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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyDim 29 Juin - 7:50

246  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Dans la région de l'Ouargha, les événements étaient également annoncés publiquement, plu­sieurs jours à l'avance. Dans une tribu du Zerhoun, un homme se mit à taper sur un bidon, le 17 à midi, pour proclamer que tous les Fran­çais venaient d'être tués dans la capitale. De par­tout les mêmes renseignements affluaient ; de par­tout arrivaient, les échos du mécontentement pro­voqué par le départ du Sultan.

Une réunion de personnalités autorisées eut lieu au Consulat de France, trois jours avant le départ projeté.
Au cours de cette réunion, qui dura jusqu'à mi­nuit, tout le monde fut d'accord pour reconnaître que le voyage du Sultan était une grosse mala­dresse.

M, Gaillard, qui est un des hommes connais­sant le mieux le Maroc, était de cet avis tout le premier.
Nous avons vu, contrairement aux affirmations de M. Regnault, que tout le monde savait, même les étrangers, que des événements graves allaient se produire.

C'est ainsi que le major italien Campini, direc­teur de la fabrique d'armement à Fez, a fait con­naître qu'il avait — le 10 avril — sept jours avant la révolte — rendu compte d'urgence à la Léga­tion italienne de Tanger « que le départ du Sultan provoquerait des événements graves, non seule­ment chez les tribus, mais aussi dans l'intérieur de la ville ».


247  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Le général Brulard écrit dans son rapport la phrase suivante :

L'agitation dans le pays était à tel point indéniable que le général Moinier avait cru devoir, avant son départ de Fez, doubler l'effectif de la garnison fran­çaise de Dar-Debibagh.

Et il ajoute :

II est inadmissible que, pour des motifs purement militaires, les plaintes de chérifiens soient de nature à provoquer une explosion aussi soudaine, aussi vio­lente que celle du 17, surtout si l'on songe que ces hommes venaient de faire, sous la direction de quel­ques officiers et sous-officiers, une courte et brillante campagne sur le Haut-Sebou, contre les dissidents Berbères et les Beni-Ouaraïn.

La veille même des événements, le 16 avril, le service des renseignements communiquait au ministre de France la note suivante :

Les habitants de Fez ont écrit à Si Mohamed de Sidi Raho (chérif des Aït-Tserrouchen) en lui annon­çant le départ du Sultan et la prise du pouvoir par les Français.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyDim 29 Juin - 7:59

248
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

Ils l'invitaient à se tenir prêt, avec ses contingents, pour soutenir le mouvement insurrectionnel que les Fasi seraient décidés à prononcer.

Déjà, le 13 avril, le général Moinier remettait à M. Regnault un rapport, cependant très atténué, du commandant de Lamothe, indiquant que la situation était grave.

M. Regnault répondit : « Je me refuse à croire ce que dit ce rapport, ce sont là les exagérations habituelles du service des renseignements. Du reste, Son Excellence El-Mokri m'a affirmé que c'était inexact. »

Cependant, le général Moinier, lui, s'émeut de ces bruits, et il écrit :

Pendant mon séjour à Fez, en raison des bruits qui circulaient avec une réelle insistance, et qui pouvaient faire supposer que des troubles graves éclateraient en ville et dans les tribus, au moment du départ du Sultan et de l'Ambassade, j'avais décidé de porter la garnison permanente des troupes régulières du camp de Dar-Debibagh à :
Deux bataillons d'infanterie ;
Une batterie de campagne de 75 ;
Un escadron de cavalerie (1).


D'autre part, le mauvais état d'esprit était telle­ment connu que le général Bailloud, qui devait quitter Fez pour rentrer directement sur Tanger, à la date du 27 mars, en fut déconseillé à cause de la dangereuse agitation signalée dans les tri­bus.

_____

(1) Cette mesure n'avait pu être réalisée encore le 17 avril.



249
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Il fut obligé de prendre une autre direction, sous la garde d'une forte escorte.

On connaissait même les dispositions qui avaient été arrêtées par les Askris et les gens des tribus pour se rendre immédiatement maîtres du faible détachement de troupes françaises qui tenait garnison à Dar-Debibagh.

De tout temps, notre artillerie a effrayé les Marocains, aussi avaient-ils résolu de s'en débar­rasser du premier coup.
Ils avaient remarqué que dans la marche des colonnes l'artillerie se trouvait toujours placée au centre. Leur plan était donc d'attaquer immé­diatement ce centre, par surprise, avant toute formation de combat, et de tuer tous les artilleurs avant que les pièces eussent pu être mises en bat­terie. Ils n'auraient plus eu alors qu'à lutter con­tre l'infanterie et un petit groupe de cavaliers, qu'ils auraient écrasés sous le nombre.

Ce plan, un peu enfantin, pouvait cependant fort bien réussir, en raison de la confiance dans laquelle s'endormait M. Regnault. Et l'on a su, par la suite, qu'il s'en était fallu de bien peu qu'il ne fût tenté le jour de la revue au cours de laquelle le général Bailloud remit la cravate de la Légion d'honneur au général Moinier, c'est-à-dire le 28 mars.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyDim 29 Juin - 8:06

Document hors texte

Cliché "L'ILLUSTRATION" du 27 Avril 1912.

Le lieutenant de cavalerie CUNY, tué en Avril 1912.


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyDim 29 Juin - 8:20


250
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ


Cette fois, l'artillerie était à la parade. Personne ne se méfiait et 3.000 Askris en armes entou­raient nos quelques artilleurs.
Mais les Marocains n'étaient pas encore prêts, et cette revue fut pour eux la confirmation que leur plan était excellent. Ils décidèrent de le mettre en pratique le jour du départ du Sultan ou de l'Ambassade, à un moment où on ne se méfierait pas davantage.

On voit, une fois encore, combien a été provi­dentiel le retard de ce départ, uniquement occa­sionné par la pluie !

Les Marocains furent déroutés ; ils n'eurent pas le temps de prendre de nouvelles dispositions, et la révolte éclata néanmoins, mais dans le dé­sarroi, c'est-à-dire dans des conditions qu'ils n'avaient pas prévues et qui permirent heureuse­ment de la réduire.


