu'il comptait (emporter pour son prochain voyage.

La faim des malheureux put être ainsi apaisée une soirée; mais la grosse question de la nourri­ture d'un nombre aussi considérable de personnes restait entière pour le lendemain et les jours suivants.
L'autorité militaire française fit distribuer mille petits pains arabes et le consul d'Angleterre douze cents. Mais là se bornait le premier effort, toutes les réserves de la ville étant épuisées.

Le lendemain, les malheureux tombaient d'ina­nition, sans qu'il fût possible de leur venir en aide, toute distribution d'argent étant inutile, les moyens manquant de fabriquer 6.000 kilo­grammes de pain par jour.

Les autorités prirent en hâte toutes les mesures propres à parer, dans la mesure du possible, à cette lamentable situation.
Nous parcourons, dans les innombrables bâtiments du palais, les emplacements réservés aux rescapés.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 22:23


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LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Ils grouillent par centaines, entassés les uns sur les autres, dans de grandes cours, dans des couloirs, dans de vieux magasins, dans des écu­ries, sous des voûtes, derrière des portes, partout enfin où il y a le moindre emplacement libre.

Mais le spectacle le plus original et le plus inattendu était celui de plusieurs centaines de femmes, de jeunes filles et d'enfants blottis dans des cages bardées de fer réservées aux bêtes fé­roces du Sultan.

Dans l'immense cour de la ménagerie, dont les quatre côtés sont formés par des cages garnies de barreaux quadrillés, on peut voir une cage occu­pée par deux lions superbes, à côté d'une autre où une cinquantaine de femmes allaitent des enfants à la mamelle. Plus loin, un ours gris danse à côté de ménages faisant leur popote dans une cage voisine. En face sont des panthères agiles qui grimpent sur leurs barreaux, tandis que des enfants passent
leurs têtes dans le compartiment à côté. Ça et là, des lionnes, des singes, des pumas, des léopards alternent avec des jeunes femmes et des enfants.

Les malheureuses se sont réfugiées là pour être à l'abri des intempéries et ne pas coucher sous la pluie.


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LES MASSACRES


Des petits campements improvisés sont installés dans d'autres cours, où les réfugiés confection­nent tant bien que mal une cuisine rudimentaire avec des restes innommables qu'ils font chauffer dans des contenants des plus disparates. Une famille privilégiée réussit à faire cuire une soupe de fèves sèches dans un vase intime en vieux fer
émaillé que la rouille a rongé et dont les trous ont été bouchés avec des cailloux. Tous leurs voi­sins, le ventre vide, regardent d'un œil brillant d'envie le mets succulent qui va sortir de cette étrange marmite.

Pendant une quinzaine de jours, tous ces mal­heureux restèrent dans cette triste situation. Mais, les secours affluant, ils purent, petit à petit, re­gagner leurs demeures hâtivement remises en état provisoire et reprendre leur vie de misère après avoir été complètement ruinés.

Des dons généreux, provenant de souscriptions ouvertes en France, leur permirent ensuite de s'installer à nouveau dans leur Mellah.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptySam 7 Juin - 22:25

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Le Maroc illustré

FEZ - Poste française du Mellah après le pillage.

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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptyMar 10 Juin - 9:27

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Ici, je voudrais remercier vivement Ouedaggaï  qui a bien voulu m'adresser une série de superbes photos pour continuer à imager ce texte :

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 Bascan40

FEZ - Israélites réfugiés dans la cour des ménageries du Sultan.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptyVen 13 Juin - 9:51

DEUXIEME   PARTIE

Récits militaires.

______


Journée du 17 avril.
SITUATION   MILITAIRE   INITIALE


La situation militaire de Fez, au 17 avril, était la suivante :

Garnison permanente :
Un bataillon [6e bataillon du 4e tirailleurs] com­mandant Fellert);
Une demi-batterie (lieutenant Ferré) ;
Une section du génie (lieutenant Blandan) (1).

Escorte de l'Ambassade :

Un bataillon mixte (commandant Philipot), com­prenant deux compagnies du 4e tirailleurs, une com­pagnie sénégalaise, une compagnie du 4e bataillon colonial ;


_____

(1) Le demi-escadron du 4e spahis qui faisait partie de cette garnison permanente était absent depuis le 13, for­mant l'escorte du général Moinier, en route sur Casablanca.


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Les décorés des évènements de Fès : Le général Lyautey remet, en Juin 1912 la cravate de commandeur de la légion d'honneur au général Brulard.





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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 3 EmptyVen 13 Juin - 10:03



76
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Une section de mitrailleuses (lieutenant Pechair) ;
Une demi-batterie de 76 (lieutenant Lagarde) ;
Un demi-escadron du 6e chasseurs (capitaine de Kervanoël) ;
Un escadron du 1er spahis (capitaine Devanlay).

