Ce Maroc bien aimé
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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 MAROC Terre d'Avenir

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Pierre AUBREE
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MAROC Terre d'Avenir Ami_1413

ONT COLLABORÉ  A  CE NUMÉRO  

Jacques AUGARDE, Sous-Secrétaire d'État à la Présidence du Conseil, chargé des Affaires Musulmanes, A. JUIN, général -  Résident Général  au  Maroc.
ANDRÉ ADAM, Censeur au Collège Moulay Youssef à Rabat. * ALICE AFFERGAN-BAUME, Fondatrice et Directrice du Foyer de la Résistance et de l'Entraide à Dakar. * Contre-Amiral PIERRE BARJOT, Commandant la Marine au Maroc, * Y. BARS, Ingénieur des Ponts et Chaussées, * BARTEL-NOIROT, Directeur adjoint de l'École Nationale de la France d'Outre-Mer, * VICTOR BERTI, Délégué général de la Croix Rouge française au Maroc. * JEAN BESANCENOT, Artiste peintre, ethnographe. * ROGER BEZOMBES, Publiciste. * Général BETHOUART, Haut-Commissaire de la République Française en Autriche, * A. BLACQUE-BELAIR, Directeur du Tourisme au Maroc, * Commandant GABRIEL BONNET, Grand Prix de Littérature coloniale. * HENRY BORDEAUX, de l'Académie-Française. * MAURICE BOTBOL, Inspecteur des Institutions Israélites au Maroc. * LUCIEN BOUSQUET, Administrateur des Colonies, * DOMINIQUE BREIL * ALBERT BRUN, Président de la Chambre d'Agriculture des régions de Rabat, du Rharb et d'Ouezzan. * MOSÈS BUZAGLO, Membre de l'Assemblée législative de Tanger, * FR. CHARLES-ROUX, Ambassadeur de France, Membre de l'Institut, * GEORGES CHEVASSUS, Agrégé de l'Université, Chef de Service de Presse aux Offices du Maroc, * ANDRÉ CHEVRILLON, de l'Académie-Française, * ROBERT COURTOIS, Publiciste. * PIERRE DELONCLE, Archiviste paléographe, ancien Secrétaire général de l'Exposition Coloniale 1931. * RAYMOND DECIS, Publiciste. * DUBOIS, Ingénieur des Mines, * Docteur DUBOIS-ROQUEBERT, Associé national de l'Académie de Chirurgie, Chirurgien de S. M. le Sultan, * CLAUDE FARRÈRE, de l'Académie-Française. * Général FAYET, Directeur de l'Aéronautique au Maroc, * Général FREYDEN-BERG. * JACQUES GERMAIN, Architecte au Maroc. * LOUIS GILLOUIN, Publiciste. * GEORGES GIRARD, Directeur des Travaux Publics au Maroc. * ANDRÉ GREVIN, Publiciste. * GUERY, Président de la Chambre d'Agriculture de Fès. * MOHAMED OMAR HAJOUI, Historien arabe, * Chérif HAMADI. * Me JEAN HOMBERGER, ancien Bâtonnier à Rabat. * ANDRÉ JOYEL-FAURE, Directeur général de la revue « FRANCE ». * CHARLES-ANDRÉ JULIEN, Professeur d'Histoire coloniale à l'École Nationale de la France d'Outre-Mer, et à l'École d'Administration, membre du Conseil de l'Union Française, * Colonel JUSTINARD, Spécialiste des questions berbères. * SI KADDOUR BEN GHA-BRIT, Ministre Plénipotentiaire, Chef du Protocole de S. M. le Sultan, * ANDRÉ LABROUQUERE, Directeur adjoint des Affaires politiques au Ministère de la France d'Outre-Mer, * ALBERT LAPRADE, Architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux au Maroc, * JACQUELINE LASNE-DESVAREILLES, Publiciste. * WILFRED LASRY, Industriel. * LOUIS LEGENDRE, Contrôleur Civil au Maroc (Résidence Générale à Rabat). * JEAN LAURENT, Publiciste. * MAURICE LE GLAY. * R. LEMAIRE, Consul général de France à Tetouan. * JEAN-R. LESEUR, Directeur du Journal Spécial des Sociétés. * ROGER LE TOURNEAU, Maître de Conférences à la Faculté de Lettres d'Alger. * CHARLES LEVINSON, Industriel, * JEAN LIOUVILLE, Publiciste. * LUCIUS, Secrétaire général à la Résidence. * ROBERT MANGIN, Professeur agrégé, *  MARILL, Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Casablanca. * OLIVIER MARIN, Directeur des Offices du Maroc en France. * M. MASSON, Conseiller Économique au Maroc. * A. MAZEROLLES, Président de la Chambre d'Agriculture de Casablanca, * VICTOR MEYER, Publiciste. * MICHON, Président de la Chambre d'Agriculture de Marrakech, * ROBERT MONTAGNE, Directeur de l'Institut des Hautes Études Musulmanes. * MOSSEAU, Chef de la Circonscription de Boulemane. * JEAN MURAT, Publiciste. * JEAN NERO, Publiciste. * J. NOUVEL, Chef de la jeunesse et des Sports au Maroc. * Général ODIC * JEAN PELLEGRY, Publiciste. * RAYMOND PENEL, Commerçant, * ANDRÉ DE PERETTI, Publiciste. * ANTOINE DE PERETTI, Président de la Chambre de Commerce de Rabat, * ALBERT PLECY, Publiciste. * GABRIEL PUAUX, Ambassadeur de France en Suède, ancien Résident général au Maroc, * CHARLES RADIGUER, Directeur de l'Énergie Électrique du Maroc. * PROSPER RICARD, ancien Directeur des Arts Indigènes. * RENÉ RICHARD, Publiciste. * JEAN ROMAIN, publiciste. * Me D. P. ROMANI, Membre du Conseil de Gouvernement, Président de la Commission permanente au Maroc. * ALFRED ROSTAND, Ingénieur des Arts et Manufactures. * JEAN-HENRI ROUX, Attaché au Musée de l'Homme. * ANDRÉ SERVANT, Publiciste. * FREDRIECH SIEBURG, Écrivain. * RENÉ SOULMAGNON, Directeur de l'Agriculture, du Commerce et des Forêts au Maroc, * Dr G. SICAULT, Directeur des Services de l'Hygiène au Maroc. * ROBERT SIMON, Publiciste. * JÉRÔME et JEAN THARAUD, de l'Académie-Française, * MARCEL TEISSÈRE, Chef du Service du Cinéma au Maroc, Commissaire du Gouvernement, *  B. TRINTIGNAC, Ingénieur en Chef du Génie rural, Délégué du Conseil Supérieur du Paysannat au Maroc, * L.-C. TRON, ancien Directeur du Budget au Maroc, * JEAN VAUCHER, Industriel. * VAYSSE, Chef de la Division de la Production agricole à Rabat, * P. VAYSSIÈRE, Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle à Paris. * PIERRE-ANDRÉ VEBER, Publiciste. * MARCEL VICAIRE, Chef du Service des Métiers et Arts Marocains. * S. AHMED ZEMMOURI, Cadi de Casablanca. * JACQUES ZIMMERMANN, Essayiste.



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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 9:51

page 01 Sommaire

MAROC Terre d'Avenir Swsca182

SOMMAIRE

 - MAROC, TERRE  D'AVENIR.

AU   FRÉMISSEMENT   DES   PALMES;   PAR  ANDRE  JOYEL-FAURE...........3
PREMIÈRES   IMPRESSIONS.   MORCEAUX   CHOISIS   DE   :  JÉRÔME   ET JEAN  THARAUD;   HENRY   BORDEAUX; ANDRÉ CHEVRILLON, DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; JACQUES ZIMMERMANN, FRIEDRICH   SIEBURG...........5

- 1 - Originalités du Maroc

TERRE   OCCIDENTALE,   PAR  ROBERT MANGIN.........................................17

LE   PEUPLE, PAR ROBERT MONTAGNE........................................................19

L'AME,  PAR   ANDRÉ   DE PERETTI............................................................2l

MŒURS   ET   COUTUMES,   PAR   PIERRE   DELONCLE.................................23

LA   CUISINE,   PAR    ALICE    AFFERGANB-AUME.......................................29

LA   RELIGION,  PAR   ROGER   LE   TOURNEAU............................................3l

CONFLUENT   D'HISTOIRE :
• I.  DE   L'ANTIQUITÉ   A   1912,   PAR   ROBERT   MANGIN...........34
• II.  L'ANARCHIE   MAROCAINE,   PAR   MAURICE   LE   GLAY...........36
• III.  LES PRÉTENTIONS ALLEMANDES EN   1911. PAR S. E. SI  KADDOUR BEN GHABRIT...........37
• IV.   LA   PACIFICATION   FRANÇAISE,   PAR   ROBERT   MANGIN...........38
• V.  VISAGES DE COLONISATEURS  : LE CHEF  ; LYAUTEY, LE SOLDAT : BOURNAZEL, PAR LE COMMANDANT   GABRIEL   BONNET...........40
LE   PIONNIER,   PAR   CLAUDE   FARRÈRE,   DE   L'ACADÉMIE   FRANÇAISE...........44
• VI.  LE   ROLE   DES   PUISSANCES,   PAR   FR.   CHARLES   ROUX,   AMBASSADEUR...........45

- 2 - Perspectives Politiques.

LES   FONDEMENTS  JURIDIQUES,   PAR   ANDRÉ    LABROUQUÊRE...........50

LA   CONSTITUTION,   LES   RÉFORMES,   PAR   OLIVIER   MARIN...........53

LA   JUSTICE,   PAR   M'   JEAN HOMBERGER...........56

LA  JOURNÉE   D'UN   OFFICIER   DES   AFFAIRES   INDIGÈNES,   PAR MOSSEAU...........57

SUR   LES   CONFINS   DU   MAROC,   PAR  JEAN-HENRI   ROUX...........59

POUR   LA   COORDINATION   NORD-AFRICAINE,   PAR   CHARLES-ANDRÉ  JULIEN...........61

LA   ZONE   ESPAGNOLE, PAR   LEMAIRE...........62

TANGER :  STATUT,   PAR   LOUIS   LEGENDRE...........63
SON   ASPECT   ACTUEL,   PAR   MOSÉS   BUZAGLO...........64

- 3 - Perspectives Economiques

PROBLÈMES   IMMÉDIATS :   10   MILLIONS   DE MAROCAINS EN   1950.
- MANGER,   PAR  ANDRÉ GREVIN...........67
- SE   LOGER,   PAR   JEAN   LIONVILLE............68
- SE   VETIR,   PAR  JEAN   VAUCHER...........69

..... PROBLÈMES   DE   BASE :
..........................1° DONNER   A   L'AGRICULTURE :
- DU   MATÉRIEL,   PAR   VAYSSE...........70
- DE   L'EAU,   PAR   LUCIEN    BOUSQUET...........71
- DE   L'ENGRAIS,   PAR  JEAN   ROMAIN...........72
- LE   MOYEN   DE   DÉTRUIRE   LES   SAUTERELLES,   PAR   P.   VAYSSIÉRE...........73
..........................2° FOURNIR   A   L'INDUSTRIE  :
- DU    KILOWATT.   PAR   CHARLES   RADIGUER ...........74
- DU   CHARBON,   PAR   W.   L ...........76
- DÉVELOPPER   LES   VOIES   DE   COMMUNICATION,   PAR   GEORGES   GIRARD...........77
- AMÉNAGER   LES   PORTS,   PAR   Y.   BARS...........78
- ORGANISER   LES   VILLES,   PAR   ALBERT   LAPRADE............80

..... L'AGRICULTURE :
- LE   RÉGIME   DES   TERRES :
- LES   CÉRÉALES.   PAR   ANDRÉ   SERVANT...........83
- LES   AGRUMES,   PAR   RAYMOND   PENEL...........83
- LES CULTURES   MARAÎCHÈRES,   PAR   LOUIS   GILLOUIN...........84
- LES   CULTURES   OLÉAGINEUSES,   PAR  ALFRED   ROSTAND...........84
- LA   VIGNE,   PAR   ALBERT   BRUN...........85
- LES   CULTURES   TEXTILES,   PAR   RAYMOND   DECIS...........86
- LA   FORÊT,   PAR   ROBERT   COURTOIS...........86
- L'ÉLEVAGE.   PAR   JEAN  NERO...........87
- L'EXPÉRIENCE   DES   S. M. P.,   PAR   B.   TRINTIGNAC...........88

..... L'INDUSTRIE :
- LES   RESSOURCES   MINIÈRES,   PAR   DUBOIS...........89
- LES   INDUSTRIES   DE   TRANSFORMATION,   PAR   CHARLES   LEVINSON...........91
- L'ARTISANAT   ET   SA   RÉNOVATION.   PAR   MARCEL   VICAIRE...........93
- LA   PÊCHE,   PAR   PIERRE   DELONCLE...........94

..... LE   COMMERCE,   PAR   RENÉ   SOULMAGNON...........94

..... LES   FINANCES,  PAR   L.   C.   TRON...........96
LE   RÉGIME   DES   SOCIÉTÉS,   PAR  JEAN   R.   LESEUR...........96

..... LE   TOURISME,   PAR   A.   BLACQUE   BELAIR...........97

..... ANTICIPATIONS  (GRAPHIQUE)...........102

..... L AVENIR,  PAR   M.   MASSON...........103

185 PHOTOGRAPHIES. — 13 CARTES ET PLANS, 21 DESSINS ET GRAPHIQUES EXÉCUTÉS PAR ROBERT CARON. — 9 PLANCHES HORS-TEXTE ET EN COULEURS — I CARTE GÉNÉRALE HORS-TEXTE ET EN COULEURS.



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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 9:52

page 2 Sommaire

MAROC Terre d'Avenir Swsca183

- 4 - Perspectives Culturelles et Sociales

- L'ENSEIGNEMENT   FRANÇAIS,   PAR   ROGER   LE   TOURNEAU..........106
ARABE,   PAR LE   CHÉR1F   HAMADI..........107

- LA   LANGUE   ET   LA   LITTÉRATURE   BERBÈRES,  PAR   LE   COLONEL  JUSTINARD........109
ARABES (PETIT  LEXIQUE ARABE),   PAR  SI   AHMED   ZEMMOURI.....110

- LE    MAROC   DANS   LA   LITTÉRATURE   FRANÇAISE,   PAR.   GEORGES   CHEVASSUS....111

- LE   CINÉMA,   PAR   MARCEL   TEISSÈRE..........112
LES   METTEURS   EN   SCÈNE,   PAR   JEAN   LAURENT..........113

- LA   DANSE,   LA   MUSIQUE,   LE   CHANT,   PAR   JEAN-HENRI   ROUX..........114

- LES   ARTS   MAJEURS :
ARCHITECTURE   ANCIENNE   ET   MODERNE,   PAR JACQUES   GERMAIN..........116
PEINTURE,   PAR   ROGER   BESOMBES..........118

- LES   ARTS   MINEURS :
TAPISSERIE,   SPARTERIE,   MOSAÏQUE,   STUC,   PAR   PROSPER   RICARD..........120
PARURE.   PAR  JEAN   BESANCENOT (4 PAGES EN QUADRICHROMIE  HORS-TEXTE).

