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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyDim 16 Mar - 16:25

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LES OGIVES. — La forme des ogives est assez variable. Pour­tant le nombre des genres en est limité.

Tout d'abord, l'arc rentrant ou en fer à cheval, plein cintre ou ogival qui, quelle qu'en soit l'origine, est très caractéristique de l'art mauresque (1). Les artisans de Fez le nomment Qaous Chleuhaoui c'est-à-dire Arc berbère (pl. 4).

Ensuite, l'arc à retombées verticales, qui fut surtout en vogue aux XIV° et XV° siècles, et auquel les délicats édifices des sultans marocains mérinides et des rois de Grenade doivent beaucoup de leur élégance. Il est encore très employé par les indigènes qui le nomment Qaous Guebbassl, c'est-à-dire arc du ciseleur sur plâtre, peut-être parce que, dans les monuments où il a été utilisé avec le plus de bonheur, il est presque toujours chargé de dentelures, de stalactites et autres ornements en plâtre ciselé (pl. 5).

L'arc surbaissé nommé Qaous-El-Khît, ou l'arc du fil. Il ressemble à l'anse de panier (pl. 6).

L'arc en portion de cercle, surtout employé dans les ouvrages de grosse utilité, dans les revêtements décoratifs, dans les boiseries (pl. 6).

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Enfin une sorte d'ogive composée de 4 por­tions de cercle, disposées deux à deux, en S, et nommée Mekhousser, qui ne manque pas d'élégance mais paraît relativement moderne (fig. 22).

L'outillage dont se sert le maçon est si simple


_____


(1).  Cf. Dieulafoy, Espagne et Portugal, collection Ars Una ; W. et G. Marçais, les Monumenls arabes de Tlemcen. Emile Bertaux, les Arts en Espagne, etc.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyDim 16 Mar - 16:33

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qu'on peut se demander comment il procédera pour exécuter ces ogives, dont des formules précises fixent, pour chaque genre, les proportions admises (1). La truelle, la houe, la couffe de palmier, c'est à peu près tout ce qu'on trouve sur un chantier indigène. On peut y ajouter pourtant le fil à plomb et le niveau à bulle d'air, dont l'un est souvent remplacé par une pierre au bout d'une ficelle et l'autre par une barre de bois qu'on trempe dans l'eau pour que des gouttes s'y suspendent en glissant et indiquent, quand elles restent immobiles, que la barre est horizontale.

Que va faire l'artisan Va-t-il, comme nos maçons, appeler un charpentier pour construire un cintre ? Ce serait bien inutile. L'écart des pieds-droits lui indique quelle doit être la plus grande largeur de son arc. Il en mesure le quart et trouve ainsi à quelle hauteur il doit la prévoir au-dessus des naissances. Il élève le mur, à droite et à gauche, et jette, d'un côté à l'autre, un chevron hori­zontal. Sur ce chevron, avec son fil à plomb, il reporte la largeur de l'ogive, puis il la divise en 5, 6 ou 7, suivant le type d'arc ; deux clous marqueront les deux centres ; deux ficelles serviront de compas. Il commencera, si l'arc est outrepassé, par en terminer les becs en console sur les pieds-droits. Puis il se mettra à cons­truire, en porte-à-faux, la partie supérieure de l'ogive.
Dès que le faux aplomb approche des limites de l'équilibre, il jette un madrier en travers de l'arc qui s'ébauche et, dessus, bâtit un cintre provisoire en briques, qui lui sert à achever l'ou­vrage et qu'il démolira quand la prise sera suffisante. Quant aux chevrons et aux ficelles, il les enlève dès qu'il n'en a plus besoin.

Quelquefois, les briques sont soutenues par deux madriers dis­posés en V renversé. Si je signale ce détail, c'est qu'il est arrivé, dans d'anciens édifices, que des artisans négligents ont oublié, l'ouvrage achevé, de démolir des cintres de ce genre. En débarquant au Maroc, certains architectes, trompés par l'apparence,


_____

(1). Pour ces formules voir appendice III.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyLun 17 Mar - 8:34

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ont cru se trouver en présence d'ouvertures appartenant au style du pays et les ont reproduites dans leurs façades, quel­quefois d'ailleurs avec réussite. Mais c'est là une erreur qu'il con­vient de relever.
La hauteur des murs, au-dessus des ogives ou des linteaux des portiques, et au-dessus des grandes portes, varie avec la hauteur même qu'on veut donner aux salles. Elle oscille le plus souvent entre 1 m. 50 et 2 m., ce qui correspond à une hauteur sous plafond de 4 à 5 mètres. II est fréquent toutefois que les murs dépassent le niveau des ­terrasses. Parfois même, ils les entourent d'un vrai rempart destiné à prévenir des évasions dans le personnel domestique autant que les surprises des voleurs. Ils sont alors percés de meurtrières (pl. 84).


LES COUVERTURES. — La façon dont on établit les couvertures, qu'il s'agisse de faire le plancher du premier étage ou la terrasse de la maison, est la même.
Le système consiste à jeter, dans le sens de la largeur des pièces, des poutrelles horizontales très rapprochées, dont on noie




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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyLun 17 Mar - 9:05

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les extrémités dans la maçonnerie. Au-dessus et transversalement, on pose des voliges. Puis, sur ce léger plancher, on verse des paniers de mortier de terre qu'on arrose et pilonne, jusqu'à ce qu'on ait obtenu un hourdis d'une épaisseur de 30 à 40 centi­mètres (fig. 23).

