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| MAROC Terre d'Avenir | |
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Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:21 | |
| page 25 PETITS METIERS UTILITAIRES......ET RECREATlFS - PORTEURS D'EAU. — Tintement de sonnettes. Cris gutturaux : le marchand d'eau passe. L'eau qui étanche la soif, qui participe à la vie des hommes des bêtes et des plantes. L'outre, en cuir tanné au beurre de brebis, la guerba, conserve la fraîcheur. Nous voici revenus au Moyen Age. - VENDEURS DE SEL — Sous son chapeau, aux larges bords, le vendeur éparpille le sel qui miroite au soleil — le sel qui relève le goût des aliments et excite l'appétit, le sel nécessaire lui aussi aux hommes et aux bêtes. Passer le sel est un des symboles de l'hospitalité ! - MÉDICASTRES DE CARREFOUR. — Apothicaires, rebouteux, dentistes, ces ambulants font profession de soulager les maux des humains. Ils vendent remèdes ou formules, qui viennent du fond des siècles. Ici le médicastre pratique une incision en croix sur la tête, applique une pipette, souffle pour enlever « le mauvais sang ».[/justify] - AU RYTHME DES TAMBOURINS. -Point de trétaux : la place Djema el Fna à Marrakech prête son décor immense. Point d'acteurs : seulement quelques musiciens qui frappent de leurs doigts les tambourins Mais le plus bel auditoire, qui sait écouter en silence — ou participer à l'action en dansant. - CONTEURS DES MILLE ET UN JOURS. — Nous assistons ainsi à la naissance de la poésie qui part du peuple. Tantôt la danse si souvent grave, presque pieuse. Tantôt un conte tragique, épique, comique. Le conteur parle comme tous les aèdes, de la bouche au cœur. - LE CHARMEUR DE SERPENTS. — Étrange mimétisme ! Le charmeur avec sa face triangulaire et sa peau tannée se rapproche du cobra. Le serpent, qui tout à l'heure a sifflé, semble vaincu, sous la regard qui le fixe. Les indigènes saluent le triomphe de l'homme qui a pris la précaution de faire vider le cobra de son venin.
Dernière édition par Pierre AUBREE le Dim 25 Jan - 18:39, édité 3 fois | |
| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:23 | |
| page 26 - Le plus curieux costume de fête, en usage au Maroc, est certainement celui de la mariée de Fez. Tout répond à des traditions ancestrales scrupuleusement respectées : grandes étoles en épais broché, bijoux « épingles » plastron, peintures du visage, blanc rosé et bleu, la mariée ainsi parée est exposée aux regards de ses amies. - Le souk, c'est le marché soit dans la rue, soit en plein air. L'homme retrouve l'homme, te fella!) venu de Sa campagne faire ses emplettes se mêle aux citadins. Le soleil fait étincsler les lainages. Les brochettes grésillent et répandent un parfum acre ; le son aigre de la raïta s'élève. Le commerce ne perd pas ses droits. ... / ... frotte son corps avec une poignée d'alfa; elle jette alors à la mer le peigne et les cheveux qu'il a pu arracher, ainsi que sa brosse primitive. Elle revient ainsi purifiée. Autre pratique de purification : le jour de l'Achoura et le 27e jour du Ramadan sont consacrés à certains rites funéraires : on apporte sur les tombes, spécialement sur les tombes délaissées, des branches de myrte. Or le monde des morts possède, croit-on, une baraka puissante contre la stérilité. La femme stérile vient donc voler des branches de myrte sur ces tombes en saluant le défunt des mots de père et de mère. Elle rapporte chez elle ces branches de myrte les pile, en mange avec son mari et se donne à lui. Le mauvais sort est ainsi levé. Aucune femme ne croit que sa stérilité puisse avoir des causes naturelles : l'enfant est endormi et son sommeil (la grossesse) peut durer plusieurs années. Certains pèlerinages peuvent vaincre la stérilité : spécialement, ceux consacrés à Lalla Izza Hamad à Marrakech, ou à Moulay Brahim, à Tahanaout (au sud de cette ville). La période de grossesse est considérée comme dangereuse : la femme y est exposée à la malveillance des génies. Comme dans nos campagnes, tout objet, tout fruit dont elle aurait envie et qui lui serait refusé, se marquerait à jamais sur la peau de l'enfant. Elle ne doit ni filer ni coudre, car le cordon ombilical risquerait de s'enrouler autour du cou de l'enfant qu'elle porte en elle et de l'étouffer. Elle se protège des jnoun par diverses amulettes et quelquefois des serres d'aigle portées directement sur son ventre ou à sa ceinture... On prépare la chambre où aura lieu l'accouchement avec tout ce qui peut écarter les jnoun (sel, clou, couteau ouvert, fumigation d'encens) ou tout ce qui pourra assurer à l'enfant richesse, piété, savoir : laine, farine, baguette d'olivier ou chapelet venant de La Mecque, planchette d'écolier. Aux premières douleurs, la matrone, la qabla, prépare le lit de la parturiante avec la peau d'un mouton sacrifié le jour de l'Aïd el Kébir. On enlève tout ce qui peut serrer son corps (magie imitative en vue d'ouvrir la voie), ceinture, bracelet, anneaux, boucles d'oreilles. Puis on invoque Allah « le secourable », le « clément », le « créateur » notamment par cette belle formule : « allons, tire une âme d'une âme, ô créateur ». L'enfant après avoir été arraché à la mère lui est rattaché par « ce rite d'agrégation» : la matrone passe l'enfant trois fois à la droite, puis trois fois à la gauche de la mère en disant : « Que tu sois à droite ou à gauche, sois sans crainte, les diables ne t'enmmèneront pas! » La venue d'un garçon est saluée par les trois youyou des femmes : le zrarit. Les filles n'y ont pas droit, mais reçoivent des formules de bénédiction et de bienvenue. La date de la naissance est considérée comme de bon ou de mauvais augure. Il est funeste de naître entre le 24 février et le 4 mars, surtout le jour de l'Achoura où dominent les rites funéraires (comme, en certaines régions de France, le Vendredi Saint). Par contre, il est favorable de venir au monde le 1er jour du Ramadan. Pendant les sept premiers jours après l'accouchement, la jeune mère et son ... / ...
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:25 | |
| page 27 - FÊTE DES AISSAOUAS, A MEKNÈS. — Le peintre Suréda a traduit l'état de transe auquel arrivent les membres de la confrérie religieuse, tandis que les instruments de musique contribuent par leur rythme à l'ivresse générale. Cris et vociférations, dandinements et convulsions, immobilité et fébrilité. Ils sont au moins 10.000 à célébrer chaque année, en septembre, autour du tombeau de leur saint, la fête du sang.
- Toujours par André Saréda, une scène typique de la vie marocaine : la communauté de Fez enterre son rabbin. En scandant des prières le cortège traverse le Mellah.
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:27 | |
| page 28 - L'enfant est porté dans les bras en Occident, ici sur le dos. L'amour maternel est partout le même. ... / ... enfant ne sont pas quittés une minute par la matrone. La veille du septième jour, l'accouchée va se purifier au « hammam » portant toutes les amulettes voulues pour la protéger contre les maléfices des jnouns. Le septième jour, a lieu la grande fête de l'imposition du nom qui va agréger définitivement le nouveau-né à sa famille, à son corps social. On égorge un mouton au nom d'un tel, fils d'un tel. On fait la toilette de la mère, comme à ses noces, puis celle de l'enfant spécialement une « lustration » dont l'eau doit emporter les germes de toutes les maladies. Il est présenté aux parents et aux amis, puis la qaba, précédée de quatre autres femmes portant un cierge allumé, un plateau à encens, un brûle-parfum et un petit couteau ouvert, se met en marche. Le cortège fait le tour de la maison, présentant ainsi l'enfant aux génies protecteurs de la famille. A partir de ce moment, il ne sortira plus jusqu'au 40e jour, date où on le présentera aux génies protecteurs de la cité et au saint à qui il a été consacré. Le moqaddem du sanctuaire procédera à la première coupe de cheveux suivant une qaïda propre à chaque saint. Ce jour est aussi celui des relevailles de la mère. La vie de l'enfant se poursuit, jalonnée de menues fêtes (sevrage, premiers pas, première dentition, premier bain au hammam, première lecture courante à l'école coranique). Mais la principale sera la circoncision, qui est pratiquée à des âges variables, dont l'origine, antérieure à l'Islam, est probablement hébraïque et dont le sens est l'agrégation à une même communauté de fidèles, comme, chez les Israélites, elle est un signe d'alliance avec la divinité. Certaines cérémonies symbolisent soit un nouvel enfant, soit une lustration, ou renforcent le caractère de passage à un milieu nouveau (celui des hommes, après celui des femmes). Dans certaines tribus, on simule un enlèvement de l'enfant analogue à celui de la femme au moment du mariage. Quelquefois, une retraite de la mère, pendant sept jours, accentue le symbole de séparation.