- LA    MÉDECINE  (LA   MODERNISATION   DE   L'ART   MÉDICAL),   PAR   LE   DOCTEUR   G.   SICAULT...121

- LA   CHIRURGIE,   PAR   LE   DOCTEUR   DUBOIS-ROQUEBERT..........124

- LES   FORMATIONS   SANITAIRES,  PAR   VICTOR   BERTI..........125

- LA   JEUNESSE   ET   LES   SPORTS,   PAR  J.   NOUVEL..........126

- LE   PROBLÈME   DE   LA   VIE,   PAR   ANDRÉ   GREVIN..........128

- 5 - Perspectives Stratégiques et Mondiales
 
- FRATERNITÉ   D'ARMES  (LES   EFFECTIFS   ET   LE   RECRUTEMENT),   PAR   LE   GÉNÉRAL   FREYDENBERG...130

- LES   GOUMS,   PAR   JACQUES   AUGARDE,   SOUS-SECRÉTAIRE   D'ETAT..........133

- LE   DÉBARQUEMENT   EN   I942,   PAR   LE   GÉNÉRAL   BÉTHOUART..........136

- LES   ENTREVUES   D'ANFA,   PAR   RENÉ   RICHARD..........138

- BASES   AÉRIENNES,   PAR   LE   GÉNÉRAL   FAYFT   ET   LÉ   GÉNÉRAL   ODIC..........141

- BASES NAVALES,   PAR   LE   CONTRE-AMIRAL   PIERRE   BARJOT..........143

- 6 - Le Moteur de l'Avenir : La Coopération Franco-Marocaine

A.   LE    MAROC   TEL   QUE   LE   VEULENT   LES   MAROCAINS

-  LE   SULTAN :   NOTICE   BIOGRAPHIQUE,   PAR  JEAN   PELLEGRY..........146
-  LES   PACHAS   (DÉCLARATIONS)..........151
- LA   JEUNESSE.   PAR   ANDRÉ   ADAM..........153
- LES   INTELLECTUELS,   PAR   SI   MOHAMED   OMAR   HAJOUI..........154
- IES   FEMMES,   PAR   JACQUELINE   LASNE   DESVAREILLES..........155
- LES   OUVRIERS,   PAR   DOMINIQUE   BREIL..........156
- LES   JUIFS.   PAR   MAURICE   BOTBOL..........157
- LES   NATIONALISTES :     LE   MOUVEMENT,   PAR   ROBERT   MONTAGNE..........159
- LES   PARTIS  :   L'ISTIQLAL;   LE   TAOUMINE,   PAR   ROBERT   SIMON..........161
- LA   LIGUE   ARABE,   PAR   PIERRE-ANDRÉ   VEBER..........162
- ABD   EL    KRIM,   BARTEE-NOIROT..........164
- ÉCHAUFFOURÉES.   PAR   VICTOR   MEYER..........164

 B.  LE   MAROC   TEL   QUE   LE   VEULENT   LES   FRANÇAIS :

- LA  CARRIÈRE   DU   RÉSIDENT   GÉNÉRAL..........167
- PORTRAIT   DU   GÉNÉRAL   JUIN     PAR   ALBERT   PLÉCY..........168
- DISCOURS   DU   RÉSIDENT   GÉNÉRAL   (EXTRAITS)..........170
- LES   TROIS COLLÈGES,   PAR   M»   R.   P.   ROMANI..........172
- LES   AGRICULTEURS,   PAR   A.    MAZEROLLES,   PICHON,   M.   GUËRY..........173
-  LES   COMMERÇANTS,   PAR   A.   DE   PERETTI   ET   MARILL..........173

- Conclusion : Les Étapes de l'Oeuvre Française

- HIER :   ALLÉGER   LA   MISÈRE   DES   HOMMES.   PAR   GABRIEL   PUAUX,   AMBASSADEUR..........174

- AUJOURD'HUI:   RÉFORMER   ET   DÉVELOPPER,   PAR  JACQUES   LUCIUS..........176

- DEMAIN:   MODERNISER   ET   ÉDUQUER.   PAR   JACQUES   AUGARDE,   SOUS-SECRÉTAIRE   D'ÉTAT....177

- SOUS   LE   SIGNE   DE   L'AMITIÉ,   PAR   LE   GÉNÉRAL   A.   JUIN..........



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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 9:54

page 3

MAROC Terre d'Avenir Swsca184

...MA GRATITUDE VA A LA REVUE FRANCE POUR SON NUMÉRO SPÉCIAL CONCERNANT "LE MAROC TERRE D'AVENIR" DANS LEQUEL VOUS EXPOSEZ L'ŒUVRE DU MARÉCHAL LYAUTEY. ( Maréchale Lyautey )

Au frémissement des palmes...

POURSUIVANT son apostolat documentaire, la Revue «  France  » présente maintenant une synthèse objective sur le Maroc.
On sait que si Sa Majesté Sidi Mohamed, Maître vénéré du «  Moghreb el  Aq Ça  », prenait la fantaisie de confier à son grand vizir ou à un de ses familiers le soin de recueillir tout ce qui a été écrit sur son  Empire depuis seulement un  demi-siècle,   une   des  pièces  les  plus  spacieuses   de  son magnifique palais suffirait à peine à contenir toute cette littérature.
D'aucuns  pensent   ainsi  que  le  Maroc  n'a  plus  de mystères et que tous ses visages sont connus.
A vrai dire, quand la pensée se reporte aux temps déjà si lointains où, en l'an de grâce 1889, l'officier de marine Julien Viaud, déjà célèbre sous le nom de Pierre Loti, prenait pour la première fois contact avec ces « gens qui gardaient jalousement depuis des siècles l'antique Berbérie » il est facile de mesurer le chemin parcouru.
« Pour moi, écrivait le jeune écrivain d'Aziyadé, il y a une magie et un inexpressible charme dans les seules consonances de ce mot : le Moghreb. Le Moghreb, cela signifie à la fois l'ouest, le couchant, et l'heure où s'éteint le soleil. Cela désigne aussi l'empire du Maroc qui est le plus occidental de tous les pays d' Islam, qui est le point de la terre où est venue mourir, en s'assombrissant, la grande poussée religieuse donnée aux Arabes par Mahomet. Surtout, cela exprime cette dernière prière, qui, d'un bout à l'autre du monde musulman, se dit à cette heure du soir ; prière qui part de la Mecque et dans une prosternation générale, se propage en traînée lente à travers toute l'Afrique, à mesure que décline le soleil, pour ne s'arrêter qu'en face de l'Océan, dans ces extrêmes dunes sahariennes où l'Afrique elle-même finit. »
Depuis... eh bien! depuis nous croyons généralement qu'au choc de la pensée occidentale, sous l'étreinte de notre civilisation industrielle, le Maroc s'est transformé.
Certes, le Maroc de 1883 ou de 1889, si farouchement fermé aux Européens, et si mal connu, même après les mémorables reconnaissances de l'héroïque Père Charles de Foucauld, du 20 juin 1883 au 23 mai 1884, n'impose plus à l'Européen qui veut le visiter: « Ce choix entre le turban et le bonnet noir ».
Certes, le souvenir du Maréchal Lyautey, le magicien du commandement et de l'autorité, le bâtisseur par excellence, exerce toujours sa prééminente magistrature.
Certes, les grandes heures de l'épopée marocaine ont laissé dans l'Histoire les exemples de faits d'armes éclatants et de sacrifices sublimes ; et les Mangin, Gouraud, Giraud, Bournazel, Lafitte — pour ne prendre que quelques noms à ce florilège de la gloire, — tous compagnons petits ou grands du chef prestigieux Lyautey, ont gravé à jamais leurs empreintes sur le Livre d'Or à chevrons de sang qui porte déjà, en face d'elles, des repères géographiques tels que Taza, Marrakech, Skouna, El Mers, Bou Gafer et Tafilalet.


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 9:56

page 4

MAROC Terre d'Avenir Swsca185


- Les travaux du   géologue Louis Gentil, du capitaine l.arras,  de  Drives,  de Paul   Lemoine,  du cartographe  Flotte de Roquevaire. n'ont pas été Inutiles, puisqu'ils ont préparé les réalisations magnifiques de tous ces valeureux fils de la France qui, après avoir été   des   pacificateurs   plus  que des conquérants ont appliqué, à leur tour, la belle devise de Bugeaud ense et aratro et sont devenus des constructeurs et des pionniers. Certes, les Figures du Maroc : Figure géographique, Figure ethnique et esthétique, Figure intellectuelle et morale, se  sont en grande partie dévoilées, offrant leurs aspects multiformes aux regards pénétrants des roumis.
Certes,   les relations littéraires des écrivains  de   la   conquête,   les   frères   Tharaud,    les Henry   Bordeaux,   les   Louis   Bertrand,   les  André Chevrillon, gardent toujours un intérêt rétrospectif et ont frayé la route aux jeunes auteurs d'aujourd'hui :  les Henri  Duquaire,  Jean Crieux,  Robert Luc,  Fenouillet, dont les œuvres , Images du Maroc Berbère, Incertitudes marocaines, Miloud, Le Collège de la Babouche, méritent une place de choix sur les rayons de nos bibliothèques.
Certes, enfin, après avoir été pour la France,  avant  la  première guerre mondiale de 1914-1918 comme après, et particulièrement durant la guerre du Rif, une école d'endurance et de caractère,  le Moghreb du passé, procédant par bonds, sous l'impulsion du Maître  français  loyalement accepté,  pour se transformer en «  terre d'avenir   »,  s'est couvert de maisons modernes,  d'usines, de centrales électriques, de ponts,  de routes, d'exploitations minières ou forestières, à côté des ports,   des écoles,   des  hôpitaux,  des instituts techniques et de tout ce qui assure — dans notre monde moderne où le   machinisme  est   roi   —   la   propriété, d'un  grand   pays. Toutes ces créations qui prouvent la vocation coloniale des   Français   et  qui   attestent   les   dons  d'intelligence  et d'adaptation  des  Berbères, ont été,  sans conteste,  le  fruit  d'une  sincère  collaboration.   Avec   les   Indes   Néerlandaises, le Maroc constitue sans doute la plus belle réussite colonisatrice de l'histoire et du monde.
Pourtant, ne trichons pas avec les réalités qui exigent un incessant face à face et déclarons que le vieux Moghreb s'est, en effet, modifié, mais en surface beaucoup plus qu'en profondeur.
A l'effort qui inscrit ses fastes dans le domaine matériel doit correspondre un effort similaire dans le domaine psychologique et moral.
La France de 1917 ne peut pas ignorer ou minimiser  le   bouillonnement  qui  secoue  dans  ses  profondeurs ces terres de lumière et de soleil encore attachées à des traditions vieilles de quatorze siècles.  Le Maroc aspire à des réformes profondes et sur tous les plans. La France doit   l'aider à  les réaliser.  Nous sentons tous que la  première étape du protectorat est dépassée.   Pour continuer la  route,  il   faut reconnaître le terrain.
Comme l'a écrit Jean Ballard dans la préface de sa  belle étude sur l'Islam et l'Occident : « Notre destin nous a placés sur les bords d'une mer qui a bercé le rêve des sages et vu naître les plus sereines philosophies. Plus près de nous,  dans le temps et dans l'étendue, l'Islam apaise des millions d'âmes par ses certitudes. Et pourtant règne à son sujet la plus singulière ignorance. Seule, une élite en a pris une notion exacte et quant à ses  enseignements profonds ils sont inconnus de l'Occident.  »
Lacune   qu'il   nous   faut   combler   à   tout   prix.   Voilà    l'un   des points cruciaux du drame qui   se joue au Maroc comme dans tous les territoires de l'Afrique fécondés par les bienfaits de notre culture. La présence de la France au Maroc est devenue  une   nécessité  historique.   Son   absence  ou   son abandon signifierait pour «  l'Empire Fortuné   » même au stade actuel  de son plan d'industrialisation,  le retour inéluctable  vers  l'anarchie  et   le  chaos.   Dans   l'hypothèse   la   moins sombre, le Maroc dont « la France a payé l'unité de sa propre chair », selon la forte parole du général Juin, digne continuateur de l'œuvre du   Maréchal   Lyautey,  verrait  s'effondrer cette  unité.   Tout  ce  qui   se  passe  aux  Indes ou  en   Palestine   ne   peut   que   confirmer   cette   prévision. Faire le point,  montrer ce qu'est actuellement  le  Maroc et ce qu'il peut devenir demain, ne pas négliger le passé et ses enseignements,  mais se tourner résolument  vers  l'avenir et ses  progrès,  contribuer à une  meilleure compréhension de nos civilisations et de nos attitudes intellectuelles ou  morales respectives,  en  vue de maintenir et même renforcer  l'harmonie nécessaire de sentiments,  de pensées et de gestes, voilà notre ambition.
Au seuil de cette étude, après avoir exprimé notre gratitude à tous ceux qui nous ont si généreusement et si talentueusement aidés, qu'il nous soit permis d'évoquer dans un sentiment de piété et de gratitude les figures de ces héros, fils de la France et du Moghreb, qui ont fraternellement mêlé leur sang, avec leurs élans et leurs espoirs, dans les mêmes combats et les mêmes chevauchées pour le maintien des Libertés essentielles du monde, et dont l'âme immortelle semble planer, dans les nuits lumineuses et au frémissement des palmes, afin de rappeler aux hommes, selon le verset coranique, que « Dieu n'aime pas les oppresseurs et qu'il punira, un jour, non ceux qui vengent une injustice mais ceux qui oppriment les autres. »
ANDRE JOYEL-FAURE.


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MAROC Terre d'Avenir Swsca186

PREMIÈRES IMPRESSIONS



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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 10:00

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MAROC Terre d'Avenir Swsca187

- Combien de fois le  Maroc ne rappelle-t-il  pas la Judée.  Pureté de lignes, envol  des  voiles  ; courbe des femmes portant l'amphore.  Les paraboles de  l’Évangile évoquent pareil  paysage.   Nous  sommes en  plein  Tafïlalet.

