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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyMar 18 Mar - 8:43

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Fig. 38
est l'espèce de réseau, de treillis, obtenu par la la juxtaposition de groupes de palmettes, convenablement incurvées et étirées, servant de cadres à des motifs  de détail. C'est celle qu'on trouve, admirablement appliquée, dans les panneaux de plâtre de la petite   salle du   mausolée des sultans saadiens à Marrakech. Les panneaux bien connus  de la grande   salle   montrent   jusqu'où   va   l'ingéniosité   des  artisans, si l'on prend garde que les alvéoles  du premier plan sont faites  encore  des mêmes
palmettes (1) (pi. 28).



LES NIDS D'ABEILLES. — A ces deux grands groupes de décor il convient d'ajouter les nids d'abeilles qui, étant à trois dimen­sions, ne trouvent leur application que dans la pierre, le bois et le plâtre.


Ces motifs (en arabe, mqarbes) paraissent avoir pour origine la trompe d'angle servant de support au pan coupé dans les coupoles octogonales sur plan carré. Sans qu'il soit nécessaire d'affirmer que l'idée de réaliser le support, en superposant et juxtaposant plusieurs trompes, soit d'invention purement musul­mane, il n'est pas dou­teux que ce sont les musulmans qui ont tiré de cette invention les jeux très compliqués d'alvéoles et d'encorbellements qui constituent

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(1) Pour le mausolée des Saadiens consulter Les Monuments mauresques du Maroc, préface de de la Nézière, Albert Lévy, éditeur. Et l'ouvrage de Gabriel Rousseau et Félix Arin, chez Geuthner.


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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyMar 18 Mar - 9:08

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les véritables nids d'abeilles. Ils en ont fait partout le plus grand usage. Les mqarbes constituent l'ornement par excellence des surfaces courbes, surtout concaves et, principalement, de l'intrados des ogives et voûtes de coupoles (1) (pl. 24, 29 et 40).

On trouve enfin, dans toutes les branches de décoration,  les   portions   de   cercles   et   les  ogives simples, jumelées ou entrecroisées, les arcs polylobés ou à  pendentifs,  les   caractères d'écriture  et   diffé­rentes figures dont je donne une liste dans la note ci-dessous (2).

_____
(1) Voir   plus   loin   chapitre   du   bois.

(2) Les arcatures. — On trouve, dans toutes les branches de la décoration, les portions de cercles et les ogives, dont les formules ont été données au chapitre II, employées en arcatures reposant sur des colonnettes figurées, simples ou jumelées.

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Les Ketf-ou-dorj  —  La coupe schématique des nids d'abeilles ou superposi­tion de trompes donne la figure 36. Les Marocains la nomment ketf-ou-dorj, mot à mot épaule et degré. Le mot ketf, épaule, désigne chaque partie courbe et le mot dorj, degré, chaque angle droit. L'entrecroisement de ces lignes dispo­sées obliquement donne le treillis de la figure 38, fréquent surtout dans la grande décoration extérieure des minarets, et qui conserve, comme les lignes mêmes, l'appellation de ketf-ou-dorj.

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Le Rakhoui - — On remarquera que les vides du treillis offrent, en haut, une partie lobée ogivale formée par deux ketf, deux épaules. Ce lobe est appelé Rakhoui; et ce mot est à retenir, car le rakhoui est l'élément essentiel de la ligne brisée à sta­lactites,  dont les Musulmans  d'Occident ont usé  à profusion (fig. 37).
Si nous revenons maintenant aux arcatures décoratives, nous trouvons que, la plupart du temps, les Marocains n'emploient pas l'are nu, mais en garnissent la courbe intérieure d'une succession de rakhoui, formant des stalactites, selon les côtés d'un triangle inscrit, et se terminant aux retombées soit par de simples ketf-ou-dorj, soit par des ondulations. C'est ce qu'ils nomment qous ber-rakhoui, l'arc à rakhoui (pl. 40, 124, 125, 126).




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Cette liste, sans doute, est bien incomplète. Elle donnera pour­tant au lecteur quelques points de repère qui l'aideront à cons­tater la permanence des éléments, sous la variété des combinai­sons, dans les décors marocains.



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L'arc polylobé. — Je ne parle qu'en dernier de l'arc polylobé, qu'il faut classer parmi les éléments de décor d'origine certainement antérieure à l'Islam. Les Maro­cains le nomment qous bel-khorsnat (fig. 40), le mot khorsnat désignant les anneaux ouverts qui se placent intérieurement à l'intrados ou extérieurement, en façade et le long de la courbe de l'ogive. Les anneaux dans le deuxième cas sont souvent doubles et s'enjambent ; on les nomme kborsnat-bel-hemz (fig. 39 et 41).

