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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 MAROC CENTRAL ( J. Robichez )

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Pierre AUBREE
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Enfants à Agoudal.


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Dans le grenier-cuisine.

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DANS LE GRENIER-CUISINE. — Une pièce sombre, en haut de la maison, qui sent le fourrage et la fumée refroidie. Un creux dans le sol en terre battue et trois pierres pour le feu. Un trou dans la terrasse pour la fumée, par où tombe la lumière.
Le jour de son mariage la femme est entrée là portant un petit garçon sur le dos et un agneau dans les bras, afin que, comme le chantaient les invités, « les enfants mâles et la richesse suivent sa sandale ». La mère de son mari lui a tourné la tête vers l'Orient, elle l'a fait mettre à genoux auprès des pierres du foyer en disant : « Voici ta place ! » Puis, à la façon du chamelier qui veut immobiliser sa bête, elle lui a lié les genoux avec la corde qui lui servira toute sa vie à porter le fourrage et le bois.
Dans presque toutes les tribus, le futur mari verse à ses beaux-parents une dot qui ressemble fort à un prix. Cette dot devant être rendue en cas de divorce, c'est pour l'union un gage très lourd de stabilité. Pas de dot chez les Aït Hadiddou. Les femmes y gagnent une extraordinaire indépendance. Celles qui ont eu successivement cinq ou six maris ne sont pas rares.
Chez les Beraber la polygamie est l'exception. Seuls quelques riches ont plusieurs femmes. La femme est chargée de la plupart des gros travaux. Elle tient néanmoins une grande place au foyer. Elle est, dit le proverbe, « la poutre maîtresse de la tente ».


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Le bois.


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Nourritures.

LE BOIS. — Pas d'arbres dans l'Assif Melloul. Les femmes, armées de l'« ayezzim » (sorte de hache-pioche dite, en Haute-Provence « coupe-canal ») et de la corde en laine et poil de chèvre, vont en bande chercher, parfois très loin en montagne, touffes d'herbes sèches et plantes épineuses dont elles ramènent d'énormes charges.

NOURRITURES. — Dans l'Assif Melloul, moutons et chèvres sortent tous les jours, sauf pendant les quelques semaines où la neige couvre le sol, mais les vaches restent ordinairement à l'étable. Dans ce pays à face toute minérale, le fourrage est la grande préoccupation des femmes. Les Aït Hadiddou font peu de foin. Ils ont au fond de la vallée quelques prés irrigués, quelques luzernières, mais une poignée d'herbe cultivée c'est une bouchée de moins pour les gens, aussi utilisent-ils en vert les moindres plantes sauvages.
On donne souvent aux vaches une sorte d'ajonc (azarif) dont on a flambé les épines et disloqué les tiges au pilon (v. p. 118).
Ci-dessous, la femme assise au premier plan pile des noyaux de dattes. Ils viennent du Todrha ou du Ferkla où les dattes, réduites en pâte, sont conservées sous forme de pains qu'on enveloppe de feuilles de palmier tressées ; les noyaux, nourriture du bétail, sont vendus à part.


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Pilonnage de l'"Azarif ".

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Fourrage.


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A Tilmi des Aït Ikko ou Brahim.

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A TILMI DES AIT IKKO Ou BRAHIM. — Au deuxième plan, écuries et étables en plein air : des murs de pierres sèches, des mangeoires.
Au premier plan, les Hommes.
En berbère on ne dit pas : « Partons ! », « Faisons ! » Mais : « Levons-nous et partons ! », « Levons-nous et faisons ! » et ainsi de la plupart des actes. Il faut d'abord « se lever ».
A l'homme qu'on aborde on dit : « Salut à toi !» — ou : « Salut à vous ! » si l'on se souvient qu'un ange est à ses côtés. A la femme, toujours écrasée de mille soins, on dit simplement : « Que Dieu t'aide ! »


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Avril. Couronne de Pissenlis.

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Juillet. Couronne de paille.


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L'eau.