A 6 heures de Paris


- COMMENT rester insensible à l'appel de ce pays, si proche et si lointain, câline en apparence et si passionné an fond? A six heures de Paris par avion, à vingt heures par bateau, le voyageur, dès qu'il touche la terre marocaine, se sent littéralement dépaysé. Qui donc pourrait lui servir de meilleur guide que Jérôme et Jean Tharaud, les chantres des « Heures Marocaines »? Avec eux, parcourons les rues, pénétrons dans une de ces maisons si différentes de nos immeubles ou de nos villas.

La Rue

- Je rentre dans la foule mêlée d'Arabes, de Berbères, de nègres, de chameaux, de chevaux, de mulets et d'ânes qui se pressent,  se  croisent,  se  bousculent  entre  les  boutiques, posées à un mètre du sol comme autant de placards, de petites armoires ouvertes.
C'est le quartier des souks, le bazar oriental, toujours le même et toujours divertissant par quelque détail imprévu de geste, de forme ou de couleur. La rue sent l'huile bouillante, la graisse de mouton, la menthe, les herbes violemment parfumées, toutes les odeurs composites, qui sortent des fourneaux de terre, où les cuisiniers en plein vent fabriquent, pour les festins nocturnes, des soupes, des grillades et des pâtisseries. Comme on est en Ramadan et qu'il est cinq heures du soir, que la journée a été accablante et que depuis i'aurore personne n'a bu ni mangé, tout ce monde est assez ensommeillé. Le cuisinier s'endort, le soufflet à la main, devant son fourneau d'argile où s'éteint le charbon de bois. Le marchand accroupi au milieu de sa pacotille, semblable lui-même à un bibelot plus encombrant que les autres, n'a plus de force pour changer de position en s'accrochant à la corde noueuse suspendue au plafond, ni même pour chasser les mouches avec son balai de palmier. Pans leurs minuscules échoppes, les artistes et leur monde gracieux d'apprentis travaillent sans ardeur à leurs menus métiers très anciens. Seuls les mendiants, accroupis sur le trottoir et habitués par profession à un jeûne éternel, semblent ne point souffrir de la soif et de la faim, et sur un rythme lugubre demandent sans relâche à la foule oui passe la charité d'une bougie, d'un morceau de pain, d'une aumône, au nom de Sidi Ibrahim ou de Si Bel Abbés.
Balek! me crie le chamelier qui pousse devant lui le troupeau de ses bêtes à la fois dociles et révoltées. Balek! crie l'ânier quand déjà son bourricot chargé de deux couffins énormes m'a jeté contre le mur. Balek! crie le nègre qui arrose la poussière avec son outre en peau de chèvre sur laquelle le poil est collé. Balek! crie du haut de sa mule le notable qui, après sa sieste, se rend à son jardin d'orangers, confortablement installé sur sa haute selle de drap rouge. Et tout au fond de moi, le peuple turbulent des questions sans réponse m'envoie, comme un écho, le cri de la rue marocaine : Balek! rends ton âme attentive!


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 10:02

page 7

MAROC Terre d'Avenir Swsca188

- UN INTÉRIEUR ARABE. — Au sol, des mosaïques. Jusqu'à mi-hauteur des murs revêtement en stuc. Poutres et portes en cèdre. Des canapés, des glaces, des horloges de différents modèles jettent dans cet intérieur, une note européenne : la mode en a commence avant notre arrivée, dès le début du XX siècle.

-  UNE  VILLE-CHAMPIGNON    — Voici  une photo qui  porte   le millésime   1947  :  elle   montre  la   croissance   de   Casablanca    D'un  côté,   une   nouvelle   médina   a   surgi,  un peu monotone, mais ne déparant point tout de   même   le   Maroc   authentique :   et,   de   l'autre, une  bande  d'enfants heureux  de s'ébrouer  au soleil.   La  population   croit   à un rythme rapide  dans tout  l'Empire   Fortuné.   N'est-ce pas   la  meilleure  preuve  de la vitalité  de  la race berbère et de la confiance dans la protection française "!

LA MAISON


- OUI, la maison musulmane est charmante, mais elle est enchantée. Quand on y est entré, on n'en peut plus sortir, tant elle emploie de grâces à vous garder dans son ombre ;   et   lorsqu'on   est   dehors,   impossible   de   la   retrouver dans le dédale des ruelles blanches, des longs couloirs tortueux et compliqués entre de grands murs vides, fantomatiquement pareils,  dont  la  monotonie  n'est  rompue  que  par  les  portes ferrées toujours closes.
Ici, même le burnous couvre riches et pauvres, et la façade des maisons. Rien de cette diversité que partout ailleurs dans le monde, et même dans l'Orient islamique, jette sur les demeures comme sur les habits des hommes, la fortune ou la misère. Rien que ces grandes surfaces vides, que, deux fois par an, on recouvre d'un nouveau linceul de chaux. Pas même ces moucharabiehs de Tunis, du Caire ou de Constantinople, qui, si secrets qu'ils soient, rassurent, égaient la rue de toutes les curiosités féminines que l'on sent s'agiter derrière leurs croisillons de bois. Parfois, au-dessus d'un chambranle, un léger cadre de pierre sculptée annonce un peu d'opulence. Mais il n'y a véritablement que l'élévation des murailles, ou mieux encore la distance qui s'étend entre deux seuils, pour mettre dans l'esprit l'idée que derrière ces blancheurs égales, toutes les vies ne se ressemblent pas, et qu'ici comme ailleurs, il y a, près de la pauvreté, la puissance et la richesse.
Jérôme et Jean THARAUD, de l'Académie française.

LES VILLES



CASABLANCA ÉCOLE D'ÉNERGIE

Il n'y a pas an Maroc une capitale. On compte au moins cinq grandes cités, fières de leurs glorieux passé, de leur civilisation supérieure ou de leur essor économique. Deux sont dites « hadria », c'est-à-dire proprement citadines, « mauresques » : Fès et Rabat. Deux autres sont dites « badia », c'est-à-dire bédouines, peuplées d'habitants venus des tribus environnantes : Meknès et Marrakech. Enfin, Casablanca ne s'est développée que depuis le protectorat français.
Avez-vous abordé au Maroc par Casablanca? Sans doute serez-vous déçu : carence de l'art et du pittoresque. Peu à peu, en parcourant ces voies grandioses, plantées sur 55 kilomètres de 3.950 palmiers de différentes espèces; en contemplant cette mer violente, que matent d'immenses jetées; en pénétrant cette foule, toujours affairée et toujours croissante, vous admirerez l'œuvre du génie de la France, voulue en dépit de tout par Lyautey. Et vous comprendrez que dans cette ville, où tout proclame l'effort français, les noms des rues mêmes soient évocateurs : place Lyautey, avenue d'Amade, rue Drude, boulevard du 2e Tirailleurs et du 4e Zouaves. Camille Mauclair, dans « Les Couleurs du Maroc », décrit l'histoire de ce grand port.


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptySam 23 Juin - 10:04

page 8

MAROC Terre d'Avenir Swsca189

- Avec  ses   gratte-ciel,   ses   rues   qui   partent   en   éventail   de   la   place de   France,  Casablanca donne une  idée de grandiose et d'inachevé   :   son  récent   passé   est   le  garant  d'un   avenir   prodigieux.


- Quand, il y a un quart de siècle, l'assassinat de quelques ouvriers européens amena le croiseur «Galilée» devant Casa, quand l'héroïque enseigne de vaisseau Ballande, descendu avec quelques fusiliers marins pour protéger notre consulat, força une porte et tint tête à une multitude frénétique jusqu'à ce que le corps expéditionnaire du général Drude débarquât sur la plage de Sidi Belyout, aussitôt on comprit qu'on prenait pied pour toujours, qu'on était au point stratégique essentiel pour pénétrer dans le Maroc inconnu. Mais il fallait tout créer, un port et une ville. On vit alors accourir des aventuriers, des chercheurs d'affaires, des gens de tous métiers et de tous risques pressentant l'énorme avenir commercial et la spéculation. Ce fut une ruée analogue à celle qui a inventé en quelques mois les cités du Klondyke. Tout ce monde s'est mis à camper, à se disputer les terrains avec une fièvre d'enrichissement. Le port s'est édifié, gigantesque. On n'a pensé qu'après à l'organisation méthodique de la ville. Elle n'était qu'un entrepôt de ravitaillement pour nos troupes conquérant peu à peu le Maroc entier. Les rapaces, les enlaidisseurs, n'ont été contraints que plus tard, lorsque Lyautey a pu appliquer ses plans dans un protectorat bien assuré et régler certains comptes avec cette tourbe internationale, ces flaireurs dont les pires étaient les Allemands, mercantis et espions guettant toujours la proie marocaine depuis l'acte d'Algésiras et le coup d'Agadir. Selon le principe juste et invariable du Maréchal, la Médina, bien qu'elle n'offrît ici aucun intérêt, a été respectée, et une ville nouvelle s'est établie à l'entour, concentriquement délimitée et traversée par de vastes boulevards. Au milieu d'eux s'est créé le grand et salubre Parc Lyautey, où je salue le sobre monument dédié au Père de Foucauld, et dont les frondaisons précèdent la place où un fier groupe de Landowski symbolise l'union franco-marocaine dans la grande guerre. Cette place dite « administrative », où s'érigent le Palais de Justice et le palais de la subdivision, le cercle militaire, l'Automobile-Club, entourés de parterres et d'arbres, est vraiment d'un très bel exemple d'harmonie architecturale, d'appropriation au ciel et au pays. Il y a dans cette conception de Marrast presque de la grandeur, et si elle n'atteint point au charme exquis du quartier de la Résidence de Rabat, du moins représente-t-elle un admirable effort de réaction contre le désordre des premiers temps, contre la laide ruée des hommes de proie et des margoulins. Il est évident que Casablanca, qui a commencé par être affreuse, deviendra, non une ville d'art, ce qui est impossible et superflu, mais une cité moderne imposante, prospère, éliminant les taudis primitifs et donnant la curieuse idée d'une riche ville française sur un rivage africain. L'élément indigène n'y paraît que dans les quartiers ouvriers, et sur l'avenue d'Amade ou le boulevard de la Gare, ce sont les enseignes, les bibelots, l'esprit de Paris qui règnent et me font douter que quelques heures seulement me séparent de Marrakech et du seuil saharien.
Et le signe de la grandeur de Casa, c'est son port. On ne peut considérer, depuis le boulevard Ballande, ses kilomètre, de quais, de jetées, avec leur formidable outillage, l'égalant bientôt à Bordeaux, sans se rappeler avec stupeur qu'à cette place, il y a vingt ans, rien n'existait, et que là où accostent les paquebots transatlantiques, quelques misérables barcasses indigènes pouvaient seules toucher le sable devant la vieille porte Bab el Marsa. En vingt ans. on a fait plus ici qu'à Alger en un siècle, et l'infime bourgade de la Chanoïa est devenue une cité de plus de cent mille habitants; par elle ont passé tous nos ravitaillements dans la conquête. Point stratégique et commercial incomparable entre l'Europe et l'Afrique du Nord, on face de l'Amérique, cette Marseille future dépassera probablement l'autre. Cercles, lycées, temples, palais, journaux à l'outillage parfait, école franco-arabe, hôpitaux, gares, arènes, stades, môles, usines, tout y est sorti de terre avec une rapidité, une hardiesse logique, une énergie de conception et d'exécution, qui tiennent du prodige et forcent l'admiration. Qu'importent, auprès de cela, quelques taches qui disparaîtront, inévitables dans la ruée désordonnée de l'occupation, et qui m'ont induit d'abord en une mauvaise humeur dissipée à mesure que i'envisageais l'œuvre sous son vrai jour, au delà de la première impression d'un artiste venant de quitter des merveilles? Certes, ceux qui abordent au Maroc par Casablanca ne peuvent trouver que déception, carence de l'art et du pittoresque, et se demander si c'était bien la peine de quitter l'Europe : ils n'y soupçonnent rien du monde mystérieux et magique qu'ils ont espéré. Mais devant cette mer violente, matée par ces jetées grandioses, apparaît l'œuvre du vieux génie de la France incarné par un animateur d'une qualité unique.
Camille MAUCLAIR.


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptyVen 2 Nov - 8:25

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MAROC Terre d'Avenir Swsca190

- LA TOUR   HASSANE A  RABAT. —  Elle s'élève au-dessus des ruines d'une immense mosquée qui fut détruite par un   incendie et pillée par des indigènes.

- La CASBAH  DES  OUDAIA.  -   A  l'estuaire de Bou  Regreg,  dégagée par les  Français. Jadis  une  sorte de caserne  nommée  Rabat  el Fath,  le camp de  la conquête    Les troupes   almoades   s'y   assemblaient   avant   de   partir   pour   l'Espagne.   A   l'intérieur la  Medersa, ancienne habitation des gouverneurs, s'ouvre sur des jardins merveilleux.


RABAT LIEU DE SERENITE

- A Casablanca, on trouve la trépidation de Marseille, l'affairisme de Bordeaux, A Rabat, on goûte la douceur, la sérénité des heures marocaines. Elle le doit à sa position privilégiée, à mi-chemin entre Fès et Marrakech, entre le Maroc du Nord et le Maroc du Sud; à sa population, composée pour une part des Maures chassés d'Andalousie, et pour une part des gens plus frustes venus du Souss ou de l'Atlas; à ses ruines, tantôt intactes comme le Chellah, tantôt à deimi-restaurées comme à la tour Hassane, tantôt revivifiées comme la Casbah et le jardin des Ouddias. Louis Roubaud, dans le « Mograb », trace une juste esquisse de la ville résidentielle.
LES limites de la capitale chériflenne sont tracées au crayon rouge. La vieille muraille d'argile et de pierre brune enlace complètement la cité indigène où les maisons sans fenêtres se serrent et s'étouffent, comme rassemblées par un péril et décidées à ne pas regarder l'horizon. Le vieux Rabat tourne le dos à l'Océan. A aucun endroit on ne peut soupçonner le rivage voisin, ni la route d'eau terminée en impasse. On comprend la résistance têtue du Mograb à la civilisation romaine toute proche, qui est là, de l'autre côté, à quelques jours de bateau et quelques heures d'avion. A vingt pas de la côte, on veut ignorer la mer qui porte les paquebots d'Occident.
La ville française a été bâtie « extra muros »; elle forme autour de l'antique Médina une large ceinture moderne avec ses villas, ses jardins, ses palais publics, ses hôtels et maisons de rapport. Ainsi le Maroc tout entier, ceinturé par notre civilisation, mais non pas fondu en elle. Le trait rouge des murailles d'argile marque partout la frontière des siècles. Les obus ont pu trouer la fragile forteresse. Il faut une autre force que la poudre pyroxylée, un autre dynamisme que la dynamite pour les renverser.
Je connaissais déjà le quartier de la Résidence, ses palais en de beaux jardins et ses monuments administratifs où le labeur est une fête. Tout y a été prévu pour la facilité et l'agrément du travail. Chefs-d'œuvre de goût simple et gai, où la vie moderne s'harmonise avec le cadre ancien.
C'est une succession de villas, d'hôtels particuliers, « gloriettes » « folies », « castelets ». Les derniers progrès de la science domestique et de l'art décoratif se rencontrent en leur installation. Ces demeures idéales bordent de belles avenues, contournent des parcs, des petits bois, et se rangent devant des terrains de sport, de jeux ou de courses aux blanches tribunes. Leur gentillesse fait place de temps à autre à la beauté d'un palais : ceux de la Justice, de l'Hôtel des Postes, de l'Hygiène... Les instituts entourés des villas de leur personnel, les écoles, les établissements de santé ou d'éducation et les « jardins de soleil », garderies d'enfants qui sont de purs bijoux avec leurs petites douches de marbre, leurs pupitres rosés, leurs jouets...
Louis ROUBAUD


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MAROC Terre d'Avenir Swsca191

- LES TOMBEAUX   DES   MERINIDES.  - Durant  leur  existence,  ces  sultans  ont  souvent  fait  trembler   les Fassis . Depuis  leur mort,  leurs  Koubbas inspirent encore  le respect : leurs murailles  délabrées abritent  les oiseaux et spiritualisent  le  paysage.


