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| Promenades à Marrakech | |
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Auteur | Message |
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Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 8:56 | |
| 54 Au fond du jardin andalou de la Bahia, sous les grandes feuilles retombantes des bananiers, sont assis à même le carrelage de marbre et de faïence, une dizaine de jeunes musiciens chantant des mélopées ; ils s’accompagnent de violons qu’ils appuient verticalement sur leurs genoux, de mandoles et les tambourins marquent la cadence. Pour qui cette musique dans ce palais inhabité ? Mais qu’importe, Marrakech n’est-elle pas la cité de la musique et des chants ? Ils chantent, ces poèmes limpides comme un ruisseau, frais comme une pelouse nouvellement arrosée par la pluie, tantôt tendres et suaves comme la voix d’une jeune fille au collier d’or, tantôt vigoureux et sonores comme le cri d’un jeune chameau. La mélopée ne saurait finir ; elle a sur un rythme à contre¬temps des notes plaintives, langoureuses, des rêveries comme des romances d’amour ; puis une cadence accentuée, victorieuse et joyeuse. Ces musiciens sont absorbés par leur rêve qu’ils vivent intérieurement. Le jardin est plein des parfums qui viennent des orangers en fleurs ; les musiciens continueront encore leurs chants tandis que la nuit s’en va, l’aurore se lève dans un éblouissement de clarté. ★ ★ ★
UNE NUIT DANS LE PALAIS DE SIDI MADANI.
Il faisait complètement noir, le noir d’une nuit sans lune, quand nous passions dans les ruelles non éclairées, parce qu’avant de partir les boutiquiers avaient éteint la lampe ou qu’ils avaient refermé sur eux les deux panneaux de la porte de leur échoppe, devenue leur retraite pour la nuit. Et puis, en dehors de ces souks, l’automobile avait suivi un chemin sombre entre les murs d’un cimetière ou d’un jardin, tourné à gauche, sauté dans des ornières, tourné à gauche encore brusquement, me jetant contre les parois de la voiture. Arrêt. On descend dans un espace encore sombre, carrefour de ruelles ; des ombres grises viennent vers nous et derrière ces ombres, une lanterne semble aller seule, parce que son porteur a un burnous noir qui se perd dans la nuit. Je vais à la suite des ombres grises qui suivent la lanterne. C’est un couloir, puis l’air libre, un autre couloir, une petite porte, un passage étroit et coudé, une cour car le sol est dallé et les étoiles sont au-dessus, un couloir plus grand aussi sombre, une porte à gauche, un autre couloir, des colonnes et l’on doit être là sur le bord d’un jardin, il y a en effet des ombres longues qui vont vers le ciel tout pointillé d’or. Une grande porte dont les battants grincent sur leurs gonds et nous sommes dans une énorme salle que l’électricité éclaire brusquement. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 9:08 | |
| Mosquée de Tinmel
Le mihrab | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 9:15 | |
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A gauche, deux lits de cuivre, à droite deux lits de cuivre, au fond un lit de cuivre et l’ombre grise qui m’avait accompagné derrière la lanterne m’abandonne là ; la porte se referme, l’énorme verrou de fer crie en glissant.
Perplexité. En pays musulman, on ne s’étonne jamais. Choix à faire ? les lits chacun dans une encoignure de salle se ressemblent comme cinq frères, cuivre et laine blanche. Il fait froid, parce que la salle est immense ; tout est silence, parce que la grande porte pleine, les couloirs sombres isolent de la vie extérieure. Quand même, nuit sans sommeil. Les battants de la porte et les volets des fenêtres ont clos la salle si hermétiquement que la première heure n’est révélée que par le chant des oiseaux. Mais le verrou grince bruyamment, la porte s’ouvre et laisse passer avec la grande clarté d’un matin de printemps, le maître des domestiques, un berbère bronzé, corpulent et imposant qui salue sans excuse d’un « Labès allik » et je lui réponds qu’en effet je vais bien. Il est suivi de deux serviteurs nègres porteurs de plateaux d’argent où sont en parfait équilibre des tasses, deux petites cruches, des gâteaux, du miel, du café, du thé, le tout agrémenté de quelques roses jetées au hasard entre les objets ; alors je réalise un peu.
Le soleil entre crûment de biais par la porte large ouverte ; il est là, s’étalant en un long tapis lumineux sur les dalles de mosaïques colorées ; il y entre aussi par les fenêtres et c’est une vraie féerie de la lumière, avec des chants d’oiseaux. Le maître des serviteurs est là un peu en seigneur ; il va et vient, entre, ressort, revient sans s’inquiéter de l’état de ma toilette, de mon habillement ; puis je sors. C’est en effet une grande cour que j’avais longée hier à la nuit, ou plutôt une cour-jardin qu’encadrent, en rectangle, les grandes salles des hôtes. De la galerie où je me tiens un moment, avant d’entrer dans la lumineuse clarté de la cour, je vois un ensemble de lignes verticales, colonnes blanches, cyprès noirs qui montent droit, très haut ; il y a tellement de luminosité que les couleurs disparaissent et seuls triomphent le noir et le blanc. Les cyprès pointus se dressent comme d’énormes cierges vers le ciel et leur ombre projetée sur les murs blanchis de chaux autour de la cour ajoute encore à cette profusion de lignes verticales. Le cyprès est le maître de cette cour pleine de charme et de poésie, aux parterres réguliers de fleurs et d’arbustes en contre bas des allées de marbre blanc qui conduisent des salles au petit bassin central. Pour mon plaisir, le chef des serviteurs fait jaillir l’eau en un jet qui monte haut, nouvelle ligne verticale d’argent et de cristal.
Une petite barrière de bois et grillage de fer protège le bassin sur lequel s’ouvrent des portillons correspondant aux quatre allées de marbre qui sont comme les chemins de sortie des chambres et sur lesquelles glissaient de leurs pas muets les femmes à l'heure du bain.