L'EAU. — Sous le soleil qui tue, dans la soif du roc et de la poussière, le Berbère sait le prix de l'eau. Il aime l'eau vive, il la désire; pour lui son jaillissement est vraiment source de vie. A l'eau maternelle il prête toutes les vertus. Elle guérit, elle chasse les « jnoun » : il en asperge les malades, le bétail, la maison. Mais surtout l'eau féconde et purifie. Les femmes qui craignent d'être stériles s'y baignent. Avant la prière, les ablutions délivrent de la « crasse du monde ».
Le jour de l'Achoura, anniversaire de la première pluie, est la grande fête de l'eau. Ce matin-là on la répand en abondance; dans le Sud, on s'en jette de pleins seaux pour se pénétrer de sa vertu et pour que l'année soit pluvieuse.
Dans la vie de chaque jour, c'est la femme qui est la prêtresse de l'eau. C'est elle qui la puise, c'est par elle que se répandent ses bénédictions. Le soir de son mariage, on l'a conduite en cortège à la source. Là, avant qu'elle n'emplisse le seau de bois qui désormais lui servira à traire, sa mère a souhaité que Dieu lui donne le « beurre » de la prospérité.

ENFANCES. — Très tôt la petite fille travaille. Elle va à l'eau, trie le grain, tourne la meule, file la laine. Le garçon, quand il ne garde pas le troupeau, est libre.
Cependant, plus qu'en d'autres pays, chez les Berbères l'enfant est roi. Les petits enfants, qui « entendent la conversation des anges », sont une bénédiction et une sauvegarde. Un proverbe dit : « Si Dieu n'a pas encore détruit le monde c'est à cause des animaux et des petits
enfants qui ne parlent pas. »


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Enfances.


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" Tout est vanité, sauf la laine et le blé ".

MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc135

« TOUT EST VANITÉ, SAUF LA LAINE ET LE BLÉ. » — C'est un proverbe. Il souligne ce réalisme paysan, porté au solide et à l'immédiat, qui est un des traits de l'esprit berbère. Ne pas s'y tromper. Pour leur Foi
ces gens savent aussi mourir de faim.

DÉPIQUAGE ET VANNAGE AUX AÏT ALI Ou IKKO (IMDRHAS). —
Des bêtes, mulets, juments, vaches, tournant autour d'un piquet, foulent les épis (v. p. 16); on vanne à la pelle de bois. Chez les Aït Hadiddou l'homme laboure, mais c'est la femme qui moissonne. Dans la fraction Aït Brahim, un homme se déconsidérerait en prenant la faucille. Le vannage et le dépiquage sont au contraire strictement réservés aux hommes. La femme, impure, ne pénètre pas sur l'aire (v. p. 28).



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Dépiquage et vannage aux Aït Ali ou Ikko (Imdrhas).


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Fileuse.

FILEUSE. — La femme Aït Hadiddou a fait un pacte avec les brebis. Le jour de son mariage elle a posé son pied sur le cou de celle qu'on allait sacrifier, elle a dit : « Je m'appuie sur toi. Tu ne te sépareras de moi qu'en te séparant de ton âme ! »
Sa vie est liée à la vie du troupeau. Sa vie de travail et aussi sa gloire d'associée; car l'accroissement du troupeau dépend de la chance qu'elle porte à son mari. « II y a trois choses qui rapportent, dit un proverbe : le labourage quand on s'y applique, la mort de l'oncle si l'on est héritier, la femme qu'on épouse si les frisettes de son front attirent la chance. »

CARDAGE ET FILAGE DE LA LAINE. — II y a beaucoup de mystère et d'étranges vertus dans la laine. De toison elle devient fil et de fil vêtement, elle est blanche, couleur de bon augure, elle participe à la « baraka » de la brebis et du bélier : ses charmes sont puissants. Un flocon de laine passé dans la coiffe suffit à assurer la protection de la fileuse (à gauche sur la photo). On noue un brin de laine à la patte du mulet, de la jument, à la queue de la vache qu'on vient d'acheter, pour attirer sur eux la bénédiction. Chez les Aït Hadiddou, le matin du mariage, on enroule un fil de laine autour des doigts de la mariée. Le mari, le soir, le déroulera.

OURDISSAGE. — Opération délicate. Il y a dans ces fils qu'on entrecroise tant de fatalités qui se nouent, si le Diable s'en mêle. C'est habituellement une vieille femme qui la dirige et fait le va-et-vient avec la pelote.
« Vieille femme, pire que Satan », le met en fuite.


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Cardage et filage de la laine.

MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc140
Ourdissage.


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Le métier à tisser.