LE MARIAGE Le mariage est un évènement capital de la vie sociale, car la société marocaine est un ensemble de familles. Les cérémonies qui le précèdent ou l'accompagnent attestent à la fois la force du lien qui unit ces familles et l'importance symbolique du passage d'une famille à une autre. Ces cérémonies s'étendent sur quatre périodes : 1° négociations préalables jusqu'au paiement de la dot par le futur; 2° fêtes de célébration (pendant sept jours) ; 3° consommation ; 4° retraite nuptiale et agrégation définitive de l'épouse à sa nouvelle famille. C'est le père du jeune homme qui choisit l'épouse de son fils. Hors des villes, les femmes vivent dévoilées, les futurs le plus souvent se connaissent et l'initiative du choix revient généralement au jeune homme. Un mouton est égorgé devant la maison ou la tente de la jeune fille, puis l'accord sur la dot s'établit non sans marchandages, en présence de la djemmaa (de l'assemblée des notables) du village, et des tolba. A partir de ce moment, la fiancée fuit son fiancé qui lui envoie des cadeaux ainsi qu'à sa famille. Après la remise de la dot et de « la corbeille » (vêtements, henné, dattes) à la future épousée, le fiancé (asli) est considéré comme un sultan et ses garçons d'honneur (islan) comme des vizirs. La première cérémonie consiste dans l'application du henné sur les mains de la jeune fille et du jeune homme, dans la maison de chacun d'eux, en présence de leurs amis. Une offrande est déposée par les assistants. Sept jours après le henné, la fiancée est conduite dans sa nouvelle demeure, sur une mule, dirigée par un « vizir » du « sultan ». Dans certaines tribus, comme chez les Zaïan, on simule encore le rapt primitif. Elle franchit le seuil, comme nous l'avons dit, portée dans les bras du vizir. Sa futur belle-mère la reçoit devant la porte, lui offre dattes et bol de lait. Les femmes chantent l'ahidous, les hommes tirent des coups de fusil. La mère lave le pied droit de la mariée sur la pierre du foyer. Puis, (à la campagne) le mari arrive venant d'une maison voisine où il s'est retiré ; vêtu d'un burnous blanc, le capuchon baissé, il est introduit près de la jeune fille. On les laisse seuls. Il la frappe légèrement dans le dos pour lui montrer qu'il est son maître. Ils mangent ensemble quelques dattes pour qu'elle soit aussi douce et tendre que ce fruit. Puis le mariage est consommé. L'époux se retire et passe la soirée avec ses islan, tandis que les femmes entrent dans la chambre nuptiale prennent le linge maculé de sang, le montrent aux invités et le promènent à travers le village.
Les jours suivants, les nouveaux mariés vivent retirés dans la chambre nuptiale. L'épouse pendant trois à six jours (suivant les régions) ne quitte pas son lit. Elle reçoit les visites de ses amies. Le septième jour les femmes de sa nouvelle famille lui remettent sa ceinture, la fêtent : elle fait désormais partie de la maison dont elle va partager la vie.
LES FUNERAILLES La mort et les funérailles sont accompagnées de rites signifiant tantôt la séparation du monde des vivants, tantôt l'agrégation au monde des morts. Autour du moribond, ses amis réunis prononcent la chahada, la profession de foi. Ensuite, ont lieu des adieux au mourant; dans certaines régions on lui confie des commissions pour les âmes déjà parties dans l'au-delà. On le débarrasse (comme on le fait aux parturiantes) de tout ce qui pourrait le gêner ou le lier, fellaba, bijoux, amulettes, et même de son oreiller. Son âme s'échappe avec son dernier souffle. Elle s'en va par les fenêtres ouvertes sous la forme d'une mouche ou d'une abeille vers l'immense rucher ou Barzakh, dont chaque alvéole est occupée par l'âme d'un défunt, et où ces âmes attendent l'ultime jugement. Mais avant de s'y réfugier, elle erre autour de la maison pendant trois jours, puis, pendant quarante autres jours, autour de la tombe. Ensuite, chaque vendredi, elle rendra visite à la sépulture de la dépouille charnelle. On place à côté du cadavre un bol d'eau parfumée et une bougie allumée. Ces objets y resteront trois jours après les funérailles pour que l'âme n'ait pas peur de rentrer chez elle. Le corps est lavé par les membres d'une confrérie spéciale. Un morceau de son burnous couvrira le sexe (s'il s'agit du père de famille) et sera précieusement conservé comme dépositaire de sa baraka. Quand les porteurs arrivent, les femmes poussent le zrarit comme pour des noces. Dans le linceul, on place des feuilles de rosé, des parfums, des aromates pour que les ansres se réjouissent quand ils viendront chercher cette âme. Le cadavre franchit le seuil de sa maison tête première : ses amis se relaient à porter sa civière. Au bord de la tombe, on déliera les liens qui serraient le linceul à la tête et aux pieds pour que l'ange Azrail n'ait pas de peine. La famille observe, pendant trois jours, une période de retraite. Le troisième jour, parents et amis se réunissent à la maison mortuaire. Les hommes récitent des prières, les femmes et les enfants font un bruit épouvantable pour chasser la mort et le mal de la maison. Elles s'arrachent les cheveux, s'égratignent le visage avec autant de passion que les vocératrices corses. Après quoi, on fait une collation de pain, d'olives et de figues sèches. Dès la veille avait en lieu une distribution d'aumônes aux pauvres. Le deuil dure peu : pendant deux mois, les hommes ne se rasent point et ne s'épilent pas: ils ne se coupent pas les ongles. Les femmes ne se fardent point et s'habillent de coton blanc. Pendant, quarante jours, on réserve aux repas la part du mort que l'on donne aux pauvres.
LES FÊTES Dans la vie sociale, une grande place doit être réservée aux fêtes proprement religieuses ainsi qu'à ces moussem, à ces pèlerinages qui, tout au moins sur la côte atlantique, dans l'atmosphère chargée de brumes océanes, rappellent parfois si curieusement les pardons bretons. Ou encore à cette fête des tolba où les étudiants des universités élisent un sultan éphémère qui, dans sa royauté d'un jour, est entouré de la même pompe que le vrai sultan dans les cérémonies. Comment ne pas consacrer une mention spéciale aux rites des Aissaouas qui rappellent si étrangement les mystères d'Eleusis ou les cérémonies dionysiaques de l'ancienne Grèce ? Pendant huit jours, dans le cimetière de Meknès les adeptes se livrent à des danses et à des saltations vertigineuses, dévorent des moutons crus, mangent du verre cassé.
Dernière édition par Pierre AUBREE le Dim 25 Jan - 18:47, édité 2 fois | |
| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:28 | |
| page 29 ...... Une Cuisine...... ORIGINALE ET SAVANTE- Sans oublier les fêtes privées (Ouahada), on compte quatre grandes fêtes rituelles au Maroc : l'Aid Séghir, l'Aid el Kebir, l'Achoua et le Mouloud. Elles donnent lieu à des festins ou diffas ; les notabilités marocaines y invitent volontiers les officiers des Affaires Indigènes. Après le mois de jeûne du Ramadan, qui constitue une leçon d'égalité dans la discipline et la soumission aux rites, l'Aïd Séghir consacre le retour à la liberté : les plats circulent ornés de capuchons, puis sont rechauffés sur le kanoun. Voici un menu d'avant les restrictions : un demi-mouton rôti ; trois pigeons au citron et aux olives, trois poulets à la tomate avec oeufs frits, un ragoût de mouton avec des aubergines, des courgettes et des piments; trois poulets en croûte ; un couscous garni de viande et de légumes ; gâteaux et fruits. Tandis que les plats se succèdent, un violon, une guitare, un tambourin à sonnettes accompagnent une complainte amoureuse où l'entremetteuse joue le rôle de nos soubrettes.
Dernière édition par Pierre AUBREE le Dim 25 Jan - 18:50, édité 3 fois | |
| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:32 | |
| page 30 - Cette pièce sert à la fois de salle à manger et de salon, voire de chambre à coucher avec le divan recouvert de riches tapis et de coussins. Elle se compose des éléments essentiels de l'art musulman : arcs dentelés en stuc ou en bois de cèdre et carreaux à dessins géométriques de couleur verte ou bleue. Ici manque une partie du mobilier qu'on rencontre presque toujours dans un intérieur marocain : les glaces ainsi que les pendules ou horloges. PREMIÈRE ORIGINALITÉ. — La façon même de cuire les aliments. Ni électricité, ni gaz, mais la braise de bois. Il y a d'abord les viandes bouillies avec les légumes ; d'autres viandes avec sauces sont cuites et recuites, mijotées pendant des journées. Certaines, moins nombreuses, sont rôties comme le méchoui c,est-à-dire le mouton entier rôti en plein air ou bien comme ces petites brochettes de foie ou de mouton qui rappellent le chachlik. Pour toute réception, on égorge une bête : bélier, chevreau, poulet, selon la qualité de l'invité. Ce geste confère à l'accueil sa valeur : le sacrifice du sang chez les Berbères a gardé toute sa vertu. DEUXIÈME ORIGINALITÉ. — Les matières grasses pour la cuisson : peu de beurre (presque toujours rance), peu de graisse, mais surtout de l'huile. TROISIÈME ORIGINALITÉ. — Les ingrédients qui entourent le mets principal : trois l'emportent : les olives, salées ou adoucies après macération ; les oranges amères et le citron ; les amandes. Il arrive fréquemment que dans un repas on serve quatre ou cinq fois du poulet, mais préparé avec des ingrédients si différents qu'on croit avoir affaire à un plat nouveau. Le feuilleté marocain est d'une extrême finesse. Il est préparé par couches successives, trituré et roulé plusieurs fois comme des crêpes. La pastilla, c'est-à-dire un feuilleté entourant des pigeons, des œufs, des olives, est un vrai régal. QUATRIÈME ORIGINALITÉ. — Le Marocain mange de plus en plus de poisson. Les arêtes sont enlevées ou bien elles disparaissent après macération dans du jus d'orange. On mange souvent le poisson par petits cubes, tantôt chauds, tantôt froids. CINQUIÈME ORIGINALITÉ. — Le Maroc consomme beaucoup de sucre. Et les desserts sont particulièrement soignés. Les notabilités tiennent notamment à avoir des friandises particulières. Chez tel pacha, on sert du nougat frais. Les fruits confits et les confitures jouent un très grand rôle dans ces pâtisseries. Les cornes de gazelle, dont la pâte est mélangée avec des amandes pilées, ont acquis un renom presque mondial.