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 9:21 | |
| 56 La nappe du bassin s’agite en vagues minuscules sous la retombée du jet d’eau. Et elle devait être, comme ce matin de printemps rempli de chants d’oiseaux, délicieusement douce cette heure du bain. Alors, appuyé contre un long cyprès, caché par les branches serrées des arbustes fleuris et des hautes tiges où se dressent des roses, je regarde le bassin et je vois. Ces dalles de marbre et de faïence sont bien faites pour que glissent sans bruit de petits pieds nus ; les bosquets touffus laissent passer à peine les regards. Une porte s’entr’ouvre, deux jeunes négresses en poussent les battants ; elles sont remuantes, empressées devant leur belle maîtresse. Une autre porte en face s’ouvre sur une autre fée blanche ; une troisième encore et les femmes vont au bassin un peu frileuses ; elles en descendent les marches. Une toute jeune, la plus jolie, la plus gracieuse des femmes, toute menue, une enfant encore, sort d’une quatrième porte et va comme une petite reine, la favorite du moment, vers le bassin. Et c’est alors des rires, des éclaboussements, des paroles légères et répétées comme des chants d’oiseaux. Les esclaves noires, debout près du bassin, veillent sur leurs maîtresses, mais elles s’écartent pour que le maître dans ses longs vêtements blancs, venu comme chaque matin, puisse sourire à ses femmes. Le majordome bienveillant, qui avait présidé ce matin à mon réveil, me rappelle à la réalité des choses. C’est l’heure du départ. Ainsi finit la rêverie dans le PALAIS DE SIDI MADANI EL GLAOUI où j’avais été reçu pour une nuit. Quand Maria de Padilla, la belle favorite, sortait du bassin de l’Alcazar de Séville, autre palais qu’avaient construit les chefs marocains, les courtisans se baissaient et buvaient une gorgée de l’eau qui avait caressé son corps de reine. * ** Marrakech est une ville saharienne par sa création même, bien qu’il y ait entre elle et le Sahara la chaîne du Haut Atlas ; mais ses constructeurs étaient des Sahariens, ils l’ont créée à l’image de leur pays d’origine, maisons basses ocrées qu’entoure une ceinture de palmiers. Les maisons sont faites de moellons ou de briques d’argile mal cuites, et le plus souvent de pisé qui est un mélange de chaux grasse et d’argile dont la pâte est battue et comprimée au pilon dans des coffrages de bois qui sont retirés quand la masse a durci. Les remparts de Marrakech, de l’époque Almohade, sont faits de cette matière qui a su résister aux pluies, au vent et au soleil. Les constructions de l’époque sâadienne ont eu une résistance remarquable. C’est aussi en pisé, tabya, que sont faits les murs des jardins près de la ville. Cependant, à une époque plus récente, le pisé mal préparé a présenté moins de résistance ; les maisons s’éboulaient sous une pluie abondante, ce qui a fait nommer Marrakech « la ville des ruines » ; car, on ne reconstruisait pas à la même place et les ruines ont subsisté longtemps. La construction des palais était plus soignée ; pour la plupart, ils sont de briques et, selon la cuisson, certains ont mieux résisté aux attaques du temps. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 9:27 | |
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LA PLACE « DJEMAA-EL-FNA » est le centre vivant de Marrakech, dont elle marque le caractère, grand fondouk où tous ceux descendus de la haute montagne ou venus de la plaine, s’approvisionnent, montagnards au crâne entouré de corde et drapés d’un burnous rayé ou tout noir aux dessins rouges qui est l’akhnif, ou les nomades bronzés et les gens du Sous enturbannés de bleu ou de blanc. En raison de la distance longue de leur village à la ville, ces gens passent à Marrakech plusieurs jours, bien qu’actuellement des services d’autocars franchissent l’Atlas ou vont dans toutes directions à travers la plaine. Il n’importe; ces berbères, privés des plaisirs de la ville, viennent ici profiter des distractions qu’on leur offre ; après les achats dans les souks, ils iront à Djemaa-el-Fna, baguenauder d’un groupe à un autre, allant des conteurs aux musiciens, aux danseurs adolescents parés et fardés comme des filles qui scandent de leurs pieds et de la voix une ronde dont le renouvellement agace les nerfs ; des charmeurs de serpents originaires de Sidi Rahal, ils vont aux acrobates du Sous, aux jongleurs, tribus voyageuses des Ouled Moussa qui tiennent leur pouvoir mystérieux de Si Ahmed Moussa, un Marabout de Tazeroualt. Ils trouvent sur la place de quoi manger et boire ; l’œil est distrait par le danseur, l’oreille par le chanteur ; les serpents donnent un peu d’émotion et par les conteurs accroupis, ils apprennent aussi les nouvelles du pays. Les médecins et pharmaciens à la fois débitent des herbes souveraines qui bouleversent les cœurs et les sens quand elles ont été cueillies dans les cimetières par une nuit sans lune ; sur le sol, sont étalés de petites fioles aux liquides douteux, des pierres colorées, des crânes d’oiseaux, des os d’hyène, surtout des omoplates qui, au seul toucher, peuvent donner la guérison.
Il y a la diseuse de bonne aventure, la vendeuse d’amulettes qui sont de petits sachets triangulaires ou carrés en cuir ou en étoffe, plus ou moins ouvragés que l’on porte suspendus au cou ou autour de la ceinture ou plaqués au dos; ces amulettes protégeront du mauvais œil et porteront aussi bien le sort fatal à l’ennemi. D’autres femmes vendent des tuyaux de roseau ou de fer blanc, des cornes et boîtes métalliques qui retiennent des petits papiers couverts d’hiéroglyphes, de signes cabalistiques qu’on conservera jusqu’à ce qu’ils soient réduits en miettes et emportés par le vent. Il y a l’écrivain public qui, sur les genoux, fait avec sa plume de roseau la lettre qu’on lui demande, lettre d’amour, de rupture, ou de menace, d’affaire aussi.
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 9:29 | |
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 18:07 | |
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Il y a des vendeurs d’épices, de fruits secs, d’oranges et de dattes. Il y a le coin du bric à brac, des vieux habits et chiffons ; le pâtissier avec ses pâtes de guimauve colorée, le gargotier devant son fourneau portatif où grillent des foies, des coeurs coupés, des rognons, des sauterelles à l’époque des invasions acridiennes. Tous ces êtres en burnous font un grouillement humain depuis quatre heures de l’après-midi jusqu’à la nuit.
Ce jour-là, parmi la foule et les loqueteux, allait d’un groupe à l’autre un vieil aveugle à barbe blanche ; il était guidé par une toute petite fille qui tendait la main pour avoir une aumône que le vieillard demandait d’une voix presque éteinte ; elle n’a sur le corps qu’une maigre chemise qui lui descend jusqu’aux chevilles et s’entr’ouvre sur une poitrine déjà naissante. Elle passe, silencieuse, en offrant un peu de grâce enfantine, avec un triste sourire, qui montre de belles dents. Et alors, on ne peut plus dire qu’elle est en guenilles, cette fillette de huit ans. Elle va de l’un à l’autre et ses pieds nus roulent la poussière ; à la cheville, elle porte un large bracelet d’argent, d’un dessin très simple, sa seule richesse avec sa grâce. Ces deux pauvres, vieillard et fillette, sont évidemment du Sous, la forme du bracelet de pied ouvert et terminé par des pointes indique une région d’au delà du Haut Atlas. Je suis allé au souk ensuite et, parmi les bibelots et bijoux qu’Abdallah livrait à ma curiosité, j’ai trouvé un bracelet de pied semblable à celui de la fillette de la place Djemaa-el-Fna.
La place Djemaa-el-Fna est à peu près déserte le soir après dix heures, les groupes de saltimbanques se dissolvent, les tentes où s’abritent les gargotiers, les marchands de fruits ou d’autres denrées sont refermées sur les hommes et les choses ; les potiers et les poteries rouges disparaissent sous les nattes de paille et de toile. Tout semble s’endormir. Il y a cependant sur la place trois petits groupes de noctambules en burnous gris autour des baladins ; encore ces flâneurs ne sont arrêtés que devant un seul acteur. D’abord un vieux bonhomme à la barbe rare, présidant un cercle d’enfants assis comme lu i; on dirait une classe d’écoliers devant le maître commentant la leçon. Car il lit en effet dans un vieux bouquin une histoire qu’il anime du geste ; la main droite agite en l’air ou pointe vers l’auditoire une petite baguette qui est comme l’emblème du professeur, tandis que de la main gauche, il tourne les feuillets du livre posé sur ses genoux. Sa diction est peu élevée, mais élégante ; il l’agrémente d’un sourire pour traduire mieux sa pensée. C’est certainement un fqih en rupture d’école — et tout se passe sous un lumignon d’acétylène.