FES,   CITE MÉDIÉVALE


Pour avoir une première vision de Fès, il faut aller an nord de la ville, auprès des tombeaux des Mérinides qui abritent les corps des sultans célèbres au XIII siècle. Entourée de remparts, surmontée de minarets, voici Fès, toute blanche. C'est l'heure de relire l'ouvrage de Jérôme et Jean Tharaud sur Fès ou les bourgeois de l'Islam : payes parfois sévères sur la société décadente, mais qui nous aident à saisir cette ville et à comprendre ce qu'a pu être la civilisation islamique aux grands jours de Grenade, de Séville et de Cordoue ; Fès leur apparaît comme la ville la plus personnelle du Maroc.

D'abord par sa forme :
LA ville elle-même a la forme d'une abeille, avec cet étranglement qui la divise en deux parties inégales : la plus petite, la tête si l'on veut, Fès Djedid, la ville neuve, étendue sur la hauteur ; l'autre, beaucoup plus allongée, la Médina, la vieille cité d'Idris, sur les pentes et dans le fond du ravin.
« Pour un Fassi, la Ville Neuve (qui n'a de neuf que le nom, car elle date de sept ou huit siècles), Fez Djedid n'est pas vraiment Fès. C'est l'endroit où se trouve cette immense chose fermée, mystérieuse, étrangère, le Dar Makhzen, le palais du Sultan, qui forme un monde à part, avec ses hauts murs crénelés, ses terrains vagues, ses jardins, ses méchouars, ses bâtiments laids ou somptueux, vétustés ou fraîchement bâtis, toujours disposés au hasard, suivant le caprice du temps. Au pied de cette vaste enceinte, le Fassi, dévot et craintif, a rejeté la prostituée, le soldat dangereux, et le Juif plus redoutable encore. Derrière un charmant paravent de murailles qui croulent, d'eaux rapides et claires, de peupliers et de moulins, s'abrite le sordide quartier de Sidi Abdallah et sa prostitution si pauvre, si humiliée, si peu bruyante, parée d'un peu de mousseline, de fard et de henné. Plus loin, les quartiers délabrés, qu'habitaient autrefois, avec leurs femmes et leurs enfants les trois ou quatre mille esclaves noirs qui formaient de père en fils la garde des Sultans. Ça et là, au milieu des cimetières, quelques kasbahs où des gens de tribu se tenaient toujours prêts à partir en campagne. Et enfin le Melleh, où les Juifs ont installé, à l'abri du palais, leur foi, leur pouillerie, leur richesse et leur misère, dans un espace infiniment trop étroit pour leur agitation et leur nombre. »
Singulière aussi par l'activité de la vie religieuse : le tombeau de Moulay-Idriss II est le cœur de la cité .
« On vient lui confier ses ennuis. Tous les secrets, il les connaît, on le mêle à tous les trafics, même les moins avouables, car ces bourgeois de Fès l'ont tellement fait à leur image qu'ils lui ont passé tous leurs défauts.
« Le prier suffit à rendre honorable. Lui porter un cadeau le persuade toujours que votre cause est juste. Le lui apporter en musique, c'est avoir sa cause gagnée. Aussi ne dit-on pas simplement : « Je t'apporterai un cadeau », mais : « Je te l'apporterai avec le tambour et la flûte ! ». Et l'on voit, en effet, à toutes les heures de la journée, des petites processions de trois ou quatre personnes, dont l'une porte sur sa tête le cadeau dans un plat en cuivre, s'acheminer vers son tombeau avec les musiciens. Il est l'intermédiaire céleste, le hagib, le chambellan d'Allah, qui ne manque jamais de lui demander son avis pour tout ce qui touche au Moghreb. Rien ne se fait, rien ne se dit à Fès où il ne soit mêlé. »
Fès est originale encore par l'intensité de la vie intellectuelle : l'Université qaraouiyne en reste le centre.
« Le temps n'a rien changé à la vieille mosquée : elle est aussi belle qu'autrefois avec ses portes de bronze, son pavé blanc et noir, le ruisseau qui la traverse, sa fontaine aux ablations si parfaitement élégante, sa nef aux trois cents piliers et aux lampes innombrables.
« Un professeur de Qaraouiyne est dans la ville un personnage. Avec les chorfa idrissites, il fait partie de cette aristocratie qui est la gloire et le décor de Fès. Vous le reconnaissez dans la rue à la dignité de son maintien, à son air compassé, à ses yeux toujours baissés, comme si rien du monde extérieur ne pouvait le distraire de sa méditation, à ses vêtements impeccables, au petit tapis rouge ou vert qu'il porte sous le bras comme nos professeurs leur serviette. Sur son passage on s'empresse pour lui baiser la main ou l'épaule, sans qu'il daigne répondre autrement que par un léger signe de tête ; et souvent un riche bourgeois lui glisse discrètement dans la manche quelque petit présent, qu'il reçoit d'un air impassible.
« La suprême élégance pour un docteur de Qaraouiyne est de faire durer le plus possible l'objet de son enseignement. Six ans, sept ans pour expliquer un ouvrage semble là-bas un délai assez court.
« Les étudiants écoutent sans jamais poser de questions. Ils prennent le cours où il en est, à sa septième, à sa douzième année, peut importe ! Ils s'y jettent comme à la rivière, à l'endroit où ils se trouvent.
« Jadis, à Qaraouiyne, ils étaient sept ou huit mille. Ils sont aujourd'hui sept ou huit cents. La moitié à peu près appartiennent à des familles de la ville, et continuent de vivre dans la maison paternelle ; les autres viennent de la campagne et logent, le temps de leurs études dans sept bâtisses très anciennes, sept hôtelleries d'étudiants, qu'on appelle des médersa, et qui sont les plus belles choses que l'on peut voir à Fès. »
Fès doit enfin son individualité à la richesse de ses fabrications et de son commerce.
« A Fès tout le monde est marchand.
« S'il fait le commerce de gros, s'il est un « tadjer », comme on dit ici la bouche pleine, le Fassi se tient dans son fondouk, ces fondouk de la Médina, vieilles bâtisses où l'on n'habite pas, avec leurs deux ou trois étages de balcons délabrés et leur vaste cour intérieure, qui fait comme une grosse poche dans la mince rue qui vous y mène. Cet homme qui a un million de marchandises quelque part, qui vient de passer tout à l'heure un ordre de deux cent mille francs à son correspondant de Casablanca ou d'ailleurs, qui possède une vraie maison de conte arabe dans la ville, vous le voyez assis par terre dans une chambre minuscule, qu'il loue trente francs par mois, la porte ouverte sur la cour d'où arrive l'odeur du crottin, de la poussière et de la paille hachée, dans un dédain absolu de tout confort, comme si la passion des affaires anéantissait en lui le goût de ces raffinements que, sorti de ce fondouk, il recherche tellement dans la vie.
« Cette surprenante ville de Fès offre peut-être l'image la plus approchée qui soit de ce que pouvait être Paris au temps de Saint-Louis, un Paris sombre, étroit, avec son Université, ses innombrables chapelles, son organisation sociale, ses confréries, ses corporations, ses métiers. A Fès, on prie, on étudie, on trafique, comme on faisait il y a dix siècles chez nous. D'où l'intérêt prodigieux, unique, de cette cité où continue de vivre tout familièrement un passé qu'il nous est impossible d'imaginer autrement que par la rêverie et les livres. Une ville pareille est pour nous un témoignage sans prix. Entre notre vie d'autrefois et notre vie d'aujourd'hui, elle se présente comme une étape, où nous pouvons voir de nos yeux, je ne dis pas exactement ce que nous avons été, mais quelque chose de ce que nous avons été. »
Jérôme et Jean THARAUD. de l'Académie française.


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptyVen 2 Nov - 8:28

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MAROC Terre d'Avenir Swsca192

- Blanche, encerclée de remparts, piquée de minarets, telle apparaît Fès. Cherchez bien vous finirez par découvrir le tombeau de Moulay Idriss et la fameuse Karouine. Si vous entrez, vous constaterez avec Jean Gallotli que « la puissance des clairs-obscurs l'audace des perspectives verticales, l'exotisme des foules et la présence en tous lieux de fontaines aux encadrements de mosaïque et de bois peint, de porches aux auvents sculptés, de cours, de mosquées en revues dans un rayon de soleil ou de sombres salles de prière illuminées par des lampes, font de cette ville une Immense œuvre d'art. » 0 Fès, ville des saints, des artistes, des savants et des commerçants !  
- Des   remparts   en   ruines   et   de   modestes   cimetières   étreignent   Fës   sans   nuire   à   la   sereine majesté    du    paysage.    Avec raison,  les  Fassis sont fiers et  même jaloux de leur cité.
- La  rue doit être protégée du soleil. Des treillis ou bien des auvents aux tuiles rouges filtrent la lumière.


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptyVen 2 Nov - 8:31

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MAROC Terre d'Avenir Swsca193

-  BAB   MANSOUR,   A   MEKNÈS  -  La porte  la  plus belle  du   Maroc,  construite   par  un   Chrétien   converti à l'Islamisme.   Ses  dimensions indiquent  les  proportions   du   Palais d'lsmaïl.
- Contemporain   de   Louis   XIV,   le  Sultan   MOULAY   ISMAIL   voulut   avoir   son Versailles     à     Meknès :     ces    haras     contenaient     jusqu'à    12.000    chevaux.

LES DEUX FACES DE MEKNÈS

Ville désolée : le Versailles de Moulay Ismail est en ruines. Cent hectares. Dix palais : un seul restauré, le Dar el Beïda. De longs remparts : sur 40 kilomètres ils restent encore debout.
Ville ardente, à côté. Des jardins où les arbres de chez nous voisinent avec les oliviers. Des fontaines. Des mosquées. Tons les ans la confrérie des Aïssaonas célèbre, en septembre, autour du tombeau de leur saint, la jeté du sang.
Henry Bordeaux, dans Le visage du Maroc, souligne le contraste entre ces deux faces de Meknès :

MEKNES précipite dans le ravin, comme une grande coulée blanche, ses maisons carrées à terrasses, d'où pointent des minarets colorés. Le plus beau est d'un vert charmant qui me rappelle les nuances délicates de la mosquée d'Omar à Jérusalem.
« La ville indigène s'étend donc sur la colline allongée, séparée, comme l'a heureusement voulu le maréchal Lyautey dans tout le Maroc, de la ville européenne. La Médina s'ouvre par deux portes magnifiques, Bab Mansour et Bab Djama En Nouar avec leurs arcs en ogive flanqués de bastions. Le Dar Djamaï, ancien palais du vizir Djamaï devenu aujourd'hui le musée des arts indigènes, avec ses portiques, son jardin, ses mosaïques, ses tapis, sa collection de meubles, de faïences, d'étoffes, avec ses terrasses d'où l'on domine le marché aux taches multicolores, serait plein de charme oriental si je n'étais blasé par mes voyages au Levant.
« Je me suis amusé à regarder la foule des souks, foule d'Orient aux burnous blancs, aux djelabas plus foncées, aux turbans variés, où les femmes se glissent, voilées, où passent les fiers Berbères de la montagne, bronzés et souvent alourdis de sang noir. Mais je suis irrésistiblement attiré par les ruines extraordinaires du palais immense de Moulay-Ismail.
« Nous traversons cinq ou six enceintes : murailles hautes, murailles énormes destinées à protéger et dissimuler la formidable existence de ce tyran qui possédait cinq cents femmes, plus de vingt mille chevaux et toute une garde noire venue du Soudan qu'il destinait à répandre la peur. Voici le corps de logis des sultanes, leurs jardins réservés, le bassin où elles pouvaient se livrer aux douceurs du bain et jouer avec les eaux. Et voici les écuries, labyrinthe de salles voûtées, de colonnes aux fûts dégradés, forêt où l'on pourrait se perdre et qui recouvre encore des souterrains. Le temps a fait son œuvre de dévastation. L'herbe a poussé un peu partout, entre les murs, sur les murs, dans, les immenses cours abandonnées. C'est un lieu propice pour rêver, non pas sur la décadence des monuments et le peu de durée des œuvres humaines — Gœthe à Rome s'extasiait au contraire sur la puissance constructive des Romains dont les ruines de Volubilis, près de Meknès. témoignent encore — mais sur l'épouvantable orgueil de l'homme qui bâtit cet amas monstrueux pour son seul plaisir, croyant égaler son contemporain Louis XIV à Versailles, qui ne cessa pas, durant un règne de cinquante-cinq ans de répandre l'épouvante et qui, néanmoins, rien que par la crainte et par le commandement unique, imoosa pour ainsi dire au Maroc le travail, l'ordre, la prospérité. Il arrêta l'anarchie où l'empire agonisait, mais il fut sans pitié, sans entrailles, sans rien d'humain qu'une volonté de fer qui ne supportait aucune contradiction.
Henry  BORDEAUX, de   l'Académie française.