Les Askris


Avec une certaine habileté - pour une fois qu'il lui arrive d'être habile reconnaissons le loyalement - M. Regnault joue sur les mots lorsqu'il dit que la révolte de Fez a été une sur­prise pour tout le monde.



251
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE

Il confond — volontairement — la rébellion des Askris avec la révolte elle-même, qui com­prend non seulement celle des Askris, mais aussi celle de la population civile de Fez.

La vérité absolue, la voici :

La rébellion des Askris n'aurait jamais pris le caractère de gravité qu'elle a eu si des circons­tances étrangères, prévues celles-là, ne s'étaient pas produites ;

Alors même que les Askris ne se seraient pas révoltés, un soulèvement général aurait eu lieu fatalement, et le départ du Sultan ne se serait pas effectué sans troubles graves.

La rébellion dos Askris n'a été qu'une étincelle provoquant prématurément l'explosion d'une mine soigneusement préparée à l'avance (1).

Voyons comment la rébellion dos Askris s'est produite, bien qu'elle n'ait été qu'un incident.


_____

(1) C'est ce qu'écrit, presque textuellement, le comman­dant de Lamothe, disant dans un rapport officiel :

« La mutinerie a éclaté dans un milieu éminemment favo­rable, et la question de l'ordinaire et du port du sac a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres amoncelées dans l'édifice.
Nous savions qu'un incident imprévu pouvait avoir des conséquences graves, et nous redoutions surtout celles que pourrait entraîner le départ du Sultan. Nos informations nous signalaient que des lettres étaient parties de Fez, invi­tant les tribus à se tenir prêtes, les prévenant que les cita­dins étaient prêts à agir. Au départ du général Moinier, ces bruits avaient pris une consistance telle que l'effectif de la garnison de Dar-Debibagh fut doublé; mais nos prévisions les plus pessimistes n'osaient pas entrevoir que cette troupe, qui venait de soutenir brillamment l'assaut des Beni-Ouaraïn à El-Ouata, allait tout d'un coup se transfoimer en une horde d'assassins et d'incendiaires. »



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyDim 29 Juin - 8:34

252
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ



C'est là une question qui a son importance, mais précise des responsabilités d'un tout autre ordre.

Ici encore, on avait eu un avertissement san­glant dans le meurtre du lieutenant Gaillasse, tué devant le front de ses troupes, quelques jours seulement avant l'arrivée de l'Ambassade à Fez.

On voulut considérer ce fait comme un attentat isolé, sans s'attarder à en rechercher les causes profondes (1).


_____


(1) Le recrutement même n'avait pas été assez attentif. Mais à qui la faute ?

Se laissant séduire par la formule : « Le Maroc conquis par les Marocains », on avait hâte de constituer de nom­breux bataillons d'Askris. D'ailleurs, le Gouvernement lui-même ne voulait-il pas qu'à la fin de 1912 il y ait déjà une armée de 12.000 soldats marocains ?

Où recruter ces soldats ? Sur place ? C'était presque impos­sible, parce que les Marocains, si faible que fut leur gain, étaient toujours mieux payés que dans les tabors. Dans les tribus ? Mais le nombre de celles où nos officiers pouvaient eux-mêmes recruter leurs hommes était limité, et c'était surtout en « bled Siba » que l'on pouvait trouver des gens disposés à faire le métier de soldat. Les enrôlements étaient alors faits par des mokkadem marocains, qui seuls pou­vaient pénétrer dans ces tribus. Or, comment ces mokka­dem opéraient-ils et quels étaient les hommes qu'ils amenaient, le plus nombreux possible,pour toucher une prime plus élevée ?

L'exemple que nous citait un jour un officier instructeur esftfait pour nous l'indiquer.
Comme cet officier avait eu très souvent à se plaindre d'un homme dont il n'avait jamais rien pu faire de bon, il demanda au mokkadem qui l'avait enrôlé quelques ren­seignements sur lui.
- Oh ! répondit celui-ci, je ne m'étonne pas qu'il fasse un mauvais soldat ; il n'a consenti à s'engager qu'au centièrne coup de corde !
Nos officiers n'étaient évidemment pas responsables de cet état de choses, puisque, nous l'avons expliqué, ils étaient souvent dans l'impossibilité de procéder eux-mêmes au recrutement de leurs hommes.

C'est le mode d'enrôlement même qui était des plus dé­fectueux.



253
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


II faut le dire franchement, on a voulu aller trop vite avec les Askris.

On ne transforme pas, du jour au lendemain, un Marocain en un soldat élevé à l'européenne. Il faut tenir compte de la mentalité de l'homme et de tout un ensemble de coutumes ataviques. Il y a des lois ethniques absolues que l'on ne peut impunément violer.

Nos merveilleux tirailleurs algériens ont qua­tre-vingts ans d'acclimatement, ne l'oublions pas. Leur noyau fut formé par des engagements isolés pris dans les zouaves. De même en Tunisie, où l'on constitua un corps fortement encadré de gradés français, les engagements d'Algériens et de Français continuent à être acceptés. Et, même maintenant, après trente années de protectorat, les tirailleurs tunisiens ne forment pas des unités isolées, comme on avait voulu prématurément en constituer au Maroc, avant même notre protec­torat.




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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyDim 29 Juin - 8:38

Document hors-texte

La capitaine de Lesparda, tué à Fès, Avril 1912.


HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 Baasca22


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyLun 30 Juin - 7:25

254
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

Ce n'est pas l'uniforme qui fait du Marocain un soldat européen. Ce n'est pas parce qu'il aura une veste rouge, des boutons dorés, un ceinturon de cuir à la taille; ce n'est pas parce qu'il prendra un alignement irréprochable ou saura manier un fusil Gras bien astiqué; ce n'est même pas parce qu'il portera des galons de caporal ou de sergent que sa mentalité sera modifiée.