Les inscriptions. — Les caractères alphabétiques ou, plus exactement, les ins­criptions, occupent aussi une place importante dans l'ornementation.
La forme cursive, ou neskhi, est la plus fréquente sauf sur la pierre. On y dis­tingue deux types bien différenciés : les caractères orientaux et andalous hauts et élancés et les caractères proprement maghrébins, beaucoup plus bas et arron­dis. Presque toujours les inscriptions cursives sont entremêlées de rinceaux ou touriqs.
La forme coufique (caractères schématisés, sans points diacritiques), qui est par excellence celle des grandes inscriptions des monuments en pierre, est encore très employée (pl. 25), mais c'est surtout par ses déformations qu'elle joue un grand rôle dans la décoration. Les Marocains nomment ces déformations koufi, comme les caractères eux-mêmes. A côté de monogrammes ou de formules très courtes, dont on devine encore le sens mal­gré l'extrême stylisation, il existe quantité d'arabesques qui n'ont plus de commun avec les caractères coufiques que la grosseur et l'aspect du trait   (en    peinture    un   trait blanc)  et qui pourtant sont également appelées koufi.

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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyMer 19 Mar - 7:14

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Ces éléments sont invariables. On les reconnaît partout, quel que soit le soin que l'artisan ait mis à les mêler, guidé par cet instinct de la géométrie et du rythme qui lui tient lieu d'imagina­tion. Peu importe qu'il y en ait dix, cinquante ou cent, le fait notable c'est qu'ils sont limités en leur nombre et en leur forme. Tous ont un nom et, qui mieux est, la plupart des combi­naisons où ils entrent ont le leur. Toute trouvaille entre les mains des maallems se fixe en une formule et donne un terme. Le long vocabulaire technique dont ils se servent n'est autre chose que la


_____

Ce trait (qatib), lorsqu'il est disposé en forme de cadre, prend le nom de lahka (pl 49 et 55).
Je ne veux pas parler ici des groupes de décor ou des motifs propres à des industries particulières comme la mosaïque, la peinture ou la faïence. Et je me borne à signaler un certain nombre de motifs isolés qui se retrouvent partout.

Les cherarefs. — D'abord, les cberarefs, ou créneaux. Ils avaient dans l'art classique la forme des créneaux en escaliers dont le type est bien antérieur à la civilisation musulmane, puisqu'on en voyait sur les monuments assyriens (fig. 42). De nos jours, cette forme archaïque a évolué en une forme arrondie, qui les rend un peu semblables à de petites carafes (fig. 43). Ils se placent toujours en bor­dure ou en couronnement des panneaux décoratifs, ce qui rappelle leur origine.

La coquille. — La coquille, qui se trouve déjà dans des fragments d'architecture wisigothe (L'Espagne, de Dieulafoy, p. 58).

La pomme de pin. — La pomme de pin (fig. 44), en arabe, snouberia, dont l'origine est obscure et qui peut être une déformation de la grappe de raisin byzantine et sassanide (Voir la face principale de la cuve Omeyyade de Madrid où le sou­venir du cep de vigne est transparent).

Le sabot de gazelle. — Le qaab-er-rzel, ou sabot de gazelle, sorte de grosse larme incurvée, de grosse virgule, très usitée et qu'on trouve déjà dans l'art sassanide sur la robe de Chosroés figurée dans un bas-relief du Tag-e-Bostan.

Le Debout et le Dormant. — Le qaïm et le naïm, mot à mot le debout et le dormant, groupe de quatre rectangles autour d'un carré (fig. 45).

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EL agda ou el mhabra, suite de sceaux de Salomon reliés entre eux par des rec­tangles losanges etc... etc...



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morphologie d'une grammaire de l'art aussi rigoureuse et précise que leur grammaire du langage. Fixité des éléments, formules, répétition, voilà ce qui distingue la décoration purement musulmane de celles qui regardent et imitent la vie. J'ai dit au
début de ce chapitre que l'art du Moghreb était un art cristallisé. Je  le répète ici, car c'en est, je crois, le caractère essentiel.

Qu'on se souvienne pourtant que la nature, en formant ses cris­taux avec des prismes invariables, sait en enchevêtrer les arêtes de telle sorte que chaque pierre diffère. Ainsi fait le Marocain. Les éléments du décor, dont je viens de citer les principaux, sont les prismes de ses cristaux. L'harmonie mathématique qui hante son âme sémitisée lui inspire les combinaisons qu'il en tire. Et, bien qu'en traçant ses figures il ait, devant la vie, des yeux pour ne point voir, peut-on dire qu'il ne porte pas en lui un désir d'infini, celui dont le calame toujours gravite autour du cercle et rayonne autour de l'étoile ?


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page 54, page blanche
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Fig. 46 - La feuille de nacre.

CHAPITRE   V



LES   MOSAÏQUES

Quand vous errez par le labyrinthe de Fez, ce n'est pas un tas de chaux ou de pierre qui vous signale une maison qu'on achève. C'est, sous vos pieds, un gravier de petits éclats de terre cuite, bigarrés d'émaux de couleur. Vous reconnaissez les débris de la mosaïque de faïence, des zellijs, dont on pave et lambrisse la demeure abritée par le grand mur qui vous domine.

En effet, la porte cloutée n'est pas encore posée. Vous n'avez qu'à entrer. Et l'impression est alors toujours la même.

D'abord, dans le corridor coudé, l'ombre et la fraîcheur, qui déjà régnaient dans la ruelle et qui, soudain, s'épaississent; puis, dans la cour aux verticales perspectives brusquement apparues, le poudroiement oblique de la lumière, la senteur des charpentes



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyMer 19 Mar - 7:43

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de cèdre ; et enfin, clair, léger, un carillon partant de terre et montant, par les colonnades et les murs qui le répercutent, vers le sommet des ogives. C'est le bruit des zellaïjia (1) qui taillent leurs carreaux avec leurs mar­teaux d'acier.