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LE MÉTIER A TISSER. — Le métier berbère est si rudimentaire qu'il n'a pas encore de nom : on l'appelle « azetta » — la chaîne. Ce n'est en effet qu'une chaîne tendue verticalement entre deux planches, ensouple et ensoupleau, fixées sur deux montants retenus par des cordes. Un fil sur deux est maintenu légèrement écarté de la verticale par une lisse. Les deux nappes ayant été croisées lors de l'ourdissage, un roseau glissé entre elles, qu'on élève et abaisse alternativement, modifie leur position et permet l'entrecroisement des fils de trame. Pas de navette. La trame est passée à la main et tassée à l'aide d'un petit peigne de fer à manche de bois.
Chez les Ait Hadiddou on tisse à la maison haïks, mantes et burnous. Pour faire une de ces pièces, il faut environ un mois. Pas de couvertures ni de nattes; on les achète aux tribus voisines. Ce sont les femmes qui tissent, mais elles ne cousent pas. Rien n'est cousu dans leur vêtement. Les burnous des hommes, comme leurs chemises et leurs pantalons quand ils ne sont pas achetés tout faits, sont ordinairement taillés et cousus par le « fqîh » — clerc, maître d'école du village. Ce sont aussi les hommes qui tricotent jambières et calottes.
On ne saurait manier le métier à tisser avec trop de précautions. Si, en passant la trame, la main traverse une des nappes de la chaîne, quelqu'un mourra.
Travaille-t-on à deux, l'une introduit le fil d'un côté, l'autre de l'autre; si les fils, trop courts, laissent un espace entre eux, « c'est un linceul » ! Dans certaines tribus, les mères, pour préserver la vertu de leurs filles, les font passer trois fois sous le métier, la chaîne étant montée. Avant leur mariage, il faut qu'un rite contraire rompe le charme. Un mourant est-il depuis longtemps à l'agonie, c'est que son âme a de la peine à se détacher. On lui passe sur le corps une ensouple avec ses fils de chaîne coupés, pour « lui faciliter la mort ».


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" Ouzià "


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MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc147
La poupée.

« Ouzia ». Achat d'une bête en commun et partage de la viande. C'est une action bénie. On fait « ouziâ » en tout temps, mais c'est à l'occasion des fêtes que l' « ouziâ » prend tout son caractère d'acte d'union de communion — et de charité.
La bête tuée et découpée, on s'assemble près de la mosquée du village, et on tire les parts au sort.
On recourt au sort chaque fois qu'il y a une désignation ou une répartition délicate à faire. La viande est un luxe chez les Aït Hadiddou qui se nourrissent surtout de laitages et de bouillies. Aux repas, elle est scrupuleusement divisée en parts égales que les convives tirent entre eux. La nourriture est rare. On ne plaisante pas à son sujet.
(Les hommes en burnous sombre et jellaba rayée qu'on voit ici sont des Mokhaznis, gardes indigènes étrangers à la tribu.)

LA POUPÉE. — Un os, un bout de chiffon, des grains de maïs. Ce n'est pas un poupon. On l'appelle « tislit », mot qui désigne à la fois la fiancée et la jeune mariée.
Les filles ne jouent guère à la poupée. C'est un jeu dangereux. Le signe, l'image, si faciles à manier, donnent trop aisément prise sur ce qu'ils représentent. Aussi dans beaucoup de tribus n'y a-t-il que les grandes personnes qui fassent des poupées et qui s'en servent. Chez les Aït Mguild (Moyen Atlas), on sculpte une poupée de bois à la ressemblance de celui dont on veut se venger et on l'expose devant sa tente.
Même chez les enfants, le jeu est souvent mal dégagé du rite. Dans le Tadla, au moment de l'Achoura, vieille fête agraire à peine islamisée, les petites filles font avec des os et des chiffons le « Père Achour » et sa « tislit ». Elles les promènent en chantant, sollicitant les offrandes; puis les enterrent le jour de la fête.
Chez les Aït Hadiddou, en temps de sécheresse, les enfants portent en procession une autre sorte de poupée, « Tarhonja » — la Louche — celle qui fait pleuvoir. D'ordinaire « Tarhonja » est habillée en mariée. Dans certaines tribus on l'appelle « Tislit ounzar » — la Mariée de la Pluie (v. p. 82).


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MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc148
Maréchal ferrant.

MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc149

MARÉCHAL, FERRANT. — Le travail du fer est dangereux. Les génies hantent le feu et le charbon de bois est, à cause de sa couleur, de si mauvais augure qu'on prend toujours la précaution de l'appeler « le fort » ou « le blanc ».
Ce sont habituellement des noirs ou des métis venus du Sud qui travaillent le fer. Avec quelques menuisiers et savetiers dont plusieurs sont aussi originaires du Sud, les forgerons sont chez les Aït Hadiddou les seuls artisans. Leurs familles forment dans les villages un clan à part — « Imzilène », les Forgerons — parfois craint, plus souvent méprisé.
Leur patron est cependant Sidna Dawoud — Notre Seigneur David — le père de ce grand magicien qu'était Salomon. Sidna Dawoud dont les Chrétiens, assure le proverbe, « ont pillé l'échoppe »; ce qui explique une fois pour toutes les misérables réussites dont ils sont si fiers.


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MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc150
Précautions.

MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc151

PRÉCAUTIONS. — Souvent, à l'approche d'un étranger, les femmes ramènent devant leur bouche un coin du voile ou le bord de la mante. L'étranger traîne avec soi toutes sortes d'influences, de génies bons ou malins. Or il arrive que des « jnoun » entrent par des lèvres laissées distraitement ouvertes. Pris au dépourvu, on mettra sa main devant sa bouche (v. p. 128). Il n'y a pas de protection plus prompte et plus efficace.
Dans la main, si personnelle, il semble que se concentrent tous les pouvoirs. C'est la main qu'on serre et qu'on baise. C'est la main qu'on joint à la main d'autrui, doigts entrecroisés (chebbak) pour sceller l'union des volontés. C'est la main qu'on ouvre, doigts brusquement écartés, — « cinq dans l'œil d'Iblis ! » — pour conjurer le sort. Ce sont les mains qu'on impose. Et celui qui prie tend les mains, paumes tournées vers le haut, pour appeler et recevoir.
En vérité, la main est l'instrument d'une telle puissance que sa simple image participe à sa vertu (v. p. 70).


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MessageSujet: MAROC CENTRAL ( J. Robichez )   MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 EmptyMar 4 Sep - 20:06

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MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc152
Haut pays Aït Hadiddou.


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MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc154
Arrivée des transhumants, montage des tentes.

HAUT PAYS AIT HADIDDOU. — Vue prise des hauteurs qui dominent l'Almou n Ouensa, en direction du nord-est.
Chez les Aït Hadiddou de l'Assif Melloul, la transhumance d'été commence en avril. On va camper dans le haut pays, entre 2.500 et 3.000 m., à l'ouest et au sud-ouest de la vallée, à l'Almou n Ouensa et aussi autour des Lacs (v. carte III, B.).
Une partie des familles demeure au village; mais presque tous s'arrangent pour aller passer quelques jours sous la tente. Car c'est une fête. Après le maigre hiver, avril, mai, juin sont les mois joyeux de l'herbe, du lait et du beurre. Beaucoup redescendent en fin juillet pour la moisson, mais certains restent en montagne jusqu'aux premières gelées de septembre. L'hiver, quand la neige vient, quelques gros propriétaires envoient leurs troupeaux au sud de l'Atlas, dans les steppes de leurs alliés Aït Merrhad, ou, en vertu d'accords spéciaux, dans les basses vallées des Aït Sokmane et des Aït Seri, sur le versant nord.
Les règles du pacage sont strictes. Dans les terres de parcours, certaines enclaves, généralement des cuvettes au fond herbu (almou), sont réservées à un groupe ou périodiquement mises en défens (agoudal). L'herbe est rare. Bien des guerres ont commencé par des querelles de bergers. C'est en suivant leurs troupeaux à la quête de l'herbe que, au cours des siècles, les tribus beraber se poussant les unes les autres sont remontées du Sud vers le Nord (cf. p. 93).


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MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc155

MAROC CENTRAL ( J. Robichez ) - Page 3 Maroc156
Petite tente de bergers Aït Yazza.

PETITE TENTE DE BERGERS AÏT YAZZA. — L'espace couvert par la tente est rectangulaire. Au milieu, deux montants soutiennent la poutre faîtière qui sépare le toit en deux (v. p. 149). Tout autour des montants plus petits maintiennent les bords du toit à une certaine hauteur; de ces bords tombent des bas côtés formant murs, qu'on relève et abaisse à volonté. La tente est lourde. Quand elle est de bonne taille, il faut plusieurs bêtes pour la porter. Elle est le plus souvent en grosse laine teinte en noir et quelquefois en fibre de palmier nain. Elle est très fraîche l'été et, grâce au feu de la cuisine, relativement chaude l'hiver. Des tribus de moyenne montagne comme les Aït Sokhmane y vivent sous la neige.