Que l'on ne se fasse point illusion : sous des dehors soumis et disciplinés, il demeure toujours l'être fruste et sauvage, prêt à vous saluer mili­tairement à la parade, mais capable ensuite de vous passer sa baïonnette au travers du corps.
D'Européen, il n'en a que l'apparence, et, tôt ou tard, il reprendra sa vie et ses habitudes nor­males. Rentré chez lui, dépouillé de son uni­forme, rien ne le différenciera des siens qui sont restés sous la tente. Et ceci est aussi vrai pour l'indigène marocain d'aujourd'hui que pour l'in­digène algérien assimilé depuis quatre-vingts ans !
Ces Marocains étaient hier vos ennemis, ils sont aujourd'hui vos défenseurs et redeviendront demain vos plus sauvages agresseurs, si les circonstances leur permettent de donner libre cours à leurs instincts ataviques.



255
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE

Voilà la vérité absolue, qu'il importe de ne ja­mais perdre de vue dans l'avenir (1).

Quels étaient les motifs de mécontentement des soldats chérifiens ?



_____

(1) La révolte des Askris de Fez rappelle celle des cipayes de l'Inde, en 1867, qui débuta également par le meurtre d'un officier, Haiy Burton, tué sur les rangs par un soldat.

Le motif était du même ordre, puisqu'il semblait porter atteinte aux coutumes musulmanes. C'est, en effet, parce que les cipayes ne voulaient pas se servir des cartouches de chassepot enduites de graisse, dont il fallait déchirer l'en­veloppe avec les dents, que les auxiliaires anglais se révol­tèrent.
Un cipaye sortit des rangs, tira sur un lieutenant à bout portant et blessa également un sergent-major anglais. Ce fut le signal du massacre.
Des incendies éclatèrent partout et trois régiments indi­gènes, prenant les armes, ouvrirent les prisons et massacrèrent les Européens. La révolte se propagea à Delhi, où des atrocités furent commises avec un raffinement de do bar­barie inouï.

Mais la répression fut effroyable,,,,

Cent hommes par jour furent fusillés, pendus, écartelés, attachés vivants à la bouche des canons, et ces exécutions méthodiques durèrent pendant plus de quatre mois, sans interruption. Des régiments entiers furent exterminés jus­qu'au dernier homme, et, à la reprise de Delhi, tous les habitants, sans exception, furent passés par les armes....

Certes, cette féroce répression provoqua un violent senti­ment de réprobation en Europe, mais il faut peut-être se dire que sans elle les Anglais n'auraient probablement pas conservé les Indes.
On comparera, dans les pages qui vont suivre, les repré­sailles vraiment terribles de l'Inde avec le châtiment insuffi­sant infligé à la population de Fez...



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyLun 30 Juin - 7:37

256
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

II y en avait deux : l'établissement de l'ordi­naire et la menace de porter le sac.
Le soldat chérifien, jusqu'à la veille des événe­ments, touchait une peseta vingt-cinq hassani par jour, paye avec laquelle il devait se nourrir.
Cette somme, il l'employait surtout à ses plai­sirs et ne consacrait que vingt-cinq à cinquante centimes par jour pour sa nourriture.

C'est là son affaire, peut-on penser; le soldat était libre de disposer de son argent comme il le voulait ; s'il lui plaisait de ne manger que dix olives par jour, il en avait le droit absolu, à con­dition de continuer à servir loyalement et à être un bon soldat.
C'est justement cette dernière condition qu'il ne pouvait plus remplir. Affaibli par un régime insuffisant, il était incapable de supporter les fati­gues du métier. Et, dès les premières marches, il tombait, au bout de quelques kilomètres, épuisé, rendu.

C'est pour obvier à cette situation, qui rendait l'Askri inapte au métier de soldat, qu'on voulut lui imposer un ordinaire sain et réconfortant.
Pour que la mesure fût mieux accueillie, on porta le prêt journalier de 1 peseta 25 à 1 pe­seta 50, en ne retenant que de 75 centimes à 1 peseta par jour pour l'ordinaire. Il restait donc à chaque Askri de 50 à 75 centimes pour venir en
aide à sa famille s'il était marié et « faire le jeune homme » s'il était célibataire.




257  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Il est certain qu'une pareille somme pourrait être considérée comme relativement insuffisante par un habitué de Maxim's ou de Paillard, mais il ne faut pas oublier qu'un Askri, à Fez, peut s'offrir, pour 25 centimes, une somme de jouis­sance analogue à celle, un peu spéciale, que l'on se procure généralement à Paris pour un louis ! Toutes les proportions étaient donc conservées et les « droits au jeune homme » sauvegardés !

Mais les Askris ne l'entendirent pas ainsi ; gri­sés par le « train clé vie » qu'ils étaient habitués à mener, ils prétendirent continuer à pouvoir dé­penser jusqu'à 1 peseta 25 par nuit, si tel était leur bon plaisir. On se prive difficilement, do ses habitudes de luxe....

Hélas, ils l'ont prouvé !

Quant au port éventuel du sac, contre lequel ils protestaient également, ils n'étaient pas fondés à réclamer. Le général Brulard, en effet, dès son arrivée à la tête des troupes chérifiennes, avait décidé que les sacs ne seraient pas utilisés, le Marocain considérant comme un déshonneur de porter un fardeau. Ce rôle inférieur est réservé, chez eux, aux bêtes de somme et aux femmes !

Il n'est, du reste, pas inutile de rappeler que les sacs qui se trouvaient à Fez avaient été demandés, au nombre de 6.000, par Moulay-Hafid lui-même, en fin novembre 1910, et que le colonel Mangin ne les avait jamais fait porter.



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Document hors-texte

Le capitaine ROUCHETTE tué à Fès en Avril 1912.

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258   LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Quelques jours avant le 17, ces sacs avaient été changés de maga­sin. Peut-être est-ce leur manutention à travers les rues de la ville qui avait pu faire croire aux Askris que l'on se disposait à les leur donner (1) ?

Ce fut dans la journée du 17 que la retenue de 75 centimes sur la solde, augmentée de 1 pe­seta 50, devait être opérée pour la première fois.

Les soldats en avaient été informés plusieurs jours à l'avance et se préparaient à manifester.
Cela, les officiers le savaient, mais aucun d'eux n'aurait pensé que le mécontentement des Askris pouvait prendre une tournure violente.