Le groupe suivant fait cercle debout autour d’un jeune conteur qui s’agite beaucoup, va de l’un à l’autre de ses auditeurs et les interpelle. Si l’on juge par le geste, son histoire est sans doute corsée de plaisanteries rudes qui déclenchent des rires ; mais ce conteur est certes un débutant dans son rôle, il a l’allure grossière dans des vêtements de portefaix.
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 18:14 | |
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L’acteur du troisième groupe est minable ; c’est un jeune enfant de trois à quatre ans, à peu près nu, qui essaie quelques pas de danse devant trois musiciens accroupis ; c’est lamentable, une obole et l’on fuit dans la nuit.
Que peuvent dire ces conteurs autour desquels se groupent en cercle dans l’après-midi et jusque tard dans la nuit, les montagnards assis sur le sol, les yeux attentifs, l’oreille tendue, la main prête à répéter le geste pieux que fera le conteur quand il en appellera à la toute-puissance d’Allah ? Certainement, il se glisse entre les histoires qui font rire et celles qui tiennent inquiet l’esprit simple de ces gens naïfs, quelques renseignements de politique qui seront ensuite colportés à travers la montagne. Mais il y a aussi les vrais conteurs, ceux qui savent les histoires qu’ont dites avant eux leur père et leurs grands-pères et d’autres plus anciens encore, sur cette même place Djemaa-el-Fna, le cœur de Marrakech. De sorte qu’aujourd’hui, on peut écouter l’histoire du voleur que les berbères du temps du Sultan Alaouite Ismaïl entendaient assis sur leurs jambes dans la poussière de Djemaa-el-Fna et qu’a rapportée le Consul Chénier à peu près dans ces termes :
« Un voleur avait été condamné à être pendu par les aisselles pour que le supplice dure plus longtemps à un arbre en dehors de la ville ; ses mains étaient coupées comme l’exige la sentence prononcée contre les voleurs. Tandis que sa femme se lamentait à ses pieds, vint à passer un homme poussant devant lui deux mules lourdement chargées de provisions et d’objets divers. Le voleur rusa encore, — peut-être pour venir en aide à sa femme et s’assurer par ce dernier geste un peu de pitié d’Allah le tout- puissant, devant qui il lui faudra comparaître. — Il dit au muletier : « Aie pitié de ma femme que tu vois là se lamentant et de mes enfants qui sont nombreux ; aide-la à retirer de ce puits les objets que j’y ai cachés. »
Le muletier refusa, parce que ces objets étaient certainement ceux voïés et qu’il craignait d’être puni à son tour.
— « Mais, ajoute le pendu, si tu veux nous servir, tu garderas la moitié de ces objets. »
— Le muletier, alors aidé par la femme, se lia par une corde et se laissa glisser dans le puits. Mais la femme coupa la corde quand le muletier fut tout au fond. Elle s’en alla ensuite avec les mules chargées de prov¬sions et d’objets divers, en accordant un sourire de reconnaissance et un geste d’adieu à son mari, le pendu, agonisant à la branche de l’arbre , et satisfait. »
Mais la place n’est pas encore abandonnée ; il y rôde des ombres engageantes que les berbères, étrangers à la ville, suivent dans les fondouks-hôtelleries du côté des souks. Là, ils trouveront une paillasse accueillante dans une minuscule chambre, au-dessus d’une cour où sont les ânes, les mulets, les chameaux. Le berbère se divertit jusqu’à la limite de la satisfaction que peut lui donner la ville aux multiples ressources.
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 18:20 | |
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Djemaa-el-Fna va dormir, car voici un groupe d’assès remontant le haut de la place ; ils tireront le feu de peloton d’avertissement. A minuit, en effet, les mokkadem ou gardiens de quartiers, les veilleurs, se réunissent et, au commandement de leur chef, chargent à blanc leurs longs fusils et la salve de mousqueterie qui surprend dans la nuit, donne le signal de la fermeture des portes de quartiers. Alors, les honnêtes gens rentrent dans leur demeure.
On s’éclairait, avant l’installation de l’électricité dans la ville, par des lanternes à bougie. Il y avait sur la place la corporation des porteurs de lanternes, gamins de douze à quinze ans qui vous ramenaient le soir à l’hôtel ; et ce petit voyage de nuit ne manquait pas de pittoresque, car, dès qu’on était un peu à l’écart, le jeune guide proposait immanquablement de vous détourner du droit chemin pour montrer les lieux où l’on s’amuse, chanteuses et danseuses, danseurs ; on s’en tirait toujours en répondant : « demain ».
Djemaa-el-Fna est la grande place publique où l’on accrochait, jadis, au bout des perches les têtes coupées des rebelles ou autres pour faire exemple. Le Caïd Melek, sous le règne de Moulay Ismaïl, à la prise de Marrakech, fut, pour sa trahison, attaché à une planche et scié en deux sur toute la longueur. C’est probablement sur Djemaa-el-Fna aussi que Moulay Ismaïl a fait mettre à mort devant lui trente des principaux chefs qui avaient résisté aux assauts donnés à la ville et auxquels il fit brûler les yeux. Le nom de la place voudrait dire « réunion des trépassés » ; Henri de la Martinière en donnait une interprétation plus poétique « réunion des merveilles »; les deux indiquent le rôle qu’a joué Djemaa-el-Fna, sinistre d’abord, ou bien, comme actuellement, celui de délassement.
La Revue « Hespéris » donne deux autres traductions du nom de Jama-el-Fna : Zama ul fina est « la Mosquée de l’Esplanade », ou bien Zama ul fana, « la Mosquée de l’anéantissement, de la ruine. » Ces mots d’arabe classique ont pu devenir en arabe marocain Jama-el-Fina, ou mieux Jama-el-Fana, la place serait donc celle de la mosquée de l’anéantissement. Or, un historien soudanais rapporte, en effet, qu’Ahmed el Mansour le Sâadien, aurait fait commencer une mosquée qui ne put être achevée et qu’au milieu du XVII° siècle, la place Jama-el-Fna, pour cette raison, était nommée place de la « Mosquée de l’anéantissement». S’agirait-il donc d’une mosquée aujourd’hui disparue, mais faudrait-il encore, ajoute l’auteur de cette remarque, qu’il y eût sur la place des traces d’une construction détruite ou ruinée.