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Le moulin.

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LE MOULIN. — Deux petites meules, un axe et une poignée de bois. Le grain est introduit par le trou de l'axe, évasé vers le haut. La farine, recueillie sur une peau de mouton, est ensuite grossièrement tamisée.
C'est une pièce capitale du mobilier. Autour des pierres du foyer et du moulin, toute la vie domestique, travaux et rites, se concentre. Dans beaucoup de tribus, pour obtenir à coup sûr la protection d'un chef de famille, il suffit à une femme en fuite d'entrer chez lui, de saisir la poignée de la meule et de faire le geste de moudre.

LE BERGER. — Chez les Aït Hadiddou, ce sont les garçons qui gardent le troupeau.
Calotte de tricot noire et blanche, musette de laine brune pendue à l'épaule, sandales de peau de vache ou de peau de chameau, poil dehors; tunique de laine et vieux burnous si reprisé, fait de tant de pièces cousues ensemble qu'il est devenu une sorte de toison. C'est le burnous porté habituellement par les bergers. Il a été adopté par certains « foqarâ » (sing. : faqir, pauvre), ascètes et mystiques mendiants.


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Le berger.

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Le Troupeau.


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LE TROUPEAU. — « Tout vient de moi », dit la brebis dans un proverbe. Pour le pasteur Aït Hadiddou, les brebis, intimement associées à sa vie, sont la source de tous les biens matériels. Elles sont si expressément la Richesse que la langue ne distingue pas encore « cheptel » et « capital ». « Lmal » signifie à la fois « les biens » et « les troupeaux ».
Toute chose a sa cause d'ordre surnaturel : si le mouton est une aussi précieuse créature, c'est qu'il recèle une « baraka » si forte que tout ce qui se rapporte à lui en est béni. Le bélier surtout a de puissantes vertus. Sa chair, qui les transmet à qui la mange, est la meilleure des nourritures. Le sacrifice d'un bélier est le plus efficace. L'avenir se lit sur l'omoplate de la victime. Souvent elle est gardée comme amulette.
Les anciens Berbères rendaient au bélier un véritable culte. Animal sacré du dieu Ammon chez les Egyptiens, il était particulièrement vénéré dans l'oasis berbère de Siwah. Aux Zenaga, près de Figuig, des gravures rupestres le représentent la tête surmontée d'un disque. D'après El Bekri, au XIe siècle une tribu berbère du Haut-Atlas adorait encore le bélier.

ABRI sous ROCHE DANS L'AKKA N SOUNTAT. — Les transhumants pauvres s'installent parfois sous un rocher. Mais des précautions sont à prendre : les « jnoun » hantent volontiers trous et cavernes. D'où un culte des grottes, très développé chez les Berbères.
Dans le haut pays Aït Hadiddou, une grotte, « Akhiam imsekht Rbbi » — la tente métamorphosée par Dieu — renferme, selon une légende qu'on retrouve dans beaucoup de tribus, toute une noce changée en pierres. Les femmes s'y rendent en pèlerinage.

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Abri sous roche dans l'Akka n Sountat.


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Traite des chèvres.

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TRAITE DES CHÈVRES. — « Qui n'a pas de lait chez lui n'a rien », dit un proverbe. Et un autre : « Qui n'a pas de lait chez lui n'a pas d'amis. »
On s'empresse de présenter du lait à l'étranger qui approche de la tente. Une politesse ? Non, en montagne c'est encore une précaution. Le lait met les relations sous le signe de la blancheur et de la douceur. Partagé, il crée un lien qui peut être aussi fort que celui du sang (Tada, alliance par allaitement). Enfin on a tout à craindre des influences qu'apporte l'étranger; or, en magie aussi, le lait est un antidote.
Comme tel on l'utilise en de multiples occasions. Quand la clavelée se déclare dans un troupeau, le berger recueille du pus en pressant les pustules des bêtes malades, il le mélange à du lait, y trempe un gros fil et, avec une aiguille, passe le fil imbibé à travers l'oreille des brebis qui ne sont pas encore atteintes. Ainsi, la maladie, contenue dans le pus mais neutralisée par le lait, traversera le corps des bêtes sans leur faire de mal...
En vérité, parmi toutes les choses qui nous furent données après l'herbe verte, le lait est un « don spécial de Dieu ».


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