| | HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. | |
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Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 13 Juin - 10:38 | |
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Ce bataillon se portera dans les nouveaux jardins du Sultan, masqué aux vues par le mur de l'Aguedal. Il y attendra de nouvelles instructions, mais il reste entendu que le commandant du détachement aura toute latitude pour intervenir si les renseignements lui précisent que la situation s'aggrave en ville, ou si la rébellion cherche à agir contre les troupes régulières...". Le général Brulard faisait en même temps prévenir l'Ambassade et l'hôpital. A 1 h. 15, le commandant Brémont et l'interprète Reynier revenaient disant qu'ils avaient trouvé la rue barrée et n'avaient pu avancer. Ils avaient entendu des cris et de nombreux coups de feu dans la direction du quartier de Tala. Le général Brulard résolut alors de se porter à l'hôpital, relié téléphoniquement avec Dar-Debibagh et à proximité immédiate de l'établissement de télégraphie sans fil. Cette installation assurait ainsi, avec l'extérieur, une liaison permanente qui, en raison de l'éloignement du bureau de l'état-major, aurait pu être compromise. Elle avait également l'avantage de rapprocher le commandement des troupes, avant l'arrivée des renforts extérieurs, du centre de résistance possible, du quartier des consulats, et, en particulier, du Consulat de France et de l'Ambassade. 81 RÉCITS MILITAIRES
On voit combien sont prévoyantes toutes les dispositions prises, dès le début, par le général Brulard. L'hôpital Auvert fut immédiatement mis en état de défense. Les musiciens de la fanfare du 1er tirailleurs, les infirmiers, les convalescents et même les malades en état de prendre les armes, assurèrent la garde des portes et fournirent sur les terrasses voisines des postes de guet. C'est avec ce personnel, pouvant comprendre une centaine d'hommes sous les ordres du médecin chef Fournial, que fut assurée pendant plusieurs heures la sécurité de l'hôpital et du quartier européen. Il convient de remarquer, dès à présent, que si les tirailleurs du commandant Philipot purent rentrer dans Fez, cela tient aux dispositions merveilleuses de prévoyance qu'avait su prendre le major Fournial. L'hôpital Auvert fut, en effet, le centre de la résistance et le siège du quartier général pendant toutes les journées d'émeute. On put y trouver des armes et des munitions pour approvisionner les auxiliaires qui coopérèrent à la défense générale, avant l'arrivée du bataillon Philipot. Or la création et l'organisation de cet hôpital furent l'œuvre bien personnelle du major Fournial, auquel il convient de rendre un particulier hommage. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Ven 13 Juin - 10:46 | |
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Au moment même de l'installation du quartier général et du Service des renseignements à l'hôpital Auvert, les nouvelles affluent, précisant l'importance et la gravité du mouvement de révolte. A 2 h. 15, le général Brulard envoie l'ordre au commandant Philipot de se porter sur l'hôpital Auvert, par la porte de Bab-el-Hadid en la contournant par le sud. Les renseignements faisaient connaître que la rébellion s'était étendue dans le quartier du Tala, qu'une grande partie de la population s'était jointe aux émeurtieris et que de nombreuses victimes avaierit déjà été faites parmi les Européens civils ou militaires. A 2 h. 50, le général Brulard télégraphie de nouveau au colonel Taupin : ... " La rébellion militaire a entraîné l'insurrection d'une partie de la ville (quartier du Tala). Prenez direction des forces disponibles (exception faite du bataillon en marche sur l'hôpital). Ignorant la situation actuelle à Fez-Djedid, je ne puis que vous prescrire d'agir aussi énergiquement que possible pour briser la rébellion avant qu'elle ne gagne l'extérieur. Prenez soin de localiser l'action de l'artillerie sur le quartier de Bou-Djeloud qui est le quartier révolté... ". A 3 h. 30 le colonel Taupin rend compte qu'il a envoyé sur les hauteurs de Dar-Méharez, dominant la ville au sud, deux compagnies d'infanterie, deux pelotons de cavalerie et une section d'artillerie sous les ordres du commandant Fellert. 83 RECITS MILITAIRES
Il ne restait plus ainsi à Dar-Debibagh que deux compagnies, une section d'artillerie et une section de mitrailleuses pour assurer la garde du camp et des casernements, et parer à l'imprévu. A 3 heures, le général Brulard avait adressé au général Moinier qui se trouvait à Tiflet, en marche sur Casablanca, le télégramme suivant : ... " Des actes de rébellion armée ont éclaté dans une partie des troupes chérifiennes. Des groupes de soldats chérifiens, venus en ville, ont trouvé appui dans partie de la population. Premières dispositions sont prises avec concours garnison Dar-Debibagh. Serait utile tenir prêt, à Meknès, un détachement pouvant venir d'urgence à Fez, si situation s'aggravait et si, en particulier, tribus de extérieur prenaient part au mouvement ainsi que le font pressentir premiers renseignements... ". Deux autres télégrammes furent envoyés aux détachement de troupes chérifiennes de Sefrou et casbah El-Hajeb, leur faisant connaître la sédition et la nécessité d'exercer sur les hommes une surveillance discrète mais sûre. [ center]La marche du bataillon Philipot sur Fez. [/center]Pendant ce temps, le détachement Philipot était en marche sur Fez. | |
| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: h Ven 13 Juin - 19:00 | |
| 84 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