MARRAKECH  CAPITALE SAHARIENNE

Fès, blanche ; Marrakech, rouge. L'une, capitale du Nord, lieu d'élection des sultans idrissides, mérinides et alaouites; l'autre, capitale du Sud, choisie par les Saadiens. Là, l'Islam reste pur avec ses mosquées et ses universités : les savants donnent le ton et procèdent à l'élection du sultan. Ici, l'Islam s'adoucit jusqu'à faire une place, pendant quatre siècles, à un évêché catholique (de 1233 à 1639) : les seigneurs qui commandent les trois cols stratégiques de l'Atlas, les Glaoui, les Goundnfi, les Mtougi, consolident ou ébranlent la suzeraineté du sultan.

- ON a souvent comparé la situation de Marrakech, au pied de l'Atlas, à celle de Milan, au pied des Alpes. L'analogie est plus grande encore qu'on ne l'imagine. Toutes deux doivent leur existence et leur durée au fait qu'elles se trouvent au carrefour des chemins qui descendent des principaux cols, et que toutes  les  relations  d'au  delà des monts  viennent s'y nouer  en  faisceau...  Aussi n'est-il  pas  surprenant  qu'on  respire   en   quelque   sorte,  à   Marrakech,   un   air   qui   n'est  pas purement marocain ; les hommes de la haute montagne berbère, du Draa Saharien et du lointain Soudan viennent s'y fondre en une humanité plus noire de peau, de mœurs plus africaines, moins fanatique et moins imprégnée d'influences méditerranéennes et arabes.
« Les voies qui la parcourent convergent presque toutes en partant du périmètre des remparts et des portes d'accès de la ville vers une zone centrale qui correspond aux souks, ... / ...


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MAROC Terre d'Avenir Swsca194

- PLACE DJEMAA EL FNA OU PLACE DE LA FOLIE, A MARRAKECH. — Certes une des plus extraordinaires du monde. Par l'affluence : de quatre heures du matin à minuit, des milliers d'hommes et de femmes s'y pressent, sans oublier tous les animaux domestiques entravés ou en liberté. Par la bigarrure : chanteurs, conteurs, danseurs, gymnastes, bateleurs ; vendeurs auprès d'étalages, devant un carré de sparterie, à même le sol ; femmes voilées ou le visage découvert, en babouches ou pieds nus. Par le brouhaha : tout cela grouille et s'immobilise, crie et s'assourdit. Par l'orgie des couleurs : vives ou ternes, brutales ou dégradées ; éclatantes sous le soleil de midi, ou estompées par la lueur des lumignons sous verre ou à flamme libre. Par les odeurs : de cuisine, de chair ou de parfums ; toutes violentes, sensuelles et comme fauves.

- LA KOUTOUBIA - Cette tour domine Marrakech de ses sept étages et de ses soixante-dix mètres. Elle demeure seule intacte des trois minarels jumeaux dont El Mansour avait jalonné son empire : la Tour Hassane, à Rabat, est découronnée de sa coupole et sur la Giralda de Séviiie un archange chrétien plane désormais. Toute l'histoire de Marrakech se déroule autour de la Koutoubia, jadis mosquée des libraires, puis lieu de pèlerinage, enfin place de guerre. Aujourd'hui encore le muezzin appelle à la prière.


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MAROC Terre d'Avenir Swsca196

- PAVILLON   DE  LA MENARA.     -   Construit au  XlXe siècle,  il se  mire dans  l'eau   tranquille  d'un  bassin,   dont   les eaux   irriguent un  jardin,   planté   de  beaux  oliviers.
- LA   PORTE OU BAB  EL  KHEMIS,   A MARRAKECH. Une voute large et basse : tout le ciel bleu s'encadre  dans la grande arche ronde.


... / ... à la kissaria et à ce singulier marché-kermesse en plein air qu'est la place Djema el Fna. Ceci suffirait à distinguer la physionomie de Marrakech, sorte de ksar, de fondouk avant tout, au regard de Fès, dont la zaouia de Moulay Idris et la mosquée Karaouiyne constituent l'ombilic. Et sans doute il existe aussi à Marrakech des mosquées et des zaouias vénérées, comme celle de Sidi Bel Abbés, le plus saint des sept patrons de la ville, mais le prestige religieux en reste local et le céde à des soucis plus terre à terre. Enfin, Marrakech n'est pas non plus à l'instar de Rabat ou de Fès, une ville hadriva, c'est-à dire une ville de citadins, de lettrés, de fkih, de théologiens. Aussi les Fassis, gens cultivés qui se piquent d'exceller dans la spéculation religieuse non moins que dans les entreprises de commerce ou de banque, manifestent-ils un dédain de francs aristocrates pour les Mrâkchis, ce mélange hétéroclite de nègres, de gens du Sahara et de l'Atlas chleuh, ces fils parvenus d'anciens esclaves ou de serfs, sans traditions, sans ressort politique, habitués à subir toujours la force, d'où qu'elle puisse venir. C'est encore là, en effet, un trait qui apparente Marrakech aux oasis sahariennes : cette éternelle servitude à l'égard des puissantes tribus environnantes et l'humilité de sa population vis-à-vis des grands chefs féodaux en dehors qui s'y sont construit des palais et des parcs des Mille et une Nuits. Cet énorme marché, où l'on ne songea jamais qu'à commercer et qu'à jouir, fut toujours une proie, un butin.
J. ZIMMERMANN.

VILLE IMMENSE AUX MORCEAUX DIVERS

André Chevrillon donne à ses notations un titre évocateur : Marrakech dans les Palmes. 80.000 palmiers ceignent la ville d'une ceinture toujours verdoyante.
- C'EST bien la capitale bédouine et déjà saharienne du Maroc, très différente de Fez, la capitale mauresque dont les rues confinées parlent surtout de civilisation citadine, de vieille bourgeoisie musulmane et recluse. D'immenses espaces qu'enveloppe un branlant rempart de toub rouge, des champs de poussière, des terrains vagues, de profonds jardins : à travers tout cela, qui tient de la ruine, du désert et de l'oasis, se dispersent les morceaux de Marrakech. Il faut des heures, au pas d'une mule, pour aller de la Médina à la kasbah, à l'Aguedal, au mellah. On plonge dans la ruche étouffée des souks : étroites galeries, pâle remuement de foule qui s'allonge entre les alvéoles alignées du commerce, chaude et bourdonnante pénombre, ça et là transpercée d'un rais poudroyant de soleil. On se perd en de profondes ruelles où règne un jour amorti : de mystérieux fantômes les hantent, sans bruit de pas, frôlant de leurs blêmes linceuls, la chaux blème du mur. On débouche au soleil en quelque espace vaste où clame, ondoie dans la poussière, parmi les cercles de chameaux calleux et les files d'ânes saignants, la cohue blanchâtre et bleu sombre d'un marché. On retombe à la solitude, au silence, entre des talus vergers; on cherche l'ombre des hautes clôtures délabrées ; on suit, sous des courtines intérieures qui ne défendent rien, de vagues chemins sans noms, de longues aires abandonnées, on la terre pulvérulente n'est faite que de la cendre et du débris des siècles. On passe sous le fer à cheval et le vieux décor en zig-zag de quelque poterne qui se lève, on ne sait pourquoi, puisque, de l'autre côté, la ville, l'enchevêtrement des couloirs et venelles continue sans changement. On voit s'ouvrir d'immenses cours de manœuvre et de parade, tout l'étincelant hiver de l'Atlas surgissant par derrière, sur une ligne de créneaux. Et brusquement on est bien loin de l'Islam, car voici le fourmillement de la juiverie, la foule en robes et calottes de deuil, dont les visages méditatifs (entre les papillites des tempes), les regards souvent profonds, les attitudes sérieuses et drapées font penser aux figures de plèbe et de bourgeoisie marchande sur quelques piazza du moyen âge. Enfin, le soir, une voûte franchie, on se trouve hors des murs, — et c'est alors, sans transition, a dix pas des confusions d'un souk, l'espace, le silence du désert, la calme splendeur de la palmeraie dans le crépuscule, et, plus rouge des rayons du couchant, le vieux rempart ébréché allongeant au loin dans la solitude la file de ses bastions ».
André CHEVRILLON. de   l'Académie  française.


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MAROC Terre d'Avenir Swsca197

- SUR LE VERSANT SAHARIEN DE L'ATLAS, VERS 2.000 M. - Au sommet du piton, le donjon de terre reste debout, témoignage de la féodalité à la mode berbère. Autour des Ksours de terre ocre, avec les remparts à créneaux et leurs quadrangulaires. A cette hauteur; plus de palmiers, mais des lauriers, des chênes verts. Dans la vallée, le damier des cultures. Une surprise pour qui descend du Nord, une halte d'air et de fraîcheur pour qui monte du sud.

ET TOUT AUTOUR, LE BLED


- Au Maroc, plus que partout ailleurs, la ville est un  organisme nettement défini, dont la vie s'arrête a  l'enceinte. Par delà, s'étend la campagne, le bled rouge ou  ocre qu'agrémenté tantôt un  bouquet d'oliviers,  tantôt  un   éventail  de  palmiers, où les maisons   le  plus souvent de terre battue, parfois de pierre sèche, se distinguent à peine.
Il est de tradition d'opposer le campagnard, Berbère plus ou moins islamisé, au citadin de race arabe; le Chelleuh, qui habite la montagne, au Maure, qui préfère la plaine ou la ville. Au lieu du relâchement des relations dans la ville, s'impose ici la solidarité dans la tribu, basée sur la consanguinité. Après les échoppes minuscules et les remparts crénelés voici les larges espaces limités seulement par l'âpre Atlas. Un Allemand, Friedrich Sieburg, marque dans Le Visage de la France en Afrique, l'importance de la campagne au Maroc

- LE prisme étincelant de ses villes n'a su retenir qu'un aspect de son âme. La vie millénaire des tribus et des familles, leurs migrations, leurs querelles, leurs transformations intérieures, leurs luttes pour les pâturages, les sources et les sanctuaires, contournent en quelque sorte les villes, n'occupant ni les artistes ni les chroniqueurs. On peut même dire que ces deux courants, le courant rustique et le courant citadin, coulent l'un à côté de l'autre, à égale distance, et que cette impuissance à les unir est le grand drame du pays et de son histoire. Les villes sont des tentatives, souvent grandioses, mais presque toujours vaines, de faire de ce pays une unité, un ensemble susceptible d'être gouverné et de lui assurer l'exercice d'une foi à l'abri de toutes les transformations et de toutes les erreurs. Il est vrai que l'idéalisme a rarement inspiré de telles tentatives, qui ont été entreprises plus souvent dans un esprit politique et par goût du pouvoir. Mais quel mince bénéfice la population a su en tirer ! Si l'on veut mesurer l'activité des souverains qui s'appuient sur les villes, a l'étalon du progrès, l'œuvre qu'ils ont accomplie est dune étonnante pauvreté. Mais sans doute la notion de prospérité et de floraison ne jouait-elle aucun rôle dans leur pensée : ils accomplissaient leur devoir lorsqu'ils veillaient sur leurs familles, sur leur armée et sur leurs sanctuaires. La vie des tribus, la dure et monotone lutte des berbers, des chasseurs et des paysans pour leur subsistance n'a jamais relevé au Maroc de l'histoire officielle. Ce qui se déroule dans les montagnes et dans les plaines, ce qui est issu de la terre et en jaillira toujours, cette peine, ces efforts et ces souffrances sur lesquels le Créateur a inscrit les mots menaçants et annoblissants « à la sueur de ton front », cette vie sous la tente commune, dans la solidarité tenace, féconde, et dans l'honneur des familles, tout cela n'a été ni inscrit, ni figuré, ni rendu conscient, et c'est pourquoi, aujourd'hui encore, il est si difficile d'embrasser le Maroc d'un seul coup d'œil. »
Friedrich   SIEBURG.

- Au cours de ses premières randonnées, quel voyageur ne s'est surpris à répéter la prière qui termine le beau livre de Loti sur le Maroc.
« Oh ! Moghreb sombre, reste bien longtemps encore muré, impénétrable aux choses nouvelles ; tourne bien le dos à l'Europe et immobilise-toi dans les choses passées.
« Dors, continue ton vieux rêve, afin qu'il y ait au moins un dernier pays où les hommes fassent leur prière. Qu'Allah conserve au peuple arabe ses songes mystiques, son immuabilité dédaigneuse et ses haillons gris. Qu'il conserve aux musettes bédouines leur voix triste qui fait frémir, aux vieilles mosquées l'inviolable mystère... et le suaire des chaux blanches, aux ruines. »
Prière  qui n'est plus qu'un regret...


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptyVen 2 Nov - 8:36

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MAROC Terre d'Avenir Swsca198

- 1 - ORIGINALITÉS DU MAROC



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MAROC Terre d'Avenir Swsca199