L'exécution de ce hourdis est confiée à des spécialistes nom­més les dessâssas (de dess mortier pilonné, béton) qui forment une corporation à part.
Les dessâssa opèrent en général par équipes de cinq à six. Ce sont souvent des noirs et des chleuhs. Personne n'a pu regarder le paysage chaotique et silencieux de Fez, sans entendre monter, de quelque creux de la vallée, le caractéristique concert de leur travail. Tous tiennent à la main une légère dame en bois. Un maallem les guide. Il chante, sur un air cadencé, une phrase à laquelle répondent les manœuvres. Les coups donnent le rythme. Et l'orchestre est si bien réglé que les dames, en marquant une parfaite mesure à quatre temps, frappent le béton alternativement, sans jamais tomber toutes ensemble, ce qui produirait de trop fortes secousses. On pourrait faire un recueil des airs des dessâssa. Ils sont en général d'une mélodie agréable, quoique simple et mono­tone. Dans la grande lumière du jour, l'été; quand la vie se cache au sein des maisons profondes, eux seuls font monter des villes muettes une  ru­meur  d'activité vers le soleil dévorant. Quant aux paroles, plus    simples encore que les airs, ce sont souvent de plates re­dites. A Fez le maal­lem entonne  :  « Que Dieu bénisse le Prophète !  » et les aides

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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyLun 17 Mar - 9:19

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répondent : « Et notre Seigneur Ali ». De temps en temps, le chant s'étend, traîne en une longue note, puis, brusquement, se tait. C'est la machine à battre qui s'arrête un moment, pour ménager ses rouages surchauffés.

Bien que la terrasse soit, et de beaucoup, le mode de couverture le plus répandu, II arrive pourtant que, pour aug­menter la largeur des salles, on lui substitue la toiture à deux ou quatre pentes. Les poutrelles alors, au lieu d'être posées une à une horizontalement, sont groupées par trois, de manière à réaliser de petites fermes ayant exactement la forme d'un A. Les jambes de l'A sont posées sur les bords intérieurs des murs, qui sont ensuite un peu surélevés. Après quoi, des étais latéraux sont jetés du sommet de l'A au sommet du mur. La liaison entre les fermes est assurée par des voliges longitudinales. Sur le toit ainsi obtenu est jeté un lit de mortier où l'on pose des tuiles rondes, le plus souvent émaillées de vert (1) (pl. 7 et fig. 25 et 26).

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LES AVANT-CORPS ET LES PIÈCES SUR RUES. — Les Marocains ont construit très souvent des avant-corps et des pièces sur rue, et c'est en grande partie à cet usage qu'est dû le caractère pittoresque de leurs villes, de Fez en particulier.

Les avant-corps ne servent qu'à agrandir les pièces du premier étage. Ils sont établis sur des poutres en encorbellement, étayées par des jambes de force obliques qui prennent appui, en contrebas, sur le mur. Ils s'élèvent parfois très haut et sont généralement sans ouvertures, ce qui les distingue des moucharabiehs d'Orient,



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(1) Je reviens sur les détails d'exécution des différentes formes de toits au cha­pitre du bois.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyLun 17 Mar - 9:28

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qui sont des loggias indépen­dantes, destinées à per­mettre aux femmes de voir au dehors sans être vues.

Pour établir les pièces sur rue ou fahal on a rarement recours aux voûtes. L'étroitesse ordi­naire des chaussées permet de les construire sur un simple plancher. Toutefois, quand la portée dépasse la longueur des poutres, on pose celles-ci longitudinalement en les faisant repo­ser sur des arcs en maçonnerie. Les fahal peuvent servir à relier deux maisons entre elles. Ils sont alors souvent occupés par une salle de réception, un menzeh, pour les réunions entre hommes. Une fenêtre percée dans la façade peut en ce cas servir de prétexte à un motif de décoration extérieure. Souvent aussi, ce sont des pièces indépendantes, auxquelles on accède par un escalier donnant sur la rue et qu'on loue à des artisans. Parfois encore elles font l'office de poste de veille, au-dessus des portes de quartier et abritent les gardiens de nuit (pl. 8).

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LES HAMMAMS. — L'usage des voûtes, rare dans le Nord, est de règle pourtant pour couvrir les hammams (planche 9). Ceci s'ex­plique par la nécessité d'éviter la pourriture que subiraient très ra­pidement les couver­tures en bois, sous l'ac­tion de la vapeur

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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyLun 17 Mar - 9:59

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d'eau. Le hammam est une dépendance que seules comportent les habitations luxueuses. Il peut trouver sa place dans un coin de la maison même, mais fait souvent l'objet d'un corps de bâti­ment à part.
Pour être complet, il doit comprendre au moins trois pièces : une salle de repos où l'on se dévêt, une salle chaude intermédiaire et l'étuve proprement dite (fig. 26).