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| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 18:28 | |
| 61 Quand nous sommes venus à Marrakech, en 1913, la place Jama-el-Fna n’était pas encore obstruée par l’immeuble qui, aujourd’hui, gêne malheureusement la perspective ; elle se prolongeait par un terrain vague, coupé d’une piste jusqu’au pied de la mosquée Koutoubia. Or, les murs de la Koutoubia actuelle portent toujours, au côté nord, les traces de la première mosquée qui fut détruite, celle de l’Almohade Abd el Moumen ; il en reste quelques ruines aussi. Alors par ce souvenir peut-être, la place Jama-el-Fna fut celle de la mosquée de l’anéantissement, de la ruine. Elle était bordée, en 1913, de masures peu engageantes et dominée par la construction, alors prétentieuse, qu’avait fait élever, pour sa demeure, à la fin du siècle dernier, le caïd Mac Lean, adjudant de l’armée anglaise, commandant l’artillerie de la garde noire du Sultan Moulay Hassan. En face, et à l’autre extrémité, le haut minaret de la Koutoubia perpétue la tradition marocaine. Il commande la ville et la foule qui ne cesse d’aller sur la place autour des boutiques rustiques. Le Dar Caïd Mac Lean est devenu le siège des Services municipaux ; il y avait un petit musée de broderies et ouvrages en cuir qui ont été portés au Palais de Si Saïd ; un autre immeuble, plus malencontreux, gêne la belle perspective sur la Koutoubia ; des cafés-restaurants se sont installés détruisant la simplicité et la rusticité de la ville indigène. Djemaa-el-Fna conserve cependant son pittoresque avec sa population variée, mêlée de gens de l’Atlas, du Sahara où le sang nègre a une bonne part. Ici, les gens ont l’aspect plus campagnard que ceux de Fès dont l’élite est plus distante ; à Marrakech, les hommes sont plus dociles et les femmes moins réservées. * ** Du côté sud de Djemaa-el-Fna partent deux ruelles qui s’enfoncent dans les quartiers indigènes ; elles portent toutes deux le même nom, Riadh Zitoun, l’une desservant le vieux quartier des oliviers et l’autre le nouveau et c’est ainsi que l’une est nommée « Riadh Zitoun Kedim » et l’autre « Riadh Zitoun Djedid». D’autres ruelles portent aussi le nom de jardins accouplé au nom probablement de leur premier propriétaire ou occupant. C’est que Marrakech, à l’origine, était un grand jardin dans lequel la ville s’est élevée petit à petit et, avec le nombre croissant des maisons, la place des jardins a été plus réduite. Il y en a encore, visibles au passant, seulement par les branches au-dessus des murs de clôture; le jardin Bou Acherin devenu jardin public entre les deux Riadh Zitoun, porte le nom d’un ancien grand Vizir : le jardin de Moulay Moussa près du Mellah. Des palais ont été construits sur d’anciens jardins qui, enserrés dans la construction, et si réduits soient-ils demeurent la marque de l’aisance du maître. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 18:36 | |
| 62 Pour aller à BAB AILEN, il faut longer les murs du Mellah, puis ceux de la Bahia et ensuite c’est renchevêtrement des ruelles. Il est quatre heures et demie ; la porte s’entr’ouvre sur une cour qui laisse sortir les fidèles qui ont fait leurs prières. A travers les battants, la cour se livre entière aux regards dans une simplicité monacale ; quatre énormes orangers ombragent et encadrent un bassin qui sert aux ablutions rituelles ; au fond de la cour, dans un angle à droite, un figuier aux branches biscornues se plaque contre le mur. Nous suivons à pied un itinéraire imprévu que nous offre une ruelle ; elle nous conduit devant une vaste fontaine abritée sous trois arches derrière laquelle se cache une Médersa que l'on soupçonne par sa seule porte encadrée de motifs sculptés. On passe trois ou quatre marches sous un arceau de briques et c’est à nouveau un petit marché de quartier avec des vendeurs d’épices et d’herbes, des tas de paille où en passant mangent les ânes rusés. La MOSQUEE BEN SALAH a un minaret de briques rouges orné de faïences vertes, fendu de haut en bas. Pour satisfaire ma manie de photographier, un boutiquier complaisant a mis contre le mur une échelle branlante ; on y grimpe plutôt qu’on y monte et nous voilà sur une terrasse, puis sur une autre terrasse, petit voyage aérien comme en font les femmes au coucher du soleil. ★ ★ ★ Il y a quelque trente ans, à Tunis, pendant une nuit du Ramadan, un guide m’avait conduit mystérieusement à la place Souika ; dans de petites salles closes sur la place par un rideau noir et d’où sortaient des rires et de la musique, étaient offertes les présentations du KARAGOUS. Au pied de l’écran de toile, malgré la crudité des gestes d’un jeu rustique, se tiennent serrés de jeunes enfants sur les premiers bancs. Karagous, personnage mystérieux de bois ou de carton, a sa silhouette profilée en noir sur la toile blanche, comme une ombre chinoise. Ce héros, d’origine turque, a toujours le beau rôle, aussi bien sûr les janissaires ou gendarmes qu’auprès des femmes auxquelles il nous paraît irrésistible. Quand on entre dans la salle, si l’on n’est pas initié aux jeux et aux scènes risquées quant aux bonnes mœurs, on voit se débattre sur la toile une ombre noire qui se livre à des facéties scabreuses vis-à-vis d’autres ombres. Les paroles explicatives se perdent heureusement dans les rires des spectateurs. Pendant le mois de ramadan, ce spectacle le plus crûment naturel se répète chaque nuit dans les quartiers de Souika et même dans la rue principale des souks au cœur de la ville, annoncé par une énorme poupée qui pend devant la porte de la salle. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Jeu 18 Sep - 18:42 | |
| 63
La censure a interdit ce spectacle en Algérie au nom de la morale, mais dans les quartiers musulmans, on donne clandestinement, à l’intérieur de certaines maisons mauresques, des scènes de karagous, pour des invités privilégiés.
Au Maroc, à l’occasion des fêtes musulmanes, nous voyons le CARNAVAL et les JEUX DE LA RUE, la roue qui tourne verticalement sur son pivot entraînant de petites niches qui se balancent en mouvements désordonnés et dans lesquelles se cramponnent rieurs les jeunes enfants et aussi quelques grandes personnes. Pourvu que nos manèges de chevaux de bois qui viennent aussi aguicher la clientèle indigène, ne fassent pas disparaître cette roue de plaisir, plus pittoresque et autrement impressionnante dans ses rudes évolutions.
La foule est dense; femmes voilées, emmaillotés dans leurs draperies blanches, enfants remuants, attendent impatients pour monter dans les balançoires tournantes et prendre place sur le siège des niches suspendues qui vont brusquement les porter au dessus de la foule puis les plonger vers le sol.
Quand la nuit sera venue, commencera le cortège de Carnaval. D’abord la procession des lanternes, d’énormes lanternes de papiers multicolores ajourés de dessins en dentelle, qui ont la forme d’une mosquée avec des tours d’angle ; leurs porteurs ont de grands bonnets pointus ; ils passeront dans les sept quartier de la ville, précédés par les hommes du feu qui sautent par-dessus les brasiers de branchages allumés au fur et à mesure qu’avance la procession des lanternes. Des travestis vont devant les maisons des seigneurs et même devant celle du Pacha, exécuter par la mimique une farce primitive, imitation de cris d’animaux dont il s’efforcent de représenter la pelure, ne manquant pas toutefois de demander un don au nom d’un saint qu’ils invoquen t; les comédiens parodient par la parole et le geste, les fonctionnaires du maghzen et je ne suis pas bien sûr qu’il n’y ait dans quelque fond de ruelles noires des scènes aussi libres que celles du théâtre de karagous.