PLAT NATIONAL Le plat national, au Maroc comme dans les principaux pays arabes, reste le coucous, soit salé, soit sucré. Voici la recette d'après la Gastronomie Africaine, de Léon Isnard : Le couscous se sert avec une garniture de viande, et le bouillon de cuisson, dont on fait deux parties, dénommées la « marga douce » et la « marga relevée ». Proportions pour 4 à 5 personnes : Semoule dite couscous, 250 gr. ; Poule à bouillir, une ; Poitrine et épaule de mouton (Poids total), 500 g-r. ; Tomates, 500 gr. ; Pois chiches, 250 gr. ; Poivrons, navets, fèves, cardons, potirons, oignons (de chaque sorte), 150 gr. ; Sel, 30 gr. ; Poivre rouge, 10 g.; Poivre gris moulu, 3 gr. ; Epices fines pulvérisées 3 gr. ; Cumin, girofle, cannelle (de chaque-sorte) , 3 gr. Le couscous se cuit à la vapeur. Avant la cuisson, la semoule doit être étalée dans un plat. Plongez la main dans l'eau fraîche et avec la paume remuez la semoule pour lui faire absorber l'eau; recommencez l'opération jusqu'à ce que la semoule ait gonflé. S'il se forme des grumeaux, dissociez-les. Mettez ce couscous dans la passoire fine, préparez alors la marga. Dans la marmite, mettez la poule et le mouton découpés. Ajoutez-y les pois chiches que vous aurez trempés à l'eau fraîche 5 à 6 heures; mouillez avec deux litres d'eau, faites bouillir et écumez ; ajoutez tomates, courgeons, poivrons, que vous aurez grillés, navets, cardons et oignons, les fèves, le sel, les épices et le poivre. Faites reprendre l'ébullition et installer la passoire dans la marmite en sorte qu'elle ne soit pas atteinte par le liquide en ébullition, et obstruez bien tout espace susceptible de laisser échapper la vapeur sans renverser le couscous. Recouvrez la passoire du couvercle de la marmite. Comptez deux heures de cuisson, mais au bout de 40 minutes de cuisson, retirez la passoire, renversez le contenu dans une terrine, avec une fourchette, dissociez tous les grumeaux; avec la louche, recueillez la graisse qui surnage, arrosez la semoule et maniez-la bien à la fourchette, en l'arrosant avec un peu de bouillon. Avant de remettre la cuisson en route, voyez si le bouillon arrive à hauteur des garnitures, sinon ajoutez de l'eau chaude, mais sans excès. Replacez le couscous sur la marmite et celle-ci sur le feu et dès que la vapeur sortira à nouveau, comptez une heure vingt de cuisson. Réduisez à ébullition le bouillon de cuisson à 6 décilitres. Écrasez les tomates et délayez la purée avec le bouillon que vous partagez en deux récipients. Dégraissez le bouillon et arrosez le couscous avec cette graisse et ajoutez dans un des deux bols : du poivre de Cayenne, du paprika, du curry, et un soupçon de muscade ; c'est la marga relevée. Le couscous sucré se prépare avec des raisins secs, des dattes et du lait.
SERVICE DE TABLE Un repas arabe semble un repas d'amoureux. Pour table, un grand plateau de cuivre ! sur le tapis s'alignent des plats ou des bassins de cuivre recouverts de capuchons de sparterie noir et rouge. Pour chaises, de nombreux coussins. Le service est fait, chez les notables, par des négresses qui ploient gracieusement leurs bras à la manière de deux ailes. Mais qui dirait mieux qu'une chanson populaire le charme de cette cuisine consistante et si digestive, à la fois pimentée et douce, brûlante et rafraîchissante ? Louange à Dieu qui a créé les doigts pour prendre Les bouchées dans le plat Et les dents pour déchirer La viande du mouton et du poulet. Et la langue pour proclamer La douceur du concombre, Des raisins et des grenades ; Louange à Dieu, parmi les hommes libres. Aussi bien que chez les esclaves Louange, à Dieu, qui nous a gratifiés Du prince célèbre dans toutes les tribus. Notre maître, le glorieux Kouss-Kouss, Et des crêpes trempées dans l'huile. Et des poules farcies d'amandes, Et du très adorable vermicelle au beurre. Et des beignets au safran et au miel. El de cette pâte feuilletée Garnie de fruits et d'épices indiennes, Et du ragoût, fils des cendres, Et de sa soeur bien aimée. La sefa aux coings sucrés Dans la viande, de mouton !Pour se servir : les doigts. C'est un art délicat et au début une agréable douleur, car les plats sont toujours servis très chauds, d'aller, sur la carcasse d'un poulet, détacher le blanc ou bien de savoir tremper un morceau de ragoût dans la sauce odorante et d'y maintenir au-dessus un œuf doré comme une pièce de monnaie. L'hôte, quand il s'agit du mouton, détache les rognons pour faire honneur à son invité. Après chaque service, un rince-doigts en cuivre est présenté au convive et la servante verse prudemment une eau chaude et parfumée à la menthe. Pour boisson, le thé de Chine vert, introduit au Maroc au XVIII° siècle. On le prend brûlant et très sucré. Si bien que le sucre, à cause de sa grande utilisation, de sa blancheur et de sa douceur de bon augure, est devenu le cadeau le plus usuel. Si la cuisine est dans tous les pays l'aboutissement d'une civilisation, le Maroc peut supporter sans crainte cet examen. Alice AFFERGAN
Dernière édition par Pierre AUBREE le Dim 25 Jan - 18:53, édité 3 fois | |
| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:33 | |
| page 31 - Sur le fronton d'une porte de la grande Zaouia de Rabat, on lit en arabe : IL N'EST D'AUTRE DIEU QUE DIEU ET MAHOMET EST SON PROPHÈTE La Religion NON FORMULE MÉCANIQUE MAIS FOI ARDENTECÉRÉMONIES des confréries populaires, fêtes patronales des saints de la ville et de la campagne, grandes prières solennelles aux jours de fête, doctes leçons de savants hiératiques, voilà les images qui viennent à l'esprit quand on songe à l'Islam marocain. Comme tous les sentiments religieux, il revêt des teintes diverses, selon les individus, les classes sociales et les conjonctures.
L'ISLAM, JUXTAPOSITION D'ÉLÉMENTS DIVERS Jusqu'à la fin du VII° siècle de notre ère, le Maroc a vécu sous diverses influences religieuses plus ou moins profondes : culte des divinités phéniciennes sur la côte atlantique, polythéisme gréco-latin dans la zone occupée par les Romains, christianisme ensuite, judaïsme en de nombreuses régions de la plaine et de la montagne, enfin et surtout une antique religion sur laquelle se sont greffées diverses influences et sur laquelle malheureusement nous ne possédons aucun renseignement valable. C'est en somme sur un milieu religieux très fragmenté qu'est venu mordre l'Islam. En 683 de l'ère chrétienne, le chef arabe Okba b. Nafi accomplissait un raid étonnant à travers tout le Maroc, jusqu'à Tanger et à la plaine du Sous, convertissant sur-le-champ un certain nombre de chefs locaux ; mais son passage était trop bref et kairouan trop loin pour que l'Islam marocain pût se développer rapidement. Un quart de siècle s'écoula donc avant que les armées musulmanes occupassent définitivement le Maroc et qu'un gouverneur énergique, Mousab Nosaïr, obtînt, non sans violence, de nombreuses conversions. Les croyances phéniciennes avaient déjà sombré au cours des âges ; du christianisme il ne resta bientôt plus rien ; le judaïsme fut certainement fort affaibli, bien qu'aient subsisté des communautés juives vivaces, même dans la campagne et la montagne. Quant aux croyances primitives, elles demeurèrent telles quelles bien longtemps avant de se teinter d'Islam, comme elles s'étaient probablement teintées de christianisme et de judaïsme quelques siècles auparavant. La religion musulmane connut d'ailleurs au Maroc des débuts difficiles : l'hérésie geurit vite en divers points du pays, dès le VIIe siècle ; longtemps Fès, la ville fondée vers 788 par un réfugié d'Orient, fut le seul point du Maroc où l'orthodoxie restât solide. Il ne fallut pas moins de deux révolutions religieuses pour remettre les choses en ordre : successivement des sahariens voilés, les Almoravides, au XI° siècle, puis des montagnards berbères du Haut Atlas, les Almophades au XII° siècle, s'érigèrent en combattants de la foi et après avoir pris par la conquête la direction politique du pays, y rétablirent l'Islam dans son intégrité. Depuis le XIIe siècle, le Maroc n'a plus connu de luttes religieuses; bien plus, il n'a même pas connu la diversité des rites orthodoxes que l'on constate en Algérie et surtout en Tunisie : tout entier, il a embrassé le système juridico-religieux appelé malékisme. Il faut cependant noter qu'au XVe siècle, au moment où les Portugais et les Espagnols prenaient pied sur la terre marocaine, un renouveau de ferveur musulmane anima le Maroc; il se manifesta par la prolifération des confréries religieuses dans tous les coins du pays, et par le respect porté aux descendants du Prophète, ou chérifs, dont deux dynasties, les Saadiens, puis les Alaouites, encore régnants, furent sucessivement portées au pouvoir. Entre temps la Grande Mosquée de Fès avait abrité des cours de théologie, de droit et de sciences annexes de plus en plus nombreux et avait été comptée au rang des Universités musulmanes; elle recevait des étudiants de tout le Maghreb de l'Ouest et même des confins du monde noir. Voilà comment au long de l'histoire, s'est constitué l'Islam marocain. On ne saurait dire que ces éléments divers se sont parfaitement fondus en un tout homogène, en dépit de l'autorité du Sultan, descendant du Prophète; ils se sont plutôt juxtaposés sans heurts, comme se juxtaposèrent le christianisme dogmatique des théologiens, l'action catholique moderne et les manifestations naïves de la piété populaire dans l'Espagne. Aujourd'hui une nouvelle nuance d'Islam a pris racine au Maroc, comme en bien d'autres points du monde musulman. Au contact de la civilisation européenne qui apparaît, qu'on le veille ou non, comme essentiellement chrétienne, l'Islam a repris conscience de lui-même, les Musulmans ont discerné de manière plus précise leur appartenance à une même communauté qu'à tort ou à raison ils ont cru menacée dans son existence : les évolués formés aux disciplines européennes se sont faits les champions d'un Islam épuré et modernisé qu'ils s'efforcent de répandre autour d'eux.