Seules les salles chaudes sont voûtées. Souvent, l'une est cou­verte d'une coupole à base octogonale sur trompe à plan carré, l'autre d'une voûte en berceau. Les voûtes, dont les sections se ramènent à des pleins-cintres ou à des ogives à retombées verti­cales, comme celles dont j'ai parlé plus haut, sont construites en briques et percées, ça et là, de petites ouvertures où s'insère un tuyau de terre-cuite qui permet l'accès de la lumière.
Le chauffage est obtenu au moyen d'un four extérieur établi en sous-sol. Il se compose d'un massif de maçonnerie, dans lequel est encastrée une grande chaudière en cuivre, plus haute que large, recouverte d'un plat d'argile et lutée. Une conduite porte l'eau bouillante dans l'étuve où une auge la reçoit ; une autre contient de la vapeur qui sort par une niche aménagée dans un mur.

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Plan d'un hammam à la Bahia
à Marrakech.

Le foyer placé sous la chaudière se prolonge par une série de galeries voûtées, formant sous le sol du hammam un labyrinthe où les flammes tournent avant d'attein­dre la cheminée. Le dallage de l'étuve, étant de la sorte surchauffé, émet, dès qu'on y répand de l'eau, une vapeur abondante, qui complète celle qu'émettent déjà l'auge et la conduite du mur.


LES CUISINES. — Les cuisines sont, en général, très spacieuses et surtout très hautes (pi. 10). La cause en



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyLun 17 Mar - 10:03

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est, sans doute, la nécessité d'éviter l'asphyxie, car les Marocains, qui ne connaissent que la cuisson au charbon de bois, usent peu de che­minées. Une cuisine bien aménagée comporte, outre un mobilier de réchauds en terre cuite, une série de fourneaux, bâtis à terre, le long d'un mur. La forme en est très simple. Ce sont des cylin­dres en briques, ouverts par devant, et dans les­quels on accumule des cendres et du charbon. L'ensemble forme une banquette en maçonnerie, percée de trous sur lesquels on pose les marmites. Aucun tuyau ne provoquant le tirage, c'est en maniant un soufflet ou en s'époumonnant avec un roseau que les esclaves activent le feu.

LES ESCALIERS. — Les escaliers sont presque toujours étroits, Par contre, sauf dans de très vieilles mai­sons, ils sont rarement tortueux. Le plus sou­vent, ils ne présentent, d'un étage à l'autre, que deux rampes à angle droit et séparées par un palier carré. Quelquefois même, ils n'offrent qu'une seule rampe, en pente assez douce.

La façon dont ils sont construits est fort simple. Entre la base et le premier palier on établit un plan incliné, au moyen de solives longitudinales, reposant au besoin sur une courte poutre transversale intermédiaire ; et, sur ce plan incliné, on bâtit des marches en maçonnerie. Pour consolider les arêtes, on y noie un chevron de bois dur. Les marches sont presque toujours dallées de carreaux ou de mosaïques de faïence (fig. 27).

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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 4:36

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Les escaliers bâtis sous voûte sont rares, sauf à Marrakech (fig. 28). Quant aux escaliers hélicoïdaux, ils n'existent pas dans l'architecture marocaine.

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LES BIT-EL-MA. — II me reste à parler de ces endroits secrets que, dans tous les langages, on désigne par des périphrases. Les Marocains les nomment Bît-el-Mâ ou : chambre de l'eau. Presque toujours composés de deux pièces jumelles, ils sont faits à la turque, ce qui n'est pas pour surprendre, et ne sont pas le lieu le moins luxueux de la maison (pl. 11).

A Fez surtout, ils sont soi­gneusement dallés de mosaïques de faïence. Indépendant de l'ori­fice étroit mais allongé, qui leur donne, si j'ose dire, leur caractère propre, un petit bassin d'eau courante y est aménagé, en vue d'une toilette immédiate, qu'imposent, à leurs hôtes d'un instant non seulement le respect pour ce qui sert à faire les livres, mais des prescriptions religieuses d'un caractère quasi-rituel. Un per­pétuel bruit de ruisseau en ferait de charmantes retraites, si la présence de nombreux rats ne les rendait impressionnants pour les Européens nerveux.

L'EXTÉRIEUR. — On pourra se demander, maintenant, comment se présente, au dehors, cette maison dont je viens de décrire som­mairement la structure. Ce que j'ai dit au premier chapitre le laisse aisément prévoir. Au dehors, il n'y a rien, des murs nus, plats, aveugles, hostiles. De loin en loin, une meurtrière, ou bien une très petite fenêtre, jalousement close d'une claire-voie en menuiserie. Parfois, un avant-corps rompt l'uniformité des plans comme un immense mâchicoulis faisant peser sa menace au-dessus de la ruelle. Cette demeure qu'on frôle en passant abrite-t-elle un petit ou un puissant ? Rien ne l'indique. A peine sa hauteur peut-elle permettre à ce sujet quelque supposition. La porte d'en­trée est toujours humble et basse. Tout ce que vous pouvez savoir, c'est que, si elle est flanquée d'un banc de briques avec