Ce sont des fêtes d’origine berbère à l’occasion de l’Aït Seghir qui terminent le mois de ramadan et se font le premier de Choual. Pour l’Aït el Kebir et l’Achoura aussi, fêtes qui sont mieux exprimées à Marrakech ville berbère.
Au Maroc, les disciples de Sidi Mohammed Ben Aissa (930- 1524), inhumé à Meknès, jonglent avec des épées, des coutelas, se traversent les chairs, se font avec des haches des plaies saignantes dans le crâne. A leur fête patronale, la sortie des Aissaouas de Marrakech, a lieu dans la cour du Méchouar, devant le Palais du Sultan.
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| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Ven 19 Sep - 8:28 | |
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Parcourir LES SOUKS de Marrakech pendant la SAISON D’ETE, c’est les retrouver un peu comme ils devaient être à leur origine. Il n’y a plus en effet de touristes à cette époque ; quant aux Européens qui résident dans la ville, ils se terrent l’après-midi dans les maisons aux murs épais pour y trouver un peu moins de chaleur. Que feraient-ils dans les souks pendant les heures chaudes ? Alors, les ruelles couvertes de treillages de roseaux où courent les branches des vignes séculaires, sont abandonnées aux indigènes, à ceux surtout descendus de la montagne qui ne prendront de logis que la nuit venue. Les boutiques ne sont fréquentées que par des gens en burnous, acheteurs, marchands, gens à pied ou à mulet, par les groupes de bêtes de somme, tous en contact et sans ordre dans la ruelle. C’est l’heure de la nonchalance, l’acheteur va lentement, il se traîne de boutique en boutique, regardant, ne disant mot et comparant mentalement; s’il revient en arrière, c’est que le choix est à peu près fait sur un objet déjà vu et il entrera en pourparlers avec le boutiquier accroupi qu’il sortira de sa somnolence.
Il fait chaud, les paroles sont lentes, la discussion traîne. Comme si le négoce, pour lequel le boutiquier est là, trônant au milieu des marchandises, n’était pour lui qu’une occupation accessoire, une faveur faite aux gens qui ont besoin d’acheter. Le porteur d’eau dont l’outre de peau de chèvre suinte, est l’animateur du quartier ; sa clochette de bronze provoque des réveils et aussitôt la soi f; dans le bol de cuivre, il débite son eau d’une boutique à l’autre, aux passants, aux cavaliers plus cossus qui vont à mules, aux enfants.
Quand le peintre Eugène Fromentin fut questionné au retour de son voyage dans le Sahara, en 1857, sur ce qu’il avait vu là-bas, il répondit : « l’été » ; c’est-à-dire l’été chez lui dans son royaume, là où il n’y a plus qu’une seule saison.
Marrakech, pendant l’été, est enveloppée d’un nuage de poussière qui semble concentrer la chaleur ; le chergui, ce vent qui vient du Sahara et que son passage par-dessus l’Atlas n’a pas adouci, cause une fièvre de surexcitation ; la tête en feu ne peut donner aucun travail, elle a des éblouissements; alors, il faut réagir contre l’anéantissement, sortir, marcher, être en mouvement; la pensée s’équilibre mieux. Et l’on va ainsi d’abord en automate, par les ruelles poussiéreuses, chaudes, interminables, vers une autre ruelle où le soleil est tamisé par un treillage de roseaux ; on se trouve dans un souk, n’importe lequel, des boutiques à gauche, des boutiques à droite ; d’abord les bouchers vous écœurent, mais cela remet l’esprit dans le cadre ; l’on passe devant les étoffes de soie aux couleurs rutilantes; les épices réveillent ; l’esprit se ressaisit peu à peu ;
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Ven 19 Sep - 8:35 | |
| 65 voici les tapis, les poignards, puis un souk ouvert où le soleil tape dur, tout paraît ocre clair, les burnous et les denrées. Il faut marcher ; c’est une rue de fondouks ; au delà du porche noir, dans la cour crûment blanche de soleil, sont accroupis des ânes, des chameaux, des poules et des hommes endormis dans un coin rare où l’ombre a pu s’accrocher. Il faut marcher encore, les nerfs sont déjà moins exaspérés ; d’autres ruelles, une porte s’ouvre brusquement, c’est une femme dévoilée surprise à cette heure chaude de voir errer un étranger et la porte brusquement se referme. Aller toujours jusqu’à ce qu’enfin les membres las et vaincus, on n’aspire plus qu’à l’ombre des jardins. Et c’est maintenant l’heure où le soleil se couche, empourpre les murs, met un liseré d’or au sommet des arbres. Il fait bon, dans une soirée d’été, attendre sur les bords d’un bassin, les premiers voiles de la nuit. ★ ★★ Sous Marrakech existe-t-il une ville ancienne ? Il y a toujours sous une ville les traces d’une autre ville, celle des conquérants implantée sur celle des vaincus. Mais au Maroc, le Maréchal n’a pas voulu détruire le passé. Pour les Européens venant après l’acte de Protectorat, son programme a été de construire une nouvelle cité à côté et même à une certaine distance de la ville marocaine ; ainsi, ni vainqueurs, ni vaincus, mais deux peuples qui peuvent collaborer ; pas de confusion, pas de contact inutile ; en raison des mœurs, des coutumes et des religions différentes, ni les uns, ni les autres n’avaient à gagner à une co-habitation. D’ailleurs, l’étroitesse des rues des cités musulmanes n’aurait pas permis une évolution commode. Il faut vivre sans se gêner, conserver d’une part les habitudes ancestrales et de l’autre, offrir un rapport de modernisme, de facilités auxquelles les Marocains peuvent puiser eux-mêmes. Et ainsi, on a conservé le pays avec toute l’originalité de ses villes anciennes, témoins d’un passé glorieux. La ville du GUELIZ fut donc construite en 1913 entre le rocher dont elle porte le nom et la Médina indigène. Le rocher du Idjliz qui avait orienté Youssef Ben Tachefyn quand il voulut construire sa ville, Marrakech, fut dès l’occupation française couronné de canons protecteurs et gardé par le camp militaire qui s’étend à ses pieds. Dans les jardins et les petites palmeraies, se rejoignaient les pistes anciennes et les routes nouvelles venant de la côte, de Casablanca, Mazagan, Safi et Mogador à la capitale du Sud. Donc cet emplacement s’imposait par ses commodités et la protection que lui assurait la forteresse au lendemain de l’incursion d’El Hiba. La création de la nouvelle ville européenne est l’œuvre du capitaine Landais, le premier Chef des Services municipaux de Marrakech. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:01 | |