Dernière édition par Pierre AUBREE le Lun 26 Jan - 8:32, édité 2 fois | |
| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 7 Nov - 8:35 | |
| page 32 ASPECTS PARTICULIERS Mais la fusion n'est pas encore faite entre tant d'éléments divers : on doit encore, lorsque l'on parle de l'Islam marocain, souligner la variété de ses aspects. Jusqu'à l'établissement du Protectorat, il n'y avait d'autre science que religieuse et la plupart des Marocains, sinon tous, tiennent encore pour cette conception. C'est dire l'importance des docteurs de la Loi, particulièrement des maîtres de l'Université de Fès; rappelons qu'il leur appartient traditionnellement de reconnaître la légitimité du pouvoir des nouveaux Sultans. Leur science, surtout en matière juridique, est consommée; ils façonnaient, naguère encore, presque toute l'élite dirigeante de la soc été marocaine. Leur prestige reste grand, mais quelques évolués sont venus prendre place parmi eux et tendent à introduire dans cette antique institution, un esprit nouveau, moins scolastique mais non moins ardent, analogue à celui qui anime les autres Universités africaines de Tunis et du Caire. Les descendants du Prophète, ou chérifs, jouissent du respect de tous; il faut avoir vu de quelle vénération affectueuse est entouré le chérif régnant lorsqu'il apparaît au milieu de son peuple, pour comprendre qu'il s'agit là d'un sentiment profond de l'âme marocaine. Dans les circonstances difficiles, on a tout naturellement recours aux chérifs, qu'il s'agisse de négociations entre tribus ou d'affaires familiales. Il arrive souvent qu'ils soient en outre chefs de confréries religieuses et qu'ils participent ainsi plus activement encore à la vie spirituelle du Maroc. Dirigées ou non par des chérifs, les confréries groupent un grand nombre d'adeptes. Ce sont des associations de pieuses gens qui se réunissant pour accomplir des actes surérogatoires selon un rituel mis au point par le fondateur de leur ordre, lui-même tenant d'une chaîne mystique authentique. Il est des confréries où l'on se contante de réunions privées, consacrées à la lecture et à la prière; il en est d'autres qui organisent des cérémonies publiques où la piété prend des formes naïves et parfois extraordinaires, que réprouvent les docteurs de l'Isam; l'extase alors est difficile à distinguer de la transe, la jonglerie da la piété naïve et sincère. Depuis longtemps, l'autorité chérifienne s'est attachée à ramener ces pratiques à une juste mesure en interdisant certaines manifestations publiques considérées comme peu compatibles avec la dignité de l'Islam. On touche ici à la piété populaire qui donne une grande importance au culte des Saints. Saints renommés dans tout le monde musulman, comme Moulay Abd-el-Kader Jilani, saints proprement marocains, comme Moulay Idris, patron de Fès, multitudes de petits saints locaux dont la renommée ne dépasse pas les limites d'un canton, mais qui sont bien souvent implorés par leurs fidèles et opèrent de nombreux miracles, chacun dans sa spécialité. Il est même des saints anonymes que l'on invoque devant un arbre, devant une source, sur un haut lieu, vestiges des antiques croyances du pays, tout comme nos saints de Bretagne et d'ailleurs; la preuve en est que certains sont invoqués à la fois par les Musulmans et par les Juifs. Tous ces saints ont naturellement une influence bénéfique, ardemment sollicitée par les pauvres humains soumis à toutes sortes de puissances invisibles, comme les génies et les démons; c'est tout un monde supranaturel, étroitement lié au monde charnel et qui rend nécessaire la connaissance de pratiques destinées à neutraliser les mauvaises influences. Ici interviennent les exploiteurs de la crédulité populaire : devins, exorciseurs, sorciers, dont le Sous et le pays noir fournissent le plus grand nombre. L'Islam, fort de sa supériorité essentielle, est tolérant à leur égard; aureste, ne se réclament-ils pas de lui, n'usent-ils pas fréquemment de formules coraniques ou pieuses? Quelque forme que revête l'Islam marocain, qu'il se présente comme la religion éclairée du lettré ou comme la naïve superstition du populaire, il commande le respect par l'emprise qu'il exerce sur les âmes. Il faut, pour s'en convaincre, assister à l'une de ces grandes cérémonies publiques où des milliers de fidèles adorent d'une seule voix Dieu l'Unique, il faut parcourir les rues d'une ville marocaine pendant la vingt-huitième nuit du Ramadan, il faut vivre ce Ramadan chargé d'aspirations mystiques partagées par tout un peuple, pour comprendre que la piété marocaine n'est pas faite de gestes vides ni de formules mécainiques, mais que, sous toutes ses formes, elle est la manifestation d'une foi ardente, sincère, exaltante. Roger LE TOURNEAU. LE CULTE DES SAINTS LE culte des saints est très développé au Maroc. Le nom des grands saints est précédé du titre de Moulay; celui des autres, du titre de Sidi; celui des saintes, du titre berbère de Lalla. Le combattant des guerres saintes, tué contre l'infidèle, s'appelle Mrabet; d'où le mot français « Marabout » qui a fini par supplanter les autres termes employés pour désigner les saints Ouali, Siyyed, Salih. Le tombeau correspond à l'importance des saints. Pour les saints importants, il est signalé par une coupole plus ou moins luxueuse (koubba) ; pour les saints plus modestes, par une murette circulaire (haouich). La Zaouia. La chapelle qui renferme le tombeau du saint et ses dépendances (un oratoire et une maison d'hôtes) porte le nom de Zaouia. A sa tête se trouve un Moquaddem chargé de centraliser et de répartir les revenus. La Zaouia rappelle, par plus d'un point, nos monastères. Par son organisation matérielle : elle possède des terres acquises par achat, par legs pieux ou donation de mainmorte. Par son organisation, la Zouia mère donne naissance à des filiales, plus ou moins nombreuses. Par son esprit religieux : foyers intenses de religion, les Zaouia animent et vivifient l'Islam, et parfois développent la superstition plutôt qu'une foi raisonnable et sincère. Enfin, par son rôle culturel : beaucoup deviennent des centres d'enseignement religieux. Un important mouvement de réforme s'est développé au Maroc contre certains abus. II est représenté notamment par la confrérie des Aliya dont les Zaouia sillonnent actuellement le territoire du Maghreb. Elle essaie à la fois de donner une culture moderne étendue, et une formation religieuse solide, soulignant que « l'Islam est avant tout une doctrine humaniste et rationaliste dans sa spiritualité ». La Zaouia de Rabat comprend 150 élèves; celle de Casablanca 750. La confrérie Aliya entend fonder des maisons similaires dans toutes les villes du Maroc et de l'Afrique du Nord, même à Paris ou à Marseille. Le horm. Le territoire qui renferme le tombeau des saints est un territoire sacré « horm », un asile inviolable. Ces territoires sont la propriété des familles qui descendent du saint. Ils sont exempts de taxes d'Etat et échappent à l'autorité directe du Makhzen. Les descendants du saint prélèvent certaines taxes spéciales et perçoivent les dons des pèlerins, notamment lors de la fête patronale qu'on appelle « moussem ». Le « Moussem ». Pour les grands saints, par exemple Sidi Mousa à Sale, ou Moulay Idriss, près de Meknès, les fêtes revêtent un grand éclat. Comme partout, les marchands proposent des cierges peints, des chapelets, des nougats, décorés du nom du saint. Paralytiques, infirmes, aveugles, accroupis près des murs, implorent la bénédiction du saint ou la pitié des passants. Mais les « pardons » marocains ont un aspect tout particulier, non seulement par le grand déploiement de la foule mais davantage encore par le nombre des divertissements dont ils sont le prétexte : violons, luths, mandolines, tambours et flûtes se déchaînent pour exciter les danses. Partout on respire l'odeur de la poudre. Ce sont les cavaliers des tribus qui, sur leurs petits chevaux blancs ou noirs au cou épais et court, font la fantasia. Brandir le fusil, abandonner les rênes, porter les mains aux têtes pour prouver son adresse, mettre en joue un ennemi imaginaire, décharger les fusils tous ensemble, les lancer en l'air, les rattraper, tourner au galop, s'arrêter brusquement : cette chevauchée dure 7 minutes, mais donne aux grandes fêtes marocaines, un éclat incomparable.
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mar 13 Nov - 17:53 | |
| page 33 - Salle des prières à la Medersa de Fès. Un musulman est accroupi devant le Mirab, partie orientée vers La Mecque.
- Détails en stuc de la coupole à 16 pans de la grande mosquée de Taza du XII et Xllle siècle. Le lustre pèse 32 quintaux.
- Le minaret et la cour de la mosquée de Bou Inania à Fès, du XIVe siècle, remarquables par la beauté des proportions.
- Une mosquée moderne à Bou Jniba dans la région des phosphates de Hourbga ; on remarque la sobriété des lignes, et aussi le minaret quadrangulaire essentiellement moghrébin.
- Un marabout bien caractéristique du Maroc : une coupole, un tertre plus ou moins désolé. C'est la sépulture de SIDI YAHIA, dans la région riche en cultures des Béni Hassene.
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mar 13 Nov - 17:57 | |
| page 34 - Le temple de VOLUBILIS. — Cette colonne a traversé 20 siècles. Elle reste debout pour attester le génie des colonisateurs romains de la Mauritanie et la prospérité de cette Volubilis aux premiers siècles de notre ère. Les Carthaginois avaient précédé les Romains, Il ne reste rien de la civilisation punique. L'empreinte romaine, elle, subsiste ineffaçable. Confluent d'histoire - PLUS que celui de l'Algérie, et même de la Tunisie, le passé du Maroc a pesé sur l'histoire et sur l'évolution humaine. Deux faits fondamentaux expliquent ce passé : l'isolement géographique à l'abri de la barrière des Atlas qui fait de son histoire une succession de périodes de solidarité avec les autres parties du Maghreb, séparées par des périodes de repli sur lui-même, et la forte personnalité des populations berbères qui l'habitent depuis les temps les plus reculés. Cet isolement et cette personnalité ont fait du Maroc un creuset où sont venus se fondre et perdre leurs traits propres tous les envahisseurs qui s'y sont succédé. Dès les temps historiques les plus anciens, les Berbères sont installés au Maroc. De race méditerranéenne, apparentés sans doute aux Ligures des rives européennes de la Méditerranée occidentale, ils ont la même organisation que de nos jours. La cellule sociale essentielle est, plus que la tribu, la fraction de tribu, réunion de quelques centaines de familles, organisées sur des bases démocratiques, jalouse de son indépendance, dirigée par une Assemblée de notables plus que par un chef vraiment fort. La solidarité de la tribu ne joue guère qu'aux heures du danger ou des grandes entreprises. Au premier plan souvent, à l'arrière-plan toujours, l'histoire du Maroc est dominée par les luttes entre tribus berbères, luttes intestines ou luttes pour la domination ou l'indépendance. D'où l'importance capitale pour cette histoire de la distinction entre les trois grandes familles de tribus : les Masmouda, les plus anciens occupants du sol, refoulés aujourd'hui dans les montagnes du Haut-Atlas ; les Sanhadja, parents des Kabyles, venus de l'est peu avant l'ère chrétienne, nombreux surtout dans le sud du Moyen-Atlas ; les Zenetes enfin, qui, venus du VIIIe au XIIIe siècle, et d'ailleurs fondus avec les Arabes, dominent dans les plaines et au nord du Moyen-Atlas.