Terre d'Occident


MAROC Terre d'Avenir Swsca200

ON donne parfois à l'Afrique du Nord le nom d'Afrique Mineure. Elle fait ainsi figure de petit continent dans le grand, isolé dans son cadre de mers qui l'entourent sur trois faces, et de déserts qui le ferment au sud. Continent d'une remarquable unité géographique, qui coïncide avec la zone d'épanouissement des diverses chaînes de l'Atlas et avec l'aire d'extension du climat méditerranéen dans l'Afrique de l'hémisphère nord. Algérie, Tunisie et Maroc apparaissent alors comme des entités administratives que séparent les limites artificielles, provinces en réalité d'un même ensemble naturel.
Ce n'est là qu'un des aspects de la réalité. A examiner les choses de plus près, chacun des trois pays a son individualité propre. Le Maroc notamment apparaît comme un monde à part. Sa personnalité physique s'affirme par ses dimensions, ses contacts extérieurs, les traits de son relief et de son climat et de ses fleuves, et surtout son orientation générale vers l'ouest.
Grand comme les 5/6 de la France, il est plus vaste que l'Algérie et la Tunisie réunies. Au lieu de s'étirer dans le sens ouest-est comme l'une, ou dans le sens nord-sud comme l'autre, il affecte la forme d'un quadrilatère bien équilibré par les quatre faces duquel il est en contact avec des mondes bien divers; à l'ouest par sa face méditerranéenne avec l'Europe du sud-ouest, notamment l'Espagne; à l'est par sa façade algérienne, avec le reste de l'Afrique du Nord, au sud par sa façade désertique, avec le monde saharien et même soudanais. Le Maroc semble donc s'ouvrir à des influences très diverses. En fait, ces influences sont restreintes par la disposition du relief.
Orientation du relief vers l'Atlantique
L'élément essentiel en est constitué par une diagonale de hautes montagnes qui prend le pays tout entier en écharpe, du sud-est vers le nord-est. Du cap Ghir sur la côte Atlantique entre Agadir et Mogador, jusqu'aux sources de l'oued Ghir, sur 700 km. de long et 60 à 80 de large, le Haut Atlas constitue l'élément essentiel de cette diagonale. Le col de Telouet où passe la route traditionnelle de Marrakech vers le Soudan la coupe en deux parties. Le Haut Atlas occidental, formé comme le massif du Mont-Blanc de terrains granitiques soulevés et délivrés de leur carapace de sédiments, a une allure alpine : crêtes dentelées, pics aigus, vallées profondément creusées par l'érosion, cirques glaciaires et même neiges éternelles. Plusieurs sommets dépassent 4.000 m., parmi lesquels le Toubkal (4.070 m.), point culminant de l'Afrique du Nord. Le Haut Atlas oriental a un aspect très différent; le granit, moins ressoulevé, disparaît sous d'épaisses couches de sédiments calcaires; la chaîne s'élargit, mais l'altitude s'abaisse (3.500 m. au Djebel Aïachi). Le modelé, faute d'érosion vigoureuse est empâté. Les derniers plis meurent en rides modestes sur les hauts plateaux où l'Atlas saharien d'Algérie les relaye.
Vers les 2/3 de son parcours, le Moyen Atlas s'en détache et prolonge la diagonale vers le nord en direction du Rif. Le Moyen Atlas ressemble au Jura. Il est formé à l'ouest et au nord de plateaux calcaires découpés par des canons de rivières et, vers le sud et l'est, de plis irréguliers sillonnés de vallées évasées raccordées par des cluses.
Deux différences pourtant : l'altitude plus élevée (puisque les plateaux montent à 2.000 m. et les plis quelquefois à 3.000) et l'empreinte volcanique qu'on retrouve dans les cônes, les coulées et les lacs de cratère qui sillonnent le plateau. C'est un « Jura surmonté d'une Auvergne ».
Enfin au sud du Haut Atlas occidental, auquel il se raccorde par la masse volcanique du Siroua, l'Anti-Atlas, bombement de vieux terrains durs qui se tiennent vers 2.000 à 2.500 m., ferme la diagonale.
Par leur altitude et leur caractère sauvage, ces montagnes ont constamment servi de refuge aux populations jalouses de leur indépendance ; sauf dans le Haut Atlas occidental, les tribus atlasiques, restées profondément berbères, ont rarement reconnu l'autorité des sultans; ce sont celles qui ont été pacifiées les dernières ... / ...


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MAROC Terre d'Avenir Swsca201


... / ...  par la France (celles du Moyen Atlas en 1934 seulement). Mais en même temps, elles ferment presque le Maroc aux influences algériennes. Cette affirmation peut surprendre, si l'on considère que la frontière algéro-marocaine coupe artificiellement les mêmes réglons, et que les mêmes tribus nomades parcourent les confins des deux pays. C'est que, en réalité, les hauts plateaux marocains, d'ailleurs à peine peuplés, sont le prolongement géographique et humain de ceux d'Algérie et que la véritable frontière géographique du Maroc, c'est la diagonale des Atlas. C'est seulement à l'extrême nord que s'ouvre, d'un pays à l'autre, un passage naturel l'étroit couloir d'Oujda à Taza où les derniers contreforts du Moyen Atlas et du Rif se rejoignent en collines de 500 à 600 m. d'altitude. Passage traditionnel, d'une importance capitale, mais où la circulation a toujours été précaire.
L'étroitesse de ce couloir tient à l'écran du Rif qui barre la route aux influences méditerranéennes. Le Rif, qui, sauf sur ses contreforts méridionaux, est intégralement espagnol, appartient au système orographique de l'Espagne; le détroit de Gibraltar n'est qu'un accident qui le coupe de la Cordillère ibérique. Pourtant, malgré cette parenté géographique et ce rapprochement territorial, les communications du Maroc avec l'Europe sont aussi précaires qu'avec l'Algérie. Elles ne peuvent et n'ont jamais pu se faire utilement que par de à le détroit, c'est-à-dire par delà le Rif, face à Tanger, par les plaines qui se font face sur la versant atlantique, et non méditerranéen, des deux pays,
Par conséquent, si le Maroc tourne le dos à l'Algérie, s'il se prête mal aux contacts méditerranéans, il s'ouvre pleinement aux influences atlantiques. Tout le « Maroc utile », comme disait Lyautey, se situe à l'ouest de la diagonale des Atlas, dans les plateaux et les plaines dont les paliers mènent à l'Océan.
Les plateaux situés au pied des montagnes, qu'ils soient cristallins et boisés comme dans le plateau zaer ou zaïan au nord, ou calcaires et arides comme dans le Settat au centre, ou cristallins et dénudés comme dans les Djebilet au sud, avec leur climat rude, leur sol pauvre et leurs populations traditionnellement insoumises, constituent une des zones les plus répulsives du Maroc.
Au contraire, les plaines côtières qui s'étendent à leurs pieds sont le grand foyer d'attraction de la vie marocaine. Nulle part en Afrique du Nord il n'en existe d'aussi vastes et d'aussi continues, d'aussi propices à la vie agricole. Elles se divisent en trois grands ensembles :
1°) Au nord, la plaine marécageuse du Gharb, ancien golfe marin comblé par les affluents du Sebou qui se prolonge en entonnoir vers l'est par les hautes plaines de Meknès et de Fez, au débouché occidental du couloir de Taza et au pied du Moyen Atlas;
2°) Au centre, séparées du Gharb par l'avancée jusqu'à la mer du massif Zaïan, les plaines de la Chaouïa, des Doukhala et des Abda, vastes étendues monotones aux lentes ondulations, qui se succèdent jusqu'à Mogador. Couvertes de terres noires ou tirs, et de terres rouges plus légères ou hamri, elles sont d'une fertilité légendaire;
3°) Au sud, dans l'encadrement du Haut et de l'Anti-Atlas, la plaine du Sous, fertile par irrigation, est une Egypte en miniature, dont la plaine du Haouz de Marrakech, sur le versant nord du Haut Atlas, est une réplique exacte.

Un  climat   océanique
Si le Maroc se différencie du reste de l'Afrique du Nord par des montagnes plus hautes, des plaines plus vastes, un relief mieux articulé et orienté vers l'Océan, il s'en distingue aussi par son climat. Certes, le climat est, comme en Algérie, de type méditerranéen, chaud et sec l'été, tiède et humide l'hiver. Mais le voisinage de l'océan, la remontée le long des côtes du courant froid des Canaries en modifient le caractères. Comme au Portugal les étés sont plus frais et l'atmosphère reste humide, même par beau temps. Les pluies sont plus fortes qu'en Algérie, parce que les vents venus de l'ouest y déversent d'abord leur humidité. Toute la zone côtière au nord de Casablanca, toute la zone des Atlas (sauf le Haut Anti-Atlas) reçoit plus de 500 mm. par an. Le Haut Atlas occidental et le Moyen Atlas sont particulièrement arrosés; ce dernier, où tombent de 1.000 à 1.500 mm. de pluie, a été surnommé le château d'eau du Maroc.
Cette humidité relative du climat a eu deux conséquences :
1°) La végétation est plus riche; les forêts notamment sont plus étendues. On n'en rencontre pas seulement en montagne comme en Algérie, mais en plaine (forêt de chênes-lièges de la Manora, au sud de Rabat) et sur les plateaux (forêt de hêtres du massif zaïan). Les montagnes ont surtout des formations étagées de chênes-lièges, de thuyas et de genévriers, mais celles du Moyen Atlas portent en outre jusqu'à 250 mètres de haut ds magnifiques forêts de cèdres.
2") Le Maroc a de vrais fleuves, des fleuves permanents, les plus longs de l'Afrique du Nord, et qui sont alimentés toute l'année grâce aux neiges des hautes montagnes, à la différence de ceux d'Algérie qui sont à peu près à sec en été. Tels sont l'Oued Sebou qui arrose en flânant la plaine de Gharb, le Bou Regreb, le Tensift et surtout l'Oum Er R'bia, aussi long que la Seine. Il en résulte qu'ils se prêtent beaucoup mieux à l'utilisation de leurs eaux pour l'irrigation et pour la production de houille blanche, exception faite naturellement pour la Moulouya, tributaire, non de l'Atlantique, mais de la Méditerranée, et qui relève du Maroc oriental, c'est-à-dire du Maroc à affinités algériennes, qui tourne le dos au reste du pays.
Une autre conséquence enfin, c'est que le Sous, le fleuve du sud, peut, par irrigation, fertiliser sa plaine, où les chutes de pluies sont infimes. De ce côté, le Maroc empiète largement sur le Sahara, le désert se trouve pratiquement rétréci d'un bon tiers, ce qui a de tout temps facilité les relations du Maroc avec le Sénégal par la Mauritanie.

La personnalité du Maroc
Ainsi se précisent les traits essentiels qui donnent au Maroc sa physionomie propre. D'abord la diversité des éléments qui concourent à son unité physique : plaines à limons, à marécages, à sables irrigués; plateaux calcaires arides ou cristallins humides, montagnes cristallines, volcaniques ou sédimentaires, boisées ou dénudées, collines surtout, partout à l'avant-garde des montagne»
Ensuite, et par là même, la variété des aptitudes agricoles à laquelle s'ajoute celle des richesses du sous-sol. Nulle part en Afrique du Nord, et peut-être même dans l'Union Française, les minerais ne sont aussi divers. Les couches phosphatières du Settat sont les plus concentrées du monde. Si les réserves de houille du seul bassin actuellement exploité, celui de Djerada, au nord des Hauts Plateaux, sont faibles, celles, récemment découvertes dans le bassin de l'Oued Ghir, dans le Sahara marocain, semblent plus importantes. La structure du détroit sud-rifain, semblable à la région roumaine des collines subcarpathiques, ouvre d'intéressantes perspectives pétrolières. Les gisements de fer, de plomb, de zinc abondent, et plus encore, le manganèse dans le désert des Hauts Plateaux. Mais le Maroc minier par excellence, c'est la région des montagnes du sud-ouest (Siroua et Anti-Atlas), avec ses gisements souvent complexes de manganèse et de cobalt, d'or et de cuivre, de molybdène, de plomb et d'argent.
Variété encore des contacts extérieurs, mais précarité de tous ces contacts et finalement isolement du pays. Le Maroc s'ouvre sur l'Europe par l'Espagne, sur le monde arabe par l'Algérie, sur l'Afrique noire par le Sénégal, mais par des communications fragiles, parfois rompues, souvent intermittentes.
D'où son individualité profonde. Il ne s'ouvre pas, il s'entrouvre aux influences successives. Il a été romanisé, islamisé, arabisé. Cela conformément à sa structure fermée d'Extrême-Orient musulman. Bon gré mal gré, la géographie en a fait une terre occidentale où tous les problèmes se posent sous l'angle de la solidarité avec le monde occidental, même et surtout ceux de l'évolution intellectuelle et politique, même et surtout peut-être celui de l'Islam.
Robert   MANGIN
MAROC Terre d'Avenir Swsca202

- Plus favorisé que l'Algérie, le Maroc bénéficie des pluies venues de l'Atlantique qui font de sa zone côtière, du Haut et du Moyen Atlas, des réglons particulièrement riches en végétation.


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MAROC Terre d'Avenir Swsca203

- Au cœur de l' Anti-Atlas, les femmes Ammein au ravissant sourire sont connues pour l'abondance de leurs colliers et leur coquetterie naturelle.

Ce qu'est le peuple


Diversité   technique et richesse  psychologique

LE Maroc  est-il  arabe,  comme l'affirment péremptoirement les jeunes patriotes de l'Empire chérifien ? Est-il au contraire Berbère, comme le disent les observateurs   des  tribus ?   La  question   est sans   doute mal posée.  Pour comprendre le passé du Maroc et juger raisonnablement de ce  que peut être  son avenir,  le meilleur moyen nous parait être de prendre conscience de ce qu'est  le peuple marocain,  de voir  de quels éléments  il s'est constitué et comment ceux-ci se sont brassés ou, au contraire, heurtés.
Avant Rome, le Maroc, toute sa toponymie l'atteste clairement, est totalement un pays de langue berbère. La langue alors régnante, que les savants baptisent du nom de proto-sémitique est le véhicule d'une civilisation primitive soumise à des influences orientales, bien antérieure à la civilisation greco-latine. Elle propage un ensemble fort homogène de croyances, d'habitude d'esprit, de techniques qui ne sont pas sans analogies avec celles des populations noires ou blanches d'Afrique saharienne, d'Egypte, d'Abyssinie, d'Arabie du Sud. La langue berbère dut être alors imposée, comme dans toute l'Afrique du Nord, au cours d'une période de plusieurs millénaires par des tribus conquérantes venues probablement de Libye, qui agirent sur de vieilles populations méditerranéennes assez proches parentes des Ligures ou des Ibères. Cette « berbérisation » tout comme  « l'arabisation » ultérieure, qui fut l'œuvre des tribus arabes relativement peu nombreuses, n'a pas nécessairement exigé une invasion totale; il se peut donc que des groupes importants, méditerranéens pour la plupart, et aujourd'hui regardés comme berbères, soient en réalité d'origine antérieure.
Quant aux Berbères eux-mêmes, ils sont, on le sait, composés de familles distinctes, venues successivement de l'est et du sud à chaque millénaire. Lorsqu'ils nous apparaîtront en pleine lumière historique, à partir du VIII° siècle, nous constaterons que certains d'entre eux, les Senhadja par exemple, sont déjà de très vieux sédentaires fixés sur les côtes, cependant qu'ils ont des cousins de même race, encore pasteurs, dans l'intérieur du Sahara. Détail qui nous fait mesurer la lenteur avec laquelle se fait le peuplement berbère du Maroc, marqué par un conflit constant entre les occupants déjà stabilisés, et les nouveaux arrivants, prenant figure de conquérants.
A ce stade, le pays n'a que des tribus, et point de villes. La conquête romaine des plaines du nord ne semble avoir joué aucun rôle perturbateur dans l'équilibre ethnique, pas plus que ne l'avait fait l'existence de quelques Phéniciens. Elle se marque, cependant, par des influences linguistiques indéniables et des empreintes de vocabulaire technique. La Berbérie connaît alors sa pleine vitalité. Les Canaries ont été conquises par elle depuis longtemps. Les plaines atlantiques se couvrent de bourgs et de forteresses de pierre et, dans les montagnes, s'agitent des groupes vigoureux qui rempliront l'histoire du bruit de leurs épopées. Pendant les six premiers siècles de l'lslam, en effet, c'est la suprématie des dynasties berbères sorties des tribus. Successivement, les Meknassa, les Béni Ifrène, les Almoravides ou Senhadja au litham, les Almohades ou Masmouda du Haut-Atlas, les Mérinides ou Zénata du Maroc oriental fondent des royaumes ou des empires. Les trois derniers groupes unifient par instant et conquièrent tout le Maghreb et l'Espagne. Mais il ne s'agit pas d'invasion. Les dominations politiques ainsi fondées provoquent seulement des brassages, des dispersions de populations. Des capitales islamiques sont fondées où affluent des éléments ethniques nouveaux : des orientaux, des européens chrétiens composant des « légions étrangères », des musulmans ou des juifs. C'est dans ces creusets que commence à se former le peuple des villes, si différent de celui des campagnes.