C'est ainsi que le lieutenant instructeur Metzinger écrit, dans son rapport sur les événements de la journée :

" J'avais eu, la veille au soir, le renseignement qu'à l'application de la nouvelle solde les hommes de I1 (tabor d'infanterie n° 1) refuseraient le service.
Je m'attendais à des désertions, mais nullement à des coups de fusil.
J'ai la conviction qu'il y eut complot et prémédi­tation. "



_____

(1) En tout cas, cette raison ne saurait être invoquée par les cavaliers, qui se sont cependant mutinés dans les mêmes conditions que les fantassins.



259  
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE


Le lieutenant Guillaume dit également :

" Le 17, après l'exercice du matin, vers 9 h. 30, mes gradés, que j'avais rassemblés pour le service, m'ont demandé instamment de ne pas quitter la compagnie, même pour aller déjeuner. Il y a du mécontentement en ville, m'ont-ils ajouté. On en veut aux Français d'avoir pris le Maroc et d'emmener le Sultan. Des tabors ont été circonvenus sous le prétexte de dimition de mouna et de port du sac. Il y aura du baroud (1). "

Voici donc exposée la question de l'ordinaire et du port du sac qui aurait mécontenté les Askris.


Comment les Askris se sont révoltés.


Les causes directes de la rébellion militaire une fois connues, il importe de savoir comment cette rébellion, qui devait normalement aboutir à de simples paroles de mécontentement et à des dé­sertions, a pu prendre une telle gravité et s'éten­dre à la ville de Fez tout entière, ainsi qu'à la population de toutes les tribus environnantes.
Nous entrons ici dans la partie la plus impor­tante de notre démonstration.



_____

(1) Expression qui signifie : « II y aura des coups de feu tirés. »



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260  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

Les documents officiels que nous allons produire prouveront de façon irréfutable que la révolte des Askris ne fut, en elle-même, qu'un incident d'importance se­condaire, mais qu'elle servit de prétexte aux gens du Maghzen pour faire éclater la révolution qu'ils avaient depuis longtemps préparée, sans que M. Regnault voulut jamais l'admettre, ni seule­ment s'en rendre compte.

Examinons de près dans quelles conditions les Askris se sont révoltés, sous quelles influences agissantes ils ont été incités à se livrer à des actes de violence.

Pour conserver, dans cette grave question, l'im­partialité absolue qui nous a guidé et nous gui­dera de la première à la dernière ligne de ce livre, nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs les rapports mêmes établis par ceux qui se trouvaient au milieu des Askris au moment de leur révolte,
On verra quel est le rôle joué par les fonction­naires les plus hauts placés du Maghzen, par ces fonctionnaires que M. Regnault a couverts, mal­gré tout, affirmant à maintes reprises avoir ren­contré auprès d'eux le concours le plus dévoué, le loyalisme le plus absolu, la fidélité la plus éprouvée.

A vrai dire, il lui était difficile d'adopter une autre attitude; comment expliquer sans cela cette réponse insolente à tous ceux qui venaient lui signaler le danger :


261
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE

- " Je me refuse à croire un mol, de ce que vous me dites, Son Excellence El-Mokri et les agents du Maghzen m'ayant affirmé que tout était pour le mieux. »

On va voir jusqu'où pouvait aller l'entêtement obstiné de M. Regnault.
Mais n'anticipons pas....


Voici dans quels termes le lieutenant Simonnet, commandant le tabor I 6 (Infanterie n° 6), rend compte, à la date du 17 avril, des événements dont il a été témoin.

Après avoir raconté les débuts de l'affaire, il écrit :

... " A quelques pas de la porte, j'aperçus quatre cava­liers, richement vêtus, montés sur des mules et qui, évidemment, étaient des notables. Des esclaves les suivaient. Je m'enquis.

On me dit ; « C'est l'Halef (ministre de la Guerre) qui vient de la part du Sultan ».

Je pensais que c'étaient des envoyés du Sultan, chargés par leur seule venue de calmer l'excitation et de faire cesser le trouble que les coups de fusil nom­breux, tirés de Bab-Segma indiquaient. Je fus, à la vérité, un peu étonné de leur attitude vis-à-vis de moi, au moment où ils me croisèrent. Cependant, pour ne pas les gêner dans leur mission, pensant qu'il valait mieux m'abstenir, je les laisser aller et rentrai dans le poste...
Pendant ce temps, les serviteurs des quatre notables étaient entrés dans les chambres.



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Document hors-texte

Devant les lions du Sultan : les enfants des juifs réfugiés à la ménagerie du Palais.

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 Baasca27


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262  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
... " J'aperçus les nota­bles penchés sur leur selle et parlant, à voix basse, aux hommes qui accouraient autour d'eux. Soudain, une grande clameur s'éleva, les hommes se ruèrent, em­portant leurs armes et mettant baïonnette au canon en marchant. A leur tête étaient les quatre notables, envoyés par le Sultan qui seraient : l'Halef, Ould-ba-Mohammed-Chergui, Hadj-Brick, et un adjoint du ministre.

J'étais devant le poste. Je tentai de m'opposer au mouvement et saisis le fusil du premier homme qui accourait et me menaçait. Je fus, au même instant, soulevé de terre par le caporal du poste, en même temps que les deux prisonniers délivrés quelques mi­nutes plutôt se jetaient devant moi pour me protéger.

Les notables, à ma grande stupéfaction, excitaient les hommes. Mieux encore, me désignant du doigt, ils incitaient les hommes à me tuer.

Cela est formel.
M. le lieutenant Guillaume peut certifier le fait. Il a été témoin de l'attitude étrange et de la conduite de ces quatre notables.

Entraînée par les notables, la majorité du tabor sortit pour se rendre au Méchouar .

II est hors de doute que, malgré les exhortations étrangères et les excitations, le tabor I 6 aurait pu être maintenu dans l'ordre, grâce à la présence et aux efforts de ses instructeurs, si, au moment où l'ordre était à peu près rétabli, les quatre notables envoyés, n'avaient débauché le tabor I 6 et, de la façon la plus incontestable, entraîné la défection. "


Signé : Lieutenant Simonnet.