AVANT L'ISLAM
APRES le peuplement berbère, la conquête islamique a été le fait historique essentiel. Il y a eu pourtant auparavant un Maroc phénicien et carthaginois, puis un Maroc romain, juif et chrétien. C'est essentiellement par les Carthaginois que la civilisation phénicienne a marqué le Maroc. Avant eux, en effet, les Phéniciens n'ont guère, à notre connaissance, fondé qu'un seul comptoir, celui de Russaddir, au XII° siècle avant J.-C. sur l'emplacement de l'actuelle Melilla, simple escale d'ailleurs, vers le riche pays minier de Tartessos, au sud-est de l'Espagne. Les Carthaginois au contraire tendent au Maroc — et pour lui-même — leur charme méditerranéen de comptoirs africains à Lixos (l'actuelle Larache) dès le VIII° siècle, fenêtre ouverte sur l'Atlantique, marque alors l'extrême avancée de leur activité vers l'ouest. C'est de cet avant-poste qu'Hannon, au VI' siècle, entreprendra son périple africain, fondant au passage de nouveaux comptoirs, notamment Ila (Salé) et Mogador. La civilisation carthaginoise d'ailleurs pénètre à l'intérieur et les Arabes en trouveront des survivances vers Fes. L'empire Carthaginois abattu, Rome n'a plus trouvé au Maroc qu'une poussière de tribus où elle s'est bien gardée d'abord d'intervenir. Cependant, héritière des comptoirs côtiers de Carthage, tenue, de par ses traditions terriennes de les relier par une occupation territoriale continue, elle a été amenée à fonder au Maroc une province, la Mauritanie Tingitaine (c'est-à-dire de Tanger). Mais ce fut une province tard formée (en 48 seulement après J.-C., sous Claude) de faible étendue, puisqu'elle ne communiquait que par mer avec la Mauritanie césarienne ou algérienne et que le limes qui la protégeait vers le sud contre les turbulences des Berbères, contournait au nord le Moyen Atlas pour aboutir sur l'océan à quelques kilomètres au sud de Rabat. Cependant, dans ce coin de Maroc, l'influence de la civilisation romaine est profonde. Elle est véhiculée par les vétérans de la cavalerie maure, dont le recrutement est intensif et elle se traduit par un réseau routier qui prolonge celui de l'Espagne, par les villes comme Sala et Volubilis, et surtout, à partir du III° siècle, par les facilités qu'elle procure à l'évangélisation du pays, évangélisation si profonde que l'église marocaine compte au IV° siècle quatre évêchés. Mais l'esprit frondeur des Berbères se manifeste aussi dans l'accueil fait aux côtés des chrétiens, aux hérésies les plus diverses et aux prosélytes juifs. A la fin de l'Empire, les communautés juives semblent avoir été les plus nombreuses que partout ailleurs dans le monde romain. Le Maroc romain et chrétien s'achève au V° siècle avec les grandes invasions germaniques. Du début du 5" siècle à la fin du VII°, c'est-à-dire pendant près de 300 ans, les Vandales n'ayant fait que passer et la conquête byzantine s'étant limitée à la seule ville de Ceuta, le pays retourne à son émiettement : communautés païennes, juives et chrétiennes vivent côte à côte, repliées chacune sur elle-même.
SOUS L'ISLAM
- C'EST avec la conquête musulmane que le Maroc entre réellement dans l'histoire. Cette conquête, rapide, s'est faite en deux temps : le raid d'Ogba, qui, en 684, entré dans le pays par Taza, galopa par les plaines occidentales jusqu'au Sous ; celle, plus sérieuse, de 704, qui assura la conversion du pays. La conquête fut facilitée par deux faits. L'islamisme, par une simplicité des croyances et le caractère démocratique des institutions proposées, convenait aux aspirations profondes des Berbères. Ceux-ci furent d'autre part associés d'emblée à l'achèvement de la grande aventure : c'est sous un chef berbère Tarik, qui a donné son nom à Gibraltar (le Djebel Tarik) que l'Islam a conquis l'Espagne après la victoire de Xérès par les Wisigoths (711). Mais le rattachement du Maroc à l'immense Empire des Arabes ne peut être durable. Dès le milieu du VIII° siècle, le particularisme des Berbères l'emporte. Ils participent, avec leurs frères de races des autres parties du Moghreb, à la révolte contre les khalifes de Damas, des Kharedjites qui veulent un khalife élu. A cette occasion ils reprennent leur indépendance. L'histoire du Maroc musulman commence. Du 8e au 19e siècle, les dynasties marocaines se succèdent, essentiellement berbères et musulmanes. Essentiellement berbères en ce sens que chacune est fondée par le chef d'une tribu particulière et qu'aucune ne parvient à les soumettre toutes à son autorité. Essentiellement musulmanes en ce sens que chaque fondateur de dynastie couvre son action d'une raison ou d'un prétexte religieux, et que chacun cherche à étendre sa domination hors du Maroc, même si son autorité ne s'exerce pas sur la totalité du pays même.
LES IDRISSIDES
La première dynastie qui compte est celle des Idrissides. Inaugurée par Idri I, un parent d'Ali, gendre de Mahomet, en 783, elle eut pour plus illustre représentant Idris II qui fonda Fez en 808, près de la romaine Volubilis. Elle a ceci de remarquable qu'elle fut l'œuvre — fait unique dans l'histoire du Maroc — d'un arabe authentique. Il est vrai que dès la 2° génération, avec Idris II, fils d'une berbère, le sang autochtone ... / ...
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mar 13 Nov - 18:03 | |
| page 35 - Les tombeaux des Saadiens, à Marrakech ont été — par une chance rare au Maroc — préservés. Colonnes de marbre, mosaïques, marqueteries, poutres de cèdre, créent un ensemble d'une pureté harmonieuse. Là gisent les conquérants de Grenade et de Séville : et Mansour le Victorieux et Abd Allah le Terrible...
... / ... reprenait le dessus, et que cet Arabe représentait la légitimité mahométane contre l'usurpation des Ommadès, dont un représentant chassé de Syrie, régnait à Cordoue. D'autre part, fondée par un fugitif, la dynastie ne s'était implantée qu'à la faveur de la révolte kharedjite qui avait favorisé par ailleurs au Maroc la fondation d'autres petits Etats indépendants, dont le plus important — plus puissant même et qui devait se révéler plus durable que celui des Idrissides — était celui des Berbères du Haut-Atlas avec pour capitale, Sidjilmassa. Enfin la dynastie idrisside fut éphémère et s'écroule vite sous les coups d'un retour offensif des Ommade d'Espagne.
LES ALMORAVIDES
La période idrisside n'était guère que préparatoire. En fait la première grande dynastie est celle des Almoravides qui domine du milieu du XI° au milieu du XII° siècle. A ce moment, l'invasion Malienne avait encore accentué l'anarchie régnante, bien que cette nuée de tribus d'Arabie, jetées par le khalife fatimide du Caire sur le Maghreb pour le châtier de son refus de soumission, eut moins affecté le Maroc que l'Algérie ou la Tunisie, elle n'en a pas moins installé dans les plaines un élément de population entièrement nouveau, essentiellement mobile et nomade qui renforce presque aussitôt l'arrivée des dernières tribus zénètes facilement arabisées. La conquête almoravide, dans ces conditions, apparaît à certains égards comme une réaction berbère contre la deuxième invasion arabe. L'événement est un des plus connus de l'histoire marocaine : on sait comment une tribu, celle des Zénaguen, venue du Haut-Atlas jusqu'aux confins du Sénégal auquel elle donna son nom, se fit le champion d'un retour aux pratiques ascétiques de l'Islam primitif, à l'instar de quelques ermites groupés dans un ribat ou monastère d'une Ile du bas Sénégal autour d'un saint, Yaya ben Ibrahim. Les hommes du ribat sont des Almeravides. Leur irrésistible poussée guerrière, non seulement réalisa pour la première fois une approximative unité marocaine par la prise de Sildjilmassa, puis de Fez, et par la fondation de Marrakech en 1056, mais, débordant ses frontières naturelles, lui rattacha, avec Tlemcen, l'Algérie orientale et, par une tardive mais décisive revanche sur le khalifat ommade de Cordoue, l'Espagne musulmane. Brillant empire éphémère et qui dura 80 ans à peine. Grisés par leur puissance, les souverains almoravides tombent dans les vices dont la dénonciation avait assuré leur succès : le luxe, le despotisme. Un nouveau mouvement d'ascétisme surgit pour restaurer les principes de justice et de simplicité pour tous : d'où le nom d'Unitaires (El Nouhabittin) que se donnent ses disciples et celui d'Almohades que prend la dynastie. Elle a pour instigateur Ibn Toumert, un saint du Haut-Atlas revenu de La Mecque, et pour soutien, une tribu du Maroc Oriental, dont Ibn Toumert a converti le chef, Abd El Noumen. C'est un jeu pour Abd el Noumen de conquérir le Maroc et l'Espagne et même dans son irrésistible élan, toute l'Afrique du Nord. Ce puissant empire se maintient sous Yakoub el Mansour qui fonde Rabat et sous lequel la dynastie atteint son apogée (1184-1198). Mais l'Empire se disloque après lui.