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- LE MOUSSEM DE MOULAY IDRISS. — Au mois de mai, les pèlerins se rendent en foule au sanctuaire et à la Zaouia de Moulay Idriss, le saint le plus vénéré du Maroc et fondateur de la première dynastie. Piétinement d'une foule innombrable, trot des cavaliers, envol des drapeaux des confréries, éclosion des tentes : les aspects du Moussem traditionnel. Il y manque l'ardeur du soleil, l'odeur pénétrante de la cuisine arabe, et surtout les cris gutturaux des Musulmans.

- COIFFURE DE LA MARIÉE ARABE DE SALE. — Nous la voyons ici non recouverte de son voile. Ces curieuses peintures ont pour mission d'écarter les mauvais esprits particulièrement dangereux durant la période où la jeune fille va passer à l'état de femme.


C'est alors, à partir du Xlll° siècle, que commence la grande aventure de l'arabisation du pays, due plutôt qu'à l'influence des villes, à l'arrivée des nomades, engendrant d'ailleurs dans l'Empire, pendant trois cents ans, une effroyable anarchie. Les nouveaux arrivants, les Maqil, venus d'Arabie du sud sur les traces des Hilaliens, ne sont guère que dix ou quinze pour cent peut-être de la population totale. Mais ils s'infiltrent par les cols dans les plaines, entourent les villes, désorganisent l'Etat. Regroupés dans le sud, au XVIe siècle, beaucoup d'entre eux iront conquérir les déserts de Mauritanie. Ils auront, dans les plaines du nord, apporté leur langue et jusque dans de vieux pays berbères résistants, entre Mazagan et le Sous. En revanche, vers le XVIe siècle, ils sont dans l'ensemble  digérés   au point de vue social et économique par le Maroc berbère.
En même temps, s'achève à la même époque l'absorption des dernières tribus berbères judaïsées depuis de longs siècles, que leur religion isolait de l'ensemble du peuple. Elles s'islamisent dans l'Atlas, cependant que leurs débris fidèles au mosaïsme vont rejoindre dans les cités les juifs chassés d'Espagne.
Il restait au peuple marocain pour acquérir sa composition actuelle à recevoir un élément important : les noirs du Soudan. Leur nombre, faible jusqu'au XVI° siècle, s'accroît brusquement par les conquêtes des dynasties chérifiennes à Tombouctou et en Mauritanie. Moulay Ismaïl, surtout, introduit pour la sécurité intérieure des « troupes sénégalaises » nombreuses, tandis que les marchands d'esclaves amènent des femmes utilisées comme servantes et concubines. Près de deux cent mille noirs, sans doute, entrent ainsi au Maroc et se fondent dans la population des villes ou des campagnes. Le métissage se produit d'une manière intense dans les familles chérifiennes ou chez les chefs de tribu; il est courant aussi dans le petit peuple. Certaines tribus arabes se sont fortement mêlées de sang noir pendant leurs séjours occasionnels dans les oasis du sud.

Fusion  encore incomplète

Pour juger de ce qu'est un peuple, il faut tenir compte non seulement de l'existence de ses éléments constitutifs divers, mais de leur fusion.
Les villes sont, ici comme ailleurs, un creuset où le mélange se poursuit aisément, ralenti seulement par l'existence de classes sociales, parfois solidement fermées, comme il se voit à Fez. Mais il se constitue, par la juxtaposition et les réactions mutuelles de ces divers éléments, un « peuple des villes », très particulier et entièrement différent de celui du bled.
Tout autre est le brassage des tribus. Des travaux nouveaux, notamment les études de M. de la Porte des Vaux, l'ont montré, ce brassage se produit d'une manière constante, par l'infiltration très lente d'éléments nouveaux. Un apport constant de montagnards arrivant des zones de montagne ou de désert pauvres ou surpeuplés, s'observe dans les tribus des plaines. Le Gharb reçoit des Rifains et des Jebala, le Maroc oriental se déverse peu à peu par la trouée de Taza vers Fez et Meknès, l'Atlas central vers Béni Mellal.
Dans les tribus, ces apports, de faible ampleur, à l'échelle d'une génération, n'ont pas altéré sensiblement les types ethniques et sociaux qui restent très distincts par grandes régions historiques et géographiques. D'où une très grande variété de physionomie des provinces si l'on compare les hommes et les femmes du Rif à ceux du Haut-Atlas central, ou au Sous, qui donnent au voyageur, et plus encore au sociologue, le sentiment de pays étrangers les uns aux autres, comme pourraient l'être les diverses régions de l'Europe occidentale.
En résumé, la fusion, qui est en cours, est bien loin d'avoir conduit à une harmonie intérieure comparable à celle de nos vieilles nations d'Europe. La distance reste immense entre le peuple des villes et celui des tribus, aussi bien qu'entre les groupes naturels de tribus comparés les uns aux autres. Mais la mise en communication brusque, depuis le Propectorat, de toutes ces unités sociales jusqu'alors demeurées jalousement enfermées dans une vie autonome, active considérablement le brassage. Le peuple marocain qui, il y a trente ans, donnait l'image de ce que pouvait être la France du Xl° siècle, progresse à pas de géant sur le chemin de l'unification. Dans cinquante ans peut-être, celle-ci sera définitivement acquise.

Un des plus riches "matériaux humains"

La diversité des éléments ethniques, leur fusion encore incomplète donne au peuple marocain dans son ensemble, une grande richesse potentielle. La subtilité critique et l'ingéniosité commerciale du bourgeois ou du vieil artisan des cités « hadrias » qui va de pair avec une certaine pusillanimité, contraste avec la rudesse guerrière du berbère, bon enfant, ouvert et franc; l'astuce du juif unie à un goût parfois très vif du progrès, fait ressortir davantage la simplici té naïve et le bon sens paisible du paysan, obéissant à une antique tradition. La sensibilité un peu enfantine d'un fils d'esclave s'oppose à la morgue d'un bourgeois andalou.
Dans l'ensemble, comparé à la plupart des peuples de l'Orient et de l'Afrique, le peuple marocain apparaît comme l'un des mieux doué par son courage, son activité, son bon sens lorsque des institutions bien conçues assurent son bien-être et lui garantissent la justice. Sa jeunesse et son inexpérience des problèmes du monde moderne, après de longs siècles de torpeur, risqueraient bien de le livrer sans défense à des entraînements violents, si de mauvais bergers, comme il en connut si souvent dans le passé avec les roguis et les prétendants politiques qui rallumaient sans cesse le feu des révoltes se présentaient encore. Mais en même temps, le bon sens des élites rurales, si nombreuses et si solides, la sagesse de ses vieilles familles bourgeoises sont un antidote de grande valeur contre les égarements.
Nous sommes en présence, avec le peuple du Maroc, d'un des plus riches « matériaux humains a de l'Afrique et de l'Ouest. Il se prête plus aisément qu'aucun autre à cette subtile transformation sociale et politique qui, à notre époque, fait d'un peuple une nation.
Robert MONTAGNE.


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l'Ame marocaine
LE DEBAT DU DESTIN ET DE  LA  FIERTÉ

RECRUES  ou  apprentis,   étudiants  ou  vieux ouvriers,   berbères,   arabes,   je   parcours   des   yeux   la   foule   luisante   des figures  marocaines  renconrrées  aux  marchés,  aux  médinas, aux villes neuves ou par les routes, aux fontaines...
De tant de lumière et d'ombre, il me semble que  se  dégage, sur tous ces visages  typiquement allongés  en olive, comme un constituant premier d’allègement, possible toujours dans la fermeté.
Cet allègement (fixé dans l'allongement des traits, signe d'une résistance accrue aux raideurs de la vie), contraste avec la rondeur émotive des Algériens — dont les physionomies se dilatent plus naïvement en complaisance ou se closent plus vite encore en ressentiments.
Sans doute, l'Atlantique bat-il suffisamment de son air tonique, comme en Aquitaine, ce « pays froid dont le soleil brûle » (Lyautey) pour que ce peuple ait pu intégrer, en formes aguerries jusque dans son corps, cet assouplissement qui a glissé sur l'Algérie et qui a dû s'amortir en affinement sur la rive tunisienne, réduisant les formes en leurs bases.
Esthétisme tunisien, stylisation et jouissance algérienne, fluidité marocaine, les alphabets eux-mêmes nous renvoient les images du passé et du présent mêlées selon ces mêmes différences de caractère et de physique dont l'évidence fait le succès du commun dicton : le Tunisien est une femme, l'Algérien est un homme, le Marocain est un guerrier.
Plus attentivement encore, je reviens malgré les variétés, à la symbolique de ces visages et de ces corps marocains, même sous l'abus des graisses, tiraillés par la verticale : une fierté vitale a marqué de son surgissement ces crânes et ces muscles ovalisés, tendus dans leur souplesse même, félins. Ici, la grandeur arabe refluante, s'est accumulée jusqu'à distendre les rondeurs : l'Histoire des Civilisations s'est marquée sur des corps comme sur le plâtre sec des monuments distincts. Le Maroc a dressé, face à l'Occident, des visages originalement estampillés par la grandeur en conflit. Et sur la tige des actes et des corps, en deçà de ses foules, c'est bien en fait le visage qui ordonne et domine encore le comportement du Marocain.

PLUS qu'ailleurs, ici le visage humain est aimé dans son jaillissement, et de sa perfection le Marocain tire sa gaîté hospitalière.
Sans doute est commune à l'Islam maghrébien une susceptibilité au visage qu'il refuse encore de reproduire et qu'il faudrait pouvoir toujours dérober aux salissures, et qu'il est opportun découvrir et même (tant est sensible la femme), de voiler.
Cependant, au Maroc, cette susceptibilité s'allonge en élan. Nous sommes tenus quitte du douloureux centrisme de l'Algérie ou des perplexités tunisiennes (qu'on écoute seulement la différence de ton entre les discours nationalistes de ces trois pays!).
Mais la joie des commencements est possible au Marocain (atteignant même l'Européen), les yeux dans les yeux, à cause des visages allongés sans fléchissement vers une exclamation, à cause de la fierté immédiate et commune jusqu'à l'insouciance.
La susceptibilité s'est ainsi consolidée en sensibilité au Visage parce qu'un avenir, une verticale semblent toujours en soi possibles à ce peuple : défiant le couchant, il a pu se persuader de fouler un sol imprévisible, sur lequel est valable le conseil de maître Eckhart : « Cherche toujours à être comme un homme qui commence sa vie ».
Et de cet élan, et de cette sensibilité vers la présence et la qualité humaine, sort une confiance aventurée (le contraire de la suffisance méditerranéenne, nerveusement attachée aux replis)
II me semble, en bref, que tout le caractère marocain se résume et s'explique bien en cette sensibilité au visage humain, dans sa fraîcheur, tel qu'en dispose au plus haut degré l'Enfance.


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MAROC Terre d'Avenir Swsca207


Sensibilité à l'enfance et à ses valeurs, jusqu'en ses brusqueries souples au long des ruelles au soleil, le goût de la chair garde ici toujours une nostalgie qui peut fixer en sentiment paternel les plus hautes dignités citadines ou militaires (les «pères» et non les « mères » comme pour Goethe), ou, par contraste, sans contradiction, qui peut errer, fidèle à l'enfance mais infidèle aux enfants grandis, d'épouses vieillies en épouses enfantines, et de bébés vagissants en filles vendues à peine nubiles.
Et, c'est bien après tout cette nostalgie, qui explique encore que soit autant préféré et protégé le garçon en ce qu'il incarne
de sa fragilité charnelle plus distinctement l'enfant, cet Ismaël frustré et qui constitue la figure métaphysique, mystérieusement poursuivie au-delà des autres regards.

ISMAEL,  c'est-à-dire ce nom donné par l'Ange au désespoir d' Agar :  « Dieu entend », le père entend.
Aussitôt que, dépassant les apparences, il faut chercher, dans l'esprit d'une psychologie des profondeurs, l'archétype dont la projection puisse aussi fortement qu'un mythe exposer les structures musulmanes en élan, la figure d'Ismaël, l'enfant non renié mais écarté, ne peut manquer de se dévoiler sur les profils arabes.
Et plus encore au Maroc, sous la cambrure de l'Atlas, il me semble que peut revivre comme secrète structure greffée sur la résistance berbère, ce destin voué par l'oracle de l'Ange (dans la genèse) : II sera toujours comme un âne sauvage; sa main sera contre tous et la main de tous sera contre lui et il habitera en face de tous ses frères ».
Ne retrouve-t-on pas là comme une figuration plus précise du destin marocain, des larmes de Boabdil et des solitudes farouches d'hier aux actuelles sensibilités?
Frustré dès le Moyen Age (par son propre dédain) de son héritage de science et d'art, le Maroc, parmi les peuples arabes est le plus nettement explicable, en Ismaël poussé à railler l'autre, le puiné, et son père risible.
C'est le mystérieux déshérité qui garde dans son dénuement, agressivement, le droit et qui assume par delà les plaintes d'Agar, les valeurs viriles : le tireur d'arc, dit la Bible.
C'est le guerrier élancé, le nomade qui s'accommode d'exposer sa vie pour la vivre, chassé, exilé dans son propre patrimoine ou se ressentant bientôt comme tel.
Frustré, tardivement circoncis (au point qu'en ses mœurs les peuples nés de lui en face d'Israël ont respecté la circoncision tardive), Ismaël engage dans la révolte son mystère cassé, mais cette tentation permanente d'anarchie est en lui, témoignage des valeurs : dès enfant il sait mourir.
Il ne peut vivre que de ses valeurs mâles, irascible d'être entamé, comme il ne peut subsister que des produits de sa chasse — à la pointe de son poignard toujours secourable sous la main — Pas de lendemain, mais l'avenir aussi neuf que le passé, aussi nostalgique, aussi exaltant : car « Dieu entend » — espoir et désespoir se perdent ainsi sur la limite d'un même désert brûlant. Le désert de la grandeur enfantine...
Et que lui  veut-on signifier les bornes rationnelles  et nos distinction accoutumées aux parcelles? Et que lui veut-on signifier, à cet Ismaël éternel, l'esprit d'épargne et la moralité ingénue d'Isaac?
Il se rebiffe d'abord des lentes technicités et des impératifs moraux : il est plutôt incapable d'autre voie que spirituelle, d'autres appels que ceux du désert, rauques.
En son oreille comme en celles de Péguy et de Claudel c'est le cri désespérément heureux de l'Africain qui résonne : « Ama et fac quod vis », Aime et fais ce que tu veux. Exigence qui peut être suprême...
Pas de morale ni de logique, à quoi bon, mais la Religion; pas d'ascèse individuelle, mais sous les faiblesses individuelles, l'Aspiration.
Et du péché, à chaque pas, comme un adolescent, il ne se purge et ne s'esquive que par le sens inconditionnel, non du devoir perçu, mais du défi projeté face à face dans l'humour et le jeu, jusqu'à l'exploit familial du Ramadan.
Capable du pire, mais enthousiaste du meilleur, suivant le visage qui le considère. Tant il est vrai qu'ici même où la vertu ne s'impose pas, elle est toujours reconnue et bénie.
A l'interlocuteur de s'en apercevoir!