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 4:40

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des marches, celui qui en sort monte à mule. Il ne convient pas, en effet, que la richesse attire les regards. Si grand que Ton soit, on peut craindre toujours quelqu'un de plus grand. Puis, il y a la montagne, hantée par les pillards et dont l'ombre, chaque soir, comme un cauchemar perpétuel, revient sur la ville qui s'endort. De là cet aspect des maisons marocaines, décevant pour les nou­veaux venus. On y chercherait en vain une architecture exté­rieure. A Fez, blocs de briques grisâtres, à Rabat, blocs de chaux et à Marrakech, blocs de boue, elles ne prennent de valeur que comme éléments de paysages. Là, leur indigence les exalte. Dans ce royaume de la lumière, les plans enchevêtrés de leurs groupes compacts sont comme des facettes. Les crépuscules pourprés de la plaine du Saïs, les claires journées qu'embue l'haleine de l'Océan, les matins poudroyants et roses du grand Sud, ne peuvent avoir plus purs miroirs pour leurs jeux d'ombres et de rayons.

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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 4:47

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CHAPITRE   III


LA RÉPARTITION DU DÉCOR


Cette maison, dont les murs et les étages sont construits, est encore bien loin d'être achevée. Chez nous, il y manquerait peu de choses : du papier peint, quelques moulures, quelques vitres et quelques portes ; et elle serait toute prête à recevoir, en sa vacuité, ce bazar hétéroclite que nous nommons un mobilier et qui en serait le complément nécessaire. Pour un Marocain quelque peu raffiné, elle est à peine commencée.

Il y manque les mosaïques de faïence, les plâtres ciselés, les revêtements, balcons et portes de bois sculpté, les plafonds ouvra­gés, les peintures enluminées, toute une seconde maison, d'une exécution beaucoup plus longue et délicate, qui doit doubler la première, comme le velours ou la soie double un écrin.

Il est à noter, en effet, que, si le mobilier indigène se réduit à



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 4:57

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très peu de choses, par contre, la décoration fixe, à l'intérieur de l'immeuble, est extrêmement recherchée. Elle seule, d'ailleurs, est la marque de la richesse. C'est le sol, le plafond, les murs, qui réalisent le luxe, dans la maison du gros marchand ou du vizir, dont le lit, le coffre et les matelas ne diffèrent guère de ceux du savetier.

Cette particularité a, sans doute, des causes diverses, telles que la crainte des pillages dans un pays où la sécurité, même en ville, n'était jamais parfaite ; telles encore que la difficulté des trans­ports dans les rues étroites ou par les pistes du bled. Mais elle révèle aussi un goût spécial du confort qui n'est pas, comme le nôtre, basé sur l'horreur du froid, mais plutôt sur l'horreur de l'excessive chaleur, de la poussière et de la boue. De grandes sur­faces lavables, un mobilier succinct qu'on déplace facilement pour passer le lait de chaux, voilà l'idéal pour un Marocain. Tout cela, pourtant, ne saurait exclure l'amour des longues heures d'oi­siveté pendant lesquelles l'œil, sans but, aime à se laisser emporter, comme en une chasse de rêve, dans une forêt de lignes enchevê­trées comme des lianes. Et c'est ainsi que s'explique l'infinie com­plication des détails dans un décor dont l'ensemble est d'un aspect parfaitement simple et net.

LA CHAUX. — On peut dire que le revêtement et l'ornement fon­damental de la maison, c'est la chaux. C'est elle qui orne et affer­mit, en même temps, le sol, les murs, les colonnes, le seuil de la porte d'entrée et, parfois même, les poutres des plafonds. Elle purifie toute chose et pare de son blanc rayonnement l'ombre des salles profondes et des cours. Elle est aimée, presque religieuse­ment, par les femmes et les esclaves, qui se font une joie de l'étaler partout, à la veille des grandes fêtes, avec leurs balais de palmier-nain emmanchés d'un long roseau. Il ne faudra donc pas s'étonner de la voir subsister même à l'intérieur des plus riches palais (1).


_____


(1). Les pauvres gens à Rabat et à Salé, ont une mode charmante qui consiste à mélanger de la terre rouge dite hamrl à la chaux qu'on étend à terre, à la base des murs et au seuil des portes sur la rue. Dans les mellahs ou quartiers juifs, c'est du bleu qu'on y mêle.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 5:01

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LE DALLAGE. — D'une manière générale, c'est du sol qu'elle disparaît d'abord. Elle ne saurait, en effet, constituer un pavement résistant. On lui substitue, dès qu'on le peut, un carrelage de terre cuite, ou mieux, des dalles de marbre noires ou blanches. Quant aux car­reaux émaillés, on les emploie rarement entiers, car ils sont faits plutôt pour être découpés en éléments de mosaïque de faïence.

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LA MOSAÏQUE. -— Cette mosaïque est propre, gaie et d'une résistance suffi­sante aux pas des indigènes chaussés de sandales légères et sou­vent pieds nus. Aussi constitue-t-elle le dallage de luxe par excellence. Ce n'est pas là pourtant sa seule utilité.
Un des inconvénients de la chaux qui couvre les murs est, à la fois, de laisser des traces sur les vêtements de ceux qui s'y adossent et de se salir elle-même assez vite. On y remédie par des revêtements de mosaïque qui montent jusqu'à hauteur d'homme, dans les chambres, les embrasures, autour de la cour et même sur les piliers.