263  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Les termes de ce rapport sont, pensons-nous, " formels ", comme le dit lui-même le lieutenant Simonnet, homme d'un sang-froid remarquable, qui n'a pas perdu un instant son calme et sa pré­sence d'esprit au milieu de centaines d'Askris révoltés le menaçant de leurs baïonnettes et tirant sur lui à bout portant.

Mais ce rapport mettait directement en cause quatre très gros personnages Maghzen : l'Halef, ministre de la Guerre, oncle du Sultan; Ould-ba-Mohammed-Chergui, pacha du Mellah et caïd des Cheraga; Hadj-Brick, pacha de Fez-Djedid, et Si M'ahmed, kalifa du ministre de la Guerre : cela gênait considérablement M, Regnault !

Comment oser affirmer encore que les agents du Maghzen avaient été tout dévoués à la France et que la révolte des tabors était uniquement occasionnée par la question de l'ordinaire ?

Il y avait un moyen : faire venir le lieutenant Simonnet, qui était jeune, qui devait avoir de l'ambition, et lui faire adroitement comprendre qu'il ne s'était pas bien rendu compte de ce qui s'était passé autour de lui, qu'il s'était trompé en croyant voir quatre gros personnages Maghzen qui n'avaient jamais existé, et que, si ces person­nages étaient réellement venus, ce ne pouvait être que pour calmer les révoltés et non les exciter.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyLun 30 Juin - 8:26

264  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ

C'est ce qui fut fait. On fît appeler le lieutenant Simonnet, on lui tint le petit discours en ques­tion et on l'obligea à faire un second rapport, le premier n'étant sans doute pas assez explicite.

Avec une probité que l'on ne saurait trop admirer, avec un courage civique dont il n'a certainement même pas entrevu les dangers pos­sibles, le lieutenant Simonnet, simplement guidé par sa conscience, a rédigé le second rapport sui­vant :

Fez, 21 avril 1912.
Au moment où je me rendais vers le poste, je vis apparaître, montés sur des mules richement harna­chées, quatre cavaliers marocains, coiffés de fez et de rezzas, d'une forme et d'une blancheur impeccables; c'étaient évidemment quatre notables. Plusieurs esclaves les suivaient. Je m'enquis autour de moi; j'enten­dis prononcer le mot « halef » (ministre de la Guerre).

(Simonnet explique ensuite qu'un des cavaliers, Ould-ba-Mohammed-Chergui, restait en arrière, silen­cieux et comme atterré des événements qui se dérou­laient, sans y prendre aucune part directe. Il insiste sur cette attitude qui le frappa, dès le début, par son contraste avec celle des autres cavaliers.)

Arrivés à ma hauteur, poursuit le lieutenant Simonnet, les quatre cavaliers parurent affecter de m'igno­rer et de ne pas voir le salut que je leur adressais.
Légèrement étonné de cette attitude, l'attribuant aux graves préoccupations du moment, je ne me formali­sai pas.



265  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Persuadé d'ailleurs que ces notables étaient chargés d'une mission, j'estimai qu'il était de mon devoir et d'un intérêt supérieur de m'effacer pour ne pas les gêner dans l'accomplissement de leur mission, sans doute délicate, au succès de laquelle ma seule présence et, surtout, mon intervention, pouvaient nuire.

Déjà quelques hommes du sixième tabor les entou­raient. Je m'enquis. On me répondit que c'était l'Halef. J'entendis également les mots d'ouzir, Ould-ba-Mohammed.

Continuant leur chemin vers le centre des caser­nements de 16, les notables (hormis le quatrième toujours en arrière ne prenant pas part à la scène), penchés sur leurs selles, tantôt à droite, tantôt à gau­che, conversaient avec les hommes qui les entouraient.

Quelques minutes plus tard, en sortant du poste, une grande clameur s'éleva dans la direction de la place de rassemblement du tabor. Je me retournai et vis les hommes se précipiter, en courant, et mettre baïonnette au canon.
Je me précipitai pour barrer l'allée assez étroite aux premiers arrivants et saisis a deux mains le fusil du premier homme qui marchait sur moi, d'une façon d'ailleurs assez indécise.

Une lutte, une bousculade eurent lieu, au cours desquelles je vis nettement deux des notables, tout près de moi, exciter les hommes qui m'entouraient, me désigner du doigt en disant : « Adrob! Adrob! » (1).

Cela est formel.

C'est à ce moment que je fus enlevé par le caporal de garde et protégé par deux prisonniers que je venais de faire élargir.




_____

(1) Frappe ! Frappe !


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyLun 30 Juin - 8:39


Document hors-texte

Le cimetière juif du Mellah où la tuerie fut la plus cruelle.

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 Bascan81


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 6:49

266  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ
Si les hommes, excités par les notables, n'ont pas tiré, c'est qu'à ce moment ils ne devaient pas avoir de cartouches. Toutes, en effet, avaient été soigneusement enlevées au retour de la colonne de Sefrou et au retour de la séance de tir du matin.
D'autre part, le magasin aux cartouches était encore intact.

La majorité du tabor étant partie, entraînée par les notables et le tabor I 1 et d'autres hommes (dont les cavaliers) tirant sur les hommes de I 6 restés fidèles ou hésitants, je jugeai la situation très grave. Je fis vérifier si le magasin des cartouches était bien fermé et intact et, de concert avec le lieutenant Guillaume et les sous-officiers instructeurs présents, j'organisai la chambre du premier étage, voisine du bureau du tabor 1 6, en blockhaus, avec deux caisses de cartouches, des armes, tous résolus à nous défendre jusqu'à la dernière extrémité.

J'affirme de la façon la plus formelle qu'au moment où les notables se sont présentés, le tabor I 6, grâce aux efforts de ses instructeurs, était maintenu.

Non seulement par suite de leur intervention, les notables ont entraîné la défection du tabor I 6, mais encore ils ont nettement excité les hommes à mas­sacrer les instructeurs qui s'opposaient à leur mou­vement.

Il est juste de dire que l'attitude de Ould ba Mo­hammed a contrasté de la façon la plus nette avec celle des trois autres notables.
L'intervention de ces derniers, d'abord équivoque, est devenue nettement hostile et le fait  qu'ils  ont excité au meurtre est indiscutable. ».

Signé : Lieutenant Simonnet.