Il y a au Maroc plusieurs centaines de ces praticiens étonnants.
Bien que, vraisemblablement, leur art soit dérivé de la mosaïque de pierres colorées et des smaltes, telles que les Byzantins et les premiers musulmans la connaissaient et telle que nous-mêmes l'employons encore, il en diffère si nettement aujourd'hui qu'il est nécessaire d'en parler avec une certaine précision.

L'esprit géomètre des mosaïstes occidentaux s'éloigna vite des motifs floraux de la mosquée de Cordoue. Kux surtout furent attirés par ces testirs, dont je viens de parler au chapitre précédent. Furent-ils poussés à ce choix par la rareté des pierres colorées et la cherté des smaltes ? Fût-ce seule­ment leur amour de la régularité qui les leur fit abandonner pour la terre cuite émaillée, plus docile à se laisser tailler en éléments de forme fixe ? Il est probable que les deux causes se sont réunies pour produire le même effet.

Quoi qu'il en soit, l'idéal de l'artiste et la ma­tière mise à sa disposition étaient si bien faits l'un pour l'autre que la mosaïque de faïence fut très vite la seule en faveur en Espagne et au Mogreb.

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LES FORMULES. — Les testirs donc sont par excel­lence les motifs de la décoration en zellijs.


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(1)  Mosaïstes.



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II en est de deux sortes : les uns, comme les beaux panneaux de la porte d'en­trée de la médersa Bouanania ou de la salle de prière de la médersa El Attarin à Fez, comprennent, d'une part, un gros trait dessinant l'entre­lacs et, d'autre part, un rem­plissage polychrome, com­posé de petits éléments de formes précises s'adaptant exactement dans les vides laissés par le trait (pl. 22, en haut).

Les autres, et ce sont de beaucoup les plus répandus, n'ont plus de tracé apparent et sont formés par la simple juxtaposition des éléments polychromes, dont les joints seuls occupent la place des traits du premier type (pl. 22, en bas). Bien entendu, ces élé­ments ont tous leur nom, depuis ceux qui occupent la partie centrale et qui sont à peu près toujours les mêmes : louzat, lingassat, qafâh, qandil, seft, mecbt, etc..., jusqu'à ceux qui se répartissent à la périphérie et dont la forme est déterminée par la façon dont est fait le raccord avec le testir voisin. Ce vocabulaire d'ailleurs n'est pas spécial aux zellaïjia ; il est le même pour tous les arti­sans qui exécutent des testirs, peintres, ciseleurs, menuisiers, et chaque nom reste attaché à un élément, qui le conserve, même quand il est isolé (fig. 47).

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En dehors du groupe des testirs, il existe un assez grand nombre de combinaisons plus simples, faisant l'objet d'une terminologie spéciale comme : les soldats, la feuille de nacre, le noyau d'olive, la feuille de figuier, l'escargot, le dirhem (fig. 46, 47 bis à 52) ; et on retrouve aussi des

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dessins communs aux autres industries : les cheraref, les ketf-ou-dorj, etc...

La science du maître mosaïste consistera donc à connaître toutes les combinaisons traditionnelles et à savoir les disposer sur une surface d'une étendue donnée.

Quand il s'agit de testirs irradiant autour d'un sceau central à 12 ou 24 branches, le problème est très compliqué. Il est heureu­sement résolu d'avance depuis des siècles et, pour faire son ouvrage, le maallem, qui tant de fois l'a vu faire à son maître, ne s'aidera que de sa mémoire. Car il aura appris les propor­tions spéciales que détermine pour chaque élément de son testir le nombre de branches de l'étoile. Il saura qu'un qandil de 8 diffère d'un qandil de 32 et le découpera en conséquence. Il sera, en outre, guidé par l'instinct étonnant qu'il possède, comme tous ceux de sa race, pour plier un décor aux exigences du champ qui lui est assigné, en raccorder les pièces, le tru­quer, le tirer de tous les mauvais pas, sans que rien d'appa­rent n'y rompe le rythme précis de sa structure géométrique. Les maîtres artisans de Fez et de Marrakech ont l'habitude de composer leurs panneaux à l'envers, à plat, sur une planche qui sert à les relever ensuite et à les appliquer contre les murs. A Rabat, le travail est fait, à l'endroit, sur place. Ce sont des ouvriers moins avancés dans leur art qui taillent les zellijs dans les carreaux de faïence venus de chez le potier. Ces gens sont cependant d'une grande habileté. Tandis que les apprentis leur préparent l'ouvrage en reportant, avec de l'encre et un calame, sur des carreaux entiers, le contour d'éléments déjà faits, ils en découpent d'autres avec une précision étonnante, ne frappant pour chaque trait qu'un seul coup de marteau et biseautant ensuite la terre cuite sous l'émail, de façon à donner à chaque morceau un profil en forme de coin. Ils connaissent d'ailleurs,

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comme le maallem, toutes les formes et tous les noms de décou­pures en usage et le tracé de l'apprenti n'est destiné qu'à éviter dans les parties des changements de dimensions qui nuiraient à la réussite de l'ensemble.