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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 5:07

page 36

LES PLATRES CISELÉS. — Plus haut, la chaux demeure toujours. Le plus souvent, elle règne nue jusqu'au plafond.
Mais, dans les riches demeures, le mur est orné d'une large frise de plâtre ciselé et peint, où s'insèrent des prises de jour à petits vitraux de couleur.


LES PLAFONDS. — Le plafond est, peut-être, la partie de la maison que l'indigène décore avec le plus d'amour. Chez nous, il touche notre tête et nous nous en désintéressons ; au Maroc, lointain comme une nef, on le veut parfait ; il est la pièce capi­tale du décor, il doit être le chef-d'œuvre dont s'honorera la mai­son. Cela tient à ce que nous vivons debout ou piqués sur des chaises. Le musulman, qui vit allongé, porte ses regards au-des­sus de lui et le plafond est le champ de sa contemplation.

Fait de cèdre, il répand un continuel parfum. Que ses solives soient apparentes ou revêtues de panneaux, il est entièrement fleuri, diapré, enluminé de fines et riantes peintures, comme tout ce qui est en bois dans la maison, portes, linteaux, volets.
Ainsi, les salles pavées et lambrissées de constellations de faïence, tapissées de dentelles solides, enchantées par les jets de lumière que filtrent les vitraux, auront reçu leur suprême parure, une joie régnant en haut et traversant de son rayonnement les nappes d'ombre et de senteur qui flottent entre les murs.


LE DÉCOR DE LA COUR. — Quant aux cours intérieures, il en est de deux sortes, ainsi que cela résulte de ce que j'ai dit tout à l'heure des portiques.
Dans le premier type, le décor en bois, formé par les grands linteaux, est complété par des frises, des balustrades en menuise­rie et un auvent sur corbeaux, courant à hauteur des terrasses. C'est l'intérieur d'un coffret de cèdre, auquel la peinture, la cise­lure sur plâtre et la mosaïque ajoutent une richesse parfois sur­prenante (pl. 13, 14, 15 et 16).


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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 6:35

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Dans le deuxième type, le seul en faveur aujourd'hui, le bois a disparu (pl. 3 et 18). La mosaïque et le plâtre ciselé, parfois répandus à profusion, restent les seuls ornements, avec les grilles contournées des fenêtres et les peintures des portes. Les balus­trades sont en fer. La génoise n'est plus qu'une corniche portant deux ou trois rangs de tuiles vertes.

Enfin, dans quelques maisons modernes, on trouve un grand auvent formant marquise tout autour de la cour (pl. 19).
Souvent une grande grille couvre le patio comme un préau de prison (pl. 17 et fig. 30).

Il ne faut pas oublier ces deux ornements de la cour si utiles et si chers aux musulmans : la fontaine et la coupe de marbre.

Les fontaines sont souvent placées sous le portique (pl. 20), et presque toujours dans une loggia spécialement aménagée dans le mur (pl. 17 et 18). Elles forment de gracieux édifices auxquels les plus fins travaux de bois, de mosaïque et de plâtre ciselé donnent un caractère précieux. Parfois un auvent de tuiles vertes portées par une superposition de consoles, de stalactites, de corbeaux et de lambrequins en bois enluminé lui fait un somptueux couronnement (pl. 18).

Les coupes de marbre, d'une forme assez simple, occupent tou­jours le milieu de la cour où elles sont entourées d'un bassin (pl. 3) ou seulement d'une vasque à peine plus basse que le sol, et qu'encadre,  dans le dallage, un grand motif de mosaïque (fig. 30 et 32, pl.  18, 19, 21).

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Ces coupes viennent d'Italie (1). La plupart ont été placées bien avant que les moyens de transport et les routes n'eussent été modernisés. Après le voyage en mer, que de jours de marche à travers le bled et les montagnes, pour les amener, à dos de cha­meau, jusqu'à Fez ou à Marrakech ! Puis que d'efforts, de cris et de coups de bâton pour les porter, par les ruelles étroites, jus­qu'aux demeures auxquelles elles étaient destinées ! Mais, une fois posées sur leur légère colonne, elles prennent dans la maison une place digne de leur prix. Leur corolle grande ouverte offre, avec l'eau, la vie comme un parfum. Leur jet, qui sourd en bouil­lonnant, qui s'étale en une nappe ridée et qui s'écoule en pluie par les bords arrondis, emplit perpétuellement la cour d'une musique heureuse et calme. Placées au centre des maisons, les coupes en sont comme le cœur. Les esclaves, pour le thé, y emplissent leurs bouilloires de cuivre ; les hommes, avant la prière, y viennent tendre leurs pieds à une averse fraîche et s'y lavent le visage ; et les enfants, altérés par le jeu, y posent leurs lèvres pour boire en s'y appuyant des deux mains.
Telle est, en son ensemble, une dar marocaine. Après en avoir vu le plan, la structure générale et les grandes lignes du décor, il nous reste à y suivre l'exécution des détails.