- DIEU entend » — Ismaël sait trop bien qu'il demeure, en droit, un héritier. Il sait bien qu'il doit attendre sur le fond de l'avenir comme sur celui du passé un visage dont il pourrait être meilleur, réconcilié. D'où lui viennent tant d'impatiences.
Car soudain par négligence ou facilité, qu'on n'essaie pas de l'oublier, qu'on n'essaie pas, par vaine méfiance, de le jouer. Il est toujours prêt à se rebeller et à s'endurcir. Qu'on falsifie l'autorité ou qu'on le blâme, il en appelle démesurément, contre les servitudes de sa naissance, à la justice, remué en lui-même par ce don poignant, reçu de Dieu, de savoir reconnaître et s'incliner devant le Juste.
Et qu'on ne lui parle pas d'héritage, d'obéissance ou de gratitude : il en perd dans la rage toute reconnaissance. En son porte seulement à la justice nue, ou au rire.
Car au Maroc, Ismaël l'Andalou a retrouvé au visage son rire intransigeant. En face d'Isaac non plus Zarathoustra le danseur, mais envers les protections Ismaël le railleur : le climat atlante sans doute incline-t-il à la fantaisie des valeurs nietzschéennes en ce point où l'Orient contraste à l'Occident, et où veille comme au fil de Damoclès, la courbe d'un Croissant pauvre, complexe de frustration, il s'en reporte seulement à la justice nue, ou au rire.

AINSI donc en ce pays où l'existence est biologiquement si légère, concepts ou impératifs glissent au long des formes sveltes, le sens du progrès ou du péché se volatilise dans la lumière (qu'on scrute les Européens eux-mêmes!). Mais la tenue à chaque instant peut être requise en grâce, comme la tension d'un arc : le spirituel ici peut toujours l'emporter, brutal face aux matérialistes. Et la grandeur profite d'être insoumise, à moins qu'on ne lui offre d'être exposée.
Devant l'afflux des volontaires marocains vers les batailles (par quoi se vérifie la priorité ismaëlienne de l'appel sur l'obligation) il me revient, imago pour image, la figure de cet adolescent nu et fragile, si purement entraîné par Rude dans la bourrasque de sa « Marseillaise ».
Au sein de ce peuple, la fragilité, en fin de compte perçue sous tous les modes de la chair, se rachète en se projetant aux grandeurs irrationnelles de la virilité adolescente, conçue comme une exposition éperdue à la cassure.
Et seule aussi la noblesse, à bout de bras portée, sauve de !a poussière et des relents, par l'odeur de la poudre ou la saveur de la menthe partagée.
Ismaël au plus fort de  son  destin,  sait  bien  qu'il ne  peut  plus se sauver qu'aux frontières de lui-même, diplomate ou guerrier.
Impatient — pour son visage d'Indépendance.
Intraitable  sinon  dans la détente  raisonnable d'un  avenir  dont convenir, entre visages!...
Sous  son éclat, l'archétype à son tour se voile;  et de nouveau me sourient des visages de sensibilité.
Cherchant à les pénétrer, ils m'ont conduit, en leurs débats ou leurs ahouaches, des pédanteries du psychologue aux récompenses du chant lyrique, convenable à leur connaissance. Eux-mêmes me répondront.
Eux-mêmes me diront si j'ai donné comme un poème (seul décent) la vérité; eux-mêmes, ces visages frères devant lesquels je suis né, à quelques mètres des Oudaïas et de ses fleurs entre ses murailles.
Et d'autres que moi ont toujours déclaré leur attrait : et d'autres, si nombreux, ont toujours reconnu le primat en face de chaque visage, de la Justice, en face de chaque incertitude, de l' Amour.
Qu'ils  se  reconsidèrent.  Et  qu'ils  se comptent. Et qu'ils témoignent s'il n'est pas vrai qu'en ce pays qu'enchante Ismaël, seul le progrès soit durable.
A. de PERETTI.


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MessageSujet: MAROC Terre d'Avenir   MAROC Terre d'Avenir EmptyMer 7 Nov - 8:17

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MAROC Terre d'Avenir Swsca208

-Voici des Berbères qui arrivent sur leurs mulets à une assemblée de la tribu. Les femmes montent en croupe et portent leurs bijoux. Sur la monture sont posés des tapis aux couleurs variées. Même dans leurs déplacements, ces fellahs rudes créent de la beauté et de l'harmonie.

Moeurs et Coutumes


- L'ŒUVRE de la France au Maroc a été avant tout une grande œuvre humaine, c'est-à-dire une action fondée sur la connaissance et le respect de l'homme. Cette connaissance a bénéficié de soixante  quinze  années  d'apprentissage  africain et colonial. Alors que nous étions intervenus en Algérie dans une  ignorance  presque  totale  des  croyances,  des mœurs   populaires   et  même  des  différents   groupes   ethniques,   peu   à   peu   s'était   dégagée   dans l'opinion  française  une  nouvelle  façon de concevoir   les   rapports   entre   dirigeants   et  dirigés.   A l'idée de conquête s'était substituée l'idée de Protectorat. Dans  ce  mot  se  concilient  divers  principes.  La  force n'assure aucune création durable ;  coloniser, c'est gagner les cœurs ; dans toutes œuvre coloniale, on est deux : l'homme  qui  obéit  mérite   d'être   étudié   dans  sa  structure   mentale,   dans   son  milieu   social,   de   ne   pas   être heurté   dans   ses   croyances   ou   ses   habitudes,   et   l'homme   qui    commande   a  le    devoir  de    connaître  avant d'ordonner.
Pour appliquer ces principes au Maroc, le Destin fournit à la France au moment voulu l'homme qui, par sa nature comme par sa propre formation, les concevait avec le plus de clarté et le plus de chaleur, Lyautey répétait souvent : « Ne dites pas ceci ou cela, c'est presque toujours ceci et cela qu'il faut dire. » Parole d'un homme connaissant bien les contrastes qu'il conciliait en lui-même.
De cette rencontre entre l'expérience d'un peuple et l'humanisme d'un chef résultèrent les succès de l'œuvre française au Maroc. Les études d'ethnographie et d'histoire inspirèrent, dans les domaines les plus divers, la politique la plus nuancée et les mesures pratiques les plus fécondes. C'est sur cette base solide que contrôleurs civils et officiers en burnous bleu appuyèrent leur action.
C'est en partant des diverses influences qui se sont, au cours des âges, exercées sur la population marocaine que nous allons étudier ses mœurs et ses coutumes :

SURVIVANCES GRECQUES ET  ROMAINES  
Les Grecs et les Romains ont marqué profondément de leur empreinte le fond humain qu'ils rencontrent en Afrique du Nord. Quel touriste un peu cultivé n'a-t-il pas été frappé, en parcourant les campagnes de l'Algérie et du Maroc, en visitant les Souks des villes, de retrouver intactes des façons agricoles, des procédés artisanaux qui réveillaient ses souvenirs classiques ? Ce fut le grand mérite d'un écrivain nourri de lettres anciennes, comme Louis Bertrand, de décrire ces survivances et celui d'un historien comme E.F. Gautier de démontrer combien sont antérieures à l'Islam de nombreuses coutumes.
Voyons certaines influences grecques. Il suffirait de noter que les recueils de coutumes berbères portent le titre de Canouns. C'est le mot grec qui signifie règle employé en français dans l'expression « les canons de la beauté antique ».
Prenons la musique  :  nous avons souvent assisté,  en  pays  berbère,  à  ces danses,  en ligne  ondulante, de femmes ou d'hommes, que scandent  les  tambourins de poterie appelés tarija, ou les grands tambourins montés sur  un    cercle  de  bois,    appelés  bendir.    Ces  danses  sont  désignées  sous   le  nom  d'ahidous  dans  le  nord;   et d'ahouach dans le  sud.  Pour l'ahidou,  le  rythme  est le 5/4,  c'est-à-dire le rythme péonique des Grecs qui scandait, il y a plus de vingt siècles, les chansons dansées des paysans Crétois. Il n'existe plus aujourd'hui, en dehors de la Grèce, qu'en Russie méridionale et au pays basque.
Voulez-vous une survivance tenace de l'influence latine? Prenons le calendrier. Officiellement, c'est le calendrier arabe qui fait loi. Il est calculé, comme chacun sait, sur les seules lunaisons et ne compte de ce fait que 354 jours par an. Le calendrier romain (Julien) est un calendrier solaire, basé sur l'observation des saisons. C'est plus un calendrier d'agriculteurs que de pasteurs, et il permet de situer très exactement la date où doit, soit commencer, soit se terminer telle pratique agricole. Ces périodes étaient marquées, dans le paganisme antique, par des rites ou des cérémonies qu'il importait d'observer. Ces cérémonies continuèrent à être observées par les cultivateurs berbères. Les rites agraires se sont transmis jusqu'à nous; le fellah se garderait de manquer à les suivre, il craindrait trop de compromettre sa récolte. Or, comment le cultivateur nomme-t-il les mois de l'année? Voici :
Janvier : Inéir Mai : Mayou Septembre : Choutembir
Février : Ibrair Juin : Younio Octobre : Ktober
Mars   : Mars Juillet : Youlyoux Novembre : Nvambir
Avril : Ibril Août : Ghocht Décembre  : Foujambir
Vous rappelez-vous les pages si curieuses de La Cité Antique où Fustel de Coulanges décrit l'obsession des maléfices ou des présages où vivait le citoyen romain? Cet héritage de craintes, le Marocain moderne l'a recueilli.


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MAROC Terre d'Avenir Swsca209

- LE KSAR D'OUARZAZATE. — Voici le château du Maroc. Avec son extérieur en angles droits, il assure la sécurité — qui permet la joie. Et les jours de fête, toute la tribu se presse devant les remparts pour écouter conteurs et musiciens, puis chanter et danser.


- Rien n'est plus dangereux que « le mauvais œil ». On lui impute les maladies des hommes et des bêtes, les dégâts des cultures. Il faut se méfier des louches et des borgnes, des yeux bleus, surtout des yeux enfoncés dans le creux des orbites et surmontés par une ligne ininterrompue des sourcils.
Comment s'en protéger? D'abord, en cachant aux regards maléfiques les personnes ou les objets auxquels on tient. Les femmes seront voilées à la ville, on transportera la jeune mariée de la maison de son père à celle de son fiancé dans un palanquin fermé. Ou bien, on détournera le mauvais regard en l'attirant par un objet insolite : un bout de tissu flottant sur un bâton, une fourche sur un tas de grain, un vieux pot noirci au feu sur la crête d'un mur. Tout ce qui est pointu ou tranchant (cornes et poils d'animaux, défenses de sanglier, poignards) est aussi d'une défense très efficace. Certains talismans peuvent servir utilement : en peignant un œil ou des yeux sur les linteaux des portes, on oppose œil à œil. Une main ouverte, peinte, tatouée, portée en bijou, est sûrement bénéfique.
Il faut aussi se méfier des génies, les Jnoun, et parfois se les concilier. Le sel les met en déroute : voilà pourquoi ils n'habitent pas la mer. Chaque maison a les siens; ils se tiennent invisibles, sur le seuil de la demeure et il ne faut jamais s'y asseoir. De là, cette coutume héritée des Grecs et des Romains de faire franchir à la fiancée pour la première fois le seuil de la maison maritale portée dans les bras d'un garçon d'honneur. Le bruit les terrifie, surtout la nuit (on comprend dès lors le tapage des nuits de noces!).
En face de ces puissances mauvaises, il y a la puissance favorable : la baraka. Les hommes pieux peuvent l'acquérir par leurs pratiques religieuses et leurs vertus; elle leur survit. Elle est aussi l'héritage des descendants de la famille du Prophète : les chorfas (au singulier, chérif). De là, l'extraordinaire prolifération des confréries religieuses exploitant le chérifisme ou le maraboutisme (culte des saints). D'étranges utilisations sont faites du horm ou terrain d'inviolable asile autour de certaines mosquées ou de certains tombeaux...

CÉRÉMONIE ET FÊTES

Dans leur étude si fouillée sur « les Revenus et Niveaux de vie indigènes au Maroc », MM. René Hoffherr et Roger Moris ont montré que les fêtes et cérémonies auxquelles les Marocains consacrent une part plus ou moins élevée de leur budget familial, sont surtout d'ordre social : las plus nombreuses sont les fêtes et cérémonies familiales : naissance des enfants, circoncision des garçons, puberté des filles, mariage, départ pour l'armée ou le pèlerinage à la Mecque, enterrements, réception des hôtes. Les fêtes religieuses proprement dites sont l'Aïd el Kébir, l'Aïd es Srir, le Mouloud, l'Achoura; les fêtes patronales (Moussem) sont tenues périodiquement auprès du tombeau d'un saint personnage, ou du patron d'une confrérie. Il y a aussi les rites agraires, les séjours dans les Zaouia, etc. Presque toutes ces manifestations attestent la force du sens social dans le peuple marocain et sont marquées du sceau d'un même symbole : le passage d'un groupe social à un autre, ou l'affirmation de la vitalité de ce groupe social.


LA  NAISSANCE
La stérilité d'une femme est considérée comme une malédiction. Les moyens de la combattre sont innombrables. Ils peuvent se classer en rites de purification ou en rites de magie imitative, car la pensée que le semblable attire le semblable est une des plus répandues dans l'humanité.
Voici un très beau rite de purification : sur les côtes de l'Océan, la femme va au bord de la mer et se met nue sur le rivage; elle se fait couvrir par sept vagues successives qui la lavent du sort dont elle souffre. Puis, elle peigne ses cheveux, ... / ...


Dernière édition par Pierre AUBREE le Dim 25 Jan - 18:33, édité 2 fois
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