| 66 Pour recevoir les nombreux immigrants, un lotissement fut établi entre le Djenan el Hartsi (devenu le parc de la Foire annuelle de Marrakech), le jardin de la Ménara et les remparts, avec accès à la ville indigène par Bab Doukkala pour le quartier des négociants et par la poterne percée à travers les murs d’enceinte dans l’axe de la Koutoubia vers Djemaa-el-Fna. La première adjudication eut lieu le 5 juin 1913 ; on avait repris Marrakech contre El Hiba en septembre 1912. La guerre de 1914 a pu arrêter un moment le développement de cette cité de jardins ; il fut repris dès 1919 et a été tracé à cette époque le lotissement industriel. Mais pourquoi n’avoir pas respecté le plan primitif et les raisons mêmes qui ont décidé la création de la ville du Guéliz ? Pourquoi n’avoir point interdit les constructions européennes dans la Médina qui perdit ainsi un peu de son caractère indigène de grand fondouk ? Le Guéliz a souffert de cette concurrence imprévue et la Médina n’a rien eu à gagner en originalité avec les constructions qui s’élèvent dans le quartier même de la Koutoubia sur laquelle il eût fallu respecter les belles perspectives. ★ ★ ★ C’est de Marrakech que l’on part pour les excursions dans le HAUT ATLAS, que l’antique légende a fait le support du monde. Dans les matinées de printemps, les cimes neigeuses semblent se détacher comme en un long nuage tourmenté au-dessus de la masse rouge et grise de la montagne. Dès 1919, nous allions en mission quasi officielle de la Société de Géographie du Maroc dans les territoires glaoua, ourika, goundafa. A cette époque, on ne passait le Haut Atlas qu’au col de Telouet par où étaient allés les explorateurs Charles de Foucault et le marquis de Segonzac ; le sentier qui franchit la montagne à 2.600 mètres ouvrait en effet sur le domaine des Glaoui, Telouet, fief de la famille, dont Si Ahmed était le seigneur et maître, resté en contact avec Marrakech ; c’était également le chemin du Taourirt d’Ouarzazate, forteresse avancée au confluent de l’oued Drâa et de l’oued Dadès. Les sentiers que nous suivions à mulet, par étapes de 6 à 8 heures, tout ce qu’on peut faire en montagne, s’accrochaient au flanc des vallées dans un surplomb impressionnant au-dessus des ravins. Il fallait partir de Marrakech à la pointe du jour pour traverser la trentaine de kilomètres de plaine et atteindre au pied de la montagne la première kasba ou le premier village qui était notre gîte d’étape. Partir, le principal était de se mettre en route, et ce n’était pas chose facile ; immanquablement, un muletier avait oublié quelque chose, une corde, ses piquets, ou bien un mulet était mal ferré ; nous n’étions sûrs du départ que lorsque nous avions passé la porte de la ville, Bab Ghemat ou Bab Ahmar, Bab Djedid ou Bab Rooh. | |
| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:12 | |
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Cette première étape entre Marrakech et les contreforts de la montagne était la plus dure ; moins cependant à l’aller qu’au retour, car, au retour, nous n’avions plus devant les yeux l’Atlas aux cimes neigeuses qui nous avait attirés et l’imprévu du voyage ; nous rentrions, en effet, un peu harassés d’une chevauchée de huit jours et d’un couchage incommode. Nous allions donc en remontant les vallées couvertes d’oliviers, puis de noyers aux troncs séculaires, puis de genévriers et des thuyas, enfin de la brousse rase, car l’arbre ne pousse plus au-dessus de 2.000 mètres d’altitude.
Le but de l’étape était un village ; notre logis le plus souvent la terrasse d’une maison chleuh, celle du cheikh qui nous accueillait de la façon la plus cordiale et nous faisait porter le soir, malgré notre résistance, des œufs et des poulets ; en échange, nous abandonnions des pains de sucre, ces pains de sucre fabriqués tout spécialement pour le Maroc, et du thé vert, car nous savions combien il était difficile aux gens de la montagne de se procurer les denrées ; pour eux, le sucre, le thé, les bougies étaient chose plus précieuse que la pièce d’argent ou le billet de papier. Et le soir, nous dressions nos lits de camp sur la terrasse ayant au-dessus de nous toutes les étoiles d’un ciel d’été ; et quelle douce nuit !
Ainsi, d’étape en étape, nous avons parcouru, en des excursions répétées chaque année au mois de juin, les hautes vallées de la Reraïa. de l’Imimen, le cirque d’Arround, les hauteurs du Tachdirt, les vallées de l’Ourika, du R’Dat, et Telouet; d’autre part, les vallées du N’Fis, de l’Agoundis, le haut pays du Tifnout, etc... nous agrémentions le parcours par quelques ascensions; Bou Ourioul, Menzelt, Angour, Tachdirt, le Toubkal et ses 4.165 mètres, l’Ouemkrim, le Djebel Erdouz. Et maintenant, bien que le Haut Atlas soit franchi en trois points par les routes du Drâa et du Sous rapprochant les distances, il reste toujours des régions pour l’alpiniste et les excursionnistes.
Le Syndicat d’initiative de Marrakech a édifié, à l’abri des villages berbères, des refuges au point de départ pour les ascensions : au cirque d’Arround, en haute vallée Reraïa, à 1.950 mètres ; à Tachdirt, à 2.355 mètres dans la vallée d’Imimen ; à Timichi, 2.060 mètres et Ireft à 1.250 mètres dans la vallée de l’Ourika; au Tichki à 1.975 mètres au pied du Djebel Yagour ; à Telouet à l’ombre de la kasba de seigneur glaoui à 1.650 mètres pour permettre l’excursion à mulet dans le pays des kasba, Ounila et Animiter. On trouve dans ces refuges des lits et le cheick du village qui en est le gardien, ferait préparer au besoin la nourriture des excursionnistes.
Si on a l’heureuse chance de se trouver à l’étape au jour d’une fête musulmane, Aït Seghir, ou Aït el Kébir, on assiste, la nuit venue, aux danses et aux chants des femmes, à la lueur des grands brasiers de bois et des torches. Les préparatifs de la fête sont rapides, tiges de palmiers amoncelées dans un coin de la cour au pied du donjon crénelé ;
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:20 | |
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un grand nègre y mettra le feu ; des hommes bronzés alimenteront ensuite le brasier, en y jetant toujours et toujours de nouvelles branches. Alors le feu s’active à nouveau, les flammes montent dans le prolongement de la fumée et se balancent sous le ven t; les flammèches se détachent et volent vers les visages qui s’illuminent et ainsi les yeux ont plus d’éclat. Il y a là, maintenant que la fête bat son plein, sous les coups sonores du tambour et les saccades des tambourins et cymbales métalliques, une centaine de femmes en demi-cercle, coude à coude, sur un rang; elles étaient venues par petits groupes à la tombée de la nuit, en robes de parade, caftans aux teintes violentes recouverts de gaze blanche. Leurs cheveux sont maintenus dans un voile de couleur vive, qui descend sur la nuque, un bandeau enserre le front, les oreilles libres sont parées de bijoux, le cou supporte des colliers à plusieurs rangs, plaques d’argent, verroteries teintées et boules d’ambre dont le parfum ranime le désir des hommes, les yeux sont entourés de khôl et des plaques rouges illuminent les joues. Elles chantent, ces femmes, en battant des mains dans un geste cadencé ; les corps n’ont qu’un léger balancement d’ensemble, à droite et puis à gauche, marqué par un simple jeu de la plante des pieds, martelé ou glissé. Les chants, les tambourins, les fifres et surtout les coups puissants sur l’énorme tambour frappés à pleine force par celui qui donne la cadence, animent la fête. Quand les tambourins ne vibrent plus, les musisiens les présentent devant le brasier pour que la peau se tende à nouveau sous la chaleur. Des hommes continuent à jeter de grandes brassées de branchages, la lueur rouge s’amplifie, elle éclaire tous les visages et fait clignoter les yeux. Les flammes se balancent, les chants sont plus aigus, la mélopée devient énervante parce que la phrase musicale se répète toujours la même, et nostalgique parce qu’elle se chante sur quelques notes à contre-temps.