Le lecteur aura pour cela besoin de quelque patience, d'un peu de la patience des artisans eux-mêmes, qui n'a d'égale que celle du propriétaire pour qui ils travaillent. Car, dans les ruelles tortueuses des villes indigènes, ces gens vêtus de robes semblent avoir gardé des réserves inépuisables d'un bien que, partout ailleurs, on brûle et gaspille à plaisir : le temps. Le temps est la matière secrète dont vraiment sont faits leurs chefs-d'œuvre. Et, il faut le


_____

(1) De temps immémorial les Marocains importent le marbre d'Italie. Les auteurs arabes rapportent que, pour la construction du palais du Bedî à Marrakech, le marbre des colonnes était payé son poids de sucre, la canne à sucre étant alors cul­tivée dans la région du Sous.



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page 39

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reconnaître, c'est une matière qui facilement déconcerte nos esprits mécaniciens habitués à l'emploi de la scie rotative et du moteur à explosion.
J'ai essayé plus haut de dire ce qui décide un Marocain à faire bâtir et comment une maison est mise en œuvre. Mais qui dira les



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page 40

causes cachées qui en suspendent les progrès au cours de son exécution ? La maison indigène croît comme un jardin. Pourquoi ces orangers poussent-ils quand ce mélèze dépérit ? La glycine est superbe, mais les daturas sont morts.

Ainsi va la bâtisse. Savez-vous depuis combien de temps elle dresse sur votre passage l'écran nu de ses briques grises ? De loin en loin, quand, depuis plusieurs mois, vous n'y êtes pas entré, vous y faites une station pour voir, dites-vous, où elle en est. La première poussée l'amène à sa hauteur définitive, l'inconsistance des murs risquant d'amener la chute des planchers intermédiaires sous l'effet des pluies. Mais, dès que la terrasse supérieure la pro­tège d'un couvercle, ses caprices commencent. Peintres, mosaïstes, ciseleurs, menuisiers y viennent faire des séjours sans cesse inter­rompus et renouvelés.

Aux jours de grande activité, vous les trouvez tous réunis. On travaille partout à la fois, en haut comme en bas ; à terre, sur les murs et au plafond. Le sol et les étages sont envahis de car­reaux de faïence, de morceaux de mosaïque, de grands panneaux de bois bariolés, de petits brasiers et d'assiettes d'argile pour préparer et faire chauffer les couleurs, de sacs de plâtre, de des­sins ou de pochoirs. On dirait un atelier, la veille d'un bal d'ar­tistes.

Puis, un matin, brusque changement. Plus de peintres ou plus de ciseleurs. Où sont-ils ? Peut-être, s'il pleut, sont-ils restés chez eux à boire du thé bien chaud. Ou, s'il fait beau, sont-ils dans un jardin, à manger des sabots de gazelles (1) en écoutant des chanteuses. Peut-être aussi sont-ils partis en pèlerinage, à Moulay-Idriss, à Moulay-Yacoub, ou bien au grand moussem des Aïssaoua à Meknès. L'un est peut-être chez le Caïd, assigné par son savetier ; l'autre chez le Câdi, pour réclamer sa part de l'héri­tage de son oncle.


_____


(1) Gâteaux renommés aux amandes pilées. (hors-texte nous précisons que nous nommons aujourd'hui ces gâteaux "cornes de gazelle")



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page 41

Quelquefois il n'y a plus personne. C'est qu'on est en semaine de fête ou bien en temps de jeûne. Ou c'est que le propriétaire s'est aperçu soudain qu'il n'avait plus d'argent dans le fond de son coffre. Grave affaire qui vide la maison pour une durée indéfinie.

Les petits sansonnets de Fez pourront alors, tout à loisir, venir y reconnaître, à l'heure du Fejer, les glissades obliques du soleil; et les chats y seront tranquilles.

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page 42, blanche,
page 43


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CHAPITRE   IV



LES   ÉLÉMENTS   DU    DÉCOR


L'art marocain est peut-être celui où le génie sémitique musul­man s'est manifesté le plus librement et a le mieux montré sa personnalité, quoique les Marocains, en grande majorité, ne soient pas des sémites.

L'Islam, né en Arabie et répandu par les Arabes, n'a pas donné de civilisations brillantes dans son pays d'origine qui resta tou­jours un pur foyer religieux. C'est en Syrie d'abord, en Méso­potamie, en Occident, en Egypte, en Perse, aux Indes, que naissent, resplendissent et meurent les grands empires musulmans.

Or il est remarquable que nulle part ils ne viennent remplacer d'autres civilisations sémitiques. Il est plus remarquable encore qu'il n'y ait qu'en Occident, qu'ils ne s'imposent pas à des peuples ayant un génie artistique personnel comme les Grecs byzantins et les Perses sassanides. En Espagne encore, quelques Wisigoths, mêlés aux latino-ibères, entretiennent une vague culture. Mais au Maroc, terre berbère d'où les derniers Romains ont depuis longtemps disparu, comme civilisation à peu près rien, comme art, moins encore. Si l'art arabe pouvait quelque part fleurir et croître sous une forme personnelle et caractéristique, c'était bien là.