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Fig. 54

PAVEMENTS ET LAMBRIS. — On ne peut faire nettement le départ entre les types de décors s'appliquant aux pavements et ceux qui s'appliquent aux lambris (fig. 48 à 63).

En général, les premiers sont plus simples. Ils se réduisent sou­vent à une juxtaposition d'octogones sans émail alternant avec de petits carrés vert émeraude. Les bejmats, demi-briques, émaillées ou non, sont aussi d'un usage très répandu. Mais le carrelage le plus fréquent est sans doute celui qu'on obtient en taillant en quatre les carreaux que livre le potier. Ceux-ci sont de toutes couleurs, à l'exception du rouge qui, principe absolu, n'est jamais employé dans la céramique indigène. On trouve beaucoup de petits hexagones noirs, dessinant des losanges sur un fond d'hexagones blancs. Les dalles de marbre séparées par des bandes de zellijs polychromes (pil 18 et 19 et fig. 60 et 69) sont également très en faveur.

C'est seulement dans les demeures luxueuses que le décor des



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pavements se complique. On trouve alors, presque toujours, dans la cour intérieure, autour d'une vasque, un grand sceau de Salomon parsemé de testirs (pl. 18). Dans les chambres, une bande de carreaux non émaillés, d'un mètre de large environ, est réser­vée le long des murs pour recevoir les matelas ; la partie du sol qui doit rester apparente est souvent décorée comme les murs eux-mêmes.

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_76

Mais c'est sur les lambris que triom­phe l'artisan. Peintre au talent réglé comme un mouvement d'horloge, c'est lui qui, plus que tout autre, compose ses chefs-d'œuvre comme la nature fait les cristaux. Cristaux en feuille et dia­prés qui mettent dans la pièce la splen­deur d'une fête, ils ont des rayonne­ments de lampes et de douces couleurs de pierres ou de fruits. L'ensemble est clair, le blanc dominant toujours. C'est un blanc assez inégal, tantôt verdâtre, tantôt bleuâtre. Les noirs tirent sur le violet. Les jaunes sont ocres. Les bleus sont cobalt sombre dans les ouvrages modernes, et lavande dans les anciens. Les verts aujourd'hui sont émeraude, autrefois ils étaient amande. L'impression de savants entrelacs que donnent très nettement les testirs assez rares du premier type, avec leur tracé apparent, s'efface, à peu près complètement, devant les autres. Quand le regard s'y promène négligemment, il n'y voit que de fourmillantes



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constellations, d'où surgissent, dès qu'il se pose, des halos, de magiques roses irisées se touchant comme les yeux sur la roue d'un paon et s'engendrant Tune l'autre, comme des planètes qui essaimeraient d'une nébuleuse.

La planche 22, reproduisant an fragment de lambris, pris à Dar El Menebbhi à Fez, donnera une idée de ce genre de décor. C'est un ouvrage qui ne date que de la fin du XIX° siècle. On peut dire d'ailleurs que les mosaïques compliquées sont plu­tôt de date récente. C'est même dans les maisons indigènes bâties depuis l'occupation française, comme Dar El Mokri, achevée en 1914, à Fez, comme Dar El Merini qu'un notable vient de faire construire à Rabat, ou encore comme Dar El Glaoui à Marrakech, que les zellaïjia ont exécuté leurs panneaux avec le plus de recherche et ont utilisé les plus petits éléments découpés.

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Si l'on se reporte aux belles époques de l'art musulman occi­dental et qu'on compare les mosaïques de l'Alhambra ou des Médersa de Fez à celles qui ornent ces somptueuses demeures modernes, on constate une tendance progressive à la virtuosité, qui n'est pas sans intérêt. La mosaïque est, en effet, à peu près le seul art indigène où se soit produit ce phénomène. C'est certaine­ment le seul qui se soit spontanément perfectionné (en un sens tout au moins), depuis le siècle dernier. Car si l'on peut préférer, au point de vue artistique, les anciens motifs plus larges et plus simples, il n'en est pas moins vrai qu'en ce qui concerne la seule habileté technique de l'ouvrier, il y a dans les nouveaux un pro­grès certain. Et l'influence européenne n'y a pris aucune part. On pourrait dire que ce perfectionnement des qualités manuelles, au détriment du large effet décoratif, est tout à fait selon la loi de la



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décadence des arts appliqués. Mais si cela est vrai en Europe, ce l'est au Maroc beaucoup moins, où pour les  arts comme la poterie, les tapis, le fer forgé, le bois sculpté , la corruption du goût a toujours marché de pair avec la perte de la virtuosité.
On se trouve plutôt ici en présence d'une industrie qui se sent menacée, en son existence même par l'importation des carreaux européens et qui cherche le salut dans la réalisation de tours de force capables de flatter l'amour-propre de riches propriétaires musulmans pour qui ils sont exécutés.  

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Fig.   58. — Ebrasement en faïence dans une porte, à Fez.