II nous faut exposer par le détail ce magnifique fait d'armes. A 1 h. 30, en vertu des instructions transmises par le général Brulard au colonel Taupin, le commandant Philipot recevait l'ordre de quitter immédiatement le camp de Dar-Debibagh avec deux compagnies de son bataillon (le 8e) et deux pelotons de spahis, commandés par le capitaine Devanlay, faisant partie des troupes venues de Meknès à l'occasion de l'Ambassade. Il devait s'installer dans les nouveaux jardins du Sultan, où l'attendraient deux compagnies du bataillon Fellert (le 6e), et demander là de nouveaux ordres, en vue d'une intervention probable à Fez, où des troubles venaient d'éclater. Les quatre compagnies du 4° tirailleurs algériens, mises ainsi sous les ordres du commandant Philipot, étaient les suivantes : 21°, capitaine Bourdonneau, du 6° bataillon ; 24°, — Duclos, ld.; 29° — Henry, du 8° bataillon; 32e — Flamand, Id. Le mouvement s'exécuta de suite, sans attendre le retour des hommes partis en corvée ou absents. En arrivant dans les anciens jardins du Sultan, en dehors des murs de l'Aguedal, le commandant Philipot y trouva les 21° et 24° comagnies. 85 RÉCITS MILITAIRES Son bataillon était donc constitué. La situation se présentait ainsi : En avant du front, le grand mur de l'Aguedal; perpendiculairement à ce mur et sur la droite, l'aqueduc ; à leur point de rencontre, une porte, seul débouché conduisant au Mellah et permettant d'aborder Fez par le sud. A gauche et à l'extrémité du mur de l'Aguedal, un pont, passage obligé pour aborder la ville par Bab-Scgma. On se souvient que les premiers ordres adressés au commandant Philipot lui prescrivaient d'attendre, au point où il était maintenant, des ordres ultérieurs. Par où lui dirait-on de se diriger sur la ville ? Par la route passant à droite, sous la porte, ou bien par celle allant à gauche sur le pont ? En chef prévoyant, de façon à pouvoir s'assurer la liberté de manœuvre des deux côtés quel que soit celui qu'on lui indiquerait, le commandant Philipot fit « tenir » la porte de l'Aguedal par une section de la compagnie Bourdonneau. Ce mouvement s'exécuta sans difficulté et sans perte, les hommes étant abrités par le mur, mais des coups de feu, partant des remparts du Mellah, saluaient les tirailleurs placés en observation dès qu'ils cherchaient à dépasser la porte. Pour s'assurer la possession du pont, placé, comme nous venons de le dire, en avant et sur la gauche, le commandant Philipot donna l'ordre au capitaine Flamand de déblayer le terrain assez loin pour lui permettre de passer ultérieurement ce défilé sans être exposé au feu de l'ennemi. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 11:15 | |
| 86 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Une seconde section placée à la hauteur du pont et derrière le mur, devait le soutenir. Enfin un peloton du 3° spahis devait franchir le pont et se porter rapidement en avant et à gauche, de façon à retarder par ses feux le mouvement des rebelles sortant de Bab-Segma. De ce côté l'action s'engagea de suite, avec la dernière violence. Les révoltés sortant de Bab-Segma et de la casbah des Cherarda ou dévalant à cheval les pentes voisines du bordj Nord ouvrirent les hostilités. Des fantassins, cachés dans des fossés ou derrière des murettes, dirigeaient sur nos deux fractions un feu très ajusté, pendant que les cavaliers, galopant dans la plaine, déchargeaient leurs armes sur les spahis. Le capitaine Flamand dut faire appel immédiatement à sa deuxième section, puis engager le reste de sa compagnie. Il était 2 h. 30. Le commandant Philipot reçut alors l'ordre de marcher le plus rapidement possible sur l'hôpital par Bab-el-Hadid. 87 RÉCITS MILITAIRES A ce moment la 32e compagnie était engagée en totalité et à fond. Que faire ? Aller la soutenir était sûrement attirer sur lui tout l'effort des rebelles qui l'obligeraient à perdre du temps en lui livrant un très dur combat. Interprétant admirablement le caractère d'urgence que revêtait la mission qu'il avait à remplir, le commandant Philipot renonça à secourir sa quatrième compagnie et se mit en marche sur Fez avec les trois qui lui restaient. Mais il envoyait en même temps le lieutenant Tarrit, de la mission chérifienne, qui, sans troupes, s'était immédiatement mis à sa disposition, pour prévenir le colonel Taupin de l'ordre qu'il venait de recevoir et lui demander de décrocher la 32°, en faisant intervenir la section d'artillerie du lieutenant Lagarde, dont il disposait Il espérait, ne pouvant agir lui-même, que cette intervention permettrait à la 32° de rompre le combat et de le rejoindre. Le commandant Philipot se rapprocha alors de l'Aguedal et de la porte de l'Aqueduc par laquelle il devait passer. Les rebelles garnissaient les créneaux au sud du Mellah et le feu prit, de suite, une très grande intensité. | |
| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 11:59 | |
| 88 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
La compagnie Bourdonneau reçut l'ordre d'entamer le mouvement. La première section eut un tué et plusieurs blessés; mais, dès que les deux premières sections furent en position, leur feu, très précis et déclanché par rafale au moment où les groupes successifs traversaient la route complètement à découvert, permit de porter deux compagnies en ligne sans nouvelles pertes. Le commandant Philipot avait à gauche, appuyée à l'Aguedal, la 21° compagnie, et, à sa droite, la 29°. Il prescrivit à la 24° de passer un peu en arrière à l'abri d'une zeriba (1) et de se porter dans l'oued El-Adham qui, à cet endroit, coulait parallèlement aux fortifications de la ville. Quant à la 32° compagnie qu'il avait laissée fortement engagée, il entendait sa fusillade diminuer d'intensité grâce à l'intervention de l'artillerie qu'il venait de provoquer. Mais cette compagnie n'était cependant pas suffisamment dégagée pour pouvoir rejoindre les trois autres. Il apprenait, du reste, qu'elle avait déjà quatre tués et une douzaine de blessés, dont le capitaine Flamand. Etant certain, à ce moment, qu'elle pourrait regagner le camp de Dar-Debibagh, il lui fit donner l'ordre d'exécuter ce mouvement dès qu'elle le pourrait et il décida de continuer sa marche sur Fez, avec les trois compagnies qui lui restaient, estimant qu'il valait mieux arriver vite qu'arriver en nombre. _____ (1) Sorte de haie de roseaux et de branchages. 