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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 7:54

page 44

Ce qu'il importe pour nous de noter dans la mentalité arabe, c'est le goût des abstractions, l'aptitude à la synthèse, l'amour du rythme, de l'ordre, de la logique, l'incapacité d'éparpiller ses rêves, parmi le tourbillon des phénomènes, en un amour multiplié.
En religion, ce peuple est étroitement monothéiste : le dogme de la Trinité lui semble inadmissible comme une simple faute d'arithmétique. En littérature, il est grammairien ; c'est le seul, comme l'a fait remarquer Renan, qui ait mis au point et rédigé sa grammaire, avant d'avoir écrit en prose ; cette grammaire est, en outre, une vraie mathématique. En poésie, il ne connaît que la musique ; pratiquement, on ne peut scander un vers arabe sans le chanter en battant la mesure. En musique, il a toujours besoin du tambourin comme d'un métronome. En art, enfin, il ignore l'imitation de la vie et ne connaît que l'architecture et, surtout, la décoration.

Si, pour nous, le beau est la splendeur du vrai, pour lui c'est la splendeur du nombre ; l'art est la transfiguration de la géo­métrie.
Partout où l'exemple semble démentir cette vérité, c'est que les peuples arabisés avaient, avant d'être conquis, une civilisation propre, trop vivace pour être détruite.

Les fresques à personnages parés de pierreries des sultans Fatimides, les oiseaux d'or chantants des palais de Bagdad, les
miniatures persanes, les sculptures omeyyades de Cordoue, ne sont pas, en réalité, dues à des égarements de musulmans oublieux des préceptes du Coran, mais, plutôt, à la survivance de l'âme aryenne chez des méditerranéens et des perses qu'Homère ou Zoroastre avaient civilisés bien avant Mahomet.

Au Mogreb, les Arabes vainqueurs façonnent à leur image les foules autochtones qu'ils viennent de vaincre. Et, qui mieux est, ils se dépouillent, dans cette ambiance stérile, des apports étrangers qu'ils avaient amenés avec eux d'Asie.

Encore tout syrien et tout sassanide avec les Omeyyades,



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page 45

l'empire d'Occident, sous la rafale Almoravide, perd en sa civi­lisation tout ce qui n'est pas sorti de l'Islam même. Ces berbères qui, du jour où ils se sentirent une âme, eurent une âme sémitisée, ces nomades d'une race si vieille qu'on en ignore les origines, incapables de rien créer et d'évoluer en rien, semblent n'avoir adopté l'idéal sémitique que pour ajouter encore à sa sécheresse. L'Islam, sur leur sol aride, devint incorruptible comme une plante pétrifiée. Et l'art, entre leurs mains, subit une cristallisation (1).

C'est ainsi qu'un des éléments fondamentaux de la décoration, l'entrelacs floral byzantin, un peu épars en son aspect et fait de rinceaux un peu compliqués, se simplifie, se resserre en courbes faisant toutes partie d'un nombre de cercles de plus en plus res­treint, et enfin se réduit à la petite palmette à deux branches pleines, germant, à l'infini, d'une suite de circonférences entrecroi­sées ou juxtaposées d'une façon régulière et géométrique. Cet entrelacs floral se montre déjà sous sa forme ainsi dépouillée sur les portes de pierre almohades de Rabat et de Marrakech, et sur les peintures de la Koutoubia, au XIIe siècle (2).

La mosaïque, elle aussi, ne reste byzantine qu'à Cordoue, Très vite les musulmans, inspirés par l'opus sectile des Romains, adoptent en Occident les zellijs, c'est-à-dire l'assemblage d'éléments de faïence à formes fixes, ne pouvant donner qu'un nombre limité de combinaisons, parfaitement symétriques, à peu près toujours rectilignes et d'une rigueur de construction toute caléïdoscopique.

Enfin, et très probablement guidés par leur goût pour ces zellijs, les Maures adoptent le grand entrelac rectiligne à centre étoilé qui, quelles qu'en soient les origines, est sans doute ce qu'il y a de plus sémitique dans l'art musulman.
Il est juste de dire qu'une évolution semblable se produisit en


_____

(1) Je n'ai pas tenu compte dans ce chapitre des particularités de la peinture que j'étudie au chapitre VIII.

(2) J'ai même relevé la palmette à deux branches sur les vestiges almoravides de la Koutoubia.



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MessageSujet: LE JARDIN ET LA MAISON ARABES AU MAROC - Jean GALLOTTI - 1926   Le jardin et la maison arabes au Maroc de Jean Gallotti - Page 2 EmptyMar 18 Mar - 8:07

page 46

Orient, où l'on retrouve ces mêmes motifs géométriques. Mais là ils ne parviennent jamais à s'imposer exclusivement. Les sou­verains fatimides font faire leur portrait, les dinandiers égyptiens damasquinent des lionceaux et des paons de bronze, les Persans enluminent leurs parchemins de combats et de chasses à courre, les faïenciers d'Asie Mineure peignent mille fleurs et mille ramages sur les lambris des mosquées.

Quant aux exemples de reproductions d'êtres animés que nous a laissés l'Espagne musulmane, tels que les animaux des cuves de marbre ou des ivoires omeyyades (1) et des faïences à reflet, ou encore les personnages des fresques de l'Alhambra, ce furent, sans doute, d'abord des apports de l'Orient puis, plus tard, des infil­trations de la civilisation chrétienne du nord qui se formait sur les frontières des rois maures. Exceptions dues à des circonstances historiques et à la situation géographique de l'Espagne, nous ne trouvons rien de semblable au Maroc, qui seul ici nous intéresse.