L’ombre des femmes sur les murs de la kasba est presque immobile ; d'autres ombres fantastiques et fuyantes, celles des serviteurs qui alimentent le feu, glissent au-dessus. Par la lucarne d’une maison qui donne sur la cour, passe la tête d’un jeune nègre ; la lucarne est si étroite que la tête semble emprisonnée et sortir d’un carcan, autre supplice que de regarder avec envie ces femmes belles et parées qui sont du fruit défendu. Derrière les fenêtres des hautes tours de la kasba, grillagées de fer, semblent remuer des fantômes, quand la lueur des flammes s’élève du brasier ; mystère, c’est la maison du maître.
L’HAOUACHE, la fête chleuh, durera tant qu’il y aura des branches à brûler ; les feux de bengale verts ou rouges, note moderne, embrasent les hauts murs du Taourirt.
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:28 | |
| 69 Dans un autre ksar, nous passons pendant la fête de l' ACHOURA, fête de l'eau ; les enfants comme les hommes et les femmes s’aspergent d’eau jetée dans de petites cruches ou des écuelles ; les jeunes prostituées, nombreuses dans les villages du sud qui sont aussi les oasis heureuses des montagnards, prennent part au jeu de l’eau et alors les beaux vêtements de soie ruissellent et dessinent des seins menus. L’Achoura est une des fêtes légales du Maroc ; il s’y rattache beaucoup de causes et à cette occasion, se manifestent des pratiques très variées, souvenirs semble-t-il de rites païens. Entre autres, celui qui se baigne le jour de l’Achoura est purifié pour l’année entière; alors les gens se prêtent volontiers à la fête de l’eau et grands et petits aspergent ceux qui sont à leur portée. ★ ★★ En novembre 1928, ont été inaugurées en grande pompe berbère, les ROUTES qui devaient mener aux COLS DE L’ATLAS, pour passer soit en territoire glaoua vers le Drâa et le Dadès, chemins du Soudan et du Tafilalet, soit en territoire goundafa vers le Sous et Taroudant ; amorces de routes qui n’atteignaient pas encore les cols. Sur le plateau du Tichka, le Pacha de Marrakech, Si el Hadj Thami Glaoui, avait fait dresser tout un village de tentes et le repas copieux servi par les chleuh était égayé d’une fête berbère, danseurs, chanteuses et musiciens ; il fallait ignorer un moment nos compagnons de route, en tenue européenne, et ne voir que ces groupes de berbères, et l’alignement de femmes jointes hanche à hanche, au pied des montagnes de grès rouge, décor impressionnant, fête traditionnelle à l’image des fêtes des Grands Sultans. Et, suivant d’un jour, la fête pour la route des Goundafa était reprise à la kasba de Talaat N’Yacoub, fief de la tribu des Goundafi, château fort baignant ses murs dans l’eau rapide de l’oued N’Fis qui est passé quelques kilomètres en amont au pied du Tinmel, le berceau des Almohades. Depuis 1931, ces routes amorcées en 1928, ont franchi les cols ; le Tizi Tichka reliant la capitale du Sud aux régions du Drâa et du Dadès ; dans la vallée du Dadès, on doit faire de Boumaln, le crochet par une route des plus pittoresques vers le nord pour remonter et descendre les impressionnantes gorges du Haut Dadès et du Todra ; on reprend ensuite le chemin du Tafilalet par Tinghrirt, le plus curieux des villages rouges au- dessus des palmiers. D’autre part, la route des Goundafi a passé le Tizi N’Test pour redescendre vers le Sous et le Djebel Siroua, vers Taroudant, Tiznit et l’Anti-Atlas que viennent de franchir de nouvelles routes vers le sud et le Soudan. | |
| | | Paul CASIMIR
| | | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:40 | |
| 70 Le Haut Atlas s’ouvre aussi aux sports d’hiver ; sur les pentes enneigées de l’Oukaimaden, à 2.630 mètres, a été élevé un refuge avec deux chambres et des lits, cuisine, pour les skieurs. ★ ★ ★ ASNI et la kasba du Cheikh Ahmed dans un cirque de montagnes furent longtemps le but de la promenade habituelle hors de Marrakech ; c’était le terminus de la route carrossable qui par Tahanaout et l’impressionnante gorge de Moulay Ibrahim, gagne le confluent des vallées de l’Imimen et de la Reraïa, l’une descendant du Djebel Tachdirt et du Likoumnt, l’autre du haut Toubkal. Combien plus pittoresque, mais bien moins commode, était le parcours mi-piste, mi-eau, que suivaient les caravanes de mulets dans l’étroite et sombre gorge creusée par la rivière entre les hautes parois de rochers ; les gens se sentaient là isolés et un peu inquiets de l’ombre que laisse tomber sur eux le Saint là-haut perché dans son sanctuaire que nul infidèle n’approche et dont le nom est partout ici ; Moulay Ibrahim qui, un jour, a abandonné Marrakech pour fuir le progrès. Aujourd’hui, la route carrossable a dépassé Asni, elle atteint, par la vallée de la Réraïa, le carrefour des Aït Mizan ; elle s’arrêtera là, car il y a une marche rocheuse où perche ARROUND que l’on peut atteindre à pied par un joli sentier en sous-bois d’oliviers en trente ou quarante minutes jusqu’au refuge du Syndicat d’initiative. De là, un sentier pittoresque mène au pied des parois de la haute montagne à Sidi Chaamarouch, le sanctuaire du roi des Djoun, les génies de la montagne. Les génies de la montagne sont des génies bienfaisants si, en effet, par des sacrifices, les fidèles arrivent à le flatter, - si l’offrande est suffisante pour satisfaire le mokkadem, gardien du lieu -. Mais aussi, ils peuvent être redoutables et la puissance de SIDI CHAAMAROUCH, le Sultan des Génies, dépasse ce petit coin resserré dans la haute montagne où il s’est réfugié pour mieux régner sur les esprits ; les berbères de Tifnout sur le versant sud du Haut Atlas, comme les berbères de l’Agoundis en haut pays Goundafa, ceux de l’Ourika aussi connaissent Sidi Chaamarouch dont le nom est prononcé avec une crainte respectueuse. Chaamarouch, s’il a été homme, ne repose pas, je crois, dans la petite cabane de pierres sèches au milieu des rochers où commence, au pied de la paroi verticale du Toubkal, la vallée de la rivière Reraïa qui descend en cascades courtes et rapides. Il y a dans le noir de la cabane une énorme pierre lisse, pierre des sacrifices peut-être. Toutefois, nous avons vu des berbères égorger moutons ou poulets sur les rochers plats au-dessus du sanctuaire et recueillir le sang de la victime dans les petites cuvettes naturelles au creux du rocher. Les montagnards ne passeraient jamais de nuit près de Sidi Chaamarouch car ils sentiraient sur leur tête le frôlement des mauvais génies. | |
| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:46 | |
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Le mokkadem, qui en est le gardien, habite le petit village d’Arround, en aval, à plus d’une heure de marche et les pèlerins viennent le prendre au passage, quand ils veulent sacrifier à Sidi Chaamarouch. Le sentier qui relie la vallée de Reraïa à la région de Tifnout par le col de Tifourar, s’est écarté de cet endroit, sauvage et sinistre lorsque vient la nuit, et il s’accroche là-haut sur la falaise qui le domine.