89 RÉCITS MILITAIRES Or, à ce moment, des groupes nombreux de cavaliers apparurent sur les crêtes du versant est de l'oued El-Adham, semblant épier les mouvements de la colonne. Étaient-ce des auxiliaires ou des ennemis ? Pour être fixé sur leurs intentions le commandant Philipot envoya, au galop, dans leur direction un demi-peloton de spahis, en formation très espacée, qui fut accueilli à coups de fusils. C'étaient donc des gens des tribus, déjà prévenus des événements qui devaient se produire. La situation était grave, car le commandant Philipot ne pouvait perdre son temps à attaquer et repousser ces groupes, sans s'éloigner de son objectif. Il lui était également impossible de les négliger sans risquer un échec, et peut-être même un anéantissement, s'ils venaient en trop grand nombre l'attaquer sur son flanc droit pendant que les émeutiers, abrités derrière les remparts de la ville, le prendraient par le flanc gauche. Le moment était critique. Avec le calme et la présence d'esprit qui réussirent à sauver ses trois compagnies, il prit aussitôt la résolution d'exécuter sa marche dans le lit même de l'oued qui roulait des eaux furieuses, mais dont les berges escarpées le couvraient des vues de Fez, sur la gauche. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 12:07 | |
| 90 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Il restait le péril des nombreux cavaliers de droite, qui maintenant garnissaient la crête en grand nombre. Une seconde fois le commandant Philipot fit prévenir par le Lieutenant Tarrit le colonel Taupin du danger que lui faisaient courir ces cavaliers, en lui demandant de nettoyer les crêtes au moyen des troupes du commandant Fellert et de les balayer par l'artillerie. Il reçut bientôt l'avis que deux compagnies d'infanterie (une compagnie du 8° bataillon du 4° tirailleurs et une compagnie sénégalaise, capitaine Battesti) entamaient cette opération, soutenues par une section d'artillerie. Dès qu'il vit l'artillerie prendre position sur la crête, le commandant Philipot, sans même attendre le premier coup de canon, donnait l'ordre de reprendre la marche dans le lit même de l'oued Zitoun (affluent de l'oued El-Adham). Il donna l'ordre de marcher, coûte que coûte, sans tirer un seul coup de fusil. Il estimait, en effet, que son feu eût indiqué aux rebelles l'emplacement de sa troupe et l'eût exposée aux pires éventualités, tandis qu'en restant invisible, grâce aux berges escarpées de l'oued, et silencieux, les révoltés, même s'ils prenaient l'offensive, risquaient de frapper dans le vide. 91 RÉCITS MILITAIRES De fait, la colonne ne subit que peu de pertes pendant ce mouvement. Toutefois, la compagnie qui fermait la marche fut vivement attaquée, et ses deux sections de queue furent même si sérieusement accrochées qu'elles ne purent rejoindre le reste du détachement qui, poursuivant sa marche pénible, les laissa aux prises avec les Marocains. Ces deux sections, commandées par le lieutenant Ben-Aïcha, ayant perdu le contact, étaient sorties du lit de l'oued et, s'égarant, arrivaient près d'un dépotoir attenant au bastion sud-est du Mellah. Le lieutenant Ben-Aïcha fut blessé ainsi que son sergent et plusieurs hommes. La situation des deux sections devenait critique, presque désespérée. Heureusement le médecin-major Morisson, resté avec ce dernier élément, en prit le commandement et, attendant la nuit, put rentrer au camp de Dar-Debibagh en reprenant le lit de l'oued. Il ramenait ses blessés. De son côté le sergent Petit, également égaré, ayant caché quatre blessés, rentrait au camp de Dar-Debibagh en pleine nuit et repartait aussitôt avec deux mulets pour les chercher. Il fut assez heureux pour les retrouver et les ramener vers 10 heures du soir. Cependant la marche de la colonne Philipot continuait dans le lit de l'oued, grossi par les pluies et les orages des jours précédents.
Dernière édition par Paul Casimir le Sam 14 Juin - 12:11, édité 1 fois | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 18:36 | |
| 92 LES JOURNEES SANGLANTES BE FEZ Les hommes avaient de l'eau jusqu'à la ceinture et disparaissaient par moment dans des trous profonds. Le courant était des plus violents et le fond de l'oued, tapissé de grosses pierres roulantes, rendait la marche des plus pénibles, occasionnant de fréquentes chutes. Vers 4 heures, les trois compagnies du commandant Philipot, diminuées des deux sections perdues dans l'oued, arrivaient, toujours dans le fond de leur torrent, à la hauteur de la porte de Bab-el-Hadid par où elles devaient entrer en ville. La tête des trois compagnies fit alors un à gauche, et, escaladant les berges, montèrent directement vers la porte en traversant des jardins qui n'étaient heureusement pas occupés, les Marocains ne s'attendant pas à une marche aussi rapide. Des hommes en armes circulaient au sommet de la porte : c'étaient les infirmiers gardant l'hôpital. A 4 heures et demie les 371 hommes qui restaient du bataillon Philipot entraient dans Fez, grâce à l'admirable manœuvre de leur chef. Le but était atteint et le vaillant Philipot avait l'immense joie d'apprendre par le médecin-chef Fournial et le major Tranchant qui le reçurent dans leurs bras, qu'il n'était pas trop tard et que tous les officiers et civils qui avaient pu se réfugier à l'hôpital étaient sains et saufs. 93 RÉCITS MILITAIRES Mais le plus pénible n'était pas encore accompli. Le commandant Philipot avait bien réussi à entrer dans la ville, mais il lui fallait maintenant reprendre Fez, livrée aux askris révoltés et à toute la population civile qui s'était jointe à eux. Première organisation de la répression.