267
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE

Ce rapport est encore plus « formel » que le précédent !
Décidément, le lieutenant Simonnet ne com­prenait rien ! Une première fois, il avait crûment écrit la vérité. On lui fait remarquer gentiment que ce n'est pas bienséant, et il continue à la proclamer bien haut. C'était de la démence !

Et, qu'on veuille bien nous croire, il s'en fallut de très peu qu'on ne le fît passer pour fou.

Nous qui avons vécu, à Fez, en spectateur pas­sionné, toute cette curieuse période, nous pou­vons l'affirmer en toute sincérité.
— II ne savait pas ce qu'il disait ; son histoire ne tenait pas debout; il devait être très ému; il avait complètement travesti l'intervention bien­faisante des quatre gros personnages..., telles étaient les plus aimables des choses que nous entendions dire dans certains milieux.

Et puis, dernier argument irréfutable :
— Il ne sait seulement pas parler l'arabe, disait-on, comment donc peut-il prétendre avoir en­tendu les notables dire : « Adrob! Adrob! » (sic).

Le lieutenant Simonnet n'était évidemment pas, en arabe, de la force de Mahomet; mais il en connaissait suffisamment pour causer couram­ment avec ses hommes et comprendre tout au moins le mot Adrob, qui est presque aussi ré­pandu au Maroc que ceux de : balek, chouïa, barka et mezian !...


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 7:15

268  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

Et toujours cet argument a prévalu, pour dire que le rapport Simonnet n'avait aucune impor­tance !
Mais, poussons la complaisance jusqu'à son extrême limite et admettons pour un instant que le lieutenant Simonnet ait pu se tromper grossiè­rement.

Il y a un moyen certain de s'en rendre compte, c'est de comparer son rapport à ceux de tous les officiers ou sous-officiers qui, comme lui, ont assisté aux événements.

Que dit tout d'abord le lieutenant Guillaume, dont Simonnet invoque le témoignage dans son rapport ?

Voici :
« Tout le mouvement insurrectionnel est parti de I 1 (tabor d'infanterie n° 1), de C 4 (tabor de cavaliers n° 4) et des harrabas (peloton des élèves caporaux). Nous avons eu quelques traîtres au bataillon. Les pachas les ont découverts : à eux revient une grosse part dans la propagation de l'émeute. »




269  
LES CAUSES RÉELLES DE L'EMEUTE

Consultons maintenant d'autres rapports :

Rapport du sergent Roux, du 3e bataillon :

Des coups de fusil avaient déjà retenti : « alors je vis arriver de Bab Segma, quatre notables de la ville, montés sur des mules. J'ai demandé à mes hommes qui ils étaient. Je me rappelle les noms d'Hadj Brick et de l'IHalef qu'ils me citèrent.
Arrivés à environ cinquante mètres de la porte du canon des prières, ils s'arrêtèrent. Des notables et des civils les entourent en formant le cercle. Les notables parlèrent.

Je ne pouvais entendre ce qu'ils disaient, mais ce qui est certain, c'est que je vis tout à coup les soldats pénétrer dans la casbah, avec les notables. Quelques instants après, les soldats sortaient en masse, en se précipitant baïonnette au canon et en courant....

Un homme de mon détachement que j'avais envoyé quelques instants auparavant voir ce qui se passait, revint. Je lui demandai ce que les notables avaient dit aux soldats,
II me répondit : « ils ont dit : Aderbou ! » (1).

Signé : Sergent Roux.


Rapport du sergent Scheibel.

Vers deux heures, alors que j'étais avec le lieutenant Guillaume, parlant avec les hommes de la compagnie, les invitant à ne pas faire de scandale, j'ai vu arriver tout à coup trois individus habillés en chefs marocains.



_____

(1) Frappez !


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 7:29

Document hors-texte

L'exécution de quatre indigènes et d'un askri ayant participé directement au massacre des officiers de la mission.

Cliché L'Illustration

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 Bscan_26


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 7:44


270
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ
Ils se mirent à parler avec les hommes qui, en l'espace d'une minute, les suivirent immédiatement au pas gymnastique. A ce moment-là, il a été impossible de retenir le tabor que, jusque là, nous avions pu maîtriser et tenir rassemblé par compagnies.

Nous avons été complètement débordés; les hommes se sont rués vers la sortie de la casbah.

Quand j'ai aperçu les notables marocains, j'étais à environ trente pas d'eux. Je me suis rapproché d'eux pendant qu'ils parlaient aux hommes. Au mo­ment où ces derniers se sont rués, je n'étais plus qu'à deux pas des notables marocains. Je n'ai pas entendu ce qu'ils disaient aux hommes, mais j'ai nettement vu le geste caractéristique que faisait l'un d'eux, pour entraîner les hommes qui, à ce signal, se sont précipités. Deux notables faisaient face à la sortie, le troi­sième était en face d'eux. Le geste que j'ai nettement vu indiquait la direction de la sortie.

Signé : Sergent SCHEIBEL.


Rapport du sergent Jourlin :

Les pachas et l'Halef arrivent au quartier (à 1 h 25). Les hommes veulent rompre les rangs. Je les en em­pêche et vais prier les pachas de venir au centre de la compagnie. Ils viennent et disent qu'ils sont les soldats du Sultan et que celui-ci les prie de rester calmes.
Des mokhraznis disent quelques mots, à voix basse, aux hommes.

D'après mes renseignements, ils auraient dit :



271
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE

Vous n'êtes pas les soldats des Juifs, mais du Sultan, et il faut jeter ces gens-là dehors, - en me désignant -.

Les pachas partent entraînant à leur suite une partie du bataillon qui a pris les armes.

Signé : Sergent JOURLIN.


Rapport du lieutenant Metzinger (des Harrabas).

Arrivèrent l'Halef, El-Hadj-Brick et Ould-ba-Mohammed-Chergui qui demandèrent : " Qu'y a-t-il ? ".

Informés, ils parlèrent bas à Si Mohammed-Baghdadi (1), lui disant : « Monte à cheval, et viens avec nous ». Si Mohammed-Baghdadi se retournant vers les instructeurs, répondit : « Et ceux-là ? » Les pachas dirent : « On verra ! ».