*
**

Les Marocains reconnaissent, à la base de leur art ornemen­tal, deux groupes de décors : le testir et le touriq. Ce sont les deux sortes d'entrelacs dont je viens de parler.


LES TESTIRS. — Testir signifie littéralement : tracé en ligne droite. Pratiquement, cette expression est réservée à la désigna­tion des entrelacs géométriques irradiant autour d'une étoile centrale et qu'on a quelquefois vulgairement appelé : les toiles d'araignée du prophète (2).
Le principe du dessin est très simple. Une étoile (en arabe khatem, sceau) en est le centre. Si l'on prolonge extérieurement


_____


(1) Cf. mon article sur la cuve de Marrakech dans Hesperis, 3e trimestre, 1923.

(2) On pourra consulter avec fruit pour le tracé des testirs : J. Bourgoin, Tracé de l'entrelac.



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page 47

chacune des portions de droite qui en forment le contour, on obtient une deuxième étoile, dont les pointes et les branches ébauchent des figures incom­plètes. La façon dont, pour les achever, on tracera de nouvelles lignes droites, recoupant les premières, déterminera l'aspect de la périphérie du testir, qui, d'ordinaire, se raccorde à un testir voisin (pl. 22 et 52).

Ce principe est le même, que l'étoile centrale ait 6 ou 8 branches ou qu'elle en ait, comme c'est le cas le plus fréquent, un nombre égal à un multiple de 6 ou de 8, c'est-à-dire : 12, 16, 24, 32, 48, 64, 96, etc... Mais les formules pratiques du tracé, surtout lors­qu'il s'agit de couvrir une surface avec des testirs de différentes grandeurs et à nombre de branches différent, constituent une science que ne possèdent pas, il s'en faut, tous les artisans.

Toutes ces figures donnent, à nos yeux, une impression de parenté qui confine à la monotonie. Ce n'est pas ainsi que les jugent les Marocains. Pour eux, le testir est le chef-d'œuvre qui dépasse en séduction toutes les autres espèces de motifs décora­tifs. D'abord, parce qu'il est d'une exécution difficile; puis, parce qu'il est d'aspect compliqué ; parce qu'il est d'une symétrie par­faite ; parce qu'il est construit d'après des lois rigoureusement mathématiques ; parce qu'il n'emporte pas le rêve dans des tour­billons échevelés, mais, au contraire, l'absorbe dans la paix d'un rayonnement aussi paisible que celui d'un astre ; parce qu'enfin, si on le contemple du centre à la périphérie, tout y provient de l'unité et, si on le contemple inversement, tout y ramène à l'unité. Voici pourquoi il est sans doute ce qu'il y a de plus musulman dans l'art marocain. On pourrait le prendre pour le symbole de l'art arabe et même de l'art sémitique. N'émane-t-il pas, en sa forme première, d'une étoile à six branches ou sceau de Salomon ?

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page 48

LES TOURIQS. — Le second groupe des décors fondamentaux est formé par les touriqs c'est-à-dire : ornements représentant des feuilles.

Les touriqs ont pour élément essentiel les petites palmettes à une, deux ou trois branches, qui paraissent bien dérivées des palmes d'origine byzantine, telles qu'on les trouve encore dans les encadrements des portes et le mihrab de la mosquée (1) de Cordoue (fig. 35 et pl. 24, 28, 29). Les rinceaux qu'elles forment sont toujours disposés selon un schéma géométrique. Mais ce schéma est ici à base de cercles. La rigueur de la construction n'en est pas moins sensible. Sans doute le touriq offre les apparences d'un décor moins abstrait, plus près de la vie, que le testir. Au fond, sa nature est la même. Le génie qui l'a conçu ou, plutôt, qui se l'est assimilé et qui en varie les formes à l'infini, ne s'en sert que pour s'approcher du même idéal qu'il poursuit en juxtaposant les testirs. Les rinceaux de palmettes, pour les Marocains, ne sont que d'élégantes portions de cercles. En en jouant, ils ne cherchent qu'à réaliser des chefs-d'œuvre de géométrie curviligne, comme, en prolongeant et entrecroisant les côtés des polygones étoiles, ils ne sont inspirés que par leur amour de la géométrie des lignes droites.

Quant à nous, si nous voulons juger leur art, en communauté d'âme avec eux, ce qu'il nous faut admirer dans le fourmillement de ces touriqs toujours divers, c'est non l'œuvre fantasque d'inter­prètes de la flore réelle, mais le succès d'une ingéniosité qui, d'un seul élément perpétuellement répété, sait tirer des combinaisons d'une variété infinie.
La plupart des clichés donneront au lecteur l'occasion de noter de nouvelles dispositions de touriqs. L'une des plus fréquentes


_____

(1). Cf. W. et G. Marçais, Les Monuments arabes de Tlemcen. Pourtant je dois bien signaler qu'on trouve dans les décors sassanides des palmettes plus près de la forme évoluée musulmane que ne le sont les palmes byzantines et même celles de Cordoue (cf. Benoit, l'Architecture, l'Orient médiéval et moderne, fig. 18).



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