LES CARREAUX EXCISÉS. — J'ai dit que les zellaïjias utilisent surtout l'entrelacs rectiligne. En fait il existe des exemples de touriqs en mosaïque, mais ils sont extrêmement rares (Médersa El Attarine à FEZ). C'est par un procédé tout à fait différent de



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la juxtaposition que les artisans ont su faire entrer la ligne courbe dans les décors en faïence taillée. Se servant de carreaux ver­nissés entiers, noirs presque toujours, ils en excisent' la surface avec leur marteau tranchant, assez adroitement pour ne découvrir la terre cuite qu'à la place qui doit servir de fond au dessin et pour former celui-ci avec l'émail qu'ils n'ont pas fait sauter.

Ce procédé est employé dans les maisons pour faire des inscriptions qu'on place en bordure des lam­bris de zellijs et où les caractères sont entremêlés de rinceaux. Il exige des maallems une très grande adresse. On en jugera en examinant la planche 4, reproduisant une fon­taine de Fez où les ins­criptions et les entrelacs de palmettes sont en

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Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_85 Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_86

Fig. 59


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carreaux excisés. Les planches 23 et 25, qui donnent des frises or­nées de caractères coufiques, mon­trent bien la nature du procédé.

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_87
LES CARREAUX PEINTS. — Quant aux carreaux peints indigènes, ils paraissent n'avoir jamais eu, au Maroc, le succès qu'ils ont eu dans d'autres pays islamiques. Ils ont été employés cependant et on a retrouvé, ça et là, des frag­ments de dallages ou de lambris d'une facture qui, sans les égaler aux ouvrages analogues de Perse ou d'Asie Mineure, les rend pourtant supérieurs aux car­reaux tunisiens de Nabeul. Comme ceux-ci, ce sont des émaux stannifères au grand feu sur cru. Ils ne présentent jamais de reflets métalliques et ne paraissent pas se rattacher à l'école céra­mique espagnole qui a donné de si somptueux revêtements à Séville et à Grenade. Il semble qu'au contraire on puisse les considérer comme se rattachant à l'école de Delft.

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_89

Le mausolée de Moulay Ismaïl, à Meknès, est lambrissé avec des carreaux dont le format et les coloris (emploi du rouge
notamment) confirment la tradi­tion locale qui en attribue la fabrication à des esclaves hol­landais. Ce sont, en somme, de
véritables faïences de Delft, décorées dans le style musulman.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 7:55

page 65

On a, d'autre part, retrouvé à Meknès beau­coup de délfts im­portés. En sorte que, de tout cela, on peut déduire que l'art des car­reaux peints a été au Maroc influen­cé par l'école hol­landaise et a dû surtout sa pros­périté aux nom­breux esclaves chrétiens capturés par Moulay Ismaïl (1) (fin du XVII°, début du XVIII° siècle). La mode ne paraît pas d'ailleurs en avoir duré plus que son règne et la mosaïque a toujours été beaucoup plus en faveur. Ce seront donc sans doute les zellaïjia qui continue­ront à composer la parure d'émail de la maison marocaine, tant que les carreaux d'Europe n'auront pas, comme en Tunisie et en Algérie, définitivement tué leur art.

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_92 Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_93

Jusqu'alors nous pourrons entendre, dans les cours et les salles sombres, où règne l'odeur du mortier frais, tinter la faïence qui se brise. Et nous pourrons, près du maître de maison, regarder leur groupe patient : l'apprenti dessinant, un roseau à la main, l'ouvrier martelant sur sa petite enclume de pierre et le vieux maallem, lunettes au nez et barbe à terre, penché au-dessus de son panneau à l'envers, élaborant, avec la patience d'un démiurge, ses petits firmaments ocellés de soleil.


_____


(1) Je dois ces renseignements à M. et à Mme Réveillaud qui les ont recueillis à Meknès.




Dernière édition par Paul Casimir le Jeu 20 Mar - 8:51, édité 1 fois
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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 8:48

page 66, page blanche
page 67

CHAPITRE  VI

LES    PLÂTRES    CISELÉS


S'il est au Maroc certaines industries qui, pour n'avoir pas perfectionné leur outillage, sont devenues bien inférieures à ce qu'elles sont dans nos pays, on peut dire que, peut-être pour des raisons inverses, nos décors en stucs et en plâtre ne peuvent que donner une idée grossière et fausse de ce qu'est l'art musul­man du Negch ou plus exactement Taguebbast.

Parler chez nous de décors en plâtre, c'est immédiatement évoquer l'image d'un salon de palace où se relèvent en bosse, sur les murs et sur les pilastres, des fruits, des fleurs et des nudités ou d'un plafond de maison bourgeoise, tout grouillant d'une vermiculante cuisine de pâtes à l'italienne.