Ces forces, qui se trouvaient heureusement doublées par le fait de la présence de l'escorte destinée à accompagner l'Ambassade et le Sultan, étaient campées à Dar-Debibagh, c'est-à-dire à quatre kilomètres environ en dehors de la ville.
Elles se trouvaient sous les ordres du colonel Taupin.

L'effectif des troupes chérifiennes représentait 3.200 hommes, répartis ainsi :

Un bataillon d'infanterie au bordj Nord;
Un bataillon du génie à la caserne de Tamdert (Bab-Fetouh);
Un bataillon d'infanterie, dont une compagnie campait à Tamdert, et deux compagnies au bordj Sud;
Deux batteries d'artillerie de 75 de montagne, dont l'une se trouvait au fondouk de Sidi-bou-Nafa, et l'autre au fondouk Diouen.

Toutes les autres unités chérifiennes étaient casernées à la casbah des Cherarda. Elles comprenaient :

Deux escadrons de cavalerie ;

77
RÉCITS MILITAIRES

Un bataillon d'infanterie;
Une compagnie d'instruction (du 8e bataillon);
Un détachement du génie;
Un détachement d'infirmiers.


PREMIERS ÉVÉNEMENTS

Dispositions prises par le général Brulard.
Le général Brulard, qui se trouvait à Fez aux bureaux de l'état-major des troupes chérifiennes, recevait le 17, vers midi, la note suivante du lieu­tenant-instructeur Metzinger :

... " J'ai l'honneur de vous rendre compte que les hom­mes de la compagnie ont refusé de toucher leur solde ce matin. Il ne m'a pas été possible de leur faire entendre raison jusqu'à présent. Ils prétendent que ces innovations ne sont pas conformes à ce qu'on leur a promis lorsqu'ils se sont engagés. J'ai l'honneur de vous demander si je dois mettre de côté la solde de la compagnie jusqu'à ce que les hommes aient accepté le nouveau tarif, ou s'il y a lieu de continuer encore l'ancien système... ".

Presque aussitôt l'interprète militaire Reynier rendait compte qu'une vive agitation s'était pro­duite à la compagnie d'instruction, ainsi qu'au tabor de cavalerie n° 4.
Le général Brulard décida d'envoyer immédia­tement le commandant Brémont et l'interprète Reynier à la caserne des Cherarda.



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78
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Ces deux offi­ciers, qui étaient depuis très longtemps aux trou­pes chérifiennes, avaient marché souvent avec leurs hommes dans des colonnes parfois très péni­bles. Ils étaient parfaitement connus d'eux et le général Brulard pouvait espérer, en raison de leur influence personnelle, qu'une intervention directe de leur part pouvait avoir des chances de succès.

Mais les événements se précipitent. Le général Brulard reçoit au même instant la note suivante du lieutenant de cavalerie Renahy, officier de ser­vice de la place :

... " Midi 1/4. — Une cinquantaine d'hommes armés sont sortis de la Kéchla (1) en tirant dans le bureau de la place ; ils ont forcé la consigne de la porte de Bab-Segma que j'avais fait fermer et sont sortis en ville en tirant des coups de fusil.
Je me suis échappé par le Génie et je vous rends compte des faits. Il y aurait lieu de prendre des me­sures urgentes... ".

Le général Brulard, qui avait accompagné jus­qu'à la porte de leur logement le commandant Brémont et l'interprète Reynier auxquels il pré­cisait leur mission, rencontra le commandant de Lamothe, chef du Service des renseignements,
et le pacha Hadj-Hamad-El-Mokri en compagnie de son khalifa Si Driss-Zraouti.



_____


(1) La Kéchla était une partie de la casbah des Cherarda où les troupes chérifiennes étaient casernées.

79
RÉCITS MILITAIRES

Il invita le pacha et son khalifa à user de toute leur influence personnelle pour brider la rébel­lion, arrêter les mutins, et éviter que la populace se joigne à eux.

Pour empêcher les révoltés de se répandre dans la ville et localiser en quelque sorte la révolte, il leur ordonna de fermer toutes les portes de quar­tier dans les diverses rues conduisant à Bab-Segma.

On verra, par la suite, comment Hadj Hamad, fils du grand-vizir El-Mokri, se refusa à obéir aux ordres qui venaient de lui être donnés et qui lui furent renouvelés.Les officiers et le pacha quittèrent alors le gé­néral Brulard qui, en raison de la gravité de la situation, envoyait au colonel Taupin, à Dar-Debibagh, vers midi 50, le message téléphonique suivant :

... " Une partie des soldats chérifiens de la caserne des Cherarda se sont mutinés et sont sortis en ville en tirant des coups de fusil. Les premières mesures sont prises, de concert avec les autorités indigènes, pour arrêter les mutins et enrayer la rébellion. Envoyez d'urgence, sous les ordres du commandant Philipot, un bataillon d'infanterie et deux pelotons de cavalerie à portée d'intervenir pour éviter le conflit plus grave que pourrait provoquer la vue des troupes régulières et leur contact avec les troupes chérifiennes.


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FEZ - Vue de Dakar-Mahraz

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