LES MERINIDES
Troisième grande dynastie, les Merinides supplantent les Almohades. Elle a pour fondateur Abou Yaya, chef de la tribu des Béni Merin, originaire du Maroc oriental et que les Almohades avaient engagée comme troupe mercenaire. Plus solide que les précédentes, elle dure trois siècles, de la prise de Fes par Abou Yaya en 1248, à la perte de Fez en 1520. Cantonnés d'abord prudemment au Maroc et au sud de l'Espagne, les Merinides tentent à leur tour au XIV° siècle, la grande aventure de l'unité nord-africaine. Après la prise de Tlemcen, au terme d'une lutte acharnée, Abou Hassan atteint la Tunisie. Mais il est tué par les Arabes des steppes du sud. C'est la dernière tentative en ce sens des sultans marocains, les successeurs d'Abou Hassan chassés aussi d'Espagne, se cantonnent au Maroc. Affaiblis par leurs échecs ils ne peuvent même y faire régner l'ordre. Les révoltes se multiplient. A la faveur de cette anarchie, la reconquête chrétienne se transforme en contre-offensive. Les Espagnols s'installent sur les côtes méditerranéennes, tandis que les Portugais, dans leur méthodique descente vers l'Atlantique sud, fondent des comptoirs sur les côtes océaniques du Maroc, à Mogador, Mazagan, Safi, etc... Cette pénétration des infidèles, qui semble préluder à une conquête totale du pays, hâte la chute des Merinides, et marque la fin des dynasties purement berbères. Successivement deux dynasties qui revendiquent des ascendances arabes, Saadiens et Alaouites, vont imposer leur autorité au Maroc. Leurs chefs se donnent pour des descendants, les uns d'Idrls, les autres d'Ali; aussi les appelle-t-on dynasties chérifiennes.
LES SAADIENS
Originaires du Droa, les Saadiens s'installent d'abord solidement au Sous où ils s'organisent pour lutter contre les infidèles en même temps que pour conquérir le pouvoir. A peine maîtres de Fez et de Marrakech (1520), ils chassent les Portugais des ports atlantiques. Mais au lieu d'orienter, comme leurs prédécesseurs, leurs ambitions vers l'est où ils se heurtent aux Turcs alors à l'apogée de leur puissance, le souvenir de leurs origines sahariennes leur fait tourner leurs armes vers le sud. En 1560, les armées d'Abbas el Hanaour franchissent le désert, prennent Tombouctou et soumettent le Soudan et le Sénégal. Après les solidarités ibériques et nord-africaines, viennent les solidarités soudanaises.
LES ALAOUITES
Mais à leur tour les sultans saadiens paraissent tièdes à leurs fidèles. Leur dynastie ne dure qu'un siècle. Elle s'efface au, XVII° siècle devant la dynastie Alaouite, dont les souverains règnent encore aujourd'hui. Une fois de plus, c'est une tribu originaire cette fois du Tafilet qui lève l'étendard de la révolte. Une fois de plus elle rallie d'autres tribus frondeuses avant l'attaque décisive. Enfin, après avoir consolidé leur pouvoir dans la région d'Oudjda, les Alaouites, par la prise de Fez, consacrent l'avènement de leur dynastie. Deux différences pourtant avec les dynasties précédentes et qui expliquent qu'elle ait été plus durable. D'une part elle renonce aux conquêtes lointaines, aventureuses et éphémères et s'attache essentiellement à consolider son autorité à l'intérieur du pays par une organisation méthodique de l'administration, ou Maghsen, dont les Saadiens avaient jeté les bases. D'autre part, descendants d'Ali, les Alaouites ont une autorité religieuse supérieure à celle de leurs prédécesseurs. Mais la puissance de l'Etat n'en dépend pas moins de la personnalité du souverain. Le plus grand a été Moulay Ismaïl (1672-1727) contemporain du Roi Soleil, dont il fut l'admirateur et l'émule, au point qu'il demanda la main d'une de ses filles. Meknès, fondé par lui, fut son Versailles. Mais surtout, par la création d'une garde noire recrutée en dehors des tribus, aveuglément fidèle, par ses tournées incessantes dans toutes les parties du Maroc, il soumit pour la première fois le pays tout entier à l'autorité du souverain. Après lui malheureusement, c'est la décadence, momentanément arrêtée à la fin du XVIII° siècle par son petit fils Sidi Mohammed, digne héritier de son activité. Mais, au XIX° siècle, replié sur lui-même, le Maroc se résigne à son anarchie. Après Moulay Ihman (1792-1822) qui se fait interdire par l'Europe la course et l'esclavage des chrétiens, après Abd el Khaman (1822-1857) qui se fait battre par la France, et Sidi Mohammed (1857-1872) qui se fait battre par l'Espagne et ne doit son salut qu'à l'intervention anglaise, Moulay Hassan (1873-1894) fait le dernier figure de grand souverain en luttant inlassablement contre les tribus insoumises. Mais l'histoire du Maroc indépendant prend fin avec Abd Ul Aziz (1894-1908). Pacifique, inactif, ignorant, il se rendit odieux par un modernisme de mauvais goût qui lui fait acheter les objets les plus hétéroclites, par sa fiscalité maladroite et sa docilité envers l'étranger. La crise intérieure se précipite sous son règne et détermine, par ses incidences, la fin de l'indépendance marocaine. R. M.
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mar 13 Nov - 18:09 | |
| page 36 - Douro d'argent datant du règne du sultan Moulay-Hafid. AVANT 1912: L'ANARCHIE RÈGNE- SUR le Maroc avant le protectorat, nous avons deux témoignages importants : Le premier est signé par Charles de Foucauld et s'intitule : Reconnaissance au Maroc. L'officier de cavalerie qui, plus tard, devait devenir l'« Ermite du Sahara », s'est placé surtout à un point de vue géographique, ethnique et militaire. Le second témoignage, dû à Maurice Le Glay, est davantage politique. Il comprend une série d'ouvrages, notamment : Chronique marocaine ; La Mort du Rogui ; Récits marocains de la plaine et des monts, en cours de réimpression; Les Pasteurs ; Les Sentiers de la Guerre et de l'Amour. Débarqué au, Maroc dès 1908, et plus tard Contrôleur Civil, il a connu l'empire chérifien sous ses deux faces : avant et après le protectorat D'aucuns l'ont comparé à Rudyard Kipling. Sans doute y a-t-il une part d'excès dans cet éloge. Le Glay n'a ni la puissance de synthèse ni le trait évocateur et incisif dans l'analyse qui distinguent le grand conteur britannique. Du moins son tableau de l'anarchie chérifîenne en 1911 est-il direct et concret. On sent qu'il a vu, de ses yeux, et en quelque sorte palpé avec tous ses sens, cette terre où un empire vieux de 300 ans semblait entrer en décomposition. Il importe de relire ces pages qui doivent servir d'utile sujet de méditation à tous ceux qui voudraient laisser le Maroc abandonné à son propre destin et à sa seule administration. Nous avons glané, avec l'aimable autorisation de l'éditeur, dans Chronique Marocaine, ouvrage paru en 1933 aux éditions Berger-Levrault (actuellement épuisé), les notes-ci-après:
IL y avait deux Maroc, le bled Makhzen qui obéissait plus ou moins au Sultan, le bled Siba qui ne voulait rien entendre, définition inexacte ou plutôt trop nette, trop simple, car il y avait dans la dissidence des esprits en pays Siba des nuances que je vais tâcher de faire apparaître. Le bled Siba, c'était le monde berbère, et encore pas tout entier; pouvait passer en « Siba » telle fraction de l'obédience makhzen qui, prise d'un accès de mauvaise humeur, tuait ou chassait le représentant du sultan et se déclarait en état de révolte, Ce monde berbère, immense, présentait en ce qui concerne ses rapports avec le sultan, deux attitudes différentes. Toute la partie sud-ouest du Maroc, celle dont Marrakech est le centre commercial et, le pôle de gravitation, le Haouz, c'est-à-dire la plaine de Marrakech, puis les deux versants du Grand Atlas, puis le Sous depuis Tiznit jusqu'au cours supérieur de l'oued Draa, admettait parfaitement l'autorité du Sultan, lui rendait hommage au besoin. Mais cette autorité lointaine et virtuelle avait dû, pour se faire admettre nominalement, accepter un compromis avec l'esprit démocratique berbère et les caïds nommés par le sultan devaient compter avec l'opinion publique et marcher obligatoirement d'accord avec la Djemmaa, l'assemblée berbère... En fait, dès qu'elle quittait Marrakech, l'autorité chérifienne n'était jamais complètement sûre de sa force. Il y eut là pour les sultans une préoccupation constante qui apparaît bien dans les privilèges que Moulay Hassan, le plus politique des souverains marocains de notre temps, dut accorder aux gens du Sous pour les garder en mains. Ne leur permit-il pas l'usage de leurs coutumes berbères alors que lui, sultan, était sur cette terre mograbine la plus haute personnification, le plus ferme soutien du Chraa intégral, de la loi religieuse intangible ! Mais, comme il arrive toujours dans telles républiques soumises aux excès de l'opinion populaire, il s'est produit maintes fois que, dans certains cantons, des dictateurs ont surgi et ont maté l'anarchie des communautés berbères. On les vit, par exemple, se réclamer d'origines plus ou moins certaines, mais vénérées, se réclamer aussi des Sultans et de leur prestige mystique, des Sultans qui, tout heureux d'une si belle occasion, les intronisèrent et, en échange de leur serment d'allégeance, firent d'eux leurs représentants, les admirent dans leur Makhzen glorieux avec tous les avantages moraux et matériels qu'une telle situation comporte. Par contre, bien différents me sont apparus les sentiments et l'attitude des tribus du Maroc central à l'égard du Sultan et du Makhzen. En ces parages, l'autorité chérifienne n'avait pas à tenir pour l'excellente raison qu'elle ne se manifestait pas et qu'elle était reniée absolument par toutes les populations comprises dans les limites que j'ai dites. On savait déjà qu'en 1908, Moulay Hafid, voulant aller se faire proclamer à Fez et désireux d'éviter les troupes françaises des Chaouia, sachant aussi fort bien que les Zemmour ne le laisseraient pas passer, dut solliciter le secours de Moha ou Hammou, chef dictateur des Zaïane confédérés, pour pouvoir, et malgré cela à grands risques, gagner la plaine de Meknés par le nord des Zaïane. On sait par la mission militaire que, parvenu à Fez, la première chose qu'il demanda à cette mission fut de le protéger contre les Berbères du Maroc central en tenant fortement la région de Sefrou et en brisant l'effort des Béni Mtir, puis en contenant les Djebala. Et en fait, au même moment, l'hostilité des Berbères du Maroc central était telle que Moulay Hafid n'aurait pas pu, avec 10.000 hommes, aller de Fez à Meknès et surtout en revenir. On peut avec quelque intérêt comparer l'étrange situation que j'ai dite à celle d'aujourd'hui. Le Maroc entier est revenu à l'obédience de ses maîtres traditionnels qui ont d'ailleurs eux-mêmes changé de méthodes et d'esprit. Les populations les plus lointaines et les plus sauvages, celles qui, tout en admettant l'autorité religieuse du Sultan , refusaient de lui rendre hommage et même de le voir, ont été amenées au pied de son trône et, sans contrainte, leurs notables au complet entourent maintenant le souverain lors des assemblées rituelles. Et nous sommes loin, quand j'y pense, de ces cérémonies de la Hédia, de l'Hommage, que j'ai vues jadis à Fez et qui avaient un tout autre caractère. Alors, pour aller, pas bien loin, du Méchouar à la Msallah de Bab Segma, Hafid, sombre, farouche et inquiet, chevauchait entouré de sa garde noire débraillée, vêtue de loques, dégoûtante d'aspect. Ce cortège cheminait vers le lieu de prière que nous autres de la Mission encadrions d'un carré de baïonnettes tandis que, dans le haut du cimetière, entre un tabor d'infanterie choisi parmi les plus fidèles et une section d'artillerie, je veillais au salut du souverain. De là, je voyais le Sultan, nerveux, faire ses gestes rituels, puis reprendre son cheval aller au devant des émissaires de tribus venus pour l'honorer et renforcés de nombreux figurants. C'était le moment critique, spécialement recommandé à notre vigilance. Cela d'ailleurs allait très vite, le Sultan étant pressé d'en finir et l'assistance inquiète de rester sous la menace de cette troupe, qui, sur son flanc, se tenait prête à mitrailler. C'était, je vous assure, une heure joyeuse pour tous. Cette heure passée, il restait au Sultan tout au plus 300 mètres pour être à l'abri dans le Méchouar. Ces 300 mètres, la coutume, l'ineffable mais bien opportune « quaïda » voulait que le cortège les fît au trot. Et alors, c'était vers l'abri une course échevelée. Enfin, la porte, dans le grand mur, se refermait sur le Sultan, son cheval et le parasol, et je criais à ma troupe : « Repos ! » Certes, l'administration française a de nombreux défauts et commet des erreurs, mais tel qu'il est le protectorat a fait en vingt ans du Maroc quelque chose de beau, d'habitable et de sûr. En particulier, la France a rassemblé tous les éléments d'un Empire qui, avant elle, s'en allait en lambeaux. Et le Sultan du Maroc est vraiment Sultan d'un pays qui a bon air et d'un peuple respectueux. Maurice LE GLAY.