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_96    Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_95
La cause en est, sans doute, l'emploi du procédé du mou­lage, qui fait du plâtre une matière industrielle, bonne seulement à reproduire des modèles, entre les mains d'ouvriers qui ne sont eux-mêmes que des instruments. Au contraire, au Maroc où le moulage est inconnu (1), le plâtre, en contact direct avec le


_____


(1) Sans vouloir sortir de mon sujet pour entrer dans le domaine de l'histoire de l'art espagnol, je crois devoir rappeler qu'on lit à la page 74 du Manuel sur les Arts musulmans plastiques et industriels, de M. Gaston Migeon : « En Espagne, la déco ration sculptée des monuments ne fut jamais autrement qu'en plâtre, et en plâtre moulé mécaniquement. Ceci ne fait que confirmer d'ailleurs ce qu'on lit dans un ouvrage publié en 1889 par Raphaël Contreras, conservateur de l'Alhambra de Grenade, pages 71 et 199-200. II ne m'a pas été donné d'étudier les stucs de l'Alhambra d'assez près pour vérifier si les parties non restaurées sont moulées ou ciselées. Le fait cependant que le moulage était absolument inconnu des indigènes avant notre arrivée au Maroc, que ceux-ci n'en font jamais usage pour la déco­ration de leurs édifices, et que la ciselure directe des motifs les plus compliqués paraît encore un jeu pour leurs artisans, ne serait-il pas de nature à modifier l'opi­nion qui précède, étant donné l'identité parfaite des procédés pour tous les autres arts décoratifs au Maroc et en Espagne mauresque.


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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 8:55

page 68

ciseau de l'artisan, garde, comme la pierre et le marbre, la dignité d'une matière d'art.
Sous l'effort vivant du fer, il prend des arêtes fermes et des surfaces accidentées, il s'anime de la nervosité indispensable à la beauté.
Parce que le plâtre y est employé dans une grande partie du décor, l'art mauresque a parfois été traité d'art de pacotille. Ainsi, l'Alhambra, une des plus parfaites créations de l'esprit humain, ne vaudrait pas plus qu'une pièce montée, en sucre ou en saindoux.

Nous avons pourtant dépassé aujourd'hui l'idéal des peuples primitifs qui confond la beauté avec le prix de la matière. Nous savons que celle-ci a des qualités plastiques tout à fait indépen­dantes de sa valeur marchande. La pierre est souvent plus douce aux yeux que le marbre, le bois peut plaire mieux que le bronze et il n'est pas d'artiste qui nie qu'un broc d'étain puisse être plus beau qu'un vase d'or.

Il serait assez singulier que notre goût d'Européens se trouvât à ce sujet en retard sur le goût des Berbères sémitisés du Maroc. C'est pourquoi nous voulons attribuer le malentendu à l'habitude où l'on est de confondre l'art du plâtre avec le moulage.
Il ne saurait s'agir, en effet, de solidité et de durée. Sous le lait de chaux, les plâtres ciselés se conservent fort longtemps, même s'ils sont exposés aux intempéries. On en admire au Maroc qui datent de 5 à 600 ans. Il y en a des panneaux entiers dans




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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 8:55

page 69

la mosquée du Mahdi à Tinmal, datant du XII° siècle. Le chêne ne dure pas davantage.

LES PLÂTRIERS. — La corporation des plâtriers (guebbassa) est encore nombreuse au Maroc. Après celle des relieurs-enlumineurs et des peintres, c'est, sans doute, une des plus relevées et la plu­part des artisans y sont fquih, c'est-à-dire savent lire et écrire. Beaucoup possèdent chez eux des cartons qu'ils ont dessinés eux-mêmes ou reçus d'un peintre, ou bien encore qu'un maître leur a transmis en héritage. Parfois, ils apportent un de ces dessins avec eux pour exécuter leur décor, mais, le plus souvent, c'est sans modèle qu'ils attaquent le plâtre pour y creuser les arabesques que leur inspire leur mémoire.

Le plâtre est étalé en une couche épaisse de quelques centi­mètres sur la surface à décorer. Sur la pâte encore fraîche, le guebbas, juché sur son échafaudage, trace d'abord son schéma avec un vieux couteau, qu'une règle guide, et avec la pointe d'un compas.
De temps en temps, comme s'il avait soif, il porte à ses lèvres une coupe d'eau froide, en hume un petit coup, puis, soufflant avec bruit, projette sur son ouvrage une pluie qui le garde de durcir.
Quand le schéma est achevé, c'est-à-dire quand quelques lignes droites et quelques cercles indiquent les grandes divisions et le mouvement général du dessin, il commence, toujours du bout de son couteau, le tracé complet des entrelacs. Après quoi, prenant un ciseau, il attaque franchement la masse, affouillant les parties comprises extérieurement entre les contours.

L'affouillement se fait à une profondeur de 2 à 5 cm. et obli­quement, de bas en haut, parallèlement au rayon visuel des spectateurs qui verront les ciselures de biais. Cette précaution, qui prouve l'intelligence des indigènes, est, d'ailleurs, tout à fait nécessaire, car, si les alvéoles étaient creusées perpendiculaire­ment à la surface des panneaux, il est évident qu'elles disparaîtraient



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 9:07

page 70

au fur et à mesure que le regard les atteindrait selon une direction plus oblique.

La répartition des plâtres, à l'intérieur des maisons, se fait d'une façon variable. Ils peuvent se réduire à une simple frise ou occuper à peu près toutes les surfaces verticales, situées au-dessus de la zone des faïences, comme dans la plupart des médersas et des anciennes maisons de style mérinide ou encore dans quelques maisons plus modernes, comme Dar Bennani à Meknès.