Si Mohammed-Baghdadi parlant alors à l'adjudant, lui dit : « Si l'Halef te dit d'aller avec lui, n'y va pas; celui-là est un grand cochon (halouf) ».
Il conseilla à l'adjudant Meyre et au sergent Poyelle de monter dans le menzel et de s'y défendre avec des hommes sûrs.

Signé : Lieutenant METZINGER.


Cette déclaration est entièrement confirmée par celle de l'adjudant Meyre, disant :

Si Boutchta Bagdadi me dit : " Tu sais, si l'Halef vient te chercher, ne marche pas avec lui, c'est un cochon ".

Signé : Adjudant MEYRE.


_____

(1) Si Mohammed-Bagdadi était le grand chef marocain des tabors. Il nous resta toujours fidèle et fut, quelques jours après, nommé pacha de Fez-Bahli, en remplacement du fils El-Mokri, destitué pour avoir refusé d'obéir aux ordres qui lui étaient donnés dans le but d''empêcher l'émeute de se propager.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 7:57

272  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Rapport du maréchal des logis Belkaid.

A une heure de l'après-midi, l'Halef, accompagné du pacha de Fez-Djedid et de Ould-ba-Mohammed-Chergui, est arrivé à la kechela de Bab-Segma, a réuni le kalifa des harrabas et le caïd Relia du tabor, dans la tente de Bouchta-Baghdadi et leur a dit, à haute voix : « Laissez les hommes libres ».

Aussitôt les hommes se précipitèrent au magasin, défonçaient la porte pour s'emparer des cartouches et revenaient sur les maréchaux des logis Berlin et Belkaid, les menaçant.

Le caïd Reha m'a répété que Mohamrned-Chergui lui avait demande si ses tabors étaient assez armés et approvisionnés pour résister aux troupes françaises.


Jusqu'à présent nous avons recueilli les décla­rations des officiers et sous-officiers français di­sant que les notables s'étaient penchés vers les Askris pour leur parler à voix basse, mais qu'ils n'avaient pas pu entendre ce qu'ils disaient.
Il était intéressant de connaître les discours tenus par ces notables.

Voici quelques dépositions qui nous éclairent avec autant de précision que nous pouvions le désirer.




273  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Elles émanent de gradés marocains restés fi­dèles.

Déclarations d'El Maati Zaïani, n° matricule 105 (Mokkadem de la 3e compagnie du Tabor I 6).


El-Bouiri (l'Halef) a dit : « Pourquoi restez-vous de­bout pendant que les autres tuent les chrétiens et alors que ce « Djiffa » (charogne) est encore au milieu de vous ». Et, il désignait le sergent Jourlin qui était tout près.

Hadj-Brick a dit : « N'ayez pas peur, les portes sont ouvertes ».


Déclarations de Si Arrafa, n° matricule 262 (Katib à la 1° compagnie du tabor I 6).

On a bientôt entendu de nombreux coups de fusil tirés dans la direction du casernement des Harrabas et de Bab-Segma. Ce bruit a provoqué de la curiosité et de l'émotion. On sentait bien qu'il y avait du tu­multe, mais on n'était pas exactement renseigné. Mal­gré cette curiosité et cette inquiétude, le tabor restait dans l'ordre.

C'est l'arrivée des pachas et leurs paroles qui ont entraîné le tabor à prendre les armes et à partir....

Alors El-Bouiri (l'Halef) se tournant vers les hommes a dit : « Qu' attendez-vous ? Allez tous au dar Maghzen pour prendre des cartouches et tirer sur les Français. Les Français ne vous commandent pas. Allez ! ».
Les autres pachas et l'Halef ont dit la même chose.

Hadj-Brick a dit : « N'ayez pas peur de sortir.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 8:05

Document hors texte

Fez-el-Djedid ( le nouveau Fez), comprenant les nombreux bâtiments du Dar-el-Makhzen, ou Palais du Sultan, et le Mellah.

C'est à Fez-el-Djedid que résidait Monsieur Jean BRINGAU.
Cliché L'Illustration

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 Baasca37


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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 8:16

274  
LES JOURNEES SANGLANTES DE FEZ

Les portes sont ouvertes .
Désignant alors le sergent Jourlin, il a dit : « Que fait celui-là ici ? ».

Les soldats du tabor I 6 n'avaient pas encore de cartouches quand ils sont partis avec les pachas. Le magasin était intact. Ils sont revenus avec des cartou­ches blindées. Ils ont dit qu'El-Bouiri les leur avait distribuées au Méchouar. Ce n'est que plus tard que le magasin de cartouches du tabor I 6, qui ne conte­nait que des cartouches en plomb, non blindées, a été pillé.


Déposition d'El-Couch-ben-el-Majoub-el-Abdi, n° matricule 47 (Meazzeni de la 2° compagnie du tabor I 6).

Hadj -Brick (pacha de Fez-Djedid) a dit : « Les autres tabors ont tué leurs instructeurs et vous autres vous laissez debout ces « Djiffa » (charognes) qui sont au milieu de vous ? Allez donc au dar Maghzen. Les autres y vont. N'ayez pas peur, les portes sont ou­vertes .
J'ai vu ensuite beaucoup d'hommes revenir du Méchouar avec  des  cartouches  blindées  qui  en  prove­naient.


Bigre ! penserez-vous, mais ceux-là sont des Marocains et M. Regnault, lui-même, ne peut ce­pendant prétendre qu'ils ne connaissent point l'arabe !



275  
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE
Alors, le lieutenant Simonnet avait raison ? On a dû tenir compte de ses rapports, ainsi que de ceux du lieutenant Guillaume, du lieutenant Metzinger, du sergent Roux, du sergent Scheibel, du sergent Jourlin, de l'adjudant Meyre....

Les quatre notables ont dû être immédiatement fusil­lés après avoir passé en conseil de guerre; ils ont dû, tout au moins, être l'objet d'une enquête sévère ?...

— Vous voulez rire sans doute ? Ne vous avons-nous pas dit, depuis le commencement de ce cha­pitre, que M. Regnault, pour les besoins de sa cause, avait toujours affirmé avoir rencontré au­près du Maghzen le dévouement le plus absolu, le concours le plus entier, l'aide la plus précieuse...