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 14 Nov - 8:32 | |
| page 37 - Si KADDOUR BEN CHABRIT, entouré de ses collaborateurs, sur les marches de la Grande Mosquée de Paris, le jour de l'AID SEGHIR. En 1911, L'Allemagne voulait dépecer le Maroc
MAIS LA FRANCE NE CÉDA POINT C’ÉTAIT en 1911 à Agadir ; la canonnière « Panther » montait une garde théorique sur la vie, les biens et intérêts allemands dans le Sous où il n'y avait en fait ni Allemands ni intérêts à défendre mais uniquement des visées d'annexion de Berlin, sous l'influence des frères Manesmann dont les prospecteurs avaient reconnu les richesses minières du Maroc méridional.
A Fez, nous étions enfermés avec le Sultan Moulay Hafid tandis que les Beni-M'tir assiégeaient la capitale. Le Sultan et le Makhzen redoutaient le massacre ; un sort pareil menaçait particulièrement la colonie européenne composée d'Anglais, de Français, d'Espagnols, d'Italiens, etc.
Quoique issu de la Guerre Sainte, le nouveau Sultan n'avait aucun moyen de se protéger des tribus en insurrection, aucun moyen sauf celui qu'il sollicita lui-mémé de la france, c'est à dire d'appeler à son secours le corps expéditionnaire de débarquement Français de Casablanca. Cest par la marche rapide de ces troupes vers Fez que les Beni-M'tir ont levé le siège de la ville, et le Général Moinier a occupé la capitale chérifienne sans coup férir. A Paris, l'alerte diplomatique n'était pas moins vive. La France installée à Fez, c'était là un évènement dont les Allemands tiraient contre elle arguments et menaces de guerre. Fez étant dégagé, je pus rejoindre le Grand Vizir El Mokri, en mission à Paris depuis novembre 1909. En septembre de la même année, je dus faire une visite à M. Messimy, Ministre de la Guerre. Je trouvai le Ministre dans son bureau, rue Saint-Dominique, debout devant une large carte du Maroc, et ses premiers mots en me voyant : — Cher Si Kaddour, nous traversons en ce moment une période angoissante... — Que se passe-t-il, monsieur le Ministre ? — Les Allemands nous demandent tout simplement la disparition du Maroc de la carte de géographie. — C'est-à-dire ? — Le partage de l'Empire Chérifien entre l'Espagne, la France et l'Allemagne ; cette dernière s'installerait dans le Sous (Agadir, Taroudant, Tiznit, etc.) ; l'Espagne prendrait le Maroc septentrional jusqu'au Sebou, c'est-à-dire jusqu'aux portes de Fez, et sur l'Atlantique jusqu'à Kenitra (l'actuel Port-Lyautey) ; la France, elle, aurait la liberté, entre ces deux zones, d'agrandir son territoire algérien. — C'est-à-dire, monsieur le Ministre, le Maroc n'existerait plus ? — C'est ce que nous demandent les Allemands. — J'espère, monsieur le Ministre, que la France ne consentira jamais à ce que le Maroc des Sultans, après treize siècles d'indépendance et de civilisation, subisse le sort que Berlin entend lui réserver. C'était l'avis du Ministre de la Guerre. J'ai ajouté, d'ailleurs, que si pareil fait venait à se produire, il faudrait s'attendre à un soulèvement général dans l'Empire Chérifien. Pour ma part, et sur l'heure, je n'hésitai pas à faire connaître au Grand Vizir qui résidait toujours à Paris l'étendue du danger qui menaçait le Maroc. Il me chargea de demander une audience au Ministre des Affaires Etrangères, à l'époque M. de Selves, audience qui fut accordée pour le lendemain. Au cours de l'entretien que S. E. El Mokri eut avec le Ministre des Affaires Etrangères, le Représentant de Sa Majesté déclara qu'il était parvenu à sa connaissance que des visées étrangères sur l'Empire Chérifien touchant l'intégrité du territoire avaient été manifestées et qu'il venait protester de la part de son Maître contre toute atteinte à cette intégrité. Le Ministre des Affaires Etrangères répondit au représentant du Sultan en enveloppant sa déclaration de finesse et de courtoisie. Le charme de ses réponses diplomatiques n'avait d'équivalent que leur imprécision, dissimulant au mieux ses réelles inquiétudes et davantage son embarras, tout en donnant au Grand Vizir El Mokri l'assurance que la France défendrait dans la mesure de ses moyens les intérêts de l'Empire Chérifien. L'audience terminée, Si El-Mokri regagna son domicile. Je me dirigeai vers le bureau de M. Philippe Berthelot alors directeur politique, à qui je fis part de notre visite au Ministre et des réponses reçues. Alors, M. Berthelot me confirma aussitôt, clairement et sans détour diplomatique, la réalité des propositions allemandes. « Mais, ajouta-t-il, rassurez le représentant du Sultan ! la France ne cédera pas ! » On connut plus tard par les « Livres jaunes » et par diverses publications, notamment les Mémoires de M. Caillaux, les péripéties de cette lutte dont la France et d'abord le Maroc lui-même sortirent vivants par la cession à l'Allemagne du Congo et d'une partie du Cameroun. Si KADDOUR BEN GHABRIT.