Un jour d’été, nous étions passés par la cabane de Sidi Chaamarouch pour ascensionner le haut du Tifourar; comme la montée était pénible dans les éboulis glissants sous les pas, un de nous, fatigué et renonçant à la dure ascension s’était reposé derrière une roche où finalement il s’endormit ; à notre retour, nous ne l’avons pas retrouvé au village d’Arround, notre gîte du soir ; un groupe de berbères partit alors à sa recherche jusqu’au fond de la gorge de Sidi Chaamarouch ; notre camarade, errant sur les pentès de la montagne, fut retrouvé, grâce au point de feu que faisait sa cigarette dans le noir de la nuit.
Au soir d’un printemps tardif, nous avions été accueillis par une tourmente de neige à la KASBA D'ANFEGEIN, à plus de 2.000 mètres d’altitude; nous fûmes réunis dans la salle noire qu’un brasier dans le coin et des bougies clignotantes s’efforçaient d’éclairer. Nous disions cette histoire de notre compagnon disparu au chef du village, notre hôte, aux berbères qui nous entourent et arrivent encore silencieusement, augmentant le cercle près des bougies. Nul doute : pour être passés dans le lieu de Sidi Chaamarouch, sans rien sacrifier et y être venus de nuit, le Sultan des Génies avait puni un des nôtres. Le génie, en la circonstance malfaisant, dont le nom est répété de bouche en bouche, semble planer au-dessus de nous dans cette presque obscurité propice aux contes fantastiques. Et puisque nous en sommes au pouvoir des génies, je demande quel est celui du rocher en forme de dolmen que nous avions vu au-dessus du village. Ce rocher, répond le cheikh, reçoit une fois par an un sacrifice ; les berbères viennent égorger sur la pierre un veau ou un bœuf dont il partage ensuite la dépouille entre les familles du village ; s’ils ne faisaient pas ce sacrifice, le mauvais sort certainement s’abattrait sur les gens d’Anfegein, nom qui veut dire « réunion des sources » ; celles-ci seraient taries, alors pas de récolte pour les hommes, pas d’herbe pour les moutons.
Les berbères qui nous entourent, silencieux, car les paroles ne sont échangées qu’entre le cheikh et nous, sont restés figés, attentifs et curieux, et rien n’est pittoresque comme ces visages serrés les uns contre les autres qui seuls se montrent à la faible clarté des chandelles et de la braise sous la bouilloire où mijotent le thé et la menthe. Au fond de la pièce, nous soupçonnons encore des êtres dont on ne voit que les yeux brillants et les dents; comme au ras du plancher aussi, car des hommes bronzés sont restés accrochés aux barreaux de l’échelle qui s’élève de la pièce inférieure.
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| | | Paul CASIMIR
| Sujet: Promenades à Marrakech Sam 20 Sep - 10:54 | |
| 72 Puis dans le silence qui se fait, il n’y a plus que le bruit des gosiers pour aspirer le liquide bouillant du thé vert que nous offrons à nos hôtes, sur nos provisions de route. Dans la pièce très froide, où nous nous sommes réfugiés pour essayer de dormir, les vents coulis vont en tous sens et nous fouillent indiscrètement sous les couvertures qui nous serrent cependant le corps. Un chant s’élève, d’abord lointain, très doux, plaintif presque ; il y a plusieurs voix. Le chant se rapproche, encore plus, accompagnant une danse dont nous entendons maintenant les coups rythmés sur le plancher de la chambre voisine. C’est le chant de nuit que nous réservent les gens du village, pour nous remercier du thé, du pain de sucre et des bougies que nous avions donnés dans la soirée. ★ ★ ★ D’Asni, la route des Goundafa gagne la vallée du N’Fis et remonte la rivière qu’elle surplombe à Agadir N’Bour, kasba aux murs rouges dressée au point le plus étroit de la vallée, dont elle commande le débouché sur la plaine. Dans un haut plateau enserré des montagnes de N’Ouichedden et de l’Erdouz, se trouve la kasba des Caïds de Goundafa, puis Timnel d’où partit le Madhi, le maître de l’heure, à la tête des Almohades, puis Tagoundaft, la kasba-forteresse perchée sur la montagne couverte d’amandiers au-dessus de la route. En suivant la route qui va vers Amismiz, on laisse à gauche la petite cité de TAMESLOUHET, au milieu des olivettes et des orangeraies, centre religieux du Chérif Moulay el Hadj el Meslouihi, dont l’ancêtre, le fondateur de la cité et de la baraka qui y est attachée, était le Chérif Abd Allah Ben Houssein que l’on appelait, en raison de son savoir, « l’Homme aux 366 Sciences ». La kasba est haute comme une kasba berbère, mais avec des motifs de style arabe. Plus loin, au fond du N’Fis, si l’on remonte la berge de la rivière, on arrive à la source miraculeuse de LALLA TAKERKOUZET, qu’on appelle aussi la « Source des Tortues ». Elle a une légende : quand un individu se croit possédé des mauvais génies qui s’incorporent aussi bien dans l’homme que dans la femme, on tente de les exorciser par des prières répétées. Ici, le mokkaden, ou gardien de la source, fait prendre au patient qui sollicite le secours de Lalla Takerkouzet, un bain de pieds dans le bassin après lui avoir garni la chair de pâte de pain ; alors, les tortues d’eau, nombreuses dans la source et auxquelles on attribue le pouvoir de chasser les démons du corps, viennent manger la pâte tout en pinçant un peu la peau, et plus elles mordillent les pieds du patient qui doit s’immobiliser pour ne pas les effrayer, mieux sera assurée la guérison. Musulmans et juifs viennent à Lalla Takerkouzet où ils ont chacun leur sanctuaire et un bassin spécial. | |
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