— Eh bien ?...

— Eh bien ! Il ne pouvait donc accepter que l'on inquiétât quatre gros fonctionnaires de ce Maghzen, sinon toute sa théorie s'écroulait et il n'était plus en mesure de pouvoir dire que les causes imprévues de l'émeute résidaient simple­
ment dans une révolte d'Askris uniquement pro­voquée par une question d'ordinaire ou de sac.
De plus, si ces quatre gros personnages avaient été l'objet d'une enquête sérieuse, on aurait sans doute appris beaucoup de choses  gênantes, de nature même à compromettre peut-être certain personnage Maghzen plus haut placé, encore que ceux-là, et l'on aurait vu que les Askris n'avaient été qu'un instrument inconscient dont on s'était servi...


Dernière édition par Paul Casimir le Ven 4 Juil - 8:26, édité 1 fois
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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 8:25

276  
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


— Mais alors... on ne leur a rien fait ?
— Rien !
— On ne les a même pas interrogés ?
— Même pas !
— On s'est peut-être simplement contenté de les destituer ?
— Pas du tout !
— Comment? Ils seraient restés en fonctions après cela ?
— Parfaitement !...
— Mais, c'est un scandale I
— Par Allah, taisez-vous, car si vous insistiez vous prouveriez simplement que vous ne comprenez rien à la Diplomatie !



La dynastie des El-Mokri.

On voit maintenant que les Askris ne se sont mutinés qu'à l'instigation des gens du Maghzen.

L'intervention de ces derniers est d'ailleurs des plus naturelles et il faudrait, comme M. Regnault, n'avoir absolument rien compris aux choses ma­rocaines pour en être surpris et même ne pas l'avoir prévue.



277
LES CAUSES REELLES DE L'EMEUTE

Au su de tous les fonctionnaires du Maghzen, notre intervention directe dans l'administration marocaine devait marquer la fin du régime de dilapidation, de corruption, de concussion et de vol dont ils vivaient, quel que fut leur rang dans la hiérarchie administrative.

Du plus petit au plus grand, tous s'em­ployaient, par n'importe quel moyen, à s'en­richir autant qu'ils le pouvaient et le plus rapi­dement possible.

Aussi, on le comprend très bien, ce n'était pas sans un vif déplaisir qu'ils voyaient approcher l'ère nouvelle d'ordre, de justice et d'honnêteté qui devait mettre un terme à leurs procédés scan­daleux.

Donc rien de plus naturel que de les voir exci­ter les Askris à se révolter et pousser la popula­tion à se soulever contre ces Français, en qui ils ne reconnaissent pas des oppresseurs, mais des « empêcheurs de voler en rond».

II ne nous paraît pas possible de mettre en cause la personnalité même du Sultan dont les agissements, au point de vue politique, n'ont jamais pu donner lieu à la moindre accusation établie. Quand il nous a résisté, il l'a fait ouver­tement; quand il nous a combattus avec ses mehallas, c'était à visage découvert et quand il est venu à nous, il a toujours affirmé que c'était loya­lement. Son attitude après son abdication, jusqu'au jour où ces lignes ont été écrites, a tou­jours été correcte vis-à-vis de la France.



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MessageSujet: HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912.   HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 EmptyVen 4 Juil - 8:31

Document hors-texte

Le poste de T.S.F. de la ville de FEZ
Cliché l'Illustration

HUBERT-JACQUES : Les journées sanglantes de fez, avril 1912. - Page 9 Bascan83


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278
LES JOURNÉES SANGLANTES DE FEZ


Pendant l'émeute, il est resté au Palais. C'était sa place.

Mais où étaient donc tous ces fonctionnaires maghzen dont M. Regnault n'a cessé de faire les éloges, et qui auraient, d'après lui, puissamment contribué à rétablir le calme ?

Nous venons d'en voir quatre ! On est, croyons-nous, édifié sur le rôle qu'ils ont joué. Il nous paraît inutile d'insister...

Et Son Excellence El-Mokri, le grand-vizir El-Mokri, quelle fut sa conduite pendant les massa­cres ? Où était-il ?
C'est bien simple : il n'a absolument rien fait et est resté continuellement terré dans une cham­bre du Palais.

Nulle part on n'a vu Son Excellence.

Il nous semble cependant que, dès les premiers symptômes d'effervescence, sa place eût été au milieu des soldats, puis au milieu de la popula­tion, pour essayer de ramener le calme en usant de l'influence que devait lui donner son titre de grand-vizir.

On comprendrait difficilement, par exemple, qu'un jour d'émeute à Paris, le vaillant Lépine fût resté enfermé dans une cave; et, si un autre que lui avait été capable d'une pareille lâcheté, il est à supposer qu'il n'aurait pas conservé long­temps ses fonctions de grand-vizir de la Police !




279
LES CAUSES RÉELLES DE L'ÉMEUTE


Pendant toute la durée de l'émeute, on ne vit pas un seul ministre chérifien, ni un seul fonc­tionnaire du Palais, — hormis bien entendu les quatre personnages que nous venons de voir si bien opérer.

Le grand-vizir El-Mokri, tenant sans doute à conserver sa précieuse personne, ne se risqua pas au dehors. Une fonction qui permet d'amasser une petite fortune d'une centaine de millions, au moins, ne doit évidemment pas comporter le moindre péril.

Et s'il fallait encore payer quelquefois de sa personne, en allant même jusqu'à se risquer au milieu d'émeutiers pour faire son devoir, il n'y aurait plus aucun charme, aux yeux d'un El-Mokri, à être grand-vizir, et ce serait payer vrai­ment trop cher les petits bénéfices — toujours licites d'ailleurs — du métier !
Le grand-vizir Si Mohammed-El-Mokri, cet honorable fonctionnaire auquel M. Pichon fut « heureux et fier » de pouvoir conférer le grade de Grand officier de la Légion d'honneur, était aussi habile à savoir mériter l'estime des plus hauts fonctionnaires de notre diplomatie qu'il sut, par des procédés que nous aimons à croire tout différents, entrer dans les bonnes grâces de son ancien sultan Abd-el-Aziz.



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