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 14 Nov - 8:35 | |
| page 38 — Dans une clairière, où vient de s'installer un camp volant, des officiers conversent avec des chefs de partisans. — Pour transporter rapidement les troupes, le maréchal Lyautey avait déjà organisé la motorisation. DIFFÉRENTES PHASES DE La Pacification - DEPUIS le milieu du 19e siècle d'ailleurs la destinée française du Maroc s'inscrivait dans le déterminisme de l'histoire. Très exactement depuis la conquête de l'Algérie. Le Sultan avait d'abord vu d'un œil favorable l'occupation d'Alger : il espérait que la défaite des Turcs, adversaires traditionnels de son pays, lui permettrait de rattacher Tlemcen à son empire. L'opposition française à ce dessein changea ses sentiments. Il accueillit Abd El Kader chassé des Hauts Plateaux d'Oranie et l'aida dans son entreprise de guerre sainte, mais la défaite infligée à ses troupes par Bugeaud sur l'Isly le contraignit à entr'ouvrir son pays à la France. Par la convention de Lalla Marnia (1845) qui fixa, non pas les frontières, mais les tribus dépendant respectivement du Maroc et de l'Algérie, la France obtint — et c'est là le fait capital — un droit de suite en territoire marocain contre les tribus qui feraient des incursions en Algérie. Sous le Second Empire, elle usa largement de ce droit. De Hartemprey poussa jusqu'à la Moulouya en 1859, de Wimpfen, plus au sud jusqu'à l'oued Gher à la veille de 1870. Sous la III° République la France évita, d'abord, d'exercer son droit de suite. Cette modération permit à son influence de s'exercer sur un plan plus général : en 1877, c'est à une mission militaire française que recourt Moulay Hassen pour organiser son artillerie et chercher à soumettre les tribus montagnardes. Mais la France perd bientôt cette situation privilégiée. Quelques tribus riffaines révoltées ayant sollicité le protectorat de l'Espagne, celle-ci, pour ne pas mécontenter l'Angleterre, préféra recourir à un règlement international de la question. Par la convention de Madrid (1880), le Sultan donna des garanties pour tous les étrangers installés au Maroc. C'est la porte ouverte à tous les pays, et non plus seulement à la France. L'homme malade de l'oued musulman semble préférer les remèdes internationaux aux remèdes français. Dans les premières années du 20e siècle pourtant la situation se renverse et le protectorat français se prépare à !a suite de trois séries de faits : 1° LES ACCORDS FRANCO-MAROCAINS DE 1901 ET 1902 : ils sont provoqués par la reprise de l'activité militaire française qui se traduisit par l'occupation des oasis du Tidikel, du Touat et du Gouarara, aux confins du Sahara algéro-marocain. L'occupation des oasis, quoique conforme à la convention de Lalla Marnia, mécontente le Sultan ; n'osant pas réagir directement il encourage intrigues et embuscades contre les convois et postes français. Sans autre résultat d'ailleurs que de provoquer, sur ultimatum de la France, la convention franco-marocaine de 1901 par laquelle le Sultan reconnaît l'occupation des oasis, et celle de 1902 qui fixe les bases d'une politique d'association dans les régions frontières pour l'organisation de la police, des douanes et des marchés. 2° L'OCCUPATION MILITAIRE DU MAROC ORIENTAL DE 1902 A 1906, par suite de la mauvaise volonté du Sultan à appliquer l'accord de 1902. C'est alors que le Colonel Lyautey, chargé de l'organisation du Sud Oranais, établit, pour la sécurité des confins algériens, des postes militaires jusqu'à la Moulouya. 3° LES ACCORDS DIPLOMATIQUES signés pour garantir à la France la liberté de ses mouvements au Maroc. En échange du désintéressement français à l'égard de la Tripolitaine, l'Italie proclame un même désintéressement pour le Maroc. En échange de son désintéressement pour l'Egypte, la France obtient, par les accords de 1904, la reconnaissance par l'Angleterre, de ses intérêts spéciaux du Maroc. L'Espagne enfin, non seulement adhère aux accords franco-anglais, mais par un protocole secret, accepte de fixer, en cas de partage du pays, les zones d'influences des deux pays. L'OCCUPATION RESTREINTE Le protectorat français, en 1905, paraît imminent, et le Sultan, en accordant en échange d'un emprunt le contrôle de ses douanes à la France, semble s'y résigner, quand l'intervention allemande stoppe l'évolution normale des événements. L'Allemagne qui avait profité de la convention de Madrid pour signer en 1890 un traité de commerce avec le Maghzen, ne pouvait accepter de bonne grâce une ingérence aussi complète de la France. Guillaume II profite des difficultés qui paralysaient alors la Russie, notre alliée aux prises avec les Japonais et les émeutes ouvrières, pour venir à Tanger affirmer qu'il considère le Maroc comme un pays libre et qui peut compter sur l'appui allemand. Le Maroc va-t-il sauver son indépendance ? On peut le croire quelque temps. Militairement mal préparée, la France ne peut guère s'opposer à un règlement international des affaires marocaines. Mais la Conférence d'Algésiras (1906) tourne à la confusion de l'Allemagne. Soutenue par la seule Autriche-Hongrie, elle ne peut empêcher les grandes puissances d'adopter le plan de réformes proposé par la France au Maghzen ... / ...
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| | | Pierre AUBREE Admin
| Sujet: MAROC Terre d'Avenir Mer 14 Nov - 8:37 | |
| page 39 ... / ... , ni de confier à des officiers français et espagnols la direction de la police des ports, ni de faire à la France une place prépondérante dans la Banque d'Etat. Cependant, en réaffirmant le principe de la porte ouverte au commerce international, et de l'égalité économique de toutes les nations au Maroc, la Conférence d'AIgésiras semble opposer aux visées de domination française sur le Maroc un obstacle définitif. En fait elle n'a fait que reculer de quelques années le début du protectorat. Quelques années qui se résument dans une lutte d'influence entre la France et l'Allemagne. La première manche est gagnée par la France : c'est l'occupation de la Chaouïa à l'occasion des troubles de Casablanca. Des ouvriers européens ayant été assassinés, les troupes françaises occupent la ville (1907). Les tribus d'alentour les harcelant sans cesse, elles étendent leur action à la Chaouïa tout entière avec le général d'Amade (1908). Cette « occupation restreinte » est l'occasion d'une première expérience de colonisation, où les troupes françaises rallient les populations étonnées par leur bienveillance, le contrôle strict des impôts, le forage de puits, etc. Malheureusement une vague de xénophobie, partie du sud, renverse le faible Abd Ul Aziz accusé d'excessive complaisance envers la France, et le remplace par son frère Moulay Hafid (1908-1912). L'Allemagne en profite pour susciter l'affaire des déserteurs de Casablanca ; elle accuse la France d'avoir fait arrêter des soldats de la Légion étrangère, d'origine allemande, accusés de désertion. Déboutée par un tribunal d'arbitrage, elle entre dans la voie des négociations et la convention de 1909 jette les bases d'une collaboration économique entre les deux pays pour l'exploitation du Maroc par la constitution de sociétés mixtes. Une telle collaboration n'était sans arrière-pensée ni d'un côté ni de l'autre. Aussi ne donne-t-elle aucun résultat pratique. C'est alors que les événements se précipitent. Moulay Hafid a déçu tous ses partisans. Il a dû, pour se faire accepter par l'Europe, jurer de respecter les décisions d'Algésiras. A court d'argent, il a souscrit en France un nouvel emprunt et l'a dilapidé. Il paye mal ses troupes qui l'abandonnent. C'est dans ces conditions qu'au printemps de 1911, il doit faire face à une révolte générale des tribus de la région de Fez. Affolé, il doit faire appel à la France et l'armée. Moinier occupe Fez en mai 1911. Pour la deuxième fois le protectorat semble mûr, car la France n'entend pas assumer les ennuis du protectorat sans contre-partie. L'Allemagne tente encore d'en reculer l'échéance par l'envoi, en rade d'Agadir, d'un navire de guerre. Le Maroc semble sur le point de jeter l'Europe dans la guerre. LE PROTECTORAT Tout s'arrange cependant, et même c'est l'intervention allemande qui précipite les choses. Après de longues négociations et moyennant la cession au Cameroun allemand de divers territoires d'Afrique Equatoriale, l'Allemagne se résigne, par la convention du 4 novembre 1911, au protectorat de la France au Maroc, c'est-à-dire le droit pour celle-ci de l'occuper, de le représenter à l'étranger et d'y réaliser toutes les réformes qu'elle jugera utiles. Joseph Caillaux est alors président du Conseil : il pourra se féliciter plus tard — non sans quelque raison — d'avoir gardé le Maroc à la France et conservé la paix au monde. En tout cas, privé de son dernier appui extérieur, le Sultan s'incline et, le 30 mars 1912, accepte le traité de protectorat, sous réserve des obligations internationales contractées à Algésiras. Le traité de protectorat ouvre une ère nouvelle dans l'histoire marocaine : l'ère de l'unité politique et de la modernisation du pays. Pour réaliser l'unité politique, il a fallu d'abord faire accepter le protectorat aux tribus du « Maghzen » fidèles au Sultan, et ensuite et surtout soumettre à celui-ci les pays traditionnellement dissidents du Haut et du Moyen Atlas. C'est une œuvre de longue haleine et qui commence dans des conditions difficiles. A l'annonce du protectorat, une partie du Maghzen se soulève. La population de Fez massacre les officiers français instructeurs. Les tribus d'alentour viennent à la rescousse. Dans le sud, un « rogui », un chef religieux, El Hiba, venu de la Mauritanie, soulève les tribus berbères partout où il passe et se fait proclamer Sultan à Marrakech. Heureusement le général Lyautey a été nommé résident général. Tandis que Gouraud reprend Fez et Mangin Marrakech, par son indulgence aux tribus vaincues, par sa politique d'entente avec les notables, Lyautey consolide les succès militaires, évite les troubles que risquait de susciter l'abdication de Moulay Hafid, trop heureux de jouer ce dernier mauvais tour à la France qu'il hait, et fait reconnaître au Maghzen entier l'autorité du nouveau Sultan Moulay Youssef, et celle de la France. Deux années ont suffi pour mener à bien cette tâche que couronne le 17 mai 1914 la jonction à Taza des troupes venues des plaines atlantiques et des plateaux de l'est. Mais la guerre de 1914 risque de tout remettre en question. Le gouvernement, estimant que le sort du Maroc se réglera finalement en Europe, invite Lyautey à renvoyer ses troupes en France et à ne garder que les ports. Lyautey, qui appréhende dans ce cas une révolte générale aidée par l'Allemagne, désobéit et persuade le gouvernement qu'il a raison. Avec des effectifs réduits, non seulement il tient le Maghzen et fait front aux régions insoumises, mais il envoie les Marocains au front de France par régiments entiers. Cette période, mal connue, parce que l'attention est accaparée par les combats des fronts d'Europe, mais c'est celle de la véritable conquête du Maroc, celle des luttes les plus acharnées et les plus sanglantes contre les montagnards berbères traditionnellement dissidents. Les armes françaises ne connaissent pas que des succès. Dans le sud notamment, une révolte qui fait tache d'huile, sous la direction du chérif Sembali, est d'abord couronnée de succès; le général de Poeymirau est battu et blessé à Meski. Même après la victoire de Tizimi, les dissidents ne se disperseront qu'après l'expédition organisée contre eux par El Glaoui, pacha de Marrakech et notre allié (1919). La soumission des dissidents se poursuit après la grande guerre. En 1920, c'est le tour des Zaïans qui menaçaient en permanence les communications de Fez à Marrakech. Les années suivantes, vient le tour des tribus du sud, talonnées par les troupes des grands caïds ralliés à la France. La tâche est un moment interrompue par la révolte d'Abd El Krim qui soulève d'abord le Rif contre l'Espagne puis franchit la frontière du Maroc français en direction de Fez en 1925. Il oblige la France à une véritable expédition militaire (1925-1926). Après la reddition et la déportation du chef riffain, la soumission de la « tache de Taza » dans le nord du Moyen Atlas consolide les communications avec l'Algérie. On s'attaque enfin aux tribus Beraber du Moyen Atlas méridional et du Haut Atlas oriental. En 1934, le Maroc tout entier reconnaît, sous l'égide de la France, et pour la première fois dans son histoire, la loi du Sultan. R. M. ******************************************
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