Pendant qu'à l'extérieur le commandant Philipot marchait au secours de Fez, la résistance s'organisait à l'intérieur. Le Service des renseignements signalait au général Brulard que plusieurs officiers et instructeurs avaient été tués, notamment dans le quartier de Bou-Djeloud. Les mutins avaient dépassé le Tala et s'étaient répandus jusqu'à l'entrée du quartier du Consulat pour attaquer et piller les maisons européennes, notamment les habitations des capitaines Cuny et de Lesparda, la maison des télégraphistes, l'hôtel de France, les maisons du lieutenant-colonel Lory, des lieutenants Beaujart, Oddou, Germa, Carpentie, le Crédit Foncier, la Compagnie Marocaine, etc.... La maison dans laquelle les quatre télégraphistes français étaient assiégés étant à proximité de l'hôpital, M. Biarnay, directeur de l'Administration des postes et télégraphes chérifiens, demanda que quelques hommes soient mis à sa disposition pour aller au secours de ses employés. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 18:51 | |
| 94 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Il partit une première fois avec le caporal Leuilland et douze infirmiers pour essayer de délivrer les malheureux, mais cette tentative échoua devant la violence du feu des Marocains. Une seconde fois M. Biarnay voulut essayer de sauver les télégraphistes. Il repartit courageusement avec le commandant de Lamothe, le lieutenant Crépin, douze infirmiers, trois tirailleurs convalescents et quatre soldats chérifiens restés fidèles, sous la conduite du sergent Bac. On tenta à nouveau de s'approcher de la maison, mais le détachement fut encore accueilli des terrasses et des fenêtres du quartier par une grêle de balles. Il dut, une seconde fois, se replier sans pouvoir accomplir sa mission. Ces tentatives n'étaient cependant pas inutiles, car elles avalent pour effet d'arrêter momentanément l'irruption des révoltés dans le quartier européen. Un premier poste de quelques infirmiers, placé avec le sergent Bac au croisement des rues du Consulat d'Angleterre et de l'Hôpital, put interdire, jusqu'à l'arrivée des renforts, toute tentative des mutins dans le quartier. Jusqu'à 4 heures et demie les nouvelles reçues par le général Brulard continuèrent à préciser l'extension de la révolte et la coopération d'une grande partie de la population. 95 RÉCITS MILITAIRES Les femmes se faisaient surtout remarquer par leur acharnement à exciter les mutins, à poursuivre elles-mêmes les Européens sur les terrasses, et à les signaler du haut de leurs maisons à la férocité des émeutiers lorsqu'ils parvenaient à se cacher un moment. Nous avons vu, dans la première partie de ce livre, avec quel raffinement de cruauté elles martyrisaient les malheureux qui tombaient entre leurs mains. Ces femmes ne se doutaient certainement pas qu'elles trouveraient, plus tard, un Français pour les défendre. Ce n'était, il est vrai, que M. Jaurès (1) ! ______ (1) Dans une phrase, d'ailleurs assez indigeste, M. Jaurès s'écriait en effet, à la tribune de la Chambre, le 22 juin (Officiel, p. 1844) : ..." Puis, oubliant que, dans les histoires que dans vos lycées, Monsieur l'Ancien Grand-Maître, vous faites étudier aux enfants de France, vous rappelez avec une sorte de complaisance, d'orgueil pour le courage de la nature humaine, que les femmes des combattants de la Germanie disaient aux guerriers : « C'est nous qui vous frapperons si vous fuyez ! » que les femmes des Spartiates n'avaient que mépris pour les guerriers qui avaient lâché pied, il traite (M. Tardieu de l'Echo de Paris) les Marocaines qui, sous la même menace et le même anathème, envoient les guerriers au combat, d'abominables furies. « C'est ainsi que nous comprenons ce qu'il y a de plus puissant, de plus spontané dans l'âme de ce peuple !
M. Driant l'interrompt pour lui dire :
« Mais vous oubliez que ces femmes ont brûlé vifs nos officiers et qu'elles les ont mutilés. Vous oubliez que les soldats des tabors ont joué aux boules dans les rues de Fez avec les têtes de nos camarades. En vérité, vous êtes en ce moment-ci plus Marocain que Français! ». Cela, évidemment, M. Jaurès ne l'ignorait point, mais que lui importait pourvu qu'il puisse encore critiquer « la sauvagerie de nos soldats ».
L'humanitaire M. Jaurès trouve que supplicier, martyriser et faire cuire à petit feu des officiers — ou même des civils inoffensifs — au moment où ils prennent leur repas tranquillement chez eux est « ce qu'il y a de plus puissant dans l'âme d'un peuple ». S'il avait vu un des siens les plus chers empalé vivant par des femmes marocaines il eût, sûrement, pour essayer une fois de rester logique avec lui-même, remis une superbe gerbe de fleurs à ces femmes admirables... » si ces dernières, toutefois, lui en avaient malheureusement donné le temps !
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| | | Paul CASIMIR
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 19:02 | |
| 96 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ A ce moment Fez-Djedid était en pleine révolte. Le Mellah était envahi par une foule d'askris et de citadins qui tenaient les portes et garnissaient les remparts, pendant que d'autres pillaient le quartier de fond en comble. Les renseignements signalaient encore que des étrangers à la ville s'étaient joints aux mutins, que l'on proclamait la guerre sainte dans les rues et que des rekkas avaient été envoyés dans toutes les directions pour prévenir les tribus et les engager à venir prendre part aux massacres et au pillage. Le général Brulard envoie un second télégramme au général Moinier disant : ..." II est à présumer, d'après renseignements non encore confirmés que plusieurs officiers, sous-officiers et Européens auraient été tués par les rebelles. 97 RÉCITS MILITAIRES On signale également intervention de cavalerie venue à l'extérieur. Il semble nécessaire que Meknès envoie d'urgence renforts...". A ce moment les communications téléphoniques avec le camp de Dar-Debibagh furent coupées. Les relations ne pouvaient plus être assurées avec l'extérieur que par la T. S. F. Dès que le commandant Philipot se rendit auprès du général Brulard pour lui rendre compte de la façon heureuse dont il avait accompli la mission qui lui avait été confiée, celui-ci, après l'avoir chaudement félicité, lui dit : — « Votre besogne n'est malheureusement pas terminée. Le plus difficile, peut-être, va commencer maintenant. Des Européens sont assiégés partout; il faut que vous alliez les délivrer. » Et le générail Brulard lui donna l'ordre de rechercher les Européens disséminés dans la ville et de les ramener à l'hôpital. En exécution de cet ordre, le commandant Philipot prescrivait : A la 21° compagnie, capitaine Bourdonneau, d'aller dans le Souk-ben-Saffî, au Tala, pour rechercher et délivrer les journalistes, puis gagner la poste française où l'on supposait que des Européens s'étaient retirés; | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 19:14 | |
| 98 LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ A la 24° compagnie, capitaine Duclos, d'aller à Ras-el-Djenan pour occuper Bab-Djedid et dégager, s'il en était temps, le sous-intendant Lory et les Français logés chez lui. Cette compagnie devait, de plus, chercher à entrer en relations avec Bab-Fetouh, occupée par le capitaine Normand ; Enfin, à la 29° compagnie, capitaine Henry, d'aller au Tala, avec mission de tenir les portes de Bou-Djeloud et de Bab-Marouk, puis de rechercher les capitaines Cuny et de Lesparda, les télégraphistes et les autres européens. Le commandant Philipot conservait avec lui deux sections en réserve, pour occuper et défendre l'hôpital et le quartier où étaient réfugiés les Européens. Cette réserve tenait en même temps la porte de Bab-él-Hadid, par laquelle était entré le bataillon Philipot et les bâtiments de la T. S. F. Le quartier général du général Brulard était provisoirement maintenu à l'hôpital Auvert. Avec un admirable élan, au milieu des plus grandes difficultés, dans une ville en pleine révolte, sans le moindre repos après le rude effort qu'elles venaient de fournir, les unités désignées entament immédiatement les mouvements prescrits. 99 RÉCITS MILITAIRES La 21° compagnie, capitaine Bourdonneau, s'établit aux emplacements qui lui sont assignés. Une reconnaissance vaillamment conduite lui permet de ramener, sains et saufs, à 10 h. 30, MM. lBluc, Meynadier, Redman, Hubert-Jacques, Meynot, Perot et Boukhobza. Le capitaine Bourdonneau repart de nouveau, à 10 h 45, pour aller chercher des Européens signalés dans le quartier des Andalous, occuper la porte de Bab-Ghissa et entrer en liaison avec le Tabor du génie de Bab-Fetouh, encore fidèle. La 29° compagnie, capitaine Henry, se porte avec trois sections pour aller délivrer les télégraphistes qui n'avaient pu être dégagés au cours des deux tentatives précédentes. En arrivant à une cinquantaine de mètres de leur maison, la section d'avant-garde est accueillie par une fusillade nourrie, partant de Bab-Tala et des terrasses de la maison des télégraphistes ainsi que de celle du capitaine de Lesparda, occupées par les rebelles. Les hommes se garent comme ils peuvent en se collant contre les murs ou en se masquant derrière des tournants de rue. Ils répondent par un feu bien ajusté qui jette à bas de nombreux pillards, sortant de la demeure des télégraphistes. Ils réussissent enfin à pénétrer, recueillent le télégraphiste Rebou, grièvement blessé, et ramènent les corps de ses trois camarades à l'hôpital. | |
| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 19:30 | |
| 100 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ La compagnie du capitaine Henry se porte ensuite sur le Tala. Elle est de nouveau accueillie par une violente fusillade et ne peut continuer sa marche sur Bou-Djeloud. Elle s'arrête, momentanément, à Bab-Serradjine. Elle visite les maisons des Européens et constate qu'elles sont vides et saccagées. Une seconde tentative faite pour approcher, sous un feu toujours intense, du quartier de Tala, par la maison du Pacha et le Souk-ben-Saffî, permet à la compagnie d'atteindre la porte de Bab-Serradjine. Mais les petits postes qu'elle tente d'envoyer, à 10 h. 30, sur B'ab-Djeloud et Bab-Marouk ne peuvent y atteindre et sont obligés de se replier. Opérations effectuées par les troupes régulières à l'extérieur de la ville.
Nous avons vu d'autre part que le commandant Fellert avait reçu l'ordre d'appuyer la marche du commandant Philipot sur Fez. A 1 h. 30, le colonel Taupin lui prescrivait d'aller occuper avec deux compagnies, deux pelotons de chasseurs d'Afrique et une section d'artillerie, les hauteurs de Dar-Meharès dominant Fez au sud, avec mission de surveiller la ville et d'empêcher l'insurrection de s'étendre au dehors. 101 RÉCITS MILITAIRES Son détachement se composait de : Une compagnie sénégalaise, capitaine Battesti ; Un peloton de la 22° compagnie du 4° tirailleurs, capitaine Willams ; Un peloton de la 23° compagnie du 4e tirailleurs, lieutenant Kaiser ; Un demi-escadron du 6° chasseurs, capitaine de Kervanoël ; Une section de 75, lieutenant Ferré. Le détachement arrive sans incident sur sa position à 2 h. 30. Ordre est donné à la compagnie sénégalaise et à deux pelotons de chasseurs d'Afrique d'occuper la croupe du bordj Sud. Cette compagnie franchit, avec de sérieuses difficultés, un petit oued et des jardins. Aussitôt à mi-pente elle a à essuyer un feu violent partant du bordj Sud et de la crête. A 3 h. 45 cette crête était occupée par les Sénégalais, qui esquissent une poursuite. Pendant la progression de l'infanterie, l'artillerie n'avait cessé de balayer les crêtes environnantes, pour soutenir le mouvement des Sénégalais et des chasseurs. Ordre est alors donné au capitaine Battesti de s'emparer du bordj et d'y laisser une garnison d'infanterie et un peloton de cavalerie. | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Sam 14 Juin - 19:38 | |
| 102 LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ
A 5 h. 5o0 le bordj ne résistait pas à l'élan des Sénégalais, toujours soutenus par l'artillerie qui avait lancé de nombreux obus sur le fort. Le deuxième peloton de la compagnie, commandé par le lieutenant Mas, fut laissé comme garnison. Le premier peloton regagna Dar-Meharès où il campa. Cette opération coûtait un tué et huit blessés, des tirailleurs sénégalais. L'artillerie continua à tirer au nord de la ville sur des groupes disséminés dans des ravins, aux environs du bordj Nord toujours aux mains des révoltés. A 6 heures, le colonel Taupin donnait l'ordre à ses troupes de bivouaquer sur les positions de Dar-Meharès. La consommation des munitions d'artillerie, au cours de cette journée, fut la suivante : Artillerie Fellert : 30 obus à balles et 11 obus à mélinite; Artillerie Taupin : 104 obus à balles. 103 RÉCITS MILITAIRES
Nuit du 17 au 18 avril.
Durant toute la nuit, sans la moindre trêve, sans un instant de repos, n'ayant pris aucune nourriture, les tirailleurs du commandant Philipot continuent leurs efforts. Des patrouilles et reconnaissances multipliées parcourent les divers quartiers avec une activité et un dévouement admirables, recherchant tous les Européens dont on peut connaître l'habitation ou la retraite. L'ensemble des mesures de défense prises, en ville, après l'arrivée du bataillon Philipot peut se résumer de la façon suivante : Première phase :
Pendant toute la nuit du 17 au 18, exécution de reconnaissances poussées dans les divers quartiers pour recueillir les Européens. Deuxième phase :
Rentrée des reconnaissances; établissement, le 18 au point du jour, d'une ligne de défense couvrant complètement l'ensemble du quartier des Consulats et tenant certains points de communications importants. Troisième phase :
Resserrement, pour les nuits suivantes, du dispositif de sûreté de façon à tenir toutes les voies d'accès aboutissant au quartier de l'hôpital et être prêt à toutes les éventualités. Nous venons de voir, au cours de la première phase, l'organisation de la défense et le service des reconnaissances effectuées par les éléments du bataillon Philipot lancés vers l'intérieur de la ville où habitent des Européens, pour les recueillir et les ramener à l'hôpital. | |
| | | Paul CASIMIR
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Ils doivent, en outre, tenir déjà quelques points de la ville permettant de couvrir le quartier des Consulats et barrer, pendant la nuit, certaines voies de communication importantes pour limiter l'extension du mouvement de rébellion. Vers minuit, le capitaine Henry reçoit l'ordre d'occuper Bab-bou-Djeloud situé entre la ville et les jardins qui séparent Fez-Djedid de Fez-Bali, et Bab-Marouk qui donne à l'extérieur de la ville, au nord. Cette dernière porte se trouvant près de la casbah des Filala, le caïd de cette casbah, Hadj Mohamed-Belhassen, reçut l'ordre de faciliter l'opération du capitaine Henry qui décide d'installer des postes aux deux portes dont on lui a confié la garde. Après pourparlers, le caïd Belhassen consent à fournir 30 partisans civils de sa casbah, qui devront renforcer les tirailleurs. Dix resteront à Bab-Marouk et 20 iront à Bab-bou-Djeloud avec le capitaine Henry. Toute la nuit on attend les 30 partisans promis par le caïd Belhassen, qui, malgré une vingtaine de demandes, ne viennent pas ! A 4 heures du matin, une vive fusillade éclate et le combat s'engage. 105 RECITS MILITAIRES La porte de Bou-Djeloud, gardée par le capitaine Henry, est forcée par les rebelles. Quant au sergent qui se trouvait à Bab-Marouk, il avait vu, toute la nuit, des Marocains s'infiltrer dans son quartier. Et, chaque fois qu'il s'inquiétait, le caïd Belhassen lui répondait : — « Tu n'as rien à craindre, ce sont des amis. » Une centaine de Marocains réussirent ainsi à passer. Un certain nombre s'approcha des tirailleurs auxquels ils causèrent amicalement. Quelques-uns même leur apportèrent du lait. A un moment donné, tandis que les Marocains en nombre n'étaient plus qu'à quelques mètres des tirailleurs sans méfiance, le caïd leva le bras et cria : — « Ne tirez pas! » (Sic.) Ce fut le signal d'une décharge générale l Sur quinze hommes, il y en eut neuf de tués dont le sergent et quatre de blessés ! Deux avaient réussi à prendre la fuite, poursuivis par des coups de feu. Aux premiers coups de fusils, le caïd s'était enfermé chez lui. Quand il revint, il trouva les quatre blessés qu'il prit pour les ramener le soir à l'Ambassade en disant : — « Je n'ai pu sauver que ces quatre hommes, les autres ont été tués malgré moi, bien que j'aie crié : Ne tirez pas! » | |
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La traîtrise du caïd Belhassen fut établie : 1° II avait refusé d'envoyer les trente partisans qu'il devait fournir et qui lui furent demandés à plus de vingt reprises ; 2° II laissa infiltrer tous les Marocains qui massacrèrent les tirailleurs, en disant au sergent : " Ne t'inquiète pas, ce sont des amis "; 3° II empêcha les tirailleurs de prendre position sur une terrasse, où ils eussent été à l'abri de toute surprise ; 4.° Il prévint pendant la nuit les rebelles qui, au nombre de 500 environ, vinrent attaquer le capitaine Henry, au moment où le petit poste était massacré, pour l'empêcher d'accourir à son secours. A trois reprises, le sergent chercha dans la nuit à rejoindre son capitaine qui avait 50 tirailleurs avec lui. Par deux fois le capitaine Henry essaya également de se porter au secours du petit poste, en voulant dégager la rue à la baïonnette. Par deux fois il fut arrêté par le nombre en perdant 9 hommes blessés. Ceci n'empêcha pas, commne on le verra dans la troisième partie de ce livre, M. Regnault de couvrir le caïd Belhassen et de lui délivrer un magnifique certificat de dévouement à la France. 107 RÉCITS MILITAIRES Il porta même une plainte contre un officier du Service des renseignements qui s'était permis de " manquer d'égards " envers ce dévoué fonctionnaire Maghzen. Les autres détachements ne furent pas inquiétés pendant la nuit. Sur la demande faite par de Sultan, le 17 au soir, une compagnie de Dar-Debibagh se tenait prête à être envoyée au palais, pour assurer, dans le Méchouar, la garde des magasins d'armes et de munitions. Le guide qui devait être fourni à cette occasion n'étant pas encore arrivé à 3 heures du matin, et en raison de la nécessité absolue de mettre, d'urgence, ces magasins à l'abri d'un coup de main, ordre fut donné à cette compagnie de se rendre immédiatement au palais, par la porte de l'Aguedal, située près de l'aqueduc. Elle trouva la porte fermée, tenta vainement de la faire ouvrir, puis, sur la demande expresse du Sultan, fut de nouveau renvoyée à Dar-Debibagh, ramenant avec elle M. et Mme Murât, Mlle Broïdo — qui se trouvaient au palais pendant la révolte — le major Christiani, le lieutenant Pérard, le chef de musique Collet, MM. Clôt et Delorme, le brigadier-maréchal Régnier et le sergent Rais, recueillis pendant la journée par le pacha «de Fez-Djedid et conduits, pendant la nuit, au palais (1). _____ (1) On verra, plus loin, le rôle joué par le pacha de Fez-Djedid, Ël-Hadj-Brik. Il fut un de ceux qui incitèrent les soldats à la révolte, désignant les officiers à. leurs coups, les invectivant parce qu'ils ne tuaient pas leurs instructeur. Les événements n'ayant pas tourné ensuite en faveur des émeutiers qui furent rapidement dominés, Hadj-Brik chercha, dans la soirée, à se donner une sorte « d'alibi moral » en conduisant quelques Français au palais du Sultan. C'est dans les mêmes conditions que le caïd Belhassen, n'ayant pu faire anéantir tout le poste de Bab-Marouk et craignant les révélations des deux soldats qui avaient pu s'échapper, recueillit quatre blessés qu'il conduisit, le soir, à l'Ambassade. Ce sont là des traits bien caractéristiques de la duplicité des musulmans et, plus particulièrement, des Fasi. Un de ces Marocains fera lâchement massacrer une cinquantaine de personnes, puis quelques instants après, en sauvera deux ou trois pour bien prouver qu'il n'était pas responsable de la mort des autres.
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Dim 15 Juin - 10:23 | |
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A 3 h. 15 du matin, l'adjudant d'artillerie Pisani arriva à l'hôpital, accompagné des maréchaux des logis Alessandri et Battini. Il ramena, en outre, un caporal du 4e tirailleurs blessé au cours des massacres. L'adjudant Pisani avait été un des héros du précédent siège de Fez, en 1911, accomplissant cent actes de folle bravoure qui lui valurent, aux yeux des Marocains, une réputation de vaillance, de courage et d'intrépidité, devenue proverbiale. Pisani venait encore de se signaler en tenant tête, à lui seul, à tout un tabor d'artillerie révolté, de midi au lendemain matin 3 heures, l'empêchant de tourner ses canons contre la ville, ce qui eut rendu la situation des Européens des plus critiques, sinon intenable. 109 RÉCITS MILITAIRES Alors que, loin de lui, tous ses officiers, c'est-à-dire deux capitaines et trois lieutenants, avaient été massacrés, ses soldats vinrent à lui, disant : — « Toi, nous ne pouvons te tuer. Sauve-toi! » — « Oui, répondit Pisani, mais à condition que j'emmène avec moi les quatre sous-officiers instructeurs qui restent et que j'emporte les canons. » Les askris n'ayant pas voulu souscrire à ces conditions, Pisani resta pour les exhorter jusqu'à 3 heures du 'matin. Alors seulement il les convainquit et put partir avec ses camarades, en emportant les percuteurs des canons. Dès qu'il arriva au quartier général, on le fit partir immédiatement, avec quelques askris fidèles qui l'avaient suivi, pour renforcer la garde d'une des portes de la ville — celle précisément du capitaine Henry (1). _____ (1) Voici en quels termes le général Brulard citait à cette occasion l'adjudant Pisani, le proposant pour le grade de sous-lieutenant : « L'adjudant Pisani averti par ses artilleurs chérifiens qu'une révolte venait d'éclater dans les troupes, à Fez-Djedid, s'est rendu sous leur protection à la caserne d'artillerie, avec trois sous-officiers français ; il a, par son ascendant personnel, maintenu ses hommes dans le devoir et tenu tête aux rebelles, il a, dans la nuit du 17 au 18, ramené ses camarades sains et saufs dans les lignes françaises et pris une part énergique aux opérations des 18, 19 et 20 avril; il a de remarquables états de service. Fera un excellent officier. »
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Dim 15 Juin - 10:57 | |
| 110 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ Dans la nuit, les pachas font rapporter les corps des capitaines Cuny, de Lesparda, de Lavenne, Maréchal, du lieutenant Avril, du caporal Bonnet et du soldat Lasserre, de l'infanterie coloniale. Le service des renseignements signale que les mutins se sont rassemblés à Fez-Djedid et à Bou-Djeloud. Les Pachas et les Mokkadems de quartiers se déclarent impuissants à faire quoi que ce soit. L'émeute a encore toute sa violence, et la lutte doit reprendre au point du jour. Les faibles effectifs de nos troupes ne nous permettant pas d'agir avec suffisamment d'efficacité, il est décidé qu'en dehors de nos lignes, les Pachas feront fermer et garder les portes de la ville et qu'ils s'efforceront, sous la responsabilité des Mokkadems, chefs de quartiers, de faire évacuer ces quartiers aux émeutiers, de les arrêter et de les désarmer. Les Pachas se déclarèrent encore impuissants à jouer ce rôle et se refusèrent même à tenter le moindre essai d'intervention. 111 RÉCITS MILITAIRES Journée du 18 avril.
Événements militaires survenus dans la ville.
Aucun renfort n'ayant eu le temps d'arriver, les faibles effectifs dont dispose le général Brulard sont uniquement employés, pendant cette journée, à défendre l'îlot de maisons dans lequel les Européens se sont réfugiés et sont assiégés. Cet îlot se compose de l'hôpital, du poste de la T. S. F., du Consulat de France et de l'Ambassade. Ces quatre bâtiments sont heureusement à proximité les uns des autres et se touchent presque, ce qui rendra la défense possible. La reprise de la lutte étant certaine, le général Brulard estime, avec raison, qu'il n'est plus possible de laisser circuler les reconnaissances en ville. Le détachement Philipot était trop réduit pour pouvoir affronter les difficultés particulières d'une marche dans les rues étroites, tortueuses et glissantes où les attendaient des coups de feu tirés à chaque tournant, de chaque porte, de chaque fenêtre, de chaque terrasse. Il aurait été décimé, ou même anéanti, sans défense possible. En conséquence, à 5 heures du matin, l'ordre suivant est donné au commandant Philipot, afin de faire rentrer toutes ses unités dans le secteur du Consulat : | |
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| Sujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. Mar 17 Juin - 8:53 | |
| 112 LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
5 heures du matin. — En vue de mieux assurer la sécurité, le bataillon Philipot prendra, au reçu de cet ordre, les dispositions suivantes : Une compagnie tiendra la porte dite Eddouh et le souk Ben-Saffi inclusivement; Une autre compagnie tiendra le secteur compris entre le souk Ben-Saffi exclusivement et le chemin de Bab-Djedid vers la maison Campini, en passant par le chemin qui, du souk Ben-Saffi, va à la maison Ben-Sliman; Une compagnie en réserve à l'hôpital Auvert détachera un poste à Bab-el-Hadid, près de la T. S. F.; La compagnie qui revient de Bab-Ghissa passera à la poste allemande et à la poste anglaise pour en ramener les Européens qui s'y trouvent, à moins qu'ils ne s'y refusent absolument. Le mouvement des diverses unités est commencé immédiatement et les compagnies sont réparties de la manière suivante : 1° La 29° compagnie, capitaine Henry, de la porte Eddouh au souk Ben-Saffi, avec réserve au carrefour central. 2° La 24° compagnie, capitaine Duclos, du souk Ben-Saffi à la porte Bab-Djedid. 3° La 21° compagnie, capitaine Bourdonneau, en réserve à l'hôpital, tenant la porte Bab-el-Hadid et la T. S. F. 113 RÉCITS MILITAIRES
A ce moment, le capitaine Henry, de garde aux portes de Bou-Djeloud et de Bab-Marouk, était assailli dans les conditions que l'on connaît, pris de trois côtés à la fois par les partisans mêmes de la casbah des Filala qui devaient venir se joindre à lui. Il avait un petit poste de 15 hommes enlevé. Il se replia vers le souk Serradjine, dont il interdit l'entrée aux mutins. La compagnie Bourdonneau, dans son mouvement de retrait sur l'hôpital, fut également assaillie par un ennemi très nombreux et très violent. Dans le parcours de Bab-Ghissa à l'hôpital, elle perdit deux hommes blessés et un caporal tué. Le capitaine Bourdonneau fut tué de deux balles en pleine poitrine. La compagnie Duclos put se replier sans trop de difficultés. Elle laissa à la disposition du capitaine Normand, commandant le Tabor du génie, caserné à Tamdert, un poste de 10 hommes établi à Bab-Sidi-Boujida, qui n'avait pu rejoindre la Compagnie assez vite pendant qu'elle se repliait. A 6 h. 50, le général Brulard envoyait au généra! Moinier le télégramme suivant : Combat recommence ce matin. Pertes déjà sensibles. Estime renforts envoyés de Meknès insuffisants. Nécessaire avoir à Fez, d'urgence, 4.000 hommes. Nous avons vu que la compagnie Henry était restée dans le centre de la ville, au souk Serradjine. | |
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