Souvent, dans la cour, les murs sous galerie, étant moins en vue, restent nus ou ne sont ornés que d'une frise et de bandeaux encadrant le haut des portes. C'est alors la partie de la maison la plus exposée aux pluies qui est le mieux décorée. Le haut des piliers, les tympans des arcs, les consoles des baies, l'encadre­ment des ogives forment autant de panneaux où se répartissent de petits chef -d'oeuvre de taguebbast (pl. 13). L'intrados des arcs est, souvent, aussi, ciselé sur toute son épaisseur (pl. 17).
Les photographies permettront facilement de se faire une idée de la façon dont sont composés les grands motifs décoratifs de taguebbast. La ciselure sur plâtre est, en effet, d'un emploi telle­ment répandu au Maroc qu'on en trouvera sur presque tous les clichés (1).

D'une manière générale, le style y est identique au style des autres pays de l'Afrique du Nord et de l'Espagne mauresque. Nous nous trouvons ici en présence des entrelacs floraux et géo­métriques dont j'ai indiqué les principaux caractères au chapitre IV. Mais les touriqs prédominent, contrairement à ce qui a lieu pour les mosaïques. En outre les caractères arabes et les entre­lacs dérivés du coufique, prennent une grande place.


_____


(1) Plusieurs de ces clichés ont été pris dans les médersas, maisons d'étudiants ayant un caractère d'édifices publics qui n'entrent pas dans le cadre de cette étude, et au mausolée des Saadiens. Mais ces monuments offrent précisément des modèles de décoration somptueuse que les particuliers se sont toujours efforcés d'imiter.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 9:14

page 71

L'évolution, si on ne la considère que postérieurement à l'époque almohade, dont il ne nous reste d'ailleurs que des ves­tiges étrangers à l'habitation privée, semble caractérisée par une tendance à ramener sur un seul plan le décor qui, aux époques mérinide et saadienne, était toujours établi sur plusieurs plans, dans les morceaux soignés. On peut noter aussi que les entrelacs floraux, qui étaient d'abord composés d'éléments de tailles très différentes, groupés avec un sens remarquable de la composition, sont devenus, en se modernisant, plus égaux en leurs éléments, de sorte que l'effort consiste aujourd'hui à rechercher une finesse monotone plus qu'un effet combiné. Enfin, comme dans toutes les branches de leur décoration, les Marocains ont peu à peu cédé à l'attrait qu'exerce sur eux les figures géométriques rectilignes en tombant, là aussi, dans la monotonie.

Cette évolution est nettement mise en lumière par la planche 24, donnant, à gauche, un détail de la médersa El Attarine et, à droite, un détail du mausolée des Saadiens.

Sur le premier cliché, dans le petit panneau d'entrelacs floraux situé à la partie inférieure, on peut, en dépit de l'empâtement produit par les laits de chaux séculaires, voir avec quel art con­sommé savaient travailler les ciseleurs du XIV° siècle.
On y remarque trois plans principaux ou plutôt trois zones : le fond, les petites palmettes, les grandes palmettes. Dans les deux zones supérieures, les rinceaux ondulent, s'entrecroisent, passent les uns au-dessus des autres, donnant ainsi d'admirables jeux de reliefs.

Si l'effet obtenu en profondeur est tout à fait savant et réussi, l'effet en plan l'est encore davantage. Dans les grandes palmettes, la ténuité des tiges s'oppose magistralement à la largeur des feuilles. Quant à celles-ci, leur largeur permet de les utiliser comme des cadres où viennent s'insérer de nouveaux détails flo­raux, qui donnent à l'ensemble une très grande richesse, sans nuire à la tenue de la composition. Les petites palmettes du


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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 9:20

page 72

deuxième plan, simplement guillochées, forment un fond somptueux, sans rien rendre confus grâce à leur recul.

Si maintenant l'on examine le panneau occupant la même place dans l'arc du mausolée des Sultans Saadiens datant du XVI° siècle, on ne peut pas ne point remarquer combien ce morceau, encore ciselé sur trois plans, offre de monotonie à côté du précédent, en dépit de l'étonnante virtuosité dont il témoigne. C'est au point que le panneau des Attarine semble, en comparaison, être encore aussi byzantin que les rinceaux de Cordoue, bien qu'en fait il soit déjà complètement mauresque.

S'il s'agit de motifs à base de lignes droites, un rapproche­ment entre la rosace de la Médersa El Attarine (pl 26), et celle qui est donnée planche 25, est tout aussi suggestif.

Tout ceci n'est qu'une évolution. Mais on peut constater qu'à la fin du XIX° siècle, l'art du ciseleur sur plâtre commence à se laisser pénétrer par des emprunts et par un goût venu de l'étran­ger, qui le mettent franchement sur la voie de la décadence.
Certains panneaux de Dar El Menebbhi à Fez, nous en fournissent des exemples assez frappants. Outre la minutie inin­telligente du travail, qui s'est exercée aux dépens du relief, on remarque une composition molle et dispersée, des défectuosités de rapports entre les surfaces décorées et les fonds, qui trahissent que les artisans ont négligé les fondamentales traditions de leur race et perdu pied. En quelques endroits on trouve même une sorte de semis de fleurettes qui n'appartient plus qu'au style de la guipure.

LES CHAPITEAUX. — Le taguebbast ne sert pas seulement à la décoration des surfaces planes et des arcades, il est aussi d'un emploi constant dans l'ornementation des chapiteaux. Ceux-ci sont rarement en marbre dans les maisons particulières. C'est là un luxe à peu près réservé aux édifices d'un caractère religieux, mosquées, médersas, mausolées ou encore aux palais impériaux.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 9:33

page 73

Je ne crois pas d'ailleurs, qu'il y ait lieu de faire une distinction, relative au style, entre les chapiteaux de marbre et les chapiteaux de plâtre, ceux-ci étant toujours plus ou moins faits à l'imitation de ceux-là. Bien que la variété en soit  très grande on peut dire que, dans l'ensemble, ils se rattachent à un même type, qui dérive du corinthien et du composite. D'une part les rangées  d'acanthe se simplifièrent très vite en deux banderoles sinueuses et, d'autre part, la partie supérieure se confondit avec l'abaque en une sorte de cube qui reçut un décor ciselé.
Les chapiteaux de marbre qui se trouvent actuellement au mausolée des Saadiens à Marrakech, et dont l'un, très archaïque, doit remonter aux premiers siècles de l'Islam, marquent assez bien, ainsi qu'un chapiteau de plâtre de la Médersa de Salé, les étapes de cette transformation (pl. 27 et 28 et fig. 65 et 66).

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_97

A la Médersa des Oudaïa à Rabat (pl. 2), ils ne portent plus que la banderole sinueuse simplifiée à l'extrême.
Je dois dire que, parfois, les ciseleurs marocains se sont fran­chement écartés du type courant aussi bien à la bonne époque que durant la période actuelle (fig. 64 et 67).

LES CHEMAMECH. — Comme dans tous les pays musulmans, on trouve beaucoup, au Maroc, les claustras de plâtre ajouré, avec incrustation de petits vitraux de couleurs. Ces claustras, que les Marocains nomment chemamecb, ce qui signifie quelque chose comme filtres à soleil, sont généralement percées dans le mur opposé à la grande porte et placées très haut. Leur forme, une petite arcade en plein-cintre, a été conservée pour des panneaux


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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 9:59

page 74

aveugles, simplement ciselés, qu'on juxtapose pour faire des frises (planche 17).

LES NIDS D'ABEILLES. — J'expliquerai au chapitre du bois la technique des nids d'abeilles. Je signale seulement ici qu'on en fait en plâtre, pour former des plafonds en coupole, ce qui est assez rare, ou, ce qui est beaucoup plus fréquent, pour orner les intrados des ogives, les consoles ou les chapiteaux. Pour les petites surfaces, l'artisan ciselle à la main la masse du plâtre. Mais, quand il s'agit de réaliser toute une coupole ou une ogive, il a recours, et c'est l'unique circonstance ou cela lui arrive, à un procédé de moulage. Il se sert pour cela des morceaux de bois, tombés lors du découpage des cales avec lesquelles les menui­siers composent leurs mqarbes. On comprend que ces chutes représentent exactement le moule des cales elles-même. En les utilisant, pour y jeter le plâtre qui formera l'ogive, le guebbas obtient donc le même décor que le menuisier. C'est d'ail­leurs, comme celui-ci, morceau par morceau qu'il réalise son ensemble, auquel il apporte de nombreuses retouches à la main. Il obtient ainsi des ogives ou des coupoles, d'une section géné­rale triangulaire inscrite dans un arc, qui semblent taillées dans des arcades ou des voûtes épaisses. En réalité, elles sont formées d'une mince couche de plâtre ne se soutenant que par sa dureté et par sa cohésion, comme la coquille d'un œuf (planche 29).

Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 Cscan_98

PEINTURE DES PLÂTRES. — L'amour de la poly­chromie a fréquemment poussé les Marocains à rehausser de couleurs leurs panneaux de taguebbast. Peut-être ont-ils cherché ainsi à les faire mieux entrer dans l'harmonie générale et à atténuer la tache qu'ils font toujours entre les



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 3 EmptyJeu 20 Mar - 10:02

page 75

lambris de mosaïque et les plafonds peints. Le résultat a rare­ment été heureux.

Le plâtre donne des tons d'une crudité qui ne prend avec le temps aucune patine. Sans doute, obtiendrait-on des effets satis­faisants avec des coloris très foncés. J'ai vu à Fez, dans une vieille maison, des frises de plâtre ciselé peint dans les noirs, les violets foncés, les verts olive, avec quelques notes d'or, et qui étaient charmantes. Mais, d'ordinaire, le rouge, le jaune, le vert franc, le bleu surtout ne font qu'ajouter à la brutalité du blanc et ne se lient pas avec les zellijs et les bois. Il faudrait, pour que l'emploi des couleurs claires fût possible, que tout le décor fût composé dans un parti pris de fraîcheur, avec une science consommée. C'est ce qu'on peut admirer dans une des salles des mausolées saadiens à Marrakech, où, au-dessus des tombes de marbre et des pâles faïences, s'élève une coupole à nids d'abeilles dont la blancheur est discrètement enluminée de mauve, de rose, de cendre verte et d'un or très froid, auquel s'opposent, ça et là, des noirs habilement placés.

Mais c'est là, je crois, un